Un
prince-electeur
(du
latin
:
princeps elector
; en
allemand
:
Kurfurst
) etait le titulaire d'un
titre de haute noblesse
attribue aux plus hauts
princes
du
Saint-Empire
ayant le privilege d'elire le
roi des Romains
, avant son couronnement comme
empereur
par le
pape
. Le statut des sept princes-electeurs fut defini par la
Bulle d'or
promulguee par l'empereur
Charles IV
en
1356
.
L'
electorat
etait attache a la possession d'un
Etat imperial
tenu en fief
immediat
de l'empereur.
Apres l'extinction de la dynastie des
Carolingiens
au royaume de
Francie orientale
, en
911
, les princes furent convenus d'eviter la succession de
Charles III
, roi de
Francie occidentale
. A la place, les ≪ grands ≫ des
Alamans
, des
Bavarois
et des
Saxons
opterent pour l'un d'eux, le duc
Conrad de Franconie
, qui n'avait aucune parente directe avec la dynastie carolingienne.
A cette epoque, l'election du roi etait l'usage egalement en Francie occidentale ; la plupart des souverains furent neanmoins en mesure d'imposer le choix de leurs fils. Plus tard, sous le regne des
Capetiens
, le
royaume de France
se developpa en une monarchie hereditaire. Dans la Francie orientale, au contraire, plusieurs souverains moururent sans laisser des heritiers directs : en
1002
deja, le duc
Henri de Baviere
doit imposer son election en vertu de la succession de son cousin
Otton III
face a ceux qui s’opposent a lui.
Des l'an
1024
, la
dynastie salienne
a pu s'etablir durant tout un siecle, jusqu'a ce que la ligne masculine s'eteigne en
1125
. Apres la mort du dernier des empereurs saliques,
Henri V
, les princes songent a lui donner un successeur qui ne pretende plus etablir a leurs depens une monarchie hereditaire et absolue. C'est pourquoi
Lothaire de Supplinbourg
, a l'age de cinquante ans et sans heritier male, a ete elu pour lui succeder. A sa mort en
1138
, son beau-fils le duc
Henri le Superbe
n'a pas reussi a s'imposer face a son rival
Conrad III de Hohenstaufen
; Conrad lui-meme, sur son lit de mort en
1152
, designe son neveu
Frederic Barberousse
comme successeur a la place de son fils.
Les
princes du Saint-Empire
sont sortis renforces de chaque changement de pouvoir. La composition du corps electoral n'etait pas clairement definie au depart ; la prerogative d'elire le roi des Romains avait ete exercee a l'origine par tous les princes d'Empire dans la composition tels qu'ils apparaissaient les jours d'election ou etaient representes. Parmi les plus illustres princes qui furent convoques a l'assemblee se trouvaient cependant les archeveques de
Mayence
, de
Cologne
et de
Treves
ayant leur siege sur l'ancien territoire des
Francs rhenans
. Seule la
Bulle d'or
a limite le droit de vote aux sept electeurs en 1356.
Au
Moyen Age
et au debut des
Temps modernes
, le college electoral etait compose d'un nombre de sept, puis plus tard neuf princes. L'empereur etait elu a la majorite de leurs voix, au minimum quatre, quel que soit le nombre d'electeurs participant a l'election. A chacun d'entre eux fut reservee une des hautes charges a la cour imperiale.
Les princes-electeurs du college initial designes par la Bulle d'or etaient :
Par la suite la composition du college electoral a varie lors de la creation de deux nouveaux electorats au
XVII
e
siecle
:
- en
1623
, pendant la
guerre de Trente Ans
, l'electeur palatin
Frederic
V
fut depossede de sa charge qui fut transmise (a titre viager, et donc provisoire) a son parent le duc
Maximilien
I
er
de Baviere
. Cependant, par les
traite de Westphalie
en
1648
, le fils de Frederic, le palatin
Charles Louis
, recupera la dignite electorale, avec la charge d'archi-tresorier. Un huitieme electorat fut cree a cette occasion, l'
electorat de Baviere
ayant ete perennise entre-temps ;
- en
1692
, l'empereur
Leopold
I
er
promut
Ernest-Auguste de Hanovre
, duc de
Brunswick-Lunebourg
, prince de
Calenberg
, au rang d'electeur (
Electeur de Brunswick-Lunebourg
), avec la dignite d'archi-porte-etendard. Ses successeurs furent connus apres 1705 comme
electeurs de Hanovre
; ils prirent en
1708
la dignite d'archi-tresorier, apres la demission du palatin qui reclamait son ancienne dignite d'archi-senechal.
En
1701
, l'electeur de
Brandebourg-Prusse
, et qui le resta, obtint l'accord de l'empereur pour prendre le titre de ≪ roi
en
Prusse ≫ (
rex in Borussia
) son ancien
duche de Prusse
demeurant exterieur a l'Empire. En
1777
, l'electeur palatin herita de la Baviere et les deux electorats furent reunis.
Par le
reces de 1803
, le Saint-Empire fut reorganise sous la tutelle de
Napoleon Bonaparte
. Les electorats de Treves et de Cologne furent supprimes ; en revanche, Napoleon fit attribuer la dignite electorale a quatre princes laics reputes favorables a la politique francaise :
En
1805
, l'electorat de Salzbourg fut annexe par l'
empire d'Autriche
et la dignite electorale passa au
grand-duc de Wurtzbourg
. L'annee suivante, le Saint-Empire est dissous. Seul l'electeur de Hesse continua a porter le titre electoral, jusqu'en
1866
.
Ces princes regnaient sur des Etats importants du
Saint-Empire
; ils disposaient de
privileges
tres etendus, dont la
souverainete
territoriale (
Landeshoheit
), ce qui les rendait quasi independants de l'empereur.
Les electorats (nom donne aux principautes des electeurs) etaient indivisibles, ne pouvant etre partages entre les heritiers (dans le cas des electorats laics). En cas d'extinction de la lignee d'un electorat, l'empereur pouvait l'attribuer a un nouveau titulaire (sauf dans le cas du
roi de Boheme
, car il etait lui-meme elu, et ce jusqu'au
XVII
e
siecle
).
Outre l'election imperiale, les princes-electeurs detenaient des fonctions dans les differentes institutions du
Saint-Empire
. Les trois electeurs ecclesiastiques, en tant qu'archi-chanceliers, controlaient et procedaient aux nominations dans differentes institutions imperiales. En cas de vacance du siege imperial, le duc de Saxe et le comte palatin du Rhin assuraient l'interim en tant que curateurs.
Les electeurs beneficiaient de l'
immediatete imperiale
(
Reichsunmittelbarkeit
), privilege qui leur conferait la
superiorite territoriale
(
Landeshoheit
).
Ils etaient des
etats imperiaux
(
Reichsstande
), c'est-a-dire qu'ils avaient le droit de sieger et de voter (
Sitz-und Stimmrecht
) a la
diete d'Empire
(
Reichstag
), l'assemblee generale des etats qui succeda a la diete de Cour (
Hoftag
) et qui devint
perpetuelle
(
immerwahrender Reichstag
) en 1663. Ils formaient le premier des trois colleges de la diete.
L'electeur de Mayence nommait le vice-chancelier du
Conseil aulique
(
Reichshofrat
).
Si la dignite imperiale fut theoriquement elective jusqu'a la dissolution du
Saint-Empire
, elle fut
de facto
hereditaire des le
XV
e
siecle
. En effet, les electeurs elisaient le roi des Romains, qui devait par la suite etre couronne empereur. Ce couronnement etait effectue par le
pape
, jusqu'a l'election de
Maximilien
.
Apres ce couronnement, un nouveau roi des Romains pouvait etre elu du vivant de l'empereur. La coutume voulait que l'empereur designat ainsi, de son vivant, son propre successeur (le plus souvent son fils ou son petit-fils). Ceci explique que le systeme electoral ait instaure paradoxalement une
heredite de fait
au profit des
Habsbourg
, sans discontinuite entre le
XV
e
et le
XVIII
e
siecle
(a l'exception de
Charles
VII
, gendre de l'empereur
Joseph
I
er
, et de
Francois
I
er
, gendre de l'empereur
Charles
VI
, issus respectivement des maisons de
Wittelsbach
et de
Lorraine
).
Les
Habsbourg
reussirent a obtenir au
XVI
e
siecle un Electorat (ce qu'ils n'avaient pas obtenu de
Charles
IV
, malgre leur influence au sein de l'Empire), en faisant elire regulierement un des leurs comme Roi de Boheme. Au
XVII
e
siecle, le titre de roi de Boheme devint hereditaire, donnant definitivement aux
Habsbourg
un Electorat. Par ailleurs, la dynastie de Habsbourg puis Habsbourg-Lorraine se maintint a la tete du royaume de Boheme jusqu'en
1918
.
Lors de l'organisation du
Premier Empire
francais, on crea un ≪ Grand electeur de l'Empire ≫, charge de convoquer les colleges electoraux et le
corps legislatif
.
Joseph Bonaparte
fut investi de cette dignite ; quand ce dernier devint roi de Naples (le
), il fut finalement remplace (le
) par
Talleyrand
(fait ≪ vice-grand electeur de l'Empire ≫), qui venait de demissionner du ministere des Relations exterieures
[
1
]
.
- ↑
Georges Lacour-Gayet,
Talleyrand
, pp. 607-608
Place dans les titres de noblesse du Saint Empire
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