Le
sous-titrage
est une technique liee aux contenus audiovisuels, notamment
cinematographiques
, consistant en l'affichage de texte au bas de l'image, lors de la diffusion d'un programme, comme un film. Cette technique qui a d'abord ete utilisee pour le cinema, a ensuite ete transposee a la television, ou elle peut concerner tous types de programmes comme les series televisees, les documentaires, les journaux televises, etc. Elle s'applique desormais a tous les medias audiovisuels :
DVD-Video
, Internet, etc.
Le sous-titrage et le
doublage
sont les deux manieres de traduire les paroles dans une œuvre audiovisuelle ainsi que les inscriptions qui apparaissent a l'ecran. Le sous-titrage consiste a afficher une traduction, synchrone avec le dialogue, au bas de l’ecran ou parfois, comme au Japon, sur le cote. Moins cher que le doublage (il n'y a pas de frais lies aux enregistrements : studio, comediens, etc.), il est dominant ou seul existant dans des pays dont les langues touchent un public limite (neerlandais, finnois, grec, etc.) alors que dans les pays francophones, le doublage domine le marche de l'audiovisuel. Avec la multiplication des chaines de television et l’apparition de supports comme le
DVD
, et la diffusion de programmes par des sites de
streaming
la demande en sous-titrage s’est beaucoup developpee au cours des dernieres annees.
La traduction sous-titree obeit a plusieurs contraintes tenant a la lisibilite et a la comprehension supposees chez le
spectateur
. Elle est determinee par la rapidite de l’enonciation du dialogue auquel elle correspond et par le decoupage visuel du support. Les deux coordonnees du sous-titre sont les suivants :
- le temps necessaire a la lecture (
temps de lecture
), estime tres approximativement a 15 caracteres par seconde ou, encore plus grossierement, a une ligne pour deux secondes, une ligne et demie pour trois secondes, etc.
- le nombre maximal de lettres et espaces qui peuvent s’inscrire sur l’ecran (
justification
, comme en
typographie
) : aujourd’hui, deux lignes de 40 signes chacune pour la pellicule
35 mm
, les copies numeriques et le DVD, 36 pour les chaines de television, 32 pour le
teletexte
. Le nombre de sous-titres contenus dans un
long metrage
varie entre 1 000 et 1 800.
Au debut du cinema parlant et longtemps apres, le sous-titre (appele aussi titre ou
intertitre
) etait cense ≪ resumer ≫ les elements de dialogue indispensables a la comprehension, d’ou l’idee qu’il s’agissait d’une ≪ adaptation ≫.Par exemple, le dialogue subtil de la comedie americaine (souvent a cause des bons auteurs litteraires ou dramatiques) etait donc largement perdu pour le spectateur etranger, au benefice de la pure information (souvent sur instructions des studios, qui fournissaient a leurs filiales etrangeres un texte predecoupe et pre-resume).
Maintenant, la demande des commanditaires et des spectateurs et aussi des traducteurs va plutot vers une fidelite aussi grande que possible au texte original dans toutes ses nuances et souvent, dans toute sa specificite, voire sa technicite). Au lieu ou en meme temps que de resumer, il est souvent plutot question d’eliminer ce que le spectateur peut comprendre seul le mot ou la phrase qui double un geste, la repetition en echo.
Il est, bien sur, impossible de traduire la totalite d’un dialogue (quand c’est le cas, comme pour certains films d’action de Hong-Kong sous-titres en anglais sur place, le resultat est souvent illisible), mais la tendance a la litteralite progresse, comme d’ailleurs dans la traduction litteraire. Malgre ses contraintes, le sous-titrage peut constituer une traduction plus proche de l’original que le doublage, qui modifie toute la
bande-son
alors que le sous-titre ne fait qu’entamer l’image. Il est suivi d’un bout a l’autre par une seule personne, le traducteur, alors que sur le plateau de doublage, le texte echappe a son auteur.
Premiere etape : le laboratoire procede au
reperage
. A partir d’une copie du film comportant un
time-code
(ou TC) et d’une transcription du dialogue, un technicien decoupe le dialogue en sous-titres. A l'aide d'un logiciel de sous-titrage, il definit pour chaque sous-titre un point d'entree (
TC in
) indiquant le debut du sous-titre et un point de sortie (
TC out
) indiquant la fin du sous-titre. C'est la difference entre ces deux valeurs qui definit la duree du sous-titre et donc le nombre maximum de caracteres a la disposition du traducteur.
Ex. : TC in
01:03:27:22
/ TC out
01:03:29:15
duree
1 seconde 18 images
nombre de caracteres autorise :
25
Il faut entre un et deux jours pour reperer un film en fonction du nombre de sous-titres.
Pour donner un ordre d'idee, un film normalement ≪ bavard ≫ contient environ 1000 sous-titres.
Un film d'action, environ 800 et un film de Woody Allen, 1500.
Le reperage doit faciliter au maximum la lecture du spectateur et pour ce faire, il est etabli en fonction des
plans
et de leur rythme. A la suite du developpement des logiciels de sous-titrage, les traducteurs sont de plus en plus nombreux a faire leur reperage eux-memes. C'est un travail technique qui doit evidemment etre remunere a part et verse en salaires, alors que le travail de traduction est remunere en
droits d'auteur
.
Le traducteur recoit ensuite du laboratoire un fichier
MPEG-1
time-code, le dialogue numerote et le fichier informatique contenant toutes les donnees du reperage.
Vient ensuite l'etape de
redaction
des sous-titres, ou de la traduction proprement dite. Aux problemes communs a tous les traducteurs, viennent s'ajouter les contraintes techniques decrites plus haut, ce qui oblige souvent le traducteur a faire preuve d'une certaine concision et d'une grande clarte, etant donne la vitesse de defilement des sous-titres. L'ensemble doit etre fidele a l'œuvre (niveaux de langue, subtilites de l'intrigue) tout en etant coherent (tutoiements et vouvoiements entre personnages, pour ne donner qu’un exemple).
Cette phase donne en principe lieu a des echanges avec le representant du commanditaire (diffuseur,
producteur
pour des films qui n’ont pas encore de distributeur en France, parfois le
realisateur
).
Le fichier retourne au laboratoire pour la troisieme etape, la
simulation
:
Toujours en video, le traducteur visionne les sous-titres tels qu’ils apparaitront sur l’ecran avec un technicien (
simulateur
ou, le plus souvent, une technicienne,
simulatrice
), et eventuellement le commanditaire ou son representant. La simulatrice etant la premiere spectatrice, son avis sur les sous-titres est important pour la qualite du travail. Meme si ce n’est pas necessairement le cas, tout peut encore etre modifie : ultimes corrections du texte, de la disposition typographique ou du reperage (allonger un sous-titre qu’on n’a pas le temps de lire, le raccourcir s’il court sur une hesitation, le dedoubler, etc.). Avant le montage definitif du film, la simulation doit etre faite sur une video tiree de l’element definitif qui sera sous-titre.
La gravure (film argentique), l'incrustation (video), ou le packaging (cinema numerique, DVD) est la derniere etape.
Dans le cas du film argentique avec peu de copies, les sous-titres sont graves sur la pellicule par un systeme laser, selon les time codes post-simulation definitifs. Le laser a remplace l’ancien procede chimique, encore utilise dans certains pays, ou les sous-titres percent une couche de paraffine, et ou l’emulsion est brulee par un acide.
Concernant le film argentique avec un nombre eleve de copies, le procede laser coute trop cher et on a recours au sous-titrage optique, les sous-titres etant alors graves sur une bande noire qui est surimpressionnee a la copie lors du tirage.
Pour le film numerique (
DCP
), les copies numeriques sont des packages de fichiers informatiques, dont certains contiennent les sous-titres. Ces fichiers sous-titres sont charges lors de la projection dans la cabine de la salle de cinema par le lecteur D-Cinema qui les interprete et genere leur affichage sur l'image qui est transmise au projecteur numerique.
Dans le cas du
DVD-Video
ou
Blu-ray Disc
, aucune operation mecanique d'incrustation n'est necessaire. Lors d'une phase de fabrication du DVD appelee
authoring
, on ajoute les pistes de sous-titrage (jusqu'a 32).
La television avec sous-titrage
teletexte
, demande des normes plus contraignantes (40 caracteres par ligne, certains caracteres sont interdits). Les sous-titres sont diffuses, le cas echeant en differentes langues, separement de l’image et du son. Il faut alors un decodeur teletexte dans son televiseur pour visionner les sous-titres (l'incrustation se fait a la reception). Dans le cas d'Arte, qui utilisa le teletexte jusqu'en
(date du passage a la HD), la chaine faisait livrer les sous-titres a la norme UER N 19 teletexte niveau 1, y compris ceux qu'elle incrustait a la diffusion dans l'image (incrustations a l'emission).
Pour la television numerique avec sous-titrage
DVB
, la chaine diffuse les sous-titres codes dans les lignes cachees du signal video numerique (
intervalle de rafraichissement vertical
). Ces informations sont lues par l'operateur de la plate-forme de codage DVB (operateur de tete de reseau de television numerique) au niveau d'un equipement appele encodeur DVB qui compresse le signal video et audio a la norme
MPEG
et genere des images des sous-titres qui sont transmises dans une composante du flux DVB resultant. Ces images sont recues et affichees (ou pas) par l'equipement terminal du telespectateur (recepteur de television numerique DVB).
La diffusion televisee est maintenant presque uniquement numerique (en 2012 tous les vecteurs europeens sont passes au numerique), il suffit d'ajouter autant de composantes de sous-titres dans le flux de donnees de la chaine qu'il y a de versions de sous-titres (comme pour un DVD). A la reception le spectateur choisit sa version (pour sourd et malentendant, en francais, en allemand, etc.) et le terminal DVB superpose aux images de la video les images des sous-titres. On retrouve la flexibilite du teletexte, avec la qualite des sous-titres incrustes a la diffusion (chaque chaine etant maitre de la typographie, des couleurs, etc.)
Dans certains cas et pour differentes raisons (cout, disponibilite des copies, etc.), les sous-titres voulus ne sont pas presents sur le support diffuse. On parle generalement de
surtitrage
pour decrire le fait de projeter des sous-titres supplementaires en direct. C'est une pratique courante en festival pour des films tres recents et dans certaines salles de cinema
[
1
]
accoutumees a la diffusion de films rares ou anciens, difficilement accessibles en version sous-titree dans la langue nationale.
La situation du traducteur de sous-titres (commande, delais, paiement) varie enormement en fonction des programmes et de leur destination. Pour le sous-titrage de films destines a la distribution en salles, le commanditaire est generalement le distributeur, parfois le producteur. Dans ce cas, la transaction se fait sans intermediaire.
En France, le tarif recommande par le
Syndicat national des auteurs et des compositeurs
(SNAC, dont dependent les traducteurs de l'audiovisuel), est de 4,10 € le sous-titre en
[
2
]
.
Dans le domaine du sous-titrage video (series, programmes de television, documentaires, films pour le cable ou le DVD), le tarif recommande par le SNAC est de (2,95
€
le sous-titre en
janvier 2013
). Depuis une dizaine d'annees, les laboratoires de sous-titrage proposent aux diffuseurs (chaines et editeurs video) un sous-titrage ≪ cles en main ≫ et presentent des devis englobant le prix de la traduction dans leurs prestations.
- Simon Laks
,
Le sous-titrage de films. Sa technique ? son esthetique
, Paris, Propriete de l'auteur, 1957.
- (en)
Ella Shohat, Robert Stam, ≪ The Cinema after Babel: Language, Difference, Power ≫,
Screen
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L’image et la parole
, Paris, Cinematheque Francaise, 1999, p. 29-43.
- (en)
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- Adriana ?erban, Jean-Marc Lavaur (dir.),
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, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2011.
- Bernard Eisenschitz, ≪
Sous-titrage mon beau souci
≫,
Mise au point
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- Jean-Francois Cornu,
Le doublage et le sous-titrage. Histoire et esthetique
, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014.
- Miranda Bryant, ≪ Series sous-titrees, traducteurs sous-payes. Les series etrangeres connaissent un succes grandissant sur les plateformes de streaming americaines. Mais le travail de traduction demeure mal considere et mal paye. La qualite des sous-titres s'en ressent. ≫,
Courrier international
n
o
1623
, Courrier international S.A., Paris,
,
p.
54,
(
ISSN
1154-516X
)
, (article original paru dans
The Observer
,
Londres
, le
).
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