La
musique populaire
est l'ensemble des
genres de musique
tirant leur origine et trouvant leur public dans les milieux populaires. Elle se developpe dans un
milieu urbain
et
industrialise
et est souvent associee a l'histoire de la
revolution industrielle et technologique
ayant amene la technique
phonographique
, ainsi qu'a l'histoire de la
mondialisation
.
Le terme est souvent utilise comme un comparatif par certains defenseurs de la
musique savante
, qui percoivent la musique populaire comme un produit commercial et pointent ses faiblesses esthetiques, qu'ils jugent en comparaison de la
musique classique europeenne
. Si la musique populaire est souvent associee a
la musique commerciale ou de masse
, elle s'en distingue neanmoins par des criteres qualitatifs et par sa capacite a former des communautes de
melomanes
en se nourrissant de formes musicales inscrites dans diverses traditions historiques.
Il ne faut pas confondre la musique populaire avec la musique
pop
, qui est un genre specifique de musique populaire.
Le terme de musique populaire est l'objet de debats. Le sociologue
Simon Frith
estime que le terme de
culture populaire
≪ n'a de sens qu'en tant que comparatif ≫
et que ses plus frequents objets de comparaison sont la
haute culture
, la
culture folklorique
et la
culture de masse
[
1
]
. La musique populaire est en effet souvent comparee a la
musique savante
, la
musique traditionnelle
et la
musique commerciale
.
Depuis les
annees 1980
, le milieu universitaire retient la ≪ definition anglo-saxonne ≫ du terme, comme le rappelle le musicologue francais
Olivier Julien
:
≪ sont populaires non pas les musiques qui ne sont pas savantes, mais les musiques qui ne sont ni savantes, ni folkloriques ≫
[
2
]
. Citant
Philip Tagg
, pionnier des etudes sur la musique populaire, le meme auteur precise que
≪ les musiques populaires […] partagent avec les musiques folkloriques l'absence de cadre institutionnel, mais ont en commun avec la musique savante d'etre jouees et composees par des musiciens professionnels ≫
[
2
]
. La musique populaire se distingue aussi de la musique savante (transmise par la
partition
) et de la musique traditionnelle (transmise par la
tradition orale
) par son rapport avec la
technique phonographique
, qui lui fait traverser l'histoire. Pour Simon Frith, elle se distingue aussi de la musique de masse, car si la musique populaire est
≪ consommee d'une maniere particuliere clairement differenciee de celle des elites culturelles ≫
, l'adjectif ≪ populaire ≫ ne se confond pas avec celui de ≪ masse ≫ :
≪ de nombreuses musiques populaires […] ont de plus faibles ventes […] que des enregistrements de musique classique a succes ≫
[
1
]
.
La musique populaire europeenne a herite de certains des usages de la
musique modale
, du
systeme tonal
et des
instruments
de la
musique classique
, mais la musique populaire de maniere generale peut aussi se referer a d'autres genres musicaux et a d'autres traditions musicales. Par exemple la musique populaire japonaise se nourrit a la fois du
jazz
et de sa
musique traditionnelle
, et certains morceaux des
Beatles
empruntent aussi bien a la musique classique europeenne qu'a la pop americaine ou a la
musique traditionnelle indienne
. La variete des genres et l'eclatement des frontieres musicales qui caracterisent la musique populaire la lient intimement a l'histoire de la
mondialisation
et de la
revolution industrielle
.
Pour ses detracteurs, la musique populaire est assimilee a la
culture de masse
ou a la musique ≪ commerciale ≫. C'est le cas de
Theodor W. Adorno
, qui a rendu celebre le concept d'
industrie culturelle
et voyait dans les genres de musique populaire comme le
jazz
des simples modes ou produits commerciaux
[
3
]
.
Il a des racines tres anciennes dans le
chant traditionnel
dit folklorique
[
4
]
ou de folklore vivant, en France pour partie chante en Breton, basque, provencal, corse, flamand, alsacien, etc. puis en francais surtout a partir du
XIX
e
siecle
[
5
]
. Les themes des saisons, des amours, des ages de la vie, du mariage, des guerres et de la mort sont recurrents. Il accompagnait la vie de tous les jours, les travaux des champs et la garde des troupeaux par les enfants, les danses, les fetes, etc.
C'est une personne (homme ou femme), souvent
anonyme
, qui chante sur la voie publique, parfois associee au camelot. Ce chanteur vit de l'argent que ses auditeurs lui donnent. Des styles et modes particuliers existent selon les epoques et les pays (ex : les
prosopopees
dites
lamenti
italiens composes et imprimes durant la
Renaissance
, de 1453 aux annees 1630-1650 ; lamenti storici, parodiques, satiriques et musicaux)
[
6
]
. Parfois sans instruments, parfois muni d'un porte-voix, il cherche a attirer et captiver un maximum d'auditoire en un temps tres court et s'appuie pour cela sur une musique melodieuse, un air deja connu et/ou un texte accrocheur, parfois politique et satirique
[
7
]
, devant alors parfois se jouer de la
police
[
8
]
.
Tres populaires avant l'invention des medias modernes (radio, television, enregistrement sonore), ils ont largement contribue a la diffusion d'idees ou d'informations au meme titre que les journaux. En effet, en dehors de quelques grands standards de la musique populaire, leur repertoire s'inspirait souvent de faits majeurs ou de faits divers remarquables, assurant une publicite a ces evenements. Au
XIX
e
siecle avec la
revolution industrielle
, l'apparition d'une classe ouvriere urbaine et son exode rural, elle contribue a porter et diffuser la
chanson ouvriere
et
≪ sociale ≫
[
9
]
.
Habitues a se mettre en public dans des conditions difficiles, les chanteurs de rue avaient souvent une personnalite originale et extravertie. Au nombre de ceux-ci le celebre
Aubert
(ne vers
1769
, atteste en vie en
1848
), doyen des chanteurs des rues de Paris fut nomme par ses confreres ≪ Syndic des chanteurs des rues ≫ de
Paris
. En
1848
, il parle au nom de la
delegation de 800 chanteurs, musiciens et mendiants des rues de Paris
venus rendre hommage a l'
Elysee
au
chansonnier
Beranger
membre de la commission des secours.
Le chanteur des rues a toujours fait partie des
≪ Cris (et bruits) de la rue ≫
[
10
]
, mais le developpement de la voiture et l'augmentation du volume sonore lie a la vie moderne, la difficulte d'occuper la voie publique
[
11
]
, l'accusation de mendicite et surtout la banalisation des
enregistrements sonores
ont reduit la presence des chanteurs de rue. Il en reste malgre tout, y compris officiellement
[
12
]
,
[
13
]
.
Le marchand de musique ou de chanson est une profession aujourd'hui disparue en Europe mais qui etait encore active dans l'entre deux-guerres
[
14
]
, avant la large diffusion de la radio puis de la television. C'est un metier connexe a la chanson populaire depuis plusieurs siecles (chanson autrefois specifiquement editee et diffusee sur feuilles volantes). Les marchands de musique etaient itinerants et vendaient des partitions de chant en entonnant eux-memes la musique. Ils parcouraient les villes et se deplacaient de foire en foire. Ils proposaient leurs chansons sous forme de feuille volante, souvent grossierement imprimee, a des personnes qui ne savaient globalement pas lire la musique, mais qui etaient interessees par la
melodie
ou par le texte de la chanson. Ces feuilles volantes etaient parfois egalement illustrees par des gravures, œuvres d'illustrateurs connus, interessantes du point de vue artistique et iconographique. Certains marchands de musique ne dechiffraient pas les partitions, mais avaient une bonne memoire des airs. Leurs feuilles volantes restent une mine d'information sur les idees, les coutumes et les centres d'interet des Europeens au
XIX
e
et au debut du
XX
e
siecle
.
Des le debut du
XIX
e
siecle
, les
orpheons
federent les masses. Il s'agit d'abord de
chorales
d'enfants puis d'ouvriers. Quelques noms :
Wilhem
, pedagogue et fondateur du premier orpheon en
1833
. Delaporte qui contribuera dans la seconde partie du
XIX
e
siecle a donner une ampleur nationale au mouvement. A partir des
annees 1850
, le terme ≪ Orpheon ≫ designe les chorales, les
fanfares
et les
orchestres d'harmonie
qui ont connu un essor du au developpement de l'industrie des instruments de musique. Les heritiers actuels du mouvement sont le mouvement
A Cœur Joie
(chorales) l'UFF (fanfares) la CFBF (
batterie-fanfare
), la CMF (orchestres d'harmonie, orchestres a
plectre
)
[
15
]
.
Au
XIX
e
siecle
, des centaines de
goguettes
rassemblent a
Paris
, dans sa banlieue et aux alentours des dizaines de milliers d'ouvriers ou journaliers, hommes ou femmes. Il en existe encore au siecle suivant. La goguette de
la Muse rouge
disparait seulement en
1939
.
La musique populaire s'appuie sur quelques standards musicaux et commerciaux. Elle est aussi a l'origine d'un certain vocabulaire.
Il s'agit essentiellement de
chansons
(des paroles soutenues par une musique instrumentale ou un petit
chœur
). Une chanson dure la plupart du temps entre 3 et 5 minutes (duree initiale de la face d'un disque 78 tours ou d'un vinyle
45 tours
). Les textes utilisent le vocabulaire courant, voire familier. La musique est essentiellement
tonale
, ecrite dans le mode majeur ou en mode mineur. Sa structure repose souvent sur une alternance entre un refrain et quelques couplets (en general, moins de cinq).
L'ensemble, musique et paroles, est facile a memoriser par ecoute repetee. Elle s'efforce ainsi d'etre facilement comprehensible et donc diffusable internationalement. A cet effet, on note une nette predominance de l'anglais dans les paroles, au moins en ce qui concerne celle qui s'exporte massivement. La musique s'efforce de pouvoir etre diffusee le plus largement possible : utilisation d'instruments courants (
guitares
,
claviers
,
cuivres
,
cordes
,
percussions
), arrangements musicaux standards, quasi-monopole de la langue
anglaise
pour les paroles de la version dite ≪ internationale ≫ sans pour autant eliminer toute forme de production nationale.
Avant l'invention des medias audios modernes (
radio
,
television
,
disques
), la diffusion etait assuree par des chanteurs de rue qui vendaient les partitions sur les marches en entonnant eux-memes les chansons. La generalisation de la radio a favorise l'emergence d'une diffusion sur les ondes par des chanteurs qui initialement interpretaient en direct puis se sont enregistres. Actuellement, la diffusion est massive et se fait par ondes radio, par
CD
(on parle alors d'
EPK
), et par diffusion de
clips video
au cours d'emissions de television, mais surtout sur
YouTube
, ou par des applications de musique numerique, comme
Spotify
,
Deezer
ou
Apple Music
.
Un
tube
, ou ≪
hit
≫, est une chanson qui a particulierement ≪ bien marche ≫, c'est-a-dire qu'elle a atteint des sommets de vente.
Un
disque d'or
ou de
platine
recompense l'auteur d'une musique qui s'est bien vendue.
Un
hit-parade
(en
anglais
:
chart
) est une competition permanente de musique populaire organisee par des chaines de radio ou de television. L'objectif est d'etre
n
o
1 (etre ≪ au top ≫), ce qui est theoriquement determine par le nombre de disques vendus ou par le vote des auditeurs. Plus longtemps une chanson est en tete du hit-parade, plus elle s'assure une large diffusion, favorisant les retombees commerciales.
Il est notable que l'aspect commercial et promotionnel soit une caracteristique dominante de la musique populaire depuis la deuxieme moitie du
XX
e
siecle : premiere en termes de part de marche dans le monde de la musique, la musique populaire est l'objet d'enjeux commerciaux enormes pour les
producteurs de musique
, ce qui justifie l'emploi de methodes commerciales poussees, identiques a celles utilisees pour les produits de consommation courante : methodes dites des ≪ grands lessiviers ≫ :
Procter & Gamble
,
Henkel
, etc. C'est ainsi qu'une musique fait l'objet d'une ≪ politique de lancement ≫ pour toucher une ≪ cible privilegiee ≫, qu'on ≪ fait la promotion ≫ d'un nouveau chanteur en esperant que ses ventes ≪ decollent ≫, ou qu'on resilie le contrat d'un chanteur qui ne ≪ se vend plus assez ≫ ou dont le genre ≪ arrive en fin de vie ≫, quitte a le rappeler s'il ≪ rebondit ≫. Les droits d'exploitation des musiques les plus populaires representent une source importante de revenus que l'on ne cede pas facilement.
La principale production de musique populaire est donc le resultat d'une politique visant a generer des profits. Ces enjeux commerciaux sont surtout le fait des grandes majors du disque (
Universal
,
EMI
,
Sony
,
BMG
). Les maisons de disques independantes (comme
Tot ou Tard
,
Naive Records
) a la diffusion plus limitee semblent etre moins a la recherche de profits. Certains musiciens ne trouvant pas de maisons de disques ≪ s'autoproduisent ≫, mais ils beneficient alors d'une distribution ≪ classique ≫ (vente de CD en magasins) et d'une visibilite reduite, bien que le developpement d'Internet ait change la donne au cours des dernieres annees ; on voit notamment des sites permettant de participer a la production d'artistes inconnus du grand public
[
17
]
et des outils de diffusion comme
MySpace
ou autres
[
18
]
,
[
19
]
.
Si l'enregistrement de musique en studio fait toujours appel a des professionnels, la musique populaire est la musique la plus jouee par des amateurs. De nombreux ≪ groupes de garage ≫ se creent dans le but de reprendre leurs musiques preferees a partir des enregistrements de leurs vedettes. Les plus talentueux et les plus constants pourront meme arriver a jouer en public (soirees privees, clubs d'etudiants, bals…). Ce type de reinterpretation a partir des disques a remplace le modele de la musique traditionnelle fonde en grande partie sur la transmission par le jeu. De nombreux groupes de rock, de pop ou de jazz ont commence par faire de la musique sous cette forme. Parmi les plus celebres on peut citer les
Beatles
et les
Rolling Stones
.
Le
karaoke
est egalement une forme de reinterpretation devenue courante : a partir d'un enregistrement de l'arrangement musical ≪ repute exact ≫, un soliste au micro chante la melodie. Tres utilise dans les soirees conviviales et exclusivement fonde sur des chansons a succes, le karaoke laisse une part d'interpretation au soliste. Actuellement, les musiciens amateurs peuvent profiter de la vulgarisation des outils d'enregistrement et de reproduction (stations de mixage,
samplers
,
logiciels de mixage
, graveurs de CD, etc.) pour autoproduire leur musique et n'hesitent plus a la diffuser, par Internet notamment.
Diverses etudes de
musicologie
ont ete faites sur les fonctions psychologiques de la musique pour ceux qui les ecoutent
[
20
]
, et sur les tendances et preferences musicales (selon les pays, les generations ou classes sociales)
[
21
]
, mais aussi concernant le role ou le le caractere plus ou moins concret et previsible
[
22
]
des paroles des chansons populaires
[
23
]
et sur les emotions qu'elles vehiculent
[
24
]
,
[
25
]
,
[
26
]
, avec la musique plus ou moins gaie, triste ou signifiante.
Selon une
revue d'etudes
recente (2024), basee sur l'analyse, avec l'aide de l'IA, de plus de 350 000 hits du top 40 publiee : depuis 50 ans
[
27
]
les chansons populaires anglophones tendent a devenir plus simples
[
28
]
et plus repetitives qu'autrefois
[
29
]
, ce qui pourrait les rendre plus accrocheuses et plus attrayantes pour le public contemporain. Selon JC Nunes et al. (2015) les repetitions dans une chanson augmentent la fluidite du traitement, et favoriseraient son succes commercial
[
30
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