Nature

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Gold Creek   (en) en Alaska .
Les grandes forces du monde physique sont habituellement considerees comme ≪ naturelles ≫  ; individuellement, les humains n'ont pas ou tres peu de prise sur elles.
Cellules cycloniques. Les phenomenes meteorologiques et le climat sont aujourd'hui affectes par les activites humaines.
Pediastrum boryanum . Les processus naturels dependent d'interactions complexes entre les especes et les milieux, a toutes les echelles, de l'infiniment petit a la biosphere . Ainsi le plancton interfere-t-il avec le climat et reciproquement, via des processus naturels que les humains modifient, par exemple par la surpeche , l' eutrophisation et les emissions de gaz a effet de serre .
Dans la Nature, le recyclage de la matiere organique et de la necromasse est un processus vital. Il est notamment assure par les champignons et les bacteries  ; la biodiversite est une des conditions d'auto-entretien de ce processus.
L'un des enjeux du developpement durable est la conservation des processus naturels vitaux pour le maintien de la vie sur la planete : il s'agit de resoudre les conflits entre nature et artificialisation, notamment dans le domaine agricole et forestier (ici en Pennsylvanie ).
La nature sauvage est de plus en plus confinee par l'Homme sur des espaces reduits ( parcs et reserves naturelles dont les limites sont en fait artificielles), ce qui pose des problemes ecologiques (dont genetiques , sanitaires) et ethiques .
L'urbanisation, la periurbanisation (ici de Chicago ) et la fragmentation des milieux naturels par les reseaux de transport sont devenues une menace pour la nature et ses processus. Ce sont aussi des defis pour le developpement durable.
Le saumon consomme est de plus en plus du saumon d'elevage, le saumon sauvage ne trouvant plus les conditions naturelles qui lui sont necessaires, ou ayant localement disparu, a cause d'une surpeche . L'elevage (ici la pisciculture ) cherche a se substituer a des processus naturels et a les maitriser pour les utiliser au profit de l'Homme. La reintroduction est une strategie complementaire visant a restaurer les processus naturels.
Cathedral Canyon ( Arizona ), ensemble naturel forme par le temps.
L'univers profond vu par le telescope Hubble . L'Homme etudie les forces naturelles qui animent l'univers. Il y recherche notamment des indices d'existence d'autres formes de vie.

Le mot ≪  nature  ≫ peut designer la composition et la matiere d'une chose (ce qu'elle est, son essence ), ou l'origine et le devenir d'une chose, ou l'ensemble du reel independant de la culture humaine, ou l'ensemble des systemes et des phenomenes naturels [ 1 ] , [ 2 ]  : le mot est donc polysemique , c’est-a-dire qu'il a plusieurs sens .

Au sens commun , la nature peut regrouper :

Face au constat des repercussions negatives des activites humaines sur l' environnement biophysique et la perte acceleree de naturalite et de biodiversite au cours des dernieres decennies, la protection de la nature et des milieux naturels, la sauvegarde des habitats et des especes, la mise en place d'un developpement durable et raisonnable et l' education a l'environnement sont devenues des demandes pour une grande partie des citoyens de la plupart des pays industrialises. Les principes de l' ethique environnementale , de nouvelles lois et des chartes de protection de l'environnement fondent le developpement d'une ideologie culturelle humaine en relation avec la biosphere.

Les conceptions de la nature peuvent differer entre les cultures ainsi qu'au sein d'une meme culture [ 3 ] . C'est par exemple le cas en Asie de l'Est et en Asie du Sud-Est [ 3 ] .

Etymologie et evolution du sens [ modifier | modifier le code ]

Si l'etymologie du terme ≪ nature ≫ est relativement bien connue, l'evolution de son sens est beaucoup plus complexe a determiner, et ce terme a connu des significations tres differentes voire contradictoires pendant son histoire [ 1 ] .

Le mot nature est atteste en francais depuis 1119 [ 4 ] . Il vient du latin natura , qui designait ≪ le cours des choses ; le caractere naturel, la constitution, la qualite ; l'univers ≫ et litteralement ≪ naissance ≫ . Le terme vient lui-meme du verbe nascor ( ≪ naitre ≫ ), ici au supin [ 1 ] . Si ce terme signifie essentiellement le ≪ caractere inne ≫ au II e  siecle avant notre ere, le latin classique, notamment par le biais de Ciceron , va l'enrichir de tous les sens du terme grec phusis , beaucoup plus complexe et obscur et dont il devient la traduction en philosophie latine [ 1 ] . Phusis vient du verbe phuein . Phuein , c'est l'eclosion, ce qui se manifeste en revelant ce qui etait contenu dans la semence ; ainsi, le phuein , c'est le propre de la plante qui croit a partir de soi-meme, qui a son centre de changement a l'interieur et non pas a l'exterieur, comme une pierre. Pour Maurice Merleau-Ponty , cette parente de la phusis et du vegetal fait que ≪ est nature ce qui a un sens, sans que ce sens ait ete pose par la pensee. C'est l'autoproduction d'un sens ≫ [ 5 ] .

Le terme phusis vient en outre de la racine indo-europeenne * bh? qui renvoie au fait de croitre, en particulier s'agissant de la vegetation [ 6 ] . Cette racine est egalement presente dans le p?li sabhava et dans le sanscrit svabh?va , lesquels renvoient a la nature propre d'une chose [ 7 ] .

Cette etymologie indique que les anciens grecs et romains avaient une conception dynamique, ≪  vitaliste  ≫ de la nature [ 1 ] , conception selon laquelle le vivant n'est pas reductible aux lois physico-chimiques de la matiere [ 8 ] . Pour les grecs de l'antiquite, Aristote en particulier, la nature est une puissance d'engendrement des etres, mais cette puissance n'est pas separee des choses elles-memes, elle leur est ≪ immanente ≫  : ≪ chaque etre naturel a en soi-meme un principe de mouvement et de repos ≫ [ 9 ] .

Aristote enumere cependant plusieurs definitions differentes de la nature, et introduit une opposition entre le naturel et l'artificiel : le naturel est ce qui est produit par la phusis , ce qui existe par soi-meme, l'artificiel est ce qui est produit par la techne , par l'action et le travail (d'humains, d'animaux ou de dieux). C'est cette opposition qui sera plus tard reprise dans la philosophie romaine par Ciceron a travers l'opposition nature/culture [ 1 ] .

Cette premiere approche dynamique et vitaliste s'est estompee au XVII e  siecle ou le mot devient synonyme d'univers materiel, regle par des lois [ 1 ] . C'est ainsi que Fontenelle , apres Descartes , dira que ≪ la nature est en grand ce qu'une montre est en petit ≫ [ 10 ] . Mais si cette vision mecaniste de la nature reste encore largement repandue, elle a ete critiquee par la generation romantique au debut du XIX e  siecle , et notamment par Engels dans son Anti-Duhring [ 11 ]  : pour lui il faut concevoir la nature, aussi bien sur terre que dans l'univers comme un processus evolutif, historique et dialectique : rien dans la nature ne reste identique a soi, tout change et se transforme en permanence. Cette nouvelle approche redevenue dynamique s'illustrera pendant tout le XIX e  siecle, notamment a travers Darwin qui instaure, dans la foulee de Buffon , une approche historique de la nature, qui n'est des lors plus fixe : les especes evoluent en permanence, ainsi que les milieux dans lesquels elles vivent. Tandis que Darwin se concentre sur l'histoire des etres, celle des roches sera illustree par Alfred Wegener , qui theorise la derive des continents .

Philosophie de la nature [ modifier | modifier le code ]

La nature est un objet d'investigation de la philosophie depuis l'epoque des presocratiques . Les physiologues menent une enquete rationnelle sur l'origine et les causes de l'etre et du non-etre, qui recoupent la nature et son absence. Les grands penseurs, d' Aristote a Emmanuel Kant , en passant par Rene Descartes et Arthur Schopenhauer , ont theorise la nature [ 12 ] .

Plus recemment, des recherches se sont interessees aux conceptions de la nature dans d'autres cultures soulignant l'importance de tels travaux pour la mise en place des politiques environnementales ainsi que pour leur acceptation par les populations locales [ 7 ] .

Composantes de la nature [ modifier | modifier le code ]

La nature recouvre les realites suivantes :

Terre [ modifier | modifier le code ]

Vue de la Terre prise 1972 par l'equipage d' Apollo 17 .

La Terre est la seule planete connue pour abriter la vie et ses caracteristiques naturelles font l'objet de nombreuses recherches scientifiques. Au sein du Systeme solaire , c'est la troisieme la plus proche du Soleil  ; c'est la plus grande planete tellurique et la cinquieme plus grande de toutes. Ses principales caracteristiques climatiques sont la presence de deux grandes regions polaires, deux zones temperees relativement etroites et une vaste region equatoriale tropicale a subtropicale [ 13 ] [ref. a confirmer] . Les precipitations varient considerablement selon l'endroit, de plusieurs metres d'eau par annee a moins d'un millimetre [ref. necessaire] . 71 % de la surface de la Terre est recouverte d'oceans d'eau salee. Le reste est constitue de continents et d'iles [ref. necessaire] , la majeure partie des terres habitees se trouvant dans l' hemisphere Nord [pertinence contestee] .

La Terre a evolue grace a des processus geologiques et biologiques qui ont laisse des traces des conditions originales. La surface exterieure est divisee en plusieurs plaques tectoniques qui migrent progressivement. L'interieur reste actif, avec une epaisse couche de manteau en convection et un noyau rempli de fer qui engendre un champ magnetique . Ce noyau de fer est compose d'une phase interne solide et d'une phase externe fluide. Le mouvement de convection dans le noyau genere des courants electriques par dynamo qui, a leur tour, engendrent le champ geomagnetique [ref. necessaire] .

Les conditions atmospheriques ont ete considerablement modifiees par rapport aux conditions d'origine par la presence de formes de vie [ 14 ] , ce qui cree un equilibre ecologique qui stabilise les conditions de surface. Malgre les grandes variations regionales du climat selon la latitude et d'autres facteurs geographiques, le climat mondial moyen a long terme est assez stable pendant les periodes interglaciaires [ 15 ] , et les variations d'un degre ou deux de la temperature moyenne mondiale ont eu historiquement des effets majeurs sur l'equilibre ecologique et sur la geographie de la Terre [ 16 ] , [ 17 ] .

Voir :

Biosphere [ modifier | modifier le code ]

Vie [ modifier | modifier le code ]

Humains et nature : l'environnement [ modifier | modifier le code ]

Une relation ambigue [ modifier | modifier le code ]

Le caractere imprecis de la definition meme de ≪ Nature ≫ entretient une ambiguite dans la relation entre Hommes et Nature [ 1 ] .

La biosphere terrestre etant de plus en plus marquee par l'empreinte de l'Homme, il devient de plus en plus difficile d'y trouver des espaces purement ≪ naturels ≫ au sens de ≪ depourvus d'influence humaine ≫ . La nature au sens le plus strict est refoulee d'une part vers le bas, dans le sous-sol lointain et les grands fonds oceaniques, et d'autre part vers le haut, dans l'espace intersideral. Les phenomenes climatiques eux-memes ne sont plus consideres comme independants de l'activite humaine.

D'un autre cote, le concept est souvent employe dans un sens derive pour designer des espaces amenages par l'homme mais dans lesquels une large place est reservee a des peuplements vegetaux et animaux ; c'est ainsi qu'on peut parler de nature a propos d'une foret, meme si elle est cultivee et exploitee depuis des siecles, et qu'on qualifie meme de parcs naturels des territoires ou s'exercent des activites agricoles intensives dotees de moyens mecaniques et chimiques modernes. Dans ce cas, le qualificatif naturel designe certaines caracteristiques paysageres (variables selon le lieu et sans definition universelle) et n'implique pas l'absence d'artifice humain. Il fait reference a un mode de gestion de l'espace par l'Homme, plutot qu'a une absence d'intervention humaine.

Le mot naturel a egalement ete employe a l'epoque coloniale dans un sens equivalent a celui du mot anglais native , c'est-a-dire au sens etymologique, pour designer les habitants natifs des pays colonises. Cette appellation, qui ne se voulait pas injurieuse, avait cependant une connotation raciste dans la mesure ou elle suggerait que ces hommes vivaient dans des conditions plus ≪ proches de la nature ≫ que les autres. Dans le meme ordre d'idees, l'imagination populaire represente souvent les hommes de la Prehistoire comme plus naturels que les hommes d'aujourd'hui, suggerant que la nature correspond a un etat primitif dont le progres amene ineluctablement a s'eloigner.

L'idee de nature a ete remaniee par la culture urbaine a travers la notion mythique de sauvagerie designant de maniere generale ce qui est exterieur a la civilisation. Le fait que le meme mot sauvage soit utilise d'une part comme un synonyme de naturel et d'autre part pour qualifier des actes particulierement violents ou cruels (meme s'ils sont commis dans des societes urbaines avec des moyens techniques sophistiques) met bien en evidence une certaine tradition ideologique qui place plus ou moins consciemment du cote de la nature ce qui est etranger a la culture dominante et/ou mauvais . Paradoxalement, il se trouve aussi que, dans d'autres contextes, le mot naturel est employe dans la langue populaire comme un synonyme de normal , legitime ou logique  ; la Nature, lieu de la sauvagerie, est donc aussi celui du bon sens fondamental et, par voie de consequence, elle est la source des principes les plus legitimes de l'Homme civilise.

Le developpement des sciences et des techniques au cours des deux derniers siecles a ete, de son cote, largement accompagne par une ideologie d'opposition entre l'Homme et la Nature, la connaissance etant generalement percue comme un instrument de domination de la Nature plutot que comme un moyen de vivre en harmonie avec elle. Cette epoque a vu aussi se developper la philosophie du droit naturel , dont decoulent notamment les droits de l'homme et selon laquelle l'Homme se verrait attribuer par nature des prerogatives immuables ; mais ici le paradoxe n'est qu'apparent, car dans ce contexte la notion de nature est employee dans le sens de nature humaine , et n'implique aucune espece de ≪ reconciliation ≫ avec la Nature (la promotion des droits de l'homme est d'ailleurs, jusqu'a present, independante de toute preoccupation environnementale) [ 18 ] .

En fait, la distinction entre l'humain et le naturel repose essentiellement sur des notions historiques et subjectives, voire contradictoires. La question de son bien-fonde universel reste ouverte. La distinction (parfois concue comme une opposition) a ete inspiree et justifiee par le besoin, d'origine religieuse ou decoulant de certaines formes d' humanisme , de representer l'Homme comme un etre en-dehors ou au-dessus de la Nature meme si par ailleurs l'Homme n'est pas separable de son environnement naturel avec lequel il est en interaction permanente et dont il ne peut pas plus s'affranchir que n'importe quelle autre espece vivante [ 1 ] .

Destruction de la nature [ modifier | modifier le code ]

Voir les themes suivants :

Protection de la nature [ modifier | modifier le code ]

La Nature dans le droit et la jurisprudence [ modifier | modifier le code ]

La foret , strategiquement importante pour la fourniture du bois, a fait l'objet d'une protection fonciere particuliere, renforcee en France depuis Colbert au XVII e siecle. Recemment, le genome des especes sauvages ou domestiques a pris une valeur juridique particuliere avec une privatisation permise par ≪ marques ≫ de propriete d' hybrides et varietes vegetales ≪ creees ≫ (ou isolees) par les semenciers puis les premieres autorisations de brevetage du vivant . Mais la faune, la flore, la fonge et les organismes vivant sont encore en France et dans de nombreux pays considere par le legislateur comme res nullius (chose sans proprietaire).

Depuis peu, et au niveau international, ils tendent cependant a etre identifies comme une partie du bien commun , qu'est la biodiversite, source de services ecosystemiques  ; ce qui donne une ≪ valeur ≫ nouvelle a la nature, notamment marquee en Europe par les directives Habitat ou Oiseaux.

La ≪ Nature ≫ a recemment dans plusieurs pays, dont en France acquis un droit de protection , puis de representation, assimilable dans une certaine mesure et dans certains cas a celui des droits des ≪ victimes ≫. Ainsi, les amenageurs doivent prospectivement appliquer le principe ≪  eviter > reduire > compenser  ≫ les impacts ecologiques lors des grands projets [ 19 ] . Et, en cas de pollution ou de catastrophe, le pollueur doit maintenant prendre en charge des compensations et/ou reparations. Theoriquement, cela se fait selon le principe pollueur-payeur , qui reste cependant difficile a appliquer quand la pollution est ancienne ou diffuse.

Le principe de ≪  prejudice ecologique  ≫ a ete en France, en 2012, confirme par la Cour de Cassation lors du proces de l' Erika .

Nature dans l' art et la culture [ modifier | modifier le code ]

Interaction des communautes humaines avec la nature [ modifier | modifier le code ]

La notion de nature renvoie a priori a l’idee d’un domaine ayant ses propres principes de developpement, qui serait hors de l’action de l’ homme . Or, on realise aujourd'hui que le changement climatique a une origine anthropique . L’idee de nature n’est donc pas suffisante. Il y a une complementarite et une interaction entre la nature et les communautes humaines. L’esquisse de cette complementarite reciproque peut s'eclairer avec la notion de culture ecologique.

On constate par exemple que les notions de patrimoine naturel et de patrimoine culturel sont intimement liees, en observant le patrimoine mondial de l' UNESCO qui dresse une liste de sites naturels et culturels.

La convention de 2007 de l'UNESCO souligne l'interaction des communautes humaines avec la nature, dans la definition qui a ete donnee du patrimoine culturel immateriel :

≪ Ce patrimoine culturel immateriel, transmis de generation en generation, est recree en permanence par les communautes et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire , et leur procure un sentiment d'identite et de continuite, contribuant ainsi a promouvoir le respect de la diversite culturelle et la creativite humaine ≫.

Voir aussi : Culture et nature

Les deux sens du mot culture en francais [ modifier | modifier le code ]

La notion de culture recouvre deux sens :

Le premier correspond a l’idee de civilisation . Cette idee est aussi ancienne que l'histoire de l'humanite, mais a trouve une nouvelle signification avec la Philosophie des Lumieres . Dans ce sens, la culture est le trait distinctif de l’ espece humaine, associe a ses savoirs et savoir-faire. Cette conception francaise de la culture serait plutot individualiste.

Le second est le sens allemand, emergeant sous l’influence du romantisme . La culture est la configuration particuliere de croyances coutumieres, traits materiels, organisations sociales… elle est une totalite singuliere, une sphere autonome incommensurables avec d’autres totalites. Cette conception plus collective s'oppose a la conception francaise.

Dans Les Mots et les Choses , Michel Foucault definit l’ anthropologie comme l’etude des rapports entre la nature et la culture . Globalement on peut apprehender cette question en distinguant les anthropologies materialistes et les anthropologies symbolistes .

Les anthropologies materialistes s’interessent aux fonctions structurantes de la vie materielle. L’idee sous-jacente est que la nature est un determinant de base : elle y est definie en termes ethnocentrique, comme etant le moteur de la vie sociale. On y trouve l’anthropologie marxiste des annees 1970 en France, pour laquelle la nature est une donnee brute qui peut etre appropriee ou transformee, et l’environnement naturel est une precondition de l’environnement economique. On trouve aussi la sociobiologie et l’ecologie culturelle, entre lesquelles on souligne un certain parallele puisque pour les deux, la cause ultime des comportements revient au champ de la nature. Dans tous les cas, pour les anthropologies materialistes, la culture est une forme particuliere d’adaptation a une nature qui serait partout un element determinant et conditionnant.

Les anthropologies symbolistes s’interessent aux caracteres symboliques de la vie sociale. Elles mettent l’accent sur les aptitudes des hommes a creer un monde de signification et d’intentionnalites dependant des determinations brutes de la nature.

Dans Anthropologie Structurale 2, Levi-Strauss dit que l’anthropologie est la discipline qui pense la relation entre la nature et la culture . La dichotomie nature / culture soulevee, l’opposition nature / culture suggere deux possibilites. Soit la culture est ce qui donne un sens a nature (la culture impose sa signification a la nature). Soit la nature determine les rapports sociaux (la nature donne forme a la culture).

L’opposition nature/culture comme outil analytique [ modifier | modifier le code ]

La dichotomie nature / culture utilisee comme outil analytique est en partie derivee de Claude Levi-Strauss . Il l’a notamment utilisee comme operateur central pour decoder les mythologies. Celui-ci a ete reconnu pertinent par les ethnologues de ces societes amerindiennes. La mythologie retrace la construction de la nature sur un fond initial d’indifferenciation culturelle (ainsi, dans les mythes amerindiens, au debut les animaux et les hommes avaient la meme apparence). Chez Levi-Strauss, l’opposition, la ou elle est pertinente, c’est-a-dire dans les mythes, n’est qu’une facon de mettre une etiquette sur des contrastes.

L’ecologie culturelle donne un credit illimite a la nature. L’anthropologie structurale, a ce propos, n’oppose pas une forme d’idealisme mais aussi un naturalisme, mais un naturalisme de principe. Levi-Strauss n’a jamais varie dans l’idee que la nature conditionne les operations intellectuelles, la nature devenant donc une construction empirique. L’etude naturaliste doit permettre de comprendre la structure des groupes culturels. Ce qui interesse Levi-Strauss est de rendre compte de la maniere dont l’esprit opere dans des contextes culturels et geographiques distincts (ex : les Mythologiques). La mythologie revele dans une forme epuree les operations d’un esprit qui n’est plus condamne a mettre en ordre, mais qui peut ≪ jouer ≫ avec les regles de fonctionnement de la pensee.

Remise en cause de cette dichotomie [ modifier | modifier le code ]

La dichotomie nature / culture est une specificite culturelle occidentale developpee en Europe a partir de la Renaissance puis en Occident moderne de Descartes a Darwin , qui s’est repandue dans le monde entier, en meme temps que s’accroissait l’influence politique, culturelle et commerciale de l’Occident ( Grandes decouvertes , colonisation , science occidentale), mais qui n'est pas partagee universellement [ 1 ] , [ 20 ] . Ce paradigme n’est pas simplement un outil analytique parmi d’autres, il est aussi la clef de voute de l’epistemologie moderne. Ainsi, Philippe Descola dans Par-dela nature et culture (2005) distingue quatre ≪ modes d’identification ≫ qui sont le totemisme , l’ animisme , l' analogisme et le naturalisme . Selon lui, seule la societe naturaliste (occidentale) produit cette frontiere entre soi et autrui a travers l’idee de ≪ nature ≫ dans le sens de ≪ ce qui ne releve pas de la culture ≫ , ce qui ne releve pas des traits distinctifs de l’espece humaine, et des savoirs et savoir-faire humains (une des quatre definitions enumerees plus haut) [ 1 ] .

Son usage comme outil analytique en ethnologie a parfois ete fecond. Toutefois, et Descola l’a montre dans Par-dela nature et culture , l’idee de nature est etrangere a de nombreuses societes. Par ailleurs, la notion meme de nature est contestee par certains courants de pensee ecologistes, comme l’ ecofeminisme  : en permettant l’ anthropocentrisme , qui induit une separation fondamentale entre l’homme et son environnement, et en rendant le premier fondamentalement superieur, la dichotomie nature / culture viendrait legitimer l’ exploitation capitaliste et patriarcale, par l’homme, des femmes et de son environnement. D’autres courants de pensee interrogent egalement cette dichotomie, notamment par le slogan zadiste ≪ Nous ne defendons pas la nature, nous sommes la nature qui se defend ≫ [ 21 ] .

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

  1. a b c d e f g h i j et k (en) Frederic Ducarme et Denis Couvet, ≪  What does "nature" mean ?  ≫, Palgrave Communications , Springer Nature , vol.  6, n o  14,‎ ( DOI   10.1057/s41599-020-0390-y , lire en ligne ) .
  2. ≪  Qu’est-ce que la nature ?  ≫, sur Encyclopedie de l'environnement , (consulte le )
  3. a et b (en) Layna Droz , Hsun-Mei Chen , Hung-Tao Chu et Rika Fajrini , ≪  Exploring the diversity of conceptualizations of nature in East and South-East Asia  ≫, Humanities and Social Sciences Communications , vol.  9, n o  1,‎ , p.  1?12 ( ISSN   2662-9992 , DOI   10.1057/s41599-022-01186-5 , lire en ligne , consulte le )
  4. ≪  NATURE : Etymologie de NATURE  ≫, sur cnrtl.fr (consulte le )
  5. Maurice Merleau-Ponty, "La Nature" Notes, Cours du College de France, Paris, Seuil, 1995, etabli et annote par D.Seglard, p.  19
  6. (en) Naddaf, Gerard, 1950- , The Greek concept of nature , State University of New York Press, ( ISBN   0-7914-8367-3 , 978-0-7914-8367-1 et 1-4237-4387-3 , OCLC   1303323662 ) , p.  168
  7. a et b (en) Layna Droz , Hsun-Mei Chen , Hung-Tao Chu et Rika Fajrini , ≪  Exploring the diversity of conceptualizations of nature in East and South-East Asia  ≫, Humanities and Social Sciences Communications , vol.  9, n o  1,‎ , p.  1?12 ( ISSN   2662-9992 , DOI   10.1057/s41599-022-01186-5 , lire en ligne , consulte le )
  8. "Les mots de Phusis et de natura impliquent une idee de spontaneite creatrice, de naissance ou de developpement harmonieux." Jean Ehrard, "L'idee de nature en France a l'aube des Lumieres", 1970, Flammarion, p.   12-13
  9. Aristote, Physique , II, 1,192b 8-31
  10. Fontenelle, "Entretiens sur la pluralite des mondes" Entretiens sur la pluralite des mondes. Nouvelle edition augmentee de pieces diverses (1724)
  11. Texte de l'Anti-Duhring, p.  28 [ lire en ligne ] .
  12. Didier Julia , Petit dictionnaire de la philosophie , Larousse, ( ISBN   978-2-03-589319-2 et 2-03-589319-4 , OCLC   862745049 )
  13. ≪  World Climates  ≫ [ archive du ] , sur Blue Planet Biomes (consulte le )
  14. (en) ≪  Calculations favor reducing atmosphere for early Earth  ≫ [ archive du ] , sur Science Daily , (consulte le )
  15. (en) ≪  Past Climate Change  ≫ [ archive du ] , U.S. Environmental Protection Agency (consulte le )
  16. (en) Hugh Anderson et Bernard Walter, ≪  History of Climate Change  ≫ [ archive du ] , NASA, (consulte le )
  17. (en) Spencer Weart , ≪  The Discovery of Global Warming  ≫ [ archive du ] , American Institute of Physics, (consulte le )
  18. (en) Denis Couvet et Frederic Ducarme, ≪  Reconciliation ecology, from biological to social challenges  ≫, Revue d’ethnoecologie , vol.  6,‎ ( DOI   10.4000/ethnoecologie.1979 , lire en ligne ) .
  19. Ministere de l'environnement (2014) Eviter, reduire et compenser les impacts sur le milieu naturel ], 16 janvier 2014
  20. Nicolas Journet, La culture. De l'universel au particulier : la recherche des origines, la nature de la culture, la construction des identites , Sciences humaines editions, , p.  156 .
  21. Baptiste L., Nous ne defendons pas la nature, nous sommes la nature qui se defend , Reporterre , 4 novembre 2013

Annexes [ modifier | modifier le code ]

Il existe une categorie consacree a ce sujet : Nature .

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Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • (en) Frederic Ducarme et Denis Couvet, ≪  What does "nature" mean ?  ≫, Nature - Humanities & Social Sciences Communications , vol.  6, n o  14,‎ ( DOI   10.1057/s41599-020-0390-y , lire en ligne Accès libre) .
  • (en) Layna Droz, Hsun-Mei Chen, Hung-Tao Chu, Rika Fajrini, Jerry Imbong, Romaric Jannel, Orika Komatsubara et al. , ≪  Exploring the diversity of conceptualizations of nature in East and South-East Asia  ≫, Nature - Humanities & Social Sciences Communications , vol.  9, n o  186,‎ ( DOI   https://doi.org/10.1057/s41599-022-01186-5 , lire en ligne Accès libre)
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Liens externes [ modifier | modifier le code ]

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Articles connexes [ modifier | modifier le code ]