Le
Capricorne
, ou la Chevre, est une
constellation
du
zodiaque
traversee par le
Soleil
du
19 janvier
au
15 fevrier
. Dans l'ordre du zodiaque, la constellation se situe entre le
Sagittaire
a l'ouest et le
Verseau
a l'est.
Le
Capricorne
designe egalement un
signe
du
zodiaque
correspondant au secteur de 30° de l'
ecliptique
traverse par le
Soleil
du
22 decembre
au
20 janvier
.
Nous avons au depart le nom mul.MA?, ≪ la Chevre ≫ pour
α Cap
, cela sur un document date vers 1450
av. J.-C.
[
1
]
. On retrouve cette etoile sous le nom mul.SU?UR.MA?.ku
6
, litteralement ≪ la Carpe-Chevre ≫ dans
Serie MUL.APIN
, le premier traite d'astronomie mesopotamienne, decouvert a Ninive dans la bibliotheque d'Assurbanipal et datant au plus tard de 627
av. J.-C.
[
2
]
. Le nom est evocateur, puisqu'il renvoie a l'image familiere de la figure du
Capricorne
, telle que nous la connaissons par les Grecs et les Latins.
Par la suite, c'est-a-dire au debut du
I
er
millenaire
av. J.-C.
, le ciel est organise en constellations, c'est-a-dire que les etoiles sont desormais nommees par leur situation dans les figures celestes, et comme cela est atteste dans les fameux ephemerides qui s'etalent de 652
av. J.-C.
a 61 de notre ere, SU?UR.MA? =
su?urm??u
, litteralement ≪ la Carpe-chevre ≫ est desormais la figure dont nous avons deja parle dans laquelle
β Cap
est SI MA?, ≪ la Corne de la Chevre ≫
[
3
]
.
Les Grecs ont herite de la figure mesopotamienne
[
4
]
, dont ils ont repris l'image telle quelle, sous le nom de
Α?γ?κερω?
, ≪ Celui qui a deux cornes ≫, atteste chez
Euctemon
[
5
]
, mais ils l'ont, comme il se doit, adapte a leur propre imaginaire. Ainsi,
Eratosthene
rapproche cette figure d'
Egipan
, Pan aux pieds de chevre, dont il est l'enfant, frere de lait de Zeus grace aux soin de la chevre
Amalthee
, et dont la queue de poisson est une allusion au fait qu'il a decouvert la conque de mer
[
6
]
.
Les Latins ont rendu de plusieurs manieres l'
Α?γ?κερω?
grec. Le nom le plus frequent est chez eux, a partir de
Ciceron
dans ses
Aratea
, c’est-a-dire sa version latine des
Φαιν?μενα
d’
Aratos
,
Capricornus
, qui s’inspire du nom grec, mais ont aussi transcrit purement et simplement ce nom sous la forme
Aegoceros
. Plus rarement, a ete employe
Caper
[
7
]
, qui se ressent d’une influence orientale, sachant que la constellation se dit en arameen ????
Gadya
, ≪ le Chevreau ≫, influence probablement venue par la large utilisation faite de ce qu’a cote de la
Sphaera graecana
, le philosophe
Nigidius Figulus
, ami de
Ciceron
, nommait la
Spheara barbarica
, et dont les riches materiaux furent constemmant renouveles par des apports reguliers de sources syriennes et mesopotamiennes
[
8
]
,
[
9
]
Il convient de distinguer le ciel traditionnel arabe, qui comprend les
man?zil al-qamar
ou ≪ stations lunaires ≫, et ciel greco-arabe, c'est-a-dire celui que les astronomes classiques ont repris des Grecs au
IX
e
siecle de notre ere.
Le ciel arabe traditionnel comptait sur l'espace correspondant au
Capricorne
les deux premiers asterismes de la serie nomme de dix asterismes nommees ??????
al-Su??d
, ≪ les Propices ≫, dont les levers heliaques s'etalaient de la mi-janvier au debut mars, soit la periode des pluies (voir la
constellation du Verseau
pour davantage de details)
[
10
]
, sachant que le premier de ces asterismes, forme par le couple
αβ Cap
et nomme ??? ?????? Sa?d al-??bi?, ≪ la Propice du Sacrificateur ≫, constitue la
XX
e
les
man?zil al-qamar
.
Quand les Arabes reprirent les constellations grecques, ils ont tout naturellement rendu
Α?γ?κερω?
par ?????
al-?ady
, ≪ le Chevreau ≫. Ils utilisaient en effet deja cette appellation, heritee du nom babylonien de base epoque MA? =
Uri?u
, ≪ le Chevreau ≫, et cela par l'intermediaire de l'arameen
Gadya
, de meme signification, comme nom du
9
e
signe du zodiaque, atteste dans l'horoscope de fondation de la ville de Baghdad en 762, ainsi que nous le rapporte l'erudit persan
al-B?r?n?
[
11
]
.
Le patrimoine international des noms d'etoiles puise d'ailleurs a ces deux sources arabes.
Au Moyen Age, les clercs latins connaissaient le nom
Capricornus
par les encyclopedies et les quelques manuscrits des
Aratea
, c’est-a-dire les versions latines des
Φαιν?μενα
d’
Aratos
, a leur disposition, mais ils connurent des l’an mil le nom arabe de cette figure. Nous lisons ainsi, chez Gerard de Cremone (
ca.
1175) :
Stellatio Alcaucurus… & est Capricornus
[
12
]
, qui reprend
Is??q b. ?unayn
: ???? ???????? ... ??? ?????
kawkab al-Qawq?rus … wa huwwa al-?ad?
[
13
]
. A son epoque, on ne lit pas encore le nom grec dans le texte, ce qui n’adviendra qu’a la Renaissance. Et l’on trouve par exemple, dans l’
Uranometria
de
Johann Bayer
(1603), une liste de noms connus dans les differentes langues, selon l’usage de l’epoque : non seulement
Α?γ?κερω?
, mais encore en particulier
Arab. Algedi, Alcantarus
, le premier nom etant la transcription de l’arabe ?????
al-?ad?
, soit le nom de cette figure dans le ciel arabe traditionnel, le second celle de l’arabe ????????
al-Qawq?rus
, nom par lequel les Arabes ont rendu le nom grec de la constellation
[
14
]
. Ces noms figurent encore dans plusieurs catalogues jusqu’a ce que la nomenclature approuvee en 1930 par l’Union astronomique internationale (UAI) ne chasse definitivement les appellations autres que
Libra
, a l’exception du grec
Α?γ?κερω?
.
- Hermann Hunger,
Astral science in Mesopotamia
, Leiden / Boston (Mass.) / Koln : Brill, 1999,
, 303
p.
(
ISBN
90-04-10127-6
)
.
- Paul Kunitzsch,
Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber
, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961 p.,
, 125.
- Roland Laffitte,
Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe
, Geuthner,
, 296
p.
(
ISBN
978-2-7053-3865-7
)
.
- Andre Le Bœuffle,
Les Noms latins d'astres et de constellations
, Paris: Les Belles lettres,
, 292+cartes
(
ISBN
978-2-251-32882-9
,
ISSN
1151-826X
)
.
- Otto Neugebauer & Richard A. Parker,
Egyptian astronomical texts... 3. Decans, planets, constellations and zodiacs
, 2 vol., Providence, R. I. : Brown university press / London : L. Humphries, 1969.
- Sun Xiachun Sun & Jacob Kistemarker =,
The Chinese Sky During the Han
, Leiden Koln : Brill,
, 240
p.
.
Le
Capricorne (Capricornus)
, un des signes du zodiaque complet figurant sur le portail gauche de la facade de la cathedrale d'Amiens.
La
planete
Neptune
fut decouverte dans cette constellation par l'
astronome
allemand
Johann Galle
, pres de
Deneb Algedi
(δ Cap), le
.
La constellation est relativement facile a situer par rapport a des grands alignements :
- Elle se situe sur le chemin (presque) droit qui part de la Grande Ourse, passe par le cœur du Dragon et par sa tete, pour venir toucher Vega de la Lyre, puis Altair. L'alignement Vega - Altair permet de reperer 20° plus au sud α du Capricorne et les deux ≪ pieds ≫ du capricorne 15° plus loin. Pour les observateurs situes suffisamment au sud, cet alignement se prolonge jusqu'a Al Na'ir (α
Gruis
), a une soixantaine de degres d'Altair.
- Dans l'autre sens, le Capricorne est entre
Pegase
et le
Verseau
d'un cote, et le
Sagittaire
de l'autre, dans un immense alignement qui fait le tour du globe, et qui est un axe de reperage majeur de la voute celeste. Partant du
Grand carre de Pegase
, cet alignement passe par
Algol
,
Capella
,
Castor
et
Pollux
,
Alphard
(
Hydre
), l'extremite des
Voiles
puis
Acrux
et
Alpha Centauri
,
Shaula
(λ Scorpii), l'arc et la tete (σ Sgr) du
Sagittaire
, puis remonte par la tete du Capricorne (β Cap), le long de l'axe du
Verseau
, pour boucler sur la diagonale du
Grand carre de Pegase
.
- Par rapport aux ≪ phares ≫ de la region, le Capricorne est situe a peu pres a mi-chemin entre
Vega
de la
Lyre
et
Fomalhaut
du
Poisson austral
.
La constellation du Capricorne est la plus faible constellation du Zodiaque apres le
Cancer
. Ses
etoiles
les plus brillantes se situent a peu pres sur un triangle ayant ses sommets en α, δ et ω Capricorni. Attention a ne pas confondre ce triangle avec celui forme par α Cap, β Aqr et ι Aqr, plus au nord et plus visible.
- L'etoile la plus facile a reperer est β Cap, situee dans l'axe de la ≪ tete ≫ de l'
Aigle
. Cette etoile marque la ≪ tete ≫ de la grande chevre, et une petite voisine 3° plus au nord, α Cap, marque la pointe de la corne.
- Dans l'alignement de ces deux premieres etoiles, a 10° plus au sud, on tombe sur une petite paire d'etoiles ψ et ω Cap, egalement a ~3° l'une de l'autre.
- Perpendiculairement a cette premiere direction, vers l'est, on trouve un alignement de quatre etoiles assez brillantes, qui pointe un peu en dessous de la ≪ tete ≫: θ, ι, γ, et enfin δ Cap, la plus brillante, qui marque le bout de la ≪ queue ≫.
Le ≪ triangle ≫ demande de bonnes conditions (mag 4) pour etre visible. Quand les conditions sont excellentes, on peut deviner des soulignements de petites etoiles intermediaires qui decoupent ce triangle en une ≪ tete ≫ et un ≪ corps ≫. Par rapport a ce decoupage, α et β Cap figurent plutot les deux cornes du Capricorne.
Vers l'est, les limites avec le
Verseau
, lui-meme faible et peu structure, sont peu evidentes. L'alignement qui forme le ≪ dos ≫ du Verseau, dans l'axe de la diagonale du
Grand carre de Pegase
, semble se prolonger naturellement jusqu'a α Cap. Inversement, le ≪ dos ≫ de la chevre, l'alignement θ, ι, γ, et δ Cap (la ≪ queue ≫), semble se terminer naturellement jusqu'a.
Cote Sud, on voit aux pieds du Capricorne un alignement sensiblement Est-Ouest, qui pointe sur
Fomalhaut
(en bas a gauche de la figure). Les deux etoiles dans l'axe Tete - Sabots a 5° plus au sud appartiennent a la constellation (sans interet) du
Microscope
, le reste de l'alignement vers l'est appartient au
Poisson austral
.
Deneb Algedi
(
La Queue du Chevreau
en
arabe
), δ Capricorni, est l'etoile la plus brillante de la constellation du Capricorne. C'est une etoile blanche, ≪ metallique ≫ car son
spectre
presente de nombreuses traces d'
elements
tels que le
zinc
, le
baryum
, etc. Sa classification n'est pas exactement connue et on pense qu'il s'agit d'une etoile dans les derniers etats de la sequence principale.
Deneb Algedi est une
etoile double
: elle possede un compagnon tres peu lumineux (de
magnitude apparente
15,8) qui l'
eclipse
tous les 1 023 jours, abaissant sa propre magnitude de 0,2. Compte tenu du temps entre deux eclipses, les deux etoiles sont extremement proches, peut-etre meme quasiment en contact. Deneb Algedi possede egalement deux
compagnons optiques
, egalement tres peu lumineux.
Dabih
(β Capricorni) est la
2
e
etoile de la constellation. Il s'agit en realite d'un systeme stellaire extremement complexe. En premiere approche, il s'agit d'un systeme double. β
1
Cap est la plus brillante (magnitude 3,1). β
2
Cap est tout juste visible a l'œil nu (magnitude 6,2). Les deux etoiles sont eloignees d'au moins 21 000
ua
et tournent l'une autour de l'autre en au moins
1 million
d'annees.
β
2
Cap (
Dabih Minor
) est une supergeante (classe B9), anormalement enrichie en
mercure
et en
manganese
. Elle possede elle-meme un compagnon, eloigne de 30 ua, probablement une etoile standard de classe F, de magnitude 13.
β
1
Cap (
Dabih Major
) est plus complexe. Autour d'elle tourne, en 3,8 ans et a la distance de 4 ua, une etoile geante de magnitude 9. Mais elle possede egalement un autre compagnon qui orbite en seulement 8,7 jours.
Algedi (α Capricorni), ≪ le Chevreau ≫ en arabe, est la
3
e
etoile de la constellation et doit sa
designation
a sa position, la plus a l'ouest des etoiles du Capricorne visibles a l'œil nu. En realite, Algedi est composee de deux etoiles distinctes, quasiment discernables a l'œil nu (ce qui en fait un cas presque unique parmi toutes les etoiles) et qui n'ont strictement aucun lien entre elles. La plus eloignee (687
annees-lumiere
),
α
1
Cap
, est la moins brillante (magnitude 4,75). La plus proche (
109 annees
-lumiere, six fois moins loin),
α
2
Cap
, a une magnitude apparente de 3,58. Toutes deux sont des etoiles jaunes mourantes, α
1
Cap, egalement nommee
Prima Giedi
, est une supergeante de classe G3, α
2
Cap, nommee
Secunda Giedi
, est une geante de classe G8.
α
1
Cap est une etoile multiple. Elle possede trois compagnons, de magnitude 9,6, 14,1 et 14,2.
α
2
Cap est egalement une etoile multiple. Deux etoiles lui
orbitent
autour, sur une orbite tres proche, chacune de magnitude plus faible que 11.
La constellation du Capricorne possede encore deux autres etoiles possedant des noms propres :
Nashira
(γ Capricorni) et
Alshat
(ν Capricorni).
La constellation du Capricorne abrite l'
amas globulaire
M30
, de magnitude 7,2, distant de 26 000 annees-lumiere.
- ↑
Roland Laffitte, ≪
La liste de Boghazkoi (ca. 1450 av. e. c.) ≫, sur URANOS, le site astronomique de la Selefa.
≫
- ↑
Roland Laffitte, ≪
Serie MUL.APIN (BM 86378) ≫, Tab. I, ii, l. 34.
≫
- ↑
Roland Laffitte, ≪
Les etoiles de comput dites 'normales' dans les Journaux astronomiques (652-61 av. J.-C.) ≫, sur URANOS, le site astronomique de la Selefa.
≫
- ↑
Roland Laffitte, ≪
L’heritage mesopotamien des Grecs en matiere de noms astraux (planetes, etoiles et constellations, signes du zodiaque) ≫, in
Lettre SELEFA
n° 10, pp. 15 et 24.
≫
- ↑
Andre Le Bœuffle,
Les Noms latins d’astres et de constellations
, ed. Paris : Les Belles Lettres, 1977,
p.
176-178
.
- ↑
Eratosthene,
Le Ciel, mythes et histoires des constellations
, Pascal Charvet (dir.), Paris : Nil Editions, 1998,
p.
129.
- ↑
Andre Le Bœuffle,
Les Noms latins…
,
op. cit.
, pp. 176-178.
- ↑
Franz Joahnnes Boll, ≪ Teil III. Geschichte der Sphaera barbarica ≫, in :
Sphaera
, Leipzig : B. G. Beugner, 1903, pp. 349-464.
- ↑
Roland Laffitte, ≪ Les Noms semitiques des signes du zodiaque, de Babylone a Baghdad ≫, Comptes Rendus du GLECS (Groupe Linguistique d’Etudes Chamito-Semitiques), t. XXXIV, 2003, pp. 114-117.
- ↑
Roland Laffitte,
Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe
, Paris : Geuthner, 2012,
p.
104.
- ↑
Roland Laffitte,
Heritages arabes. Des noms arabes pour les etoiles
, Paris : Geuthner, 2005,
p.
46.
- ↑
Gerard de Cremone,
Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…
, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 84v.
- ↑
Claudius Ptolemaus, Der Sternkatalog des Almagest. I. Die arabischen Ubersetzungen, ed. par Paul Kunitzsch, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1986, p. 245.
- ↑
(la)Johann Bayer,
Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…
, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 31r.
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