Sh?hei Imamura
(
今村 昌平
,
Imamura Sh?hei
?
)
est un cineaste japonais ne le
a
Tokyo
au
Japon
et mort dans cette meme ville le
.
Associe a la
Nouvelle vague japonaise
au meme titre que
Nagisa Oshima
et
Kiju Yoshida
[
1
]
, il est decouvert en France au debut des
annees 1960
avec
La Femme insecte
(
Nippon konchuki
, 1963). Son style se demarque des productions nippones majoritaires
[
2
]
. Baroque et provocante, son œuvre denote une critique sociale radicale et se caracterise par des recherches plastiques et dramaturgiques singulieres, melant fantaisie,
symbolisme
et
documentaire
[
1
]
. Elle epouse souvent le point de vue de marginaux ou du bas de la societe et propose une quete esthetique et philosophique dans l'exploration de l'atrocite, de l'horreur historique et de la repugnance animale ou humaine
[
3
]
.
Imamura a recu deux
Palmes d'or
au
Festival de Cannes
: la premiere en
1983
pour
La Ballade de Narayama
et la seconde ex æquo en
1997
pour
L'Anguille
(
Unagi
).
Imamura est issu d'un milieu bourgeois. Son pere, medecin, echappe a la mobilisation durant la guerre mais les deux freres du jeune Sh?hei sont envoyes au front et l'aine y perd la vie. Lui-meme passe sa jeunesse au milieu des petits malfrats et des prostituees du quartier de
Shinjuku
, haut lieu du
marche noir
a
T?ky?
durant l'
occupation
du pays par les troupes americaines de
1945
a
1952
.
Il entreprend des etudes d'abord au Technical College de T?ky?, puis a l'
Universite de Hokkaid?
, section agriculture, qu'il quitte pour l'
universite Waseda
ou il etudie l'histoire pendant six ans
[
1
]
. Il en sort diplome en 1951.
Passionne par la mise en scene et le jeu d'acteurs, il s'occupe du club de theatre de l'universite. Il ecrit quelques pieces et signe plusieurs mises en scene. Une projection de
L'Ange ivre
d'
Akira Kurosawa
le decide a faire du cinema. Il reussit le concours d'entree a la
Sh?chiku
ou il devient l'assistant de
Yasujir? Ozu
qui n'a guere d'influence sur lui, sinon negative : Imamura rejette le ≪ style Ozu ≫. Dans le studio, il travaille egalement au cote de
Masaki Nomura
qui devient un de ses amis proches.
Quittant la
Sh?chiku
pour la
Nikkatsu
il travaille comme
scenariste
pour
Y?z? Kawashima
, notamment sur la comedie satirique
Chronique du soleil a la fin de l'ere Edo
(
Bakumatsu taiyo-den
) en 1957.
Il realise ses premiers films en 1958. Si
Desirs voles
(
Nusumareta yokujo
) et plus encore
Desir inassouvi
(
Hateshinaki yokubo
) annoncent le style et les themes de l'œuvre a venir,
Devant la gare de Ginza
(
Nishi-Ginza ekimae
) est un moyen metrage qu'il renie par la suite : en echange d'une plus grande liberte, la
Nikkatsu
lui impose en effet la realisation de ce film, destine a lancer la carriere cinematographique d'un chanteur a la mode. Cette experience negative convainc Imamura de ne plus jamais accepter de films de commande.
Son premier long metrage important est
Cochons et Cuirasses
(
Buta to gunkan
) qu'il realise en 1961 et sort en France sous le titre
Filles et gangsters
. Imamura y applique un principe qu'il explique dans une interview accordee aux
Cahiers du cinema
en 1965 :
≪ marier […] deux problemes : la partie inferieure du corps humain et la partie inferieure de la structure sociale ≫
. Cette œuvre le fait connaitre a l'international et permet a la critique occidentale de s'interesser a la
nouvelle generation du cinema japonais
, occultee jusqu'alors par l'attention portee au trio
Kurosawa
-
Mizoguchi
-
Ozu
[
1
]
.
Le film decrit l'existence d'Haruko, interpretee par
Jitsuko Yoshimura
, une prostituee vivant avec un petit escroc aux abords d'une base americaine. Il trouve son point culminant dans une bataille rangee de gangsters au milieu de porcs echappes de camions. Imamura y amorce sa denonciation de l'
americanisation
du Japon, theme recurrent dans son projet cinematographique. Il amorce egalement sa serie de metaphores animales ? les Japonais occidentalises devenant de veritables ≪ porcs humains ≫ ? qu'on retrouve dans
La Femme insecte
- Chroniques entomologiques du Japon
(
Nippon konchuki
, 1963) et
L'Anguille
(
Unagi
, 1997). En plus d'affirmer son gout de l'
entomologie
, il y filme un tabou au Japon : le desir feminin brime
[
1
]
,
[
4
]
. Par sa causticite mais egalement son realisme cru et son refus de tout embellissement dramatique ou visuel,
La Femme insecte
vaut a son auteur l'attention de la critique internationale et un rapprochement avec
Pier Paolo Pasolini
[
5
]
.
Les themes centraux de ses precedentes productions reapparaissent dans
Desir meurtrier
(
Akai Satsui
, 1964), qui explore les profondeurs de l'
inconscient
d'une epouse violee et
Le Pornographe - Introduction a l'anthropologie
(
Jinruigaku nyumon : Erogotshi yori
, 1966), qui donne une image liberatrice de la pornographie. Outre leur dimension fantaisiste et symbolique, ces films revelent une part documentaire qui prend racine dans le
fait divers
et s'epanouit dans
Evaporation de l'homme
(
Ningen johatsu
, 1967), enquete sur les disparitions mysterieuses, frequentes au Japon. Tout en continuant sa collaboration avec la
Nikkatsu
, le cineaste cree sa societe de production, Imamura Productions, en 1965
[
2
]
.
Profonds desirs des dieux
(
Kamigami no fukaki yokubo
, 1968) est un hymne aux civilisations des iles meridionales du Japon et une parabole sur les ≪ mefaits de la civilisation ≫ qui pollue la nature et le desir humain. L'echec commercial retentissant de ce film contraint Imamura a quitter la
Nikkatsu
[
2
]
.
Renouant avec la veine
documentaire
, il realise
Histoire du Japon racontee par une hotesse de bar
(
Nippon sengoshi - Madamu Onboro no Seikatsu
, 1970), qui est en realite une ≪ contre-histoire ≫ du Japon, vu du bas de la societe. C'est aussi un nouvel echec qui ruine Imamura et le force a se consacrer a des productions televisuelles sur une dizaine d'annees
[
2
]
.
Il fait son retour au cinema, en 1979, avec
La Vengeance est a moi
(
Fukush? suru wa ware ni ari
), consacre a un
tueur en serie
. Le film revele un nouvel acteur,
Ken Ogata
, qu'on retrouve dans
Pourquoi pas ?
(
Eijanaika
, 1981) et surtout dans le
remake
de
La Ballade de Narayama
(
Narayama bushi-ko
, 1983). Cette adaptation quasi-naturaliste du best-seller de
Shichir? Fukazawa
, aux antipodes de celle realisee en 1958 par
Keisuke Kinoshita
(qui qualifie la version d'Imamura de ≪ pornographique ≫), obtient a la surprise generale la
Palme d'or
au
Festival de Cannes 1983
alors que
Furyo
de
Nagisa ?shima
est le favori des medias
[
2
]
.
Ce succes inespere impose Imamura comme un
auteur
mondialement celebre et lui permet de realiser avec la
Toei
Zegen, le seigneur des bordels
(
Zegen
, 1987), et
Pluie noire
(
Kuroi ame
, 1989), adaptation d'une œuvre de
Masuji Ibuse
qui evoque, dans un
noir et blanc
stylise et sur un ton a la fois epico-poetique et tragi-comique, les sequelles du
bombardement atomique
sur
Hiroshima
[
2
]
. Les deux films sont des echecs au Japon et Imamura doit attendre 1996 pour realiser avec la
Sh?chiku
L'Anguille
(
Unagi
), fable sur la reinsertion sociale et la communication entre l'homme et l'animal dans laquelle il dirige
K?ji Yakusho
et
Misa Shimizu
[
2
]
. De maniere tout aussi inattendue que pour son premier trophee cannois, il recoit la
Palme d'or
pour ce film, partagee avec l'
iranien
Abbas Kiarostami
pour
Le Gout de la cerise
[
2
]
. Ce nouvel honneur international lui permet d'entreprendre, a 70 ans, un sujet longtemps repousse par manque d'argent :
Kanz?-sensei
(1998)
[
2
]
.
Suivent avant sa disparition le portrait poetique, surrealiste et parodique d'une
femme fontaine
aux pouvoirs miraculeux,
De l'eau tiede sous un pont rouge
(
Akai hashi no shita no nurui mizu
, 2001) avec de nouveau le couple
Yakusho
-
Shimizu
, et un
court metrage
: le segment japonais du film collectif
11'09"01
.
Sa vie a tres fortement influence son œuvre. En effet le journal specialise japonais
Screen
lui consacre un article qui revele certaines de ses conquetes feminines et ses nombreuses liaisons avec des actrices de sa generation.
- 1958
:
Desirs voles
(
?まれた欲情
,
Nusumareta yokuj?
?
)
- 1958
:
Desir inassouvi
(
果しなき欲望
,
Hateshinaki yokub?
?
)
- 1959
:
Mon deuxieme frere
(
にあんちゃん
,
Nianchan
?
)
- 1961
:
Cochons et Cuirasses
(
豚と軍艦
,
Buta to gunkan
?
)
- 1963
:
La Femme insecte
(
にっぽん昆?記
,
Nippon konch?ki
?
)
- 1964
:
Desir meurtrier
(
赤い殺意
,
Akai satsui
?
)
- 1966
:
Le Pornographe (Introduction a l'anthropologie)
(
エロ事師たちより 人類?入門
,
Erogotachi yori: Jinruigaku ny?mon
?
)
- 1967
:
L'Evaporation de l'homme
(
人間蒸?
,
Ningen j?hatsu
?
)
- 1968
:
Profonds desirs des dieux
(
神?の深き欲望
,
Kamigami no fukaki yokub?
?
)
- 1970
:
Histoire du Japon racontee par une hotesse de bar
(
にっぽん?後史 マダムおんぼろの生活
,
Nippon sengoshi: Madamu onboro no seikatsu
?
)
- 1979
:
La vengeance est a moi
(
復讐するは我にあり
,
Fukush? suru wa ware ni ari
?
)
- 1981
:
Pourquoi pas ?
(
ええじゃないか
,
Eijanaika
?
)
- 1983
:
La Ballade de Narayama
(
楢山節考
,
Narayama bushik?
?
)
- 1987
:
Zegen, le seigneur des bordels
(
女衒
,
Zegen
?
)
- 1989
:
Pluie noire
(
?い雨
,
Kuroi ame
?
)
- 1997
:
L'Anguille
(
うなぎ
,
Unagi
?
)
- 1998
:
Dr. Akagi
(
カンゾ?先生
,
Kanz?-sensei
?
)
- 2001
:
De l'eau tiede sous un pont rouge
(
赤い橋の下のぬるい水
,
Akai hashi no shita no nurui mizu
?
)
La
Cinematheque francaise
consacre au cineaste une vaste retrospective de 19 films et 6 courts metrages et documentaires du
au
[
10
]
.
- ↑
a
b
c
d
et
e
Sh?hei Imamura
sur le site de l'
encyclopædia Universalis
, consulte le 01 juin 2014.
- ↑
a
b
c
d
e
f
g
h
et
i
Sh?hei Imamura
sur le site de Cine-ressources (compilation des archives et des recherches des cinematheques de France), consulte le 01 juin 2014.
- ↑
Sh?hei Imamura
sur le site de l'
encyclopedie Larousse
, consulte le 01 juin 2014.
- ↑
Dictionnaire du cinema
, ≪ Les realisateurs ≫,
Jean Tulard
, coll. Bouquin, ed. Robert Laffont, Paris, 1995,
p.
441,
(
ISBN
2221081897
)
- ↑
La Femme insecte
sur le site du
Dictionnaire mondial des films
(editions Larousse), consulte le 01 juin 2014.
- ↑
≪
Les Pirates de Bubuan
≫, sur
cinematheque.fr
(consulte le
)
- ↑
≪
La brute revient au pays natal
≫, sur
cinematheque.fr
(consulte le
)
- ↑
≪
Ces dames qui vont au loin
≫, sur
cinematheque.fr
(consulte le
)
- ↑
≪
Historique des palmares (2006-2014)
≫
, sur
www.kinotayo.fr (Archive)
(version du
sur
Internet Archive
)
- ↑
≪
Shohei Imamura - Du 6 avril au 7 mai 2022
≫, sur
cinematheque.fr
(consulte le
)