Julien Jean Offray de La Mettrie
, ne a
Saint-Malo
le
[
1
]
et mort le
a
Potsdam
, est un
medecin
et
philosophe
materialiste
et
empiriste
francais
.
Medecin
libertin
, il defendit un
materialisme
radical et refonda, apres
Rene Descartes
, le
mecanisme
.
La Mettrie nait a
Saint-Malo
le
[
2
]
, de Julien Offray de La Mettrie,
armateur
et negociant, et de Marie Gaudron du Clos.
Il fait ses humanites au college de
Coutances
. Destine par son pere a embrasser la carriere ecclesiastique, il suit les cours de logique de l’abbe Cordier, un ardent
janseniste
, au
college du Plessis
, mais choisit l’annee suivante d’arreter la
theologie
pour devenir
medecin
. En 1728, il obtient le bonnet doctoral a la
faculte de Rennes
. En 1733, il se rend a
Leyde
, en
Hollande
, pour assister aux cours d’
Herman Boerhaave
et, en 1742, il retourne a Paris, ou il obtient le poste de medecin du
regiment des Gardes-Francaises
. Se specialisant dans les
maladies veneriennes
, il commence par publier des ouvrages sur des
sujets medicaux
. Pendant une attaque de fievre, il remarque sur lui l’action de la circulation acceleree sur la pensee, ce qui le mene a la conclusion que les phenomenes psychiques doivent etre representes comme les effets de changements organiques dans le cerveau et le systeme nerveux.
Cette conclusion est exprimee dans son premier ouvrage philosophique
L’Histoire naturelle de l’ame
, publie en 1745. Il y defend des theses
materialistes
, provoquant un scandale qui lui fait perdre sa place de medecin des Gardes-Francaises. Le livre est condamne et brule publiquement par arret du Parlement en 1746. La Mettrie retourne a
Leyde
ou il finit ses etudes, et y developpe ses idees avec plus de vigueur et d’une facon plus complete, dans
L’Homme Machine
, 1747. A ce moment, l’animosite envers lui est telle qu’il est force de quitter
Leyde
. Il est alors accueilli par le roi de Prusse
Frederic II
a
Berlin
, qui lui permet non seulement d’exercer en tant que
medecin
, mais lui obtient egalement un poste a l’
Academie de Berlin
. Il produit alors son œuvre majeure,
Discours sur le bonheur
, ce qui lui vaut d’etre rejete par les auteurs-cles des
Lumieres
tels que
Voltaire
,
Diderot
ou
d'Holbach
, mais hautement estime par le
marquis de Sade
.
En 1748, il devient membre de l'
Academie royale des sciences et des lettres de Berlin
.
En 1746, il a publie
Politique du medecin de Machiavel
et l'annee suivante
La Faculte vengee
, comedie en trois actes, dans lesquels il a violemment critique Jean Bouilhac (1689-1769), premier medecin des Enfants de France a partir de 1732, et pendant vingt ans, nomme medecin du dauphin et de la dauphine par le roi
Louis XV
[
3
]
.
Il meurt le
a
Potsdam
, apres avoir mange un pate avarie
[
4
]
.
Les plaisirs sensuels, celebres par La Mettrie, lui furent fatals, puisqu’il mourut des suites d’une indigestion. Les detracteurs de la philosophie de La Mettrie utiliserent sa mort pour declarer que sa disparition precoce etait la consequence logique de sa sensualite athee.
L’ambassadeur du roi d'Angleterre, Tirconnel, tres reconnaissant envers La Mettrie de l’avoir soigne d’une maladie, avait donne une fete en l'honneur de son medecin et pour feter son retablissement. La Mettrie, pour montrer sa gourmandise ou sa constitution robuste, devora une grande quantite de pate aux truffes. Le resultat fut qu’il developpa une fievre, fut gagne par le delire et mourut.
Frederic II de Prusse
prononca son oraison funebre et ecrivit dans l’
Eloge de la Mettrie
[
5
]
:
≪ M. la Mettrie mourut dans la maison de mylord Tirconnel, ministre-plenipotentiaire du roi d'Angleterre, auquel il avoit rendu la vie. Il semble que la maladie, connoissant a qui elle avoit a faire, ait eu l’adresse de l’attaquer d’abord au cerveau, pour le terrasser plus surement : il prit une fievre-chaude avec un delire violent : le malade fut oblige d’avoir recours a la science de ses collegues, et il n’y trouva pas la ressource qu’il avoit si souvent, et pour lui et pour le public, trouvee dans la sienne propre. ≫
Cependant, dans une lettre confidentielle destinee a la margravine de Bayreuth, Frederic II ecrivit :
≪ Il etait joyeux, un bon diable, un bon docteur, mais un tres mauvais auteur. En n’ayant pas lu ses livres, on peut s’estimer tres content. ≫
Il mentionne ensuite que La Mettrie eut une indigestion due au pate de faisan. Cependant, la cause reelle de sa mort fut vraisemblablement la
saignee
que La Mettrie s’etait lui-meme prescrite. Frederic II assura que les
medecins
allemands
rejetaient la pratique de la saignee, et La Mettrie essaya de leur prouver qu’ils avaient tort. Au moment de sa mort, il laissa une fille de 5 ans ainsi qu’une epouse, Louise-Charlotte Dreauno.
Ses
Œuvres philosophiques
furent publiees apres sa mort en plusieurs editions, respectivement a
Londres
,
Berlin
et
Amsterdam
.
Selon Bernard Graber, dans l’eloge de La Mettrie par Frederic II de Prusse, La Mettrie pense que la philosophie des epicuriens est une philosophie liberatrice. Les hommes doivent etre liberes de la peur des dieux invisibles, qui causent la panique chez les etres humains. Ces dieux ont des commandements divins qui sont obscurs et peuvent causer la peur aux humains
[
6
]
.
Selon Bernard Graber, dans l’eloge de la Mettrie par Frederic II de Prusse, La Mettrie se considere comme un vrai partisan de Descartes, celui qui est capable de tirer les conclusions logiques son instructeur. C’est pour cela que Frederic II de Prusse l’a dit dans son eloge : ≪ La Mettrie ne trouva que de la mecanique ou d’autres avaient suppose une essence superieure a la matiere ≫
[
7
]
.
La Mettrie considere que tous les
philosophes
passes se sont trompes par leurs raisonnements sur l’Homme
a priori
. Seule la
methode empirique
lui parait legitime.
L’esprit doit etre considere comme une suite de l’organisation sophistiquee de la
matiere
dans le cerveau humain : l’homme n’est donc qu’un animal superieur (comme l’automate de
Vaucanson
). Dans
l'Homme Machine
(1748), son livre le plus connu, il etend a l’homme le principe de l’
animal-machine
de
Descartes
et rejette par la toute forme de
dualisme
au profit d'un
monisme
. Son determinisme mecaniste l’amene naturellement a rejeter toute idee de
Dieu
, meme celui des pantheistes avec lequel il refuse de confondre la nature.
Son
Discours sur le bonheur
(aussi connu sous le titre
Anti-Seneque ou Le souverain bien
, 1748), livre qu’il considerait comme son chef-d’œuvre, fit en revanche grand bruit en son temps et fut par la suite peu a peu oublie.
Ses principes ethiques sont exprimes dans le
Discours sur le bonheur
,
La Volupte
, et
L’Art de jouir
[
8
]
dans lesquels il vante les plaisirs des sens, et ou la vertu est ramenee a la passion d'aimer.
La Mettrie eut peu de succes de son vivant. Mais
Sade
le tenait pour un des esprits les plus clairvoyants.
Voltaire
, son grand rival aupres de Frederic II, le considerait comme ≪ dissolu, impudent, bouffon, flatteur… ≫,
Diderot
comme ≪ un auteur sans jugement ≫, ≪ un homme corrompu dans ses mœurs et ses opinions ≫. A sa mort, Frederic II lui rendit hommage dans l’Eloge de la Mettrie.
Rousseau
,
hypersensible
, en fut profondement bouleverse, et evita toute sa vie d’evoquer le nom de La Mettrie ou de l’une de ses œuvres
[
9
]
.
Au
XIX
e
siecle
,
Friedrich-Albert Lange
tenta de le rehabiliter.
Une allee porte son nom au jardin conservatoire du
chateau de Soye
a
Plœmeur
, dont son neveu Laurent Esnoul Deschateles etait le proprietaire.
- ≪ Plaisir, ingrat plaisir, c’est donc ainsi que tu traites qui t’a tout sacrifie ! Si j’ai perdu mes jours dans la volupte, ah ! rendez-les-moi, Grands Dieux, pour les reperdre encore ! ≫
,
L’Art de jouir
.
- ≪ Tout est plaisir pour un cœur voluptueux ; tout est roses, œillets, violettes dans le champ de la Nature. Sensible a tout, chaque beaute l’extasie ; chaque etre inanime lui parle, le reveille ; chaque etre anime le remue ; chaque partie de la Creation le remplit de volupte. ≫
,
L’Art de jouir
.
- Traite du vertige
(1737),
lire en ligne
sur
Gallica
- Nouveau traite des maladies veneriennes
(1739)
- Traite de la petite verole
(1740)
- Observations de medecine pratique (1743)
- L’Histoire naturelle de l’ame
(1745),
lire en ligne
sur
Gallica
- De la Volupte
(1745)
- Politique du medecin de Machiavel, ou Le chemin de la fortune ouvert aux medecins . Ouvrage reduit en forme de conseils, par le Docteur Fum-Ho-Ham, & traduit sur l'original chinois, par un nouveau maitre es arts de S.t Cosme. Premiere partie. Qui contient les portraits des plus celebres medecins de Pekin
(1746),
lire en ligne
sur
Gallica
- La Facultee vengee
, comedie en trois actes (1747)
lire en ligne
sur
Gallica
- L'Homme Machine
(1747),
lire en ligne
sur
Gallica
- L'Homme-plante
(1748),
lire en ligne
sur
Gallica
- Ouvrage de Penelope ou Machiavel en Medecine
(2 tomes 1748 + 1 tome de supplements 1750)
- Discours sur le bonheur
(aussi connu sous le titre
Anti-Seneque ou Le souverain bien
) (1748, 1750, 1751)
- Reflexions philosophiques sur l'origine des animaux
(1750)
- Systeme d’Epicure
(1750)
- Discours preliminaire
(1750)
- Venus metaphysique ou De l'origine de l'ame humaine
(1751)
- L’Art de jouir
(1751),
lire en ligne
sur
Gallica
- Le Petit Homme a longue queue
(1751)
- ↑
Certaines sources estiment qu’il serait ne le 25 decembre, et c’est ce que dit Frederic II de Prusse dans son
Eloge de la Mettrie
.
- ↑
Michel Onfray,
Contre-histoire de la philosophie, vol. 7 : Les Ultras des Lumieres (1)
, Vincennes,
Fremeaux & Associes
,
(
EAN
356-1-302-51472-7
,
lire en ligne
)
, Piste 1, Un Faux Jesus
.
- ↑
Geraud Lavergne et
Rene Dujarric de la Riviere
, ≪
Un medecin perigordin a la cour de Louis XV Jean Bouilhac (1691-1789)
≫,
Bulletin de la
Societe historique et archeologique du Perigord
,
n
o
4,
,
p.
126-137
(
lire en ligne
)
- ↑
Bernard
Graber
, ≪
Simone Gougeaud-Arnaudeau, La Mettrie (1709-1751), le materialisme clinique, suivi de Le chirurgien converti, Collection Hippocrate et Platon, 2008
≫,
Raison presente
,
vol.
168,
n
o
1,
,
p.
137?140
(
lire en ligne
, consulte le
)
- ↑
Eloge de la Mettrie
par
Frederic II de Prusse
.
- ↑
Bernard Graber, ≪
La Mettrie (1709-1751)
≫,
Raison Presente
,
,
p.
111
(
lire en ligne
)
- ↑
Bernard Graber, ≪
La Mettrie (1705-1751)
≫,
Raison Presente
,
,
p.
114
(
lire en ligne
)
- ↑
Voir a ce sujet les recents travaux d'Olivier Cote sur la nature des liens entre hedonisme et amoralisme chez La Mettrie, en particulier l'article
Les plaisirs de l'amoralisme
[PDF]
.
- ↑
Bernd A. Laska,
1750 ? Rousseau evince La Mettrie. D’une orientation des Lumieres lourde de consequences
[PDF]
, in : Rousseau Studies,
N
o
1, 2013 (≪ Antirousseauismes ≫), pp. 313?326.
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