Societe mere

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Une societe mere est une societe qui possede une ou plusieurs filiales , c’est-a-dire qui detient plus de 50 % du capital d'autres societes. L'ensemble de ces societes constitue ce que l'on appelle un ≪  groupe d'entreprises  ≫ ; ≪ La notion de controle majoritaire permet de definir une societe mere d'un groupe ≫ [ 1 ] . La multiplication de filiales n'empeche pas le phenomene global de concentration des entreprises , y compris dans les societes creees localement dans certains pays emergents note Kone (2006) qui cite ce phenomene ≪ l'un des faits marquants de l'economie contemporaine ≫ [ 2 ] .

A titre d'exemple, Daimler AG est une societe mere pour Mitsubishi Fuso dans la fabrication de camions ; Volkswagen l'est pour Seat dans l'industrie automobile ; BNP Paribas l'est pour BNL dans le secteur bancaire. Dans le secteur des telecommunications , Iliad est la societe-mere de sa filiale Free . Alphabet est la societe mere de Google .

Histoire [ modifier | modifier le code ]

Le concept de maison-mere ou societe groupee , societe a la chaine , societe centrale [ 3 ] apparait peu a peu avec la construction de l' economie capitaliste et se developpe en particulier lors de la seconde partie du XIX e  siecle.

Les grandes societes passent alors d'une forme unitaire a organisation pyramidale (forme la plus frequente au XIX e et debut XX e  siecle) a une forme en reseau pyramidal dite ≪ multidivisionnelle ≫, avec specialisation de branches par fonction [ 4 ] . Cette specialisation etait a priori favorable aux economies d'echelle et a la division interne du travail [ 4 ] , sur les modeles developpe par l'industrie manufacturiere ( fordisme notamment..). Il ne reste qu'a transformer les branches en societes autour d'un tronc qui est la societe mere, tout en gerant convenablement l'allocation des ressources et les choix strategiques, pour repondre au modele favori des grandes societes de la fin du XX e  siecle. En cas de crise les branches secondaires peuvent alors devenir des variables d'ajustement a sacrifier ou a vendre a des concurrents ou acheteurs prets a prendre le risque de les developper. Selon A. Jacquemin, en 1970 , cette forme multidivisionnelle etait celle de ≪ 54 des 100 plus grandes firmes francaises, 50 des 100 allemandes, et 57 des britanniques ≫ l'avaient adopte [ 4 ] , et deja 80 % des grandes firmes americaines [ 4 ] . Selon lui [ 4 ] , cette structure est la plus frequente dans les groupes preponderants dans les secteurs qui ≪ combinent la concentration et la decentralisation ≫ , qui recherchent d'importantes economies d'echelle, qui ont de gros besoins en capitaux, qui font de fortes depenses en R&D et sont tres actifs a l'international. Et citant Encaoua & Jacquemin (1982) [ 5 ] , il affirme qu'en l'absence de ce type de variable, si cette structure est adoptee, ≪ une relation positive entre l'importance de cette presence et le degre de monopole est etablie ≫ [ 4 ] .

La relation de dependance de la societe fille envers la societe mere passe toujours et souvent de maniere privilegiee par une ≪ chaine de detention d'une fraction, en general majoritaire, du capital reliant la societe mere a la societe fille ≫ [ 6 ] .

Creer des filiales permet alors de subdiviser les etapes d'une production ou d'une activite [ 3 ] , de decliner une competence (transport en commun par exemple) territorialement ou thematiquement, de limiter la concurrence en creant de nombreuses societes d'achat et de vente [ 3 ] , etendre sa sphere geographique d'activite, de presence ou d'influence [ 3 ] , ou plus rarement de proteger un secret industriel ou de fabrication en faisant produire des pieces par des acteurs qui ignorent leur finalite globale. Au moment des guerres mondiales, il pouvait aussi s'agir de preparer un systeme plus resilient en cas de disparition de la maison mere ou d'une filiale. Plus recemment, il s'agit souvent d'echapper a certains impots en installant le siege de la societe mere dans un paradis fiscal , etc. Dans certains pays un regime optionnel derogatoire d'≪ integration fiscale des filiales ≫ permet a une societe mere de payer l' impot sur les societes pour toutes ses filiales. Certains economistes estiment qu'il est possible, au moins dans certains cas d'analytiquement montrer que du point de vue du ≪ profit total ≫ realise par le groupe, ce profit peut etre ≪ superieur a la somme algebrique des profits individuels ≫ ce qui fait dire a A. Jacquemin [ 7 ] en 1989 ≪ qu'il serait errone de postuler que l'interet des societes controlees differe de l'interet de la societe-mere ou de celui du groupe ≫ [ 4 ] .

Il existe aussi des inconvenients comme une difficulte accrue de controle par la societe mere, et des difficultes organisationnelles, par exemple en presence d'accords inter-firmes [ 8 ] , une deterritorialisation des groupes devenant des multi-nationales [ 9 ] .

Responsabilites des societes-meres [ modifier | modifier le code ]

Des enjeux complexes, de nature a la fois economiques, juridiques, ethiques , environnementaux et sociaux, de responsabilite existent concernant les relations et responsabilites qui unissent les societes-meres a leurs filiales, en raison des effets directs et indirects que leurs activites peuvent avoir, et parce que le jeu des filiales ou de societes ecrans peut parfois etre utilise pour cacher des operations non ethiques que les actionnaires ne souhaitent pas, des operations illegales, de la defiscalisation , du blanchiment d'argent , etc.

Des enjeux importants de transparence, transversaux, existent aussi [ 10 ] et de qualite de l'information consolidee des comptes d'un groupe [ 11 ] (agregeant, apres elimination des doubles comptes tels que prets entre deux societes, ventes internes au groupe de marchandises ou de services , etc., les comptes des filiales et participations aux comptes de la societe-mere)...

Une societe mere peut theoriquement etre poursuivie pour atteinte a l'environnement ou non-respect de la loi causee par une filiale [ 12 ] .

Dans le cadre de la mondialisation et de la tendance a la financiarisation et dematerialisation de l'economie, l'appreciation des responsabilites respectives de ces societes-meres et de leurs filiales peut etre fortement compliquee par le jeu des fusions-acquisitions , l'utilisation de paradis fiscaux , de pavillons de complaisances. C'est particulierement le cas pour les entreprises multinationales (dont les filiales operent dans des pays aux legislations sociales et environnementales variees), qui risquent alors de perdre la confiance de certains actionnaires, fournisseurs ou clients.

De plus, comme la societe mere impose souvent ses conditions de production, de financement, d'echanges, etc., aux differentes filiales du groupe, ses interets peuvent etre en contradictions avec deux de tout ou partie de ses societes-filles, ou eventuellement en contradiction avec la loi d'un pays ou est situe le siege d'une societe fille [ 13 ] . Une societe mere peut etre un groupe cooperatif, dans ce cas les strategies sont plus negociees entre ≪ mere ≫ et ≪ fille ≫.

La societe mere a generalement la responsabilite de la direction, de l’administration et du controle, qui s'effectuent par l’intermediaire d’une ou plusieurs personnes ( administrateurs ou gerants ) qu’elle a designees. Elle prend habituellement les decisions strategiques pour la societe-fille, elle peut signer des accords-cadre internationaux [ 14 ] ou plus rarement se limite a la gestion du capital, ou a pour seul objet le regroupement et la gestion de participations multiples dans des societes de metiers et activites varies : on parle alors plus specifiquement de ≪  holding  ≫.

En France, dans le cadre de la prevention des risques pour la sante et la securite des travailleurs dans la chaine de valeur , pour anticiper et eviter ou limiter les drames humains, une proposition de loi vise a clarifier le devoir de vigilance qu'ont les societes meres francaises ou presentes en France a l'egard des questions de responsabilite sociale et environnementale , notamment concernant l'utilisation de la sous-traitance est mise a l'etude en 2014, visant a proteger les droits fondamentaux ≪ tout au long de la chaine de valeur ≫ [ 15 ] , notamment soutenu par Manuel Valls en 2014, et tres attendue par de nombreuses ONG ( Amnesty International France , CCFD-Terre solidaire , Sherpa , le Collectif Ethique sur l'etiquette , les Amis de la Terre , Forum Citoyen pour la RSE) et des syndicats ( CFTC , CFE-CGC , CGT , CFDT , UNSA ). Ce texte porteur de ≪ deux ou trois sensibilites politiques differentes ≫ selon Danielle Auroi vise a ameliorer la justice sociale et environnementale et certains l'esperaient donc publie avant la COP 21, mais il a pris du retard suite une tentative de blocage par le rapporteur de la commission des lois Christophe-Andre Frassa (LR), lequel a depose une motion prejudicielle (procedure juridique qui n'avait ≪ pas ete utilisee depuis plus de dix ans et ne l'a ete qu'une seule fois depuis la Seconde Guerre mondiale ≫ ). Le senateur a finalement retire sa motion mais tout en deposant trois amendements visant a supprimer chacun des trois articles du texte.

L'article 1 de ce projet de loi pose qu'au-dela de 5 000 salaries en France ou de plus de 10 000 salaries au niveau mondial, une societe-mere aurait a publier et mettre en œuvre ≪ un plan de vigilance raisonnable ≫ listant des outils pour ≪ identifier et prevenir la realisation de risques d'atteintes aux droits de l'homme et aux libertes fondamentales , de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires resultant des activites de la societe et de celles des societes qu'elle controle, directement ou indirectement, ainsi que des activites de leurs sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale etablie ≫ . Le projet de Loi propose une amende civile pouvant atteindre dans les cas graves dix millions d'euros (non deductible du resultat fiscal ) et la publication, la diffusion ou l'affichage de sa decision ou d'un extrait de celle-ci. En 2015, alors que Christophe-Andre Frassa voit dans ce projet ≪ un risque disproportionne pour l'attractivite de la France et de la competitivite des entreprises francaises ≫ , le syndicat d'encadrement CFE-CGC estime que c'est au contraire ≪ une avancee alliant exigence ethique et competitivite ≫ et aussi un moyen ≪ securiser le cadre juridique a la fois pour les entreprises et pour les travailleurs (...) la competitivite des entreprises francaises ne pourra pas se construire dans la duree si elle repose sur la moins-disance sociale ≫ [ 16 ] . L' UDI pense que ≪ moraliser la mondialisation ≫ devrait concerner toutes les entreprises dans le monde, pour ne pas ≪ Est-ce a nos entreprises, seules (...) de porter la charge et la culpabilite ? ≫ se demande la senatrice UDI Anne-Catherine Loisier .

La loi n°2017-399 est promulguee le 27 mars 2017 [ 17 ] , apres avoir ete partiellement censuree par le Conseil Constitutionnel [ 18 ] (en particulier l'amende pouvant atteindre 10 millions d'euros a ete supprimee)

Des travaux similaires sont menes dans le cadre de l’ OCDE , du G7 , du G20 , de l’ ONU ou du Parlement Europeen soulignent les syndicats [ 16 ] . Selon CFE-CGC, la France n'est pas seule : ≪ des legislations sont en vigueur ou en preparation en Angleterre, Suisse ou en Autriche ≫ soulignent plusieurs syndicats francais le ( CFTC , CFDT , CFE-CGC , CGT , UNSA ) [ 19 ] ). La France doit aussi decliner deux directives europeennes ≪ aux fins notamment de promotion de l'innovation, de facilitation de l'acces des petites et moyennes entreprises aux marches publics et d'une meilleure prise en compte, par les acheteurs publics, des objectifs sociaux et environnementaux ≫ [ 20 ] , dans le cadre notamment de la ≪ simplification de la vie des entreprises ≫ [ 20 ] .

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

  1. Citoleux, Y., Encaoua, D., Franck, B., & Heon, M. (1977). Les groupes de societes en 1974 : une methode d'analyse . Economie et statistique, 87(1), 53-63.
  2. Kone, M. (2006). La notion de groupe de societes en droit Ohada. Penant : revue de droit des pays d'Afrique, 116(856), 285-293.
  3. a b c et d Vivante Cesare (1933) Societes filiales et financieres , Les. Annales Dr. Com. & Indus. Francais, Etranger & Int'l, 42, 271 ( 1 re  page )
  4. a b c d e f et g Jacquemin, A. (1989). La dynamique du groupe d'entreprises: une perspective de droit economique . Revue d'economie industrielle, 47(1), 6-13.
  5. Encaoua D & Jcquemin A (1982, Organizational efficiency and monopoly power : the case of Franch industrial groups, European Economic Review, 19
  6. Chabanas, N. (2011). Les entreprises francaises des groupes vues a travers les enquetes Liaisons financieres de 1980 a 1999  ; epsilon.insee.fr
  7. L'auteur etait alors Professeur d'economie a l'universite catholique de Louvain, conseiller aupres de la commission europeenne
  8. Blanchot, F. (1999). Les accords inter-firmes et concepts associes : une grille de lecture en termes d’interpenetration organisationnelle . Connivences d’acteurs, contrats, cooperation inter-entreprises et metamorphose des organisations, 328.
  9. Andreff, W. (1996). La deterritorialisation des multi-nationales : firmes globales et firmes-reseaux . Cultures et conflits, 373-396.
  10. von Planta A (2000) La theorie de la transparence . Responsabilite de l’Actionnaire Majoritaire: Seminaire de l’Association Genevoise de Droit des Affaires, 19-26.
  11. Pourtier, F. (1996). Qualite de l'information consolidee. Modelisation comptable des groupes et consequences du principe d'entite. Comptabilite-Controle-Audit, (1), 45-64 ( resume ).
  12. Rolland, B. (2003). Le point sur les poursuites a l’egard d’une societe mere en cas d’atteinte a l’environnement causee par une filiale .
  13. Roumeliotis P (1977) La politique des prix d'importation et d'exportation des entreprises multinationales en Grece . Revue Tiers Monde, 353-365.
  14. Sobczak, A. (2006). http://www.responsabiliteglobale.com/wp-content/uploads/2005/10/asobczak.accords-cadre.pdf Les accords-cadre internationaux: un modele pour la negociation collective transnationale ? ] ; Oeconomia Humana, 4(4), 13-18.
  15. Fabregat S (2015), Le devoir de vigilance des societes meres va-t-il passer l'epreuve du Senat ? La proposition de loi sur le devoir de vigilance des societes meres est examinee par le Senat, apres son adoption par les deputes. Ce texte, au parcours legislatif mouvemente, veut responsabiliser les grands groupes, y compris sur la sous-traitance Actu-Environnement. Dev. Durable , .
  16. a et b Communique des syndicats francais devoir de vigilance des multinationales : proteger les droits fondamentaux , (consulte le ).
  17. LOI n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des societes meres et des entreprises donneuses d'ordre (1) , ( lire en ligne )
  18. ≪  Decision n° 2017-750 DC du 23 mars 2017 | Conseil constitutionnel  ≫, sur www.conseil-constitutionnel.fr (consulte le )
  19. Communique commun CFTC, Proteger les droits fondamentaux  ; emis par CFDT, CFE CGC, CGT, UNSA, le .
  20. a et b Loi n o  2014-1545 du relative a la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procedures administratives ; expose des motifs .

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • Allard, P. (1978). Dictionnaire des groupes industriels et financiers en France . Editions du Seuil.
  • Andreff, W. (1996). La deterritorialisation des multi-nationales : firmes globales et firmes-reseaux . Cultures et conflits , 373-396
  • Bonturi, M., & Fukasaku, K. (1993). Analyse empirique de la mondialisation et des echanges intra-entreprise. Revue economique de l'OCDE , (20), 165-179.
  • Sauerwein, N. (2006). La responsabilite de la societe mere: panorama des moyens de protection des actionnaires minoritaires et des creanciers de societes dominees . Stampfli.*
  • Dibout P & Legal JP (2004). Un hybride atypique : La filiale francaise etablissement stable de sa societe mere etrangere (9 propos de l'arret du Conseil d’Etat versus Ste Interhome AGY du ) (premiere partie). Y, DF, (47), 1662Q1669.
  • Vivante Cesare (1933), Societes filiales et financieres , Les. Annales Dr. Com. & Indus. Francais, Etranger & Int'l, 42, 271 ( 1 re  page ).

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]