Apparition de saint Jean de Capistran (de l'Observance italienne) a saint Pierre d'Alcantara (par
Luca Giordano
).
Pierre d'Alcantara
(
Alcantara
,
1499
-
Arenas de San Pedro
,
) est un reformateur des
Freres mineurs dechausses
et participe a celle des
Carmelites
. A l'origine de la spiritualite dite
dechaussee
, il est reconnu
saint
par l'
Eglise catholique
.
Juan de Sanabria est ne a Alcantara en 1499. Son pere, Pedro Alonso Garavito, juriste de formation est regidor de la ville. A la mort de celui-ci en 1507, sa mere, Maria Vilela de Sanabria, qui provient d'une famille aisee, se remarie. Quant a Juan, apres avoir etudie la grammaire dans sa cite natale, il se rend a
Salamanque
pour y completer sa formation a l'universite. Entre 1511 et 1515, il se consacre successivement aux
arts liberaux
, a la philosophie et au
droit canon
. En 1515, il est admis chez les franciscains de la custodie du Santo Evangelico, fondee en 1502 par Juan de Guadalupe, laquelle depend des
Conventuels
de la province de Santiago
[
1
]
. Pour commencer, Juan accomplit son noviciat, sous la direction de Francisco de Fregnal, a Caceres, au couvent San Francisco de los Majaretes, dont son oncle, Miguel Roco, est le gardien (= superieur). A sa profession religieuse, il recoit le nom de Pierre, auquel on ajoute, selon la coutume franciscaine, le lieu d'origine. Il poursuit alors sa formation ecclesiastique a
Majaretes
, puis a
Belvis de Monroy
. En 1522, il est ordonne sous-diacre, en 1523
diacre
, et
pretre
en 1524
[
2
]
.
A la fin du Moyen Age, l'ordre franciscain est traverse par un desir de reforme, qui provoque en son sein une division entre les
conventuels
, attaches aux traditions en vigueur, et ceux qui deviendront les
freres mineurs de l'Observance
, desireux d'une application plus rigoureuse de la regle. En 1517, le pape
Leon X
, par la bulle
Ite et vos in vineam
, regroupe tous les essais de reforme sous l'appellation d'Observance, separe les observants des conventuels, et confie la juridiction de l'Ordre au ministre general des premiers. C'est ainsi que le couvent ou est entre Pierre en 1515, se trouve rattache, en 1517, a l'Observance de la province de Santiago
[
2
]
. Attestes des 1480, les observants espagnols, appeles aussi dechaux, prennent, a la mort de Pierre d'Alcantara, le nom d'alcantarins, en hommage au saint qui a reussi a reconcilier, dans une meme reforme (1577), les deux tendances religieuses. Ils forment ainsi l'une des subdivisions, a l'interieur de l'Observance, du mouvement dit "de la stricte Observance"
[
3
]
. A son apogee, ce mouvement compte quelque sept mille membres, repandus en Europe, en Asie et en Amerique. De plus, au sein de la
reforme catholique
, il inspire assez rapidement un retour a l'austerite primitive dans certains ordres mendiants (
carmes
et
augustins
), comme dans certaines abbayes (
camaldules
et
cisterciens
)
[
4
]
.
Jusqu'en 1557, Pierre fait partie de la province de San Gabriel, la custodie d'
Estremadure
ayant ete rattachee a celle-ci durant le chapitre provincial des observants de Santiago, en 1519. Dans cette province, on le retrouve successivement gardien des couvents de Robledillo, Gata, Bradajoz, La Lapa et Plasencia. Il est ensuite appele a de plus hautes responsabilites :
Clement VII
l'etablit procureur de certaines maisons; il est nomme definiteur en 1535, 1544 et 1551, et provincial de 1538 a 1541, non sans avoir ete pressenti pour la charge a trois autres reprises. Par deux fois, en 1540 et 1552, il est elu comme representant au chapitre general de l'ordre. C'est a l'une de ces occasions que, retenu a
Barcelone
par la maladie, il rencontre le jesuite saint
Francois de Borgia
. Dans le meme temps, Pierre d'Alcantara fonde les couvents de Villanueva del Fresno (1538), Tabladilla et Valverde de Leganes (1540). Il voyage egalement a l'etranger : probablement a
Nice
pour le chapitre general de 1535, et a
Rome
, ou il aurait ete recu par
Jules III
en 1554; mais c'est surtout au
Portugal
qu'il se plait a sejourner, tantot pour aider son parent Martin de Santa Maria Benarides a fonder la custodie observante de l'Arrelida (1539), tantot pour assurer les fonctions de gardien et de maitre des novices a Palhaes (de 1542 a 1544), sans compter d'autres sejours entre 1548 et 1557
[
2
]
.
Sanctuaire ou fut inhume Pierre d'Alcantara, a Arenas de San Pedro.
A partir de 1557, Pierre releve de la custodie de San Jose, pour laquelle il obtient du pape
Pie IV
le rang de province, en 1561. Des 1555, en effet, il demande la permission de se retirer dans la solitude, a
Santa Cruz de Paniagua
(
Caceres
), ou il a fait la connaissance de Juan Pascual, fondateur de la custodie de San Simon en
Galice
, qui dependait de Santiago. Deux ans plus tard, a la mort de celui-ci, il lui succede comme Commissaire general des conventuels reformes. La meme annee, il fonde le couvent du Pedroso de Acim (Concepcion del Palancar), celui du
Tiers-Ordre
feminin regulier a Jerez de los Caballeros (
Badajoz
), en 1558
[
2
]
, et encore ceux d'Aldea de Palo et d'Arenas, en 1561. Apres avoir assiste a un ultime chapitre general en 1559, Pierre d'Alcantara meurt chez son medecin, a
Arenas
, le
[
2
]
. Organisateur de la vie consacree et animateur de la vie interieure, il aura renove le franciscanisme espagnol, en developpant de petites communautes de huit religieux, tres pauvres et tres austeres, qui ne consacraient pas moins de trois heures par jour a l'oraison
[
5
]
.
Saint Pierre d'Alcantara donnant la communion a sainte Therese d’Avila (par
Livio Mehus
).
Saint Pierre d'Alcantara : pauvrete, ascese et oraison.
Vers 1560, sainte
Therese d'Avila
fait la connaissance de Pierre d'Alcantara, a Aldea del Palo, chez dona Guiomar de Ulloa, peu apres l'episode de la
transverberation
[
6
]
. Comme elle s'en explique dans son autobiographie, cette rencontre, a l'aube de ses grands realisations pour le Carmel, devait marquer toute son existence
[
7
]
. C'est d'abord a l'expert en spiritualite qu'elle s'adresse, et celui-ci lui garantit l'authenticite de ses premieres experiences mystiques, pour les avoir lui-meme connues, et s'en porte garant aupres des directeurs de la sainte
[
6
]
. Une autre fois, c'est l'organisateur de la vie religieuse, qui la soutient dans son projet de fonder a
Avila
un monastere reforme ou se pratiquerait la pauvrete, la solitude et le silence, c'est-a-dire d'emprunter une orientation ascetique inspiree de celle adoptee par les franciscains dechausses
[
8
]
. A ce propos, Pierre d'Alcantara determine l'eveque d'Avila, Alvaro de Mendoza, a proteger fidelement Therese dans sa rupture avec les carmes chausses
[
9
]
. Le recit de ces contacts avec le franciscain, fournit d'ailleurs a la sainte l'occasion de brosser un portrait assez impressionnant, voire effrayant, de Pierre d'Alcantara. Sans doute s'agit-il tout a la fois de montrer la conformite du saint aux plus rudes exigences de la reforme, et de preparer sa
canonisation
, dont le proces s'ouvre a Arenas en 1601. C'est ainsi que Therese affirme avoir beneficie de la vision posthume de son conseiller, nimbe de la gloire celeste que lui a value une vie de penitence. Une certaine outrance de l'
hagiographie
baroque
ne doit pas faire oublier les vertus plus accessibles de Pierre, car celui-ci est, avant tout,
≪ calme et prudent, pauvre et genereux, disponible et obeissant, humble et magnanime, penitent et accueillant ≫
[
2
]
.
L'œuvre ecrite de Pierre d'Alcantara baigne dans l'atmosphere
platonico
-
augustinienne
du siecle d'or de la mystique espagnole. Elle se caracterise toutefois par l'accent mis sur la pauvrete, la penitence et la priere : il s'agit de vivre l'ideal de la
descalcez
, qui se presente comme une spiritualite active et missionnaire, sensiblement differente de l'orientation
quietisante
prise par le mouvement concurrent de la
capucha
[
4
]
. Cette spiritualite va trouver son expression la plus accomplie dans le
Tratado de oracion y meditacion
, a travers lequel l'auteur cherche a atteindre, non sans hardiesse, un public pauvre en moyens et en temps, auquel il livre, non un savant traite de theologie, mais un enseignement solide et complet sur l'
oraison
, sous forme d'un manuel, dans lequel il condense, sur la base des instructions de son ami dominicain
Louis de Grenade
, l'essentiel de son experience dans le domaine de la priere et du discernement.
L'ouvrage se compose ainsi de deux parties : d'une part, en douze chapitres, les voies purgative et illuminative sont balisees par des conseils traitant respectivement de la meditation et de l'oraison ; d'autre part, en cinq chapitres, la voie illuminative donne a Pierre d'Alcantara l'occasion de developper ses vues sur la notion de devotion, selon une thematique reprise a
Thomas d'Aquin
. Dans la premiere partie, apres avoir presente les fruits a attendre de l'oraison, le saint propose des sujets de meditation : celui qui vient de se convertir, c'est-a-dire de revenir a Dieu, commencera par reflechir a la situation de l'homme et aux bienfaits de Dieu dans la perspective du
jugement dernier
, puis il passe a la
Passion
, Resurrection et
Ascension du Christ
, distribuees en sept meditations pour chaque jour de la semaine. Il convient de souligner, en passant, que les premiers sujets correspondent aux meditations du soir chez
Louis de Grenade
et aux deux premieres semaines des
Exercices spirituels
de saint
Ignace de Loyola
(qu'Alcantara connait peut-etre), tandis que les derniers sujets fournissent les meditations du matin chez Louis de Grenade et les troisieme et quatrieme semaines chez Ignace. Ensuite, l'auteur expose les six parties de l'oraison : preparation, lecture, meditation, action de grace, offrande et demande; il s'inspire ici de
Francisco de Osuna
, mais aussi de
Louis de Blois-Chatillon
[
10
]
. Enfin, au terme d'une serie de conseils spirituels, Pierre d'Alcantara en arrive au stade de la contemplation acquise, puisqu'a travers un exercice melant meditation et contemplation, il propose de pratiquer l'oraison de simplicite. Une fois la vie interieure posee sur ces fondements, la deuxieme partie montre comment l'entretenir de maniere a favoriser la devotion, dont l'auteur souligne qu'elle est a l'amour ce que la flamme est au feu
[
11
]
.
Vers 1725, un peintre italien
Giambattista Pittoni
a peint pour l'autel de l'
Eglise Santa Maria dei Miracoli
a
Venise
, un retable
L'Apotheose de
Saint Jerome
et
Pierre d'Alcantara
, aujourd'hui conserve a la
National Gallery of Scotland
a Edimbourg. L'eglise etait dirigee alors par des religieuses franciscaines et au premier plan se trouve un frere franciscain qui peut etre identifie comme Saint Pierre d'Alcantara. Il met l'accent sur le caractere spirituel de l'evenement, experimentant interieurement la vision de saint Jerome
[
12
]
.
Un peu plus tard, vers 1765, toujours a
Venise
,
Francesco Fontebasso
decore la chapelle Contarini de l'
Eglise San Francesco della Vigna
de peintures representant Pierre d'Alcantara : sur le plafond,
La Gloire de San Pedro de Alcantara
et, sur les murs,
San Pedro de Alcantara et Therese d'Avila
,
San Pedro de Alcantara et la reine Isabelle d'Espagne
,
La Mort de San Pedro de Alcantara
et
l'Ascension de Pedro de Alcantara au ciel
.
On peut voir au Museo Nacional de Arte a La Paz une toile datant de 1702 du peintre
Melchor Perez de Holguin
intitulee "Extasis de San Pedro de Alcantara", ou le saint est represente en train d'etre nourri par la Christ et un ange.
- Pierre d'Alcantara a Venise
-
-
Plusieurs membres de familles royales ou nobles portent comme prenom Pierre d'Alcantara, notamment :
- Tratado de la oracion y meditation
.
- Super psalmum Miserere
(1561).
- Constituciones
de la province de San Gabriel (1540).
- Constituciones
de la province de San Jose (1561-1562).
- 12
Lettres
.
- M.
Acebal Lujan
,
≪ Pierre d'Alcantara (saint) ≫
, dans
Dictionnaire de spiritualite ascetique et mystique
, Paris, Beauchesne,
, p.1489-149, fascicules LXXX-LXXXI-LXXXII
.
- O. Englebert,
≪ Saint Pierre d'Alcantara ≫
, dans
La fleur des saints
, Paris, Albin Michel,
, p.339-340
.
- ↑
Acebal Lujan 1985
,
p.
1489.
- ↑
a
b
c
d
e
et
f
Acebal Lujan 1985
,
p.
1490.
- ↑
A. Rotzetter, W. Van Dijk, T. Matura,
Un chemin d'evangile, l'esprit franciscain hier et aujourd'hui
, Paris, Mediaspaul et Editions Paulines, 1982, p. 164.
- ↑
a
et
b
Acebal Lujan 1985
,
p.
1494.
- ↑
Englebert 1984
,
p.
339-340.
- ↑
a
et
b
E. Renault,
Sainte Therese d'Avila et l'experience mystique
, Seuil,
coll.
≪ Maitres Spirituels ≫,
, p.47
.
- ↑
"Vie de sainte Therese ecrite par elle-meme", chapitre XXVII.
- ↑
Renault 1958
,
p.
50.
- ↑
Renault 1958
,
p.
53.
- ↑
Acebal Lujan 1985
,
p.
1492.
- ↑
Acebal Lujan 1985
,
p.
1493.
- ↑
Notice de la National Gallery of Scotland