La
soul food
(en francais : ≪ nourriture de l'ame ≫) est un type de
cuisine americaine
associe aux traditions culinaires
afro-americaines
du
sud des Etats-Unis
.
Un magasin de
soul food
a
La Nouvelle-Orleans
(2008).
Le terme
soul-food
serait apparu dans les annees 1960, a une epoque ou le terme
soul
etait communement utilise pour faire reference a la culture afro-americaine, notamment pour la musique ≪
soul
≫.
Toutefois, les origines de la
soul food
sont plus anciennes et remontent jusqu'en Afrique. Des aliments comme le
riz
, le
sorgho
et le
gombo
, communs dans la cuisine d'Afrique de l'Ouest, furent importes aux Ameriques a travers la
traite des noirs
, et devinrent une des bases du regime alimentaire des esclaves d'origine africaine.
Ces origines comprennent egalement des elements importants de la cuisine du sud des Etats-Unis.
Des historiens de l'alimentation
[Lesquels ?]
soutiennent qu'au debut du
XIV
e
siecle, au debut de l'exploration de l'Afrique, les explorateurs europeens apporterent leur propres aliments qui s'incorporerent aux regimes alimentaires africains. Des aliments comme le
mais
et le
manioc
originaire des Ameriques, les
navets
du
Maroc
et le
chou
du
Portugal
joueront un role important dans l'histoire de la cuisine afro-americaine
[
1
]
.
Lorsque la
Traite negriere europeenne
demarre, au debut du
XV
e
siecle
, le regime alimentaire des esclaves africains evolua au cours de leur longue deportation depuis l'Afrique. C'est a cette occasion que certains des produits agricoles indigenes d'Afrique firent leur apparition en Amerique
[
2
]
.
Les proprietaires et trafiquants d'esclaves cherchaient a nourrir leurs captifs au moindre cout, bien souvent avec les restes de nourriture provenant des
plantations
, forcant les esclaves a s'accommoder du peu a leur disposition. Dans les foyers d'esclaves, les legumes se resumaient aux restes des
navets
, des
betteraves
et aux
pissenlits
. Par la suite, s'y ajouterent des plantes consommees pour leur fanes : le
chou fourrager
, le
chou frise
, le
cresson de jardin
, la
moutarde brune
et le
raisin d'Amerique
.
Ils inventerent egalement des recettes utilisant le
saindoux
, la
farine de mais
, les
abats
, les bas-morceaux, comme les pieds de porc au
vinaigre
, la
queue de bœuf
, le jarret, les
tripes
, l'
oreille
, le museau et la joue de porc, la couenne. Les cuisiniers ajoutaient des
oignons
, de l'
ail
, du
thym
, et des feuilles de
laurier sauce
pour ameliorer le gout.
Certains esclaves amelioraient leur ordinaire en cultivant de petits potagers, en s'adonnant a la peche et a la chasse, pour le
gibier
. Ainsi la viande de
raton laveur
, d'
ecureuil
, d'
opossum
, de
tortue
et de
lapin
fut, jusqu'a la fin des annees 1950, tout a fait commune a la table des populations afro-americaines rurales des Etats du sud
[
2
]
.
La tradition culinaire des
Amerindiens
des Etats du sud (
Cherokees
,
Chicachas
,
Chactas
,
Creeks
) est une ≪ pierre angulaire ≫ de la cuisine du sud. On lui doit l'une des bases du regime alimentaire sudiste : le
mais
, sous forme de farine ou detrempe dans une solution alcaline, souvent de l'
eau de chaux
, egalement appelee
masa
, selon une technique indigene appelee
nixtamalisation
[
3
]
, ce procede a l'avantage de proteger contre la
Pellagre
. Le mais etait utilise dans la confection de nombreux plats depuis le
pain de mais
et le
grits
jusqu'aux
spiritueux
comme le
whisky
et les alcools artisanaux, sources d'importants revenus commerciaux.
Les
fruits
sont nombreux dans la region. La
muscadine
, la
mure
, la
framboise
, et de nombreuses autres baies sauvages entraient dans l'alimentation des Indiens du sud.
≪ A un degre bien plus important qu'on ne le pense, plusieurs des plats les plus importants des Indiens du Sud-Est perdurent aujourd'hui dans la ≪ soul food ≫ que mangent les sudistes blancs ou noirs. L'
hominy
, par exemple est encore consomme... le
sofkee
est l'ancetre du
grits
... le
cornbread
[est] utilise par les cuisiniers sudistes... les beignets indiens... le
hoe cake
ou le
Johnny cake
... le
cornbread
bouilli des indiens se retrouve dans la cuisine sudiste en tant que ≪ corn meal dumplings ≫ [(boulettes de farine de mais)], ... et autres
hush puppies
[(boulettes frites de mais)], ... les cuisiniers sudistes cuisinent les pois secs et verts en les bouillant, comme le faisaient les Indiens... comme les Indiens ils traitent leur viande et la fument au charbon de bois de
hickory
. ≫
? - Charles Hudson,
The Southeastern Indians
[
4
]
.
Les Indiens du sud agrementaient egalement leurs repas de viandes issues de la chasse. La
venaison
etait une des bases alimentaires en raison de l'abondance du
chevreuil
. Ils chassaient egalement le
lapin
, l'
ecureuil
, l'
opossum
, et le
raton laveur
. Le
betail
, apporte par les Europeens,
porcs
et
bovins
, fut adopte. Lorsqu'un gibier ou du betail etait tue, l'animal etait entierement utilise. En plus de la viande, il n'etait pas rare que les abats soient consommes, comme le
foie
, la
cervelle
et les
tripes
.
On retrouve cette tradition aujourd'hui dans quelques plats emblematiques comme les
chitterlings
(variete d'abats communement appelees
chit’lins
) obtenus par friture de morceaux de l'
intestin grele
du porc, le
livermush
(pate de foie de porc commun dans les deux Caroline), la cervelle de porc et les œufs. La
graisse animale
, particulierement de porc, etait recuperee et utilisee pour la cuisson et la friture. Parmi les premiers colons europeens de nombreux apprirent les methodes de cuisine des Indiens du sud et participerent ainsi a leur diffusion.
Les pauvres, blancs ou noirs, du sud partageaient de nombreuses recettes derivees de la tradition
soul
, mais les styles de preparation variaient. Certaines techniques repandues dans la cuisine du sud comme la friture de la viande et l'utilisation de toutes les parties de l'animal, ont une longue histoire attestee par des cultures anciennes du monde entier y compris Rome, l'Egypte et la Chine
[
5
]
. Quel qu'ait ete son mode d'introduction dans le sud, le friture de la viande devint une des bases de cette cuisine.
Comme dans de nombreux etats esclavagistes, les esclaves africains n'avaient pas le droit d'apprendre a lire ou a ecrire, les recettes de la
soul food
et les techniques de cuisson se sont transmises oralement jusqu'a la fin de l'esclavage.
Le premier livre de cuisine de la
soul food
est attribue a Abby Fisher, et porte le titre de
What Mrs. Fisher Knows About Old Southern Cooking
. Il fut publie en 1881.
Good Things to Eat
fut publie en 1911. L'auteur, Rufus Estes, etait un ancien esclave qui avait travaille pour la
Pullman Company
. De nombreux autres livres de cuisine furent ecrits par des Afro-Americains a cette epoque, mais comme ils n'etaient pas largement diffuses, la plupart s'est perdue.
Depuis le milieu du
XX
e
siecle, de nombreux livres de cuisine mettant en valeur la soul food et la tradition culinaire afro-americaine, compiles par des Afro-Americains ont ete publies et ont recu un bon accueil. Le
Vibration Cooking, or the Travel Notes of a Geechee Girl
de
Vertamae Grosvenor
(en)
, publie initialement en 1970, se concentre sur la cuisine des Geechee ou
Gullah
, habitants du
Lowcountry
region cotiere de la
Caroline du Sud
. Il insiste sur la spontaneite d'une cuisine par
vibration
plus que par une mesure precise des ingredients, la debrouillardise avec ce qui est disponible, et capture l'essence techniques traditionnelles de la cuisine afro-americaine. Les ingredients de base simples et sains de la cuisine du
Lowcountry
,
crevettes
,
huitres
,
crabes
, legumes et fruits frais,
riz
et
patates douces
, en font un bestseller.
Les valeurs de partage se trouvent au centre de la tradition culinaire afro-americaine. En consequence, les livres de cuisine sont souvent centres sur la famille et ses reunions. De nombreuses associations religieuses ou sociales comme le NCNW (
National Council of Negro Women
(en)
(en)
) ont publie des livres de recettes pour financer leurs activites et leurs œuvres. Le NCNW a publie son premier livre de recettes,
The Historical Cookbook of the American Negro
, en 1958, et relanca cette pratique en 1993, en editant une serie populaire de livres de cuisine melangeant recettes classiques et celebrites afro-americaines, avec notamment :
The Black Family Reunion Cookbook
(1993),
Celebrating Our Mothers' Kitchens: Treasured Memories and Tested Recipes
(1994), et
Mother Africa's Table: A Chronicle of Celebration
(1998). Le NCNW a egalement reedite recemment
The Historical Cookbook
.
La celebre chef cuisiniere sudiste afro-americaine
Edna Lewis
redigea une serie de livres entre 1972 et 2003, incluant
A Taste of Country Cooking
(
Alfred A. Knopf
, 1976) ou elle entremele histoires tirees de son enfance a
Freetown (Virginie)
(en)
et des recettes de la ≪ vraie cuisine du sud ≫.
Une autre organisation, les
Real Men Charities
de
Chicago
, qui existe depuis les annees 1980, promeut des programmes caritatifs educatifs et alimentaires a travers le pays. Lors de son congres annuel, ou se pressent les celebrites donatrices,
Real Men Charities
promeut les
Real Men Cook
, evenements et programmes qui se tiennent dans quinze villes a travers le pays, ou des Afro-Americains se reunissent dans des operations caritatives pour presenter leurs meilleures recettes ; certaines originales, d'autres connues depuis des generations. L'evenement est programme pour coincider approximativement avec la fete de l'emancipation (
Juneteenth
) et la
fete des peres
et est promu avec le slogan
≪ Every day is Family Day When Real Men Cook ≫
. En 2004, Real Men distribua sa preparation pour gateau a la patate douce dans des epiceries fines de plusieurs villes, et publia en 2005 un livre de recettes titre
Real Men Cook : Rites, Rituals and Recipes for Living
. Les benefices de ces evenements et la vente du livre financent les operations de l'organisation.
La
soul food
est traditionnellement grasse et energetique, qualites indispensables autrefois pour le mode de vie des travailleurs des champs.
Un aspect important de la preparation de la
soul food
etait la reutilisation du saindoux. De tres nombreux cuisiniers etant trop pauvres pour se permettre de jeter la graisse utilisee, ils versaient la graisse liquide tiede dans un conteneur. Apres refroidissement complet, le gras se solidifiait et pouvait etre reutilise.
Certains Afro-Americains peuvent cuisiner differemment de leurs grands-parents, notamment en utilisant des fritures plus saines (
huile vegetale
ou
colza
), de la viande de
dinde
plutot que de porc...). L'evolution des techniques d'elevage a egalement abouti a amaigrir la viande de porc. Certains cuisiniers ont meme adapte les recettes pour substituer aux ingredients traditionnels des alternatives plus saines comme le
tofu
ou des substituts a base de
soja
[
6
]
. Les critiques ont soutenu que la tentative pour rendre la
soul food
plus saine l'a rendue egalement moins savoureuse
[
7
]
.
Certains ingredients de base de la
soul food
ont des qualites nutritionnelles interessantes. Le
chou fourrager
est une excellente source de
vitamines
et de mineraux, incluant la
vitamine A
, la
vitamine B
6
, et la
vitamine C
, le
manganese
, le
fer
, le
calcium
, l'
acide folique
, les
fibres
et un peu d'
acides gras
omega-3
. Ils contiennent egalement des elements vegetaux soupconnes de jouer un role favorable dans la prevention du
cancer des ovaires
et du
sein
[
8
]
. Le
pois
, le
riz
, et les
legumineuses
sont des sources excellentes, peu cheres de
proteines
et contiennent egalement d'importants vitamines, mineraux, et fibres. La
patate douce
est une excellente source de
beta-carotene
et de mineraux en petites quantites, et est reconnue comme
anti-diabetique
. Des essais recents sur l'animal ont montre que la patate douce stabilisait le taux de sucre dans le sang et abaissait la resistance a l'
insuline
[
9
]
.
- ↑
Frederick Douglass Opie,
Hog and Hominy: Soul Food from Africa to America
(Columbia University Press, 2008,), voir chapitre 1
- ↑
a
et
b
Frederick Douglass Opie
, Hog and Hominy: Soul Food from Africa to America
(Columbia University Press, 2008), chapitre 2
- ↑
(en)
Dragonwagon, Crescent,
The Cornbread Gospels
,
Workman Publishing
,
, 379
p.
(
ISBN
978-0-7611-1916-6
et
0-7611-1916-7
)
- ↑
(en)
Charles
Hudson
,
The Southeastern Indians
, The University of Tennessee Press,
, 498?499
p.
(
ISBN
0-87049-248-9
)
, ≪ A Conquered People ≫
.
- ↑
(en)
≪
Fried Dough History
≫
.
- ↑
(en)
Angela
Shelf
, ≪
African Vegetarian Recipes : The Ethnic Vegetarian
≫, Enotalone.com
(consulte le
)
.
- ↑
(en)
Patrick
Jonsson
, ≪
Backstory: Southern discomfort food
≫, sur
The Christian Science Monitor
,
The Christian Science Publishing Society
(en)
,
.
- ↑
(en)
≪
Collard greens
≫, WHFoods,
.
- ↑
(en)
≪
Sweet potatoes
≫, WHFoods
(consulte le
)
.
Sur les autres projets Wikimedia :
- Huges, Marvalene H.
Soul, Black Women, and Food
. Ed. Carole Counihan and Penny van Esterik. New York: Routledge, 1997.
- Bowser, Pearl et Jean Eckstein,
A Pinch of Soul
, Avon, New York, 1970
- Counihan, Carol and Penny Van Esterik editors, Food and Culture, A Reader, Routledge, New York, 1997
- Harris, Jessica,
The Welcome Table ? African American Heritage Cooking
, Simon and Schuster, New York, 1996
- Root, Waverley and Richard de Rochemont, Eating in America, A History, William Morrow, New York, 1976
- Glenn, Gwendolyn, "American Visions", Southern Secrets From Edna Lewis, February-March, 1997
- Puckett, Susan, "Restaurant and Institutions", Soul Food Revival, February 1, 1997
|
Historique
|
|
Specialites regionales
|
|
Sujets lies
|
|