Le mot ≪
nature
≫ peut designer la composition et la matiere d'une chose (ce qu'elle est, son
essence
), ou l'origine et le devenir d'une chose, ou l'ensemble du reel independant de la culture humaine, ou l'ensemble des systemes et des phenomenes naturels
[
1
]
,
[
2
]
: le mot est donc
polysemique
, c’est-a-dire qu'il a plusieurs
sens
.
Au
sens commun
, la nature peut regrouper :
- l'
environnement biophysique
, l'
habitat
et les milieux dit naturels (
terrestres
), aquatiques ou marin ; preserves (a forte
naturalite
) et degrades ;
- les
paysages
sauvages, les paysages amenages et alteres ;
- les ≪ forces ≫ et principes
physiques
,
geologiques
,
tectoniques
,
meteorologiques
,
biologiques
, l'
evolution
qui constituent l'univers et celles qui animent les
ecosystemes
et la
biosphere
sur la
Terre
;
- les milieux (
eau
,
air
,
sol
,
mer
, monde
mineral
) ;
- les groupes d'especes, les individus et les mondes qui les abritent :
vegetal
(
forets
…),
animal
, incluant l'
espece humaine
et l'
environnement
humain et les autres niveaux trophiques dont le
fongique
, le
bacterien
et le
microbien
;
- certains phenomenes episodiques de la nature (crises, cycles
glaciations
/
rechauffement climatique
,
cycles geologiques
,
cycle sylvigenetique
,
incendies
d'origine non-humaine,
etc.
).
Face au constat des repercussions negatives des activites humaines sur l'
environnement biophysique
et la perte acceleree de
naturalite
et de
biodiversite
au cours des dernieres decennies, la
protection de la nature
et des milieux naturels, la sauvegarde des
habitats
et des especes, la mise en place d'un
developpement durable
et raisonnable et l'
education a l'environnement
sont devenues des demandes pour une grande partie des
citoyens
de la plupart des pays industrialises. Les principes de l'
ethique environnementale
, de nouvelles lois et des chartes de
protection de l'environnement
fondent le developpement d'une ideologie culturelle humaine en relation avec la biosphere.
Les conceptions de la nature peuvent differer entre les cultures ainsi qu'au sein d'une meme culture
[
3
]
. C'est par exemple le cas en Asie de l'Est et en Asie du Sud-Est
[
3
]
.
Si l'etymologie du terme
≪ nature ≫
est relativement bien connue, l'evolution de son sens est beaucoup plus complexe a determiner, et ce terme a connu des significations tres differentes voire contradictoires pendant son histoire
[
1
]
.
Le mot
nature
est atteste en
francais
depuis 1119
[
4
]
. Il vient du
latin
natura
, qui designait
≪ le cours des choses ; le caractere naturel, la constitution, la qualite ; l'univers ≫
et litteralement
≪ naissance ≫
. Le terme vient lui-meme du verbe
nascor
(
≪ naitre ≫
), ici au
supin
[
1
]
. Si ce terme signifie essentiellement le
≪ caractere inne ≫
au
II
e
siecle avant notre ere, le latin classique, notamment par le biais de
Ciceron
, va l'enrichir de tous les sens du terme grec
phusis
, beaucoup plus complexe et obscur et dont il devient la traduction en philosophie latine
[
1
]
.
Phusis
vient du verbe
phuein
.
Phuein
, c'est l'eclosion, ce qui se manifeste en revelant ce qui etait contenu dans la semence ; ainsi, le
phuein
, c'est le propre de la plante qui croit a partir de soi-meme, qui a son centre de changement a l'interieur et non pas a l'exterieur, comme une pierre. Pour
Maurice Merleau-Ponty
, cette parente de la
phusis
et du vegetal fait que
≪ est nature ce qui a un sens, sans que ce sens ait ete pose par la pensee. C'est l'autoproduction d'un sens ≫
[
5
]
.
Le terme
phusis
vient en outre de la racine indo-europeenne *
bh?
qui renvoie au fait de croitre, en particulier s'agissant de la vegetation
[
6
]
. Cette racine est egalement presente dans le p?li
sabhava
et dans le sanscrit
svabh?va
, lesquels renvoient a la nature propre d'une chose
[
7
]
.
Cette etymologie indique que les anciens grecs et romains avaient une conception dynamique,
≪
vitaliste
≫
de la nature
[
1
]
, conception selon laquelle le vivant n'est pas reductible aux lois physico-chimiques de la matiere
[
8
]
. Pour les grecs de l'antiquite,
Aristote
en particulier, la nature est une puissance d'engendrement des etres, mais cette puissance n'est pas separee des choses elles-memes, elle leur est
≪ immanente ≫
:
≪ chaque etre naturel a en soi-meme un principe de mouvement et de repos ≫
[
9
]
.
Aristote enumere cependant plusieurs definitions differentes de la nature, et introduit une opposition entre le naturel et l'artificiel : le naturel est ce qui est produit par la
phusis
, ce qui existe par soi-meme, l'artificiel est ce qui est produit par la
techne
, par l'action et le travail (d'humains, d'animaux ou de dieux). C'est cette opposition qui sera plus tard reprise dans la philosophie romaine par
Ciceron
a travers l'opposition nature/culture
[
1
]
.
Cette premiere approche dynamique et vitaliste s'est estompee au
XVII
e
siecle
ou le mot devient synonyme d'univers materiel, regle par des lois
[
1
]
. C'est ainsi que
Fontenelle
, apres
Descartes
, dira que
≪ la nature est en grand ce qu'une montre est en petit ≫
[
10
]
. Mais si cette vision
mecaniste
de la nature reste encore largement repandue, elle a ete critiquee par la generation romantique au debut du
XIX
e
siecle
, et notamment par
Engels
dans son
Anti-Duhring
[
11
]
: pour lui il faut concevoir la nature, aussi bien sur terre que dans l'univers comme un processus evolutif, historique et dialectique : rien dans la nature ne reste identique a soi, tout change et se transforme en permanence. Cette nouvelle approche redevenue dynamique s'illustrera pendant tout le
XIX
e
siecle, notamment a travers
Darwin
qui instaure, dans la foulee de
Buffon
, une approche historique de la nature, qui n'est des lors plus fixe : les especes evoluent en permanence, ainsi que les milieux dans lesquels elles vivent. Tandis que Darwin se concentre sur l'histoire des etres, celle des roches sera illustree par
Alfred Wegener
, qui theorise la
derive des continents
.
La nature est un objet d'investigation de la
philosophie
depuis l'epoque des
presocratiques
. Les
physiologues
menent une enquete rationnelle sur l'origine et les causes de l'etre et du non-etre, qui recoupent la nature et son absence. Les grands penseurs, d'
Aristote
a
Emmanuel Kant
, en passant par
Rene Descartes
et
Arthur Schopenhauer
, ont theorise la nature
[
12
]
.
Plus recemment, des recherches se sont interessees aux conceptions de la nature dans d'autres cultures soulignant l'importance de tels travaux pour la mise en place des politiques environnementales ainsi que pour leur acceptation par les populations locales
[
7
]
.
La nature recouvre les realites suivantes :
La Terre est la seule
planete
connue pour abriter la vie et ses caracteristiques naturelles font l'objet de nombreuses recherches scientifiques. Au sein du
Systeme solaire
, c'est la troisieme la plus proche du
Soleil
; c'est la plus grande
planete tellurique
et la cinquieme plus grande de toutes. Ses principales caracteristiques climatiques sont la presence de deux grandes regions polaires, deux zones
temperees
relativement etroites et une vaste
region equatoriale
tropicale
a
subtropicale
[
13
]
[ref. a confirmer]
. Les
precipitations
varient considerablement selon l'endroit, de plusieurs metres d'eau par annee a moins d'un millimetre
[ref. necessaire]
. 71 % de la surface de la Terre est recouverte d'oceans d'eau salee. Le reste est constitue de continents et d'iles
[ref. necessaire]
, la majeure partie des terres habitees se trouvant dans l'
hemisphere Nord
[pertinence contestee]
.
La Terre a evolue grace a des processus geologiques et biologiques qui ont laisse des traces des conditions originales. La
surface exterieure
est divisee en plusieurs
plaques tectoniques
qui migrent progressivement. L'interieur reste actif, avec une epaisse couche de
manteau
en
convection
et un noyau rempli de fer qui engendre un
champ magnetique
. Ce noyau de fer est compose d'une phase interne solide et d'une phase externe fluide. Le mouvement de convection dans le noyau genere des courants electriques par dynamo qui, a leur tour, engendrent le champ geomagnetique
[ref. necessaire]
.
Les conditions
atmospheriques
ont ete considerablement modifiees par rapport aux conditions d'origine par la presence de formes de vie
[
14
]
, ce qui cree un equilibre ecologique qui stabilise les conditions de surface. Malgre les grandes variations regionales du climat selon la
latitude
et d'autres facteurs geographiques, le climat mondial moyen a long terme est assez stable pendant les periodes interglaciaires
[
15
]
, et les variations d'un degre ou deux de la temperature moyenne mondiale ont eu historiquement des effets majeurs sur l'equilibre ecologique et sur la geographie de la Terre
[
16
]
,
[
17
]
.
Voir :
Le caractere imprecis de la definition meme de
≪ Nature ≫
entretient une ambiguite dans la relation entre Hommes et Nature
[
1
]
.
La
biosphere
terrestre etant de plus en plus marquee par l'empreinte de l'Homme, il devient de plus en plus difficile d'y trouver des espaces purement
≪ naturels ≫
au sens de
≪ depourvus d'influence humaine ≫
. La nature au sens le plus strict est refoulee d'une part vers le bas, dans le sous-sol lointain et les grands fonds oceaniques, et d'autre part vers le haut, dans l'espace intersideral. Les phenomenes climatiques eux-memes ne sont plus consideres comme independants de l'activite humaine.
D'un autre cote, le concept est souvent employe dans un sens derive pour designer des espaces amenages par l'homme mais dans lesquels une large place est reservee a des peuplements vegetaux et animaux ; c'est ainsi qu'on peut parler de
nature
a propos d'une foret, meme si elle est cultivee et exploitee depuis des siecles, et qu'on qualifie meme de
parcs naturels
des territoires ou s'exercent des activites agricoles intensives dotees de moyens mecaniques et chimiques modernes. Dans ce cas, le qualificatif
naturel
designe certaines caracteristiques paysageres (variables selon le lieu et sans definition universelle) et n'implique pas l'absence d'artifice humain. Il fait reference a un mode de gestion de l'espace par l'Homme, plutot qu'a une absence d'intervention humaine.
Le mot
naturel
a egalement ete employe a l'epoque coloniale dans un sens equivalent a celui du mot anglais
native
, c'est-a-dire au sens etymologique, pour designer les habitants
natifs
des pays colonises. Cette appellation, qui ne se voulait pas injurieuse, avait cependant une connotation raciste dans la mesure ou elle suggerait que ces hommes vivaient dans des conditions plus ≪ proches de la nature ≫ que les autres. Dans le meme ordre d'idees, l'imagination populaire represente souvent les hommes de la
Prehistoire
comme plus
naturels
que les hommes d'aujourd'hui, suggerant que la nature correspond a un etat
primitif
dont le
progres
amene ineluctablement a s'eloigner.
L'idee de
nature
a ete remaniee par la culture urbaine a travers la notion mythique de
sauvagerie
designant de maniere generale ce qui est exterieur a la civilisation. Le fait que le meme mot
sauvage
soit utilise d'une part comme un synonyme de
naturel
et d'autre part pour qualifier des actes particulierement violents ou cruels (meme s'ils sont commis dans des societes urbaines avec des moyens techniques sophistiques) met bien en evidence une certaine tradition ideologique qui place plus ou moins consciemment du cote de la
nature
ce qui est
etranger
a la culture dominante et/ou
mauvais
. Paradoxalement, il se trouve aussi que, dans d'autres contextes, le mot
naturel
est employe dans la langue populaire comme un synonyme de
normal
,
legitime
ou
logique
; la Nature, lieu de la sauvagerie, est donc aussi celui du bon sens fondamental et, par voie de consequence, elle est la source des principes les plus legitimes de l'Homme civilise.
Le developpement des sciences et des techniques au cours des deux derniers siecles a ete, de son cote, largement accompagne par une ideologie d'opposition entre l'Homme et la Nature, la connaissance etant generalement percue comme un instrument de
domination
de la Nature plutot que comme un moyen de vivre en harmonie avec elle. Cette epoque a vu aussi se developper la philosophie du
droit naturel
, dont decoulent notamment les
droits de l'homme
et selon laquelle l'Homme se verrait attribuer
par nature
des prerogatives immuables ; mais ici le paradoxe n'est qu'apparent, car dans ce contexte la notion de
nature
est employee dans le sens de
nature humaine
, et n'implique aucune espece de ≪ reconciliation ≫ avec la Nature (la promotion des
droits de l'homme
est d'ailleurs, jusqu'a present, independante de toute preoccupation environnementale)
[
18
]
.
En fait, la distinction entre l'humain et le naturel repose essentiellement sur des notions historiques et subjectives, voire contradictoires. La question de son bien-fonde universel reste ouverte. La distinction (parfois concue comme une opposition) a ete inspiree et justifiee par le besoin, d'origine religieuse ou decoulant de certaines formes d'
humanisme
, de representer l'Homme comme un etre en-dehors ou au-dessus de la Nature meme si par ailleurs l'Homme n'est pas separable de son environnement naturel avec lequel il est en interaction permanente et dont il ne peut pas plus s'affranchir que n'importe quelle autre espece vivante
[
1
]
.
Voir les themes suivants :
La Nature dans le droit et la jurisprudence
[
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|
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]
La
foret
, strategiquement importante pour la fourniture du bois, a fait l'objet d'une protection fonciere particuliere, renforcee en France depuis
Colbert
au
XVII
e
siecle. Recemment, le
genome
des especes sauvages ou domestiques a pris une valeur juridique particuliere avec une
privatisation
permise par ≪ marques ≫ de propriete d'
hybrides
et varietes vegetales ≪ creees ≫ (ou isolees) par les
semenciers
puis les premieres autorisations de
brevetage du vivant
. Mais la faune, la flore, la fonge et les organismes vivant sont encore en France et dans de nombreux pays considere par le legislateur comme
res nullius
(chose sans proprietaire).
Depuis peu, et au niveau international, ils tendent cependant a etre identifies comme une partie du
bien commun
, qu'est la biodiversite, source de
services ecosystemiques
; ce qui donne une ≪ valeur ≫ nouvelle a la nature, notamment marquee en Europe par les directives Habitat ou Oiseaux.
La ≪ Nature ≫ a recemment dans plusieurs pays, dont en France acquis un droit de
protection
, puis de representation, assimilable dans une certaine mesure et dans certains cas a celui des droits des ≪ victimes ≫. Ainsi, les
amenageurs
doivent
prospectivement
appliquer le principe ≪
eviter > reduire > compenser
≫ les impacts ecologiques lors des grands projets
[
19
]
. Et, en cas de pollution ou de catastrophe, le
pollueur
doit maintenant prendre en charge des
compensations
et/ou reparations. Theoriquement, cela se fait selon le
principe pollueur-payeur
, qui reste cependant difficile a appliquer quand la pollution est ancienne ou diffuse.
Le principe de ≪
prejudice ecologique
≫ a ete en France, en 2012, confirme par la
Cour de Cassation
lors du proces de l'
Erika
.
Interaction des communautes humaines avec la nature
[
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]
La
notion
de nature renvoie
a priori
a l’idee d’un domaine ayant ses propres principes de developpement, qui serait hors de l’action de l’
homme
. Or, on realise aujourd'hui que le changement climatique a une origine
anthropique
. L’idee de nature n’est donc pas suffisante. Il y a une complementarite et une interaction entre la nature et les communautes humaines. L’esquisse de cette complementarite reciproque peut s'eclairer avec la notion de
culture
ecologique.
On constate par exemple que les notions de patrimoine naturel et de
patrimoine culturel
sont intimement liees, en observant le
patrimoine mondial
de l'
UNESCO
qui dresse une liste de sites naturels et culturels.
La convention de 2007 de l'UNESCO souligne l'interaction des communautes humaines avec la nature, dans la definition qui a ete donnee du patrimoine culturel immateriel :
- ≪ Ce patrimoine culturel immateriel, transmis de generation en generation, est recree en permanence par les communautes et groupes en fonction de leur milieu, de leur
interaction avec la nature
et de leur
histoire
, et leur procure un sentiment d'identite et de continuite, contribuant ainsi a promouvoir le respect de la
diversite culturelle
et la creativite humaine ≫.
Voir aussi :
Culture et nature
La notion de
culture
recouvre deux sens :
Le premier correspond a l’idee de
civilisation
. Cette idee est aussi ancienne que l'histoire de l'humanite, mais a trouve une nouvelle signification avec la Philosophie des
Lumieres
. Dans ce sens, la culture est le trait distinctif de l’
espece
humaine, associe a ses savoirs et savoir-faire. Cette conception francaise de la culture serait plutot individualiste.
Le second est le sens allemand, emergeant sous l’influence du
romantisme
. La culture est la configuration particuliere de croyances coutumieres, traits materiels, organisations sociales… elle est une totalite singuliere, une sphere autonome incommensurables avec d’autres totalites. Cette conception plus collective s'oppose a la conception francaise.
Dans
Les Mots et les Choses
,
Michel Foucault
definit l’
anthropologie
comme l’etude des rapports entre la nature et la
culture
. Globalement on peut apprehender cette question en distinguant les anthropologies materialistes et les anthropologies
symbolistes
.
Les anthropologies materialistes s’interessent aux fonctions structurantes de la vie materielle. L’idee sous-jacente est que la nature est un determinant de base : elle y est definie en termes ethnocentrique, comme etant le moteur de la vie sociale. On y trouve l’anthropologie marxiste des annees 1970 en France, pour laquelle la nature est une donnee brute qui peut etre appropriee ou transformee, et l’environnement naturel est une precondition de l’environnement economique. On trouve aussi la sociobiologie et l’ecologie culturelle, entre lesquelles on souligne un certain parallele puisque pour les deux, la cause ultime des comportements revient au champ de la nature. Dans tous les cas, pour les anthropologies materialistes, la culture est une forme particuliere d’adaptation a une nature qui serait partout un element determinant et conditionnant.
Les
anthropologies
symbolistes s’interessent aux caracteres
symboliques
de la vie sociale. Elles mettent l’accent sur les aptitudes des hommes a creer un
monde
de signification et d’intentionnalites dependant des determinations brutes de la nature.
Dans Anthropologie Structurale 2,
Levi-Strauss
dit que l’anthropologie est la discipline qui pense la relation entre la nature et la
culture
. La dichotomie nature / culture soulevee, l’opposition nature / culture suggere deux possibilites. Soit la
culture
est ce qui donne un sens a nature (la culture impose sa signification a la nature). Soit la nature determine les rapports sociaux (la nature donne forme a la culture).
L’opposition nature/culture comme outil analytique
[
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]
La dichotomie nature /
culture
utilisee comme outil analytique est en partie derivee de
Claude Levi-Strauss
. Il l’a notamment utilisee comme operateur central pour decoder les mythologies. Celui-ci a ete reconnu pertinent par les ethnologues de ces societes amerindiennes. La
mythologie
retrace la construction de la nature sur un fond initial d’indifferenciation culturelle (ainsi, dans les mythes amerindiens, au debut les animaux et les hommes avaient la meme apparence). Chez Levi-Strauss, l’opposition, la ou elle est pertinente, c’est-a-dire dans les mythes, n’est qu’une facon de mettre une etiquette sur des contrastes.
L’ecologie culturelle donne un credit illimite a la nature. L’anthropologie structurale, a ce propos, n’oppose pas une forme d’idealisme mais aussi un naturalisme, mais un naturalisme de principe. Levi-Strauss n’a jamais varie dans l’idee que la nature conditionne les operations intellectuelles, la nature devenant donc une construction empirique. L’etude naturaliste doit permettre de comprendre la structure des groupes culturels. Ce qui interesse Levi-Strauss est de rendre compte de la maniere dont l’esprit opere dans des contextes culturels et geographiques distincts (ex : les Mythologiques). La mythologie revele dans une forme epuree les operations d’un esprit qui n’est plus condamne a mettre en ordre, mais qui peut ≪ jouer ≫ avec les regles de fonctionnement de la pensee.
La dichotomie nature /
culture
est une specificite culturelle occidentale developpee en Europe a partir de la
Renaissance
puis en Occident moderne de
Descartes
a
Darwin
, qui s’est repandue dans le monde entier, en meme temps que s’accroissait l’influence politique, culturelle et commerciale de l’Occident (
Grandes decouvertes
,
colonisation
, science occidentale), mais qui n'est pas partagee universellement
[
1
]
,
[
20
]
. Ce paradigme n’est pas simplement un outil analytique parmi d’autres, il est aussi la clef de voute de l’epistemologie moderne. Ainsi,
Philippe Descola
dans
Par-dela nature et culture
(2005) distingue quatre ≪ modes d’identification ≫ qui sont le
totemisme
, l’
animisme
, l'
analogisme
et le
naturalisme
. Selon lui, seule la societe naturaliste (occidentale) produit cette frontiere entre soi et autrui a travers l’idee de ≪ nature ≫ dans le sens de
≪ ce qui ne releve pas de la culture ≫
, ce qui ne releve pas des traits distinctifs de l’espece humaine, et des savoirs et savoir-faire humains (une des quatre definitions enumerees plus haut)
[
1
]
.
Son usage comme outil analytique en ethnologie a parfois ete fecond. Toutefois, et Descola l’a montre dans
Par-dela nature et culture
, l’idee de nature est etrangere a de nombreuses societes. Par ailleurs, la notion meme de nature est contestee par certains courants de pensee ecologistes, comme l’
ecofeminisme
: en permettant l’
anthropocentrisme
, qui induit une separation fondamentale entre l’homme et son environnement, et en rendant le premier fondamentalement superieur, la dichotomie nature / culture viendrait legitimer l’
exploitation
capitaliste et patriarcale, par l’homme, des femmes et de son environnement. D’autres courants de pensee interrogent egalement cette dichotomie, notamment par le slogan
zadiste
≪ Nous ne defendons pas la nature, nous sommes la nature qui se defend ≫
[
21
]
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Frederic Ducarme et Denis Couvet, ≪
What does "nature" mean ?
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