Coup d'Etat de 1987 en Tunisie

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Le coup d'Etat du voit le Premier ministre tunisien , Zine el-Abidine Ben Ali , renverser le president de la Republique , Habib Bourguiba , pour raisons de sante et acceder au pouvoir.

Par la suite, Ben Ali reprend en main le Parti socialiste destourien qu'il transforme en Rassemblement constitutionnel democratique . Il organise des elections anticipees au printemps 1989 , que lui et son parti remportent largement. Des lors, il poursuit la politique de Bourguiba dont il se positionne comme le fils spirituel, comblant ainsi les vœux de celui qui desirait ≪ gouverner apres sa mort ≫ . Il se maintient au pouvoir durant 23 ans, avant d'etre renverse lors de la revolution de 2011 .

Contexte [ modifier | modifier le code ]

Deroulement [ modifier | modifier le code ]

Dans la nuit du , un groupe de sept medecins tunisiens signent un rapport medical qui certifie l'incapacite mentale du president, Habib Bourguiba, d'assumer ses fonctions. ≪ Un acte de salubrite publique ≫ que Mezri Haddad resume ainsi :

≪ Officiellement age de 84 ans, Bourguiba s'endort quand il recoit un hote etranger ; sous l'influence de ceux qui guignent la presidence, il chasse le lendemain le ministre qu'il a nomme la veille, il admet le remaniement ministeriel propose par son Premier ministre pour se retracter quelques heures apres… Pire que tout, il exige la revision du proces de l'integriste Rached Ghannouchi (et la condamnation a mort de ce dernier) : ≪ Je veux cinquante tetes […] Je veux trente tetes […] Je veux Ghannouchi ≫ [ 1 ] . ≫

Ben Ali fait jouer l' article 57 [ 2 ] de la Constitution et prend en main le pays [ 3 ] . Il devient, en tant que successeur constitutionnel, president et chef supreme des forces armees. Dans leur livre Notre ami Ben Ali [ 4 ] , les journalistes Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi donnent une description des evenements :

≪ Sept medecins dont deux militaires sont convoques en pleine nuit, non pas au chevet du malade Bourguiba, mais au ministere de l'Interieur. Parmi eux se trouve l'actuel medecin du president, le cardiologue et general Mohamed Gueddiche . Ben Ali somme les representants de la faculte d'etablir un avis medical d'incapacite du president. ≪ Je n'ai pas vu Bourguiba depuis deux ans ≫ proteste un des medecins. ≪ Cela ne fait rien ! Signe ! ≫ tranche le general Ben Ali. ≫

Dans une declaration faite a la radio nationale le lendemain matin, il rend hommage aux ≪ enormes sacrifices ≫ consentis par Bourguiba, en compagnie d'hommes valeureux, au service de la liberation de la Tunisie et de son developpement. Il annonce dans le meme temps que ≪ l'epoque que nous vivons ne peut plus souffrir ni presidence a vie ni succession automatique a la tete de l'Etat desquels le peuple se trouve exclu. Notre peuple est digne d'une vie politique evoluee et institutionnalisee, fondee reellement sur le multipartisme et la pluralite des organisations de masse ≫ [ 5 ] . L'action est par la suite justifiee par le fait que des mouvements integristes preparaient un coup d'Etat et detenaient une liste de personnalites a assassiner [ 6 ] .

Revelations [ modifier | modifier le code ]

Dans un entretien a La Repubblica du [ 7 ] , l' amiral Fulvio Martini du SISMI declare que les services secrets italiens ont joue un role important dans la chute de Bourguiba : ≪ Tout a commence avec la visite en 1984 en Algerie du president du Conseil italien Bettino Craxi  ≫ explique-t-il. ≪ Les Algeriens, inquiets de la destabilisation croissante en Tunisie, etaient alors prets a intervenir ≫ dans ce pays en raison des menaces portees sur leurs interets strategiques. Ainsi, l' armee algerienne aurait ete prete a envahir la partie du territoire tunisien ou transite le pipeline qui conduit le gaz naturel algerien jusqu'en Sicile . ≪ En 1985 , M. Craxi m'a demande de me rendre en Algerie pour y rencontrer les services secrets [...] l'objectif etait d'eviter un coup de tete ≫ algerien selon Martini. ≪ A partir de ce moment a commence une longue operation de politique etrangere dans laquelle les services secrets ont eu un role extremement important. A la fin, nous avons estime que le general Ben Ali etait l'homme capable de garantir, mieux que Bourguiba, la stabilite en Tunisie ≫ ajoute-t-il. ≪ Nous avons propose cette solution aux Algeriens qui en ont parle aux Libyens. Je suis alle en parler aux Francais [...] Le chef des services secrets de l'epoque, le general Rene Imbot , m'a traite avec arrogance et m'a dit que nous autres Italiens, nous ne devions pas nous meler de la Tunisie, qu'il s'agissait de l'empire francais ≫ affirme Martini [ 8 ] .

Il s'agissait donc d'organiser un coup d'Etat , le plus invisible possible, et c'est ainsi que l'idee d'un ≪ putsch medical ≫ aurait pris forme. L'Italie aurait garanti le ralliement du Premier ministre Ben Ali et ce choix aurait rencontre l'approbation des Algeriens ainsi que des Libyens. ≪ C'est vrai, l'Italie a remplace Bourguiba par Ben Ali ≫ , conclut Martini alors que La Repubblica avait cite, le , un rapport expose le 6 octobre precedent par Martini devant une commission parlementaire italienne. Pour sa part, Craxi dement, ce meme , une participation des services secrets italiens a l'accession au pouvoir de Ben Ali. ≪ Il n'y a aucune manœuvre ni interference italienne dans les evenements qui ont porte le president Ben Ali au pouvoir en 1987 ≫ affirme-t-il au bureau de l' AFP a Tunis. Selon Le Monde , ces revelations de Martini n'auraient toutefois pas convaincu les specialistes car Craxi etait un ami de Bourguiba [ 9 ] .

Culte du chiffre 7 [ modifier | modifier le code ]

Le chiffre 7 est un symbole de la presidence de Ben Ali, presentee comme un nouveau cycle politique qui debute le [ 10 ] . Selon Vincent Geisser , il est devenu ≪ l'embleme chiffre du coup d'Etat, que la rhetorique benalienne nomme ≪ le Changement ≫ ≫ [ 10 ] . Le devient un jour ferie , cet evenement etant inscrit dans le programme philatelique de la Poste tunisienne a travers une serie de timbres [ 10 ] dont l'element visuel principal est un chiffre 7 stylise.

Car-ferry El Loud 7 decore de portraits et de slogans presidentiels.

Aux cotes de l'image omnipresente du president Ben Ali, le chiffre 7 est en effet visible dans la quasi-totalite des lieux publics [ 10 ]  : administrations, cafes, magasins, avenues, etablissements scolaires, moyens de transport ? compagnie aerienne Tuninter renommee Sevenair le (soit le 7 e jour du 7 e mois de l'annee 2007) ou nom d'un avion de ligne de la compagnie Tunisair ?, stades (comme celui de Rades ), infrastructures (comme l' aeroport international de Tabarka ), etc. Le chiffre est egalement utilise par le regime dans le domaine des medias qu'il controle et notamment de la television  : la premiere chaine nationale est renommee TV7 puis Tunisie 7 .

Il est par ailleurs utilise comme indicatif des numeros de telephone ? les numeros de la region de Tunis commencent par 71, ceux de la region du Sahel par 73, etc. ? et dans les numeros de SMS utilises lors des jeux televises (87 y est toujours accompagne d'un autre 7). Enfin, sur les cartes d'identites , sept drapeaux tunisiens sont presents cote recto et sept colombes cote verso [ 10 ] . D'apres Geisser, ≪ le regime a trouve avec ce chiffre un substitut plus ou moins subtil aux statues erigees par le despote ( Bourguiba ) ≫. Apres le depart de Ben Ali, les references au chiffre 7 sont progressivement supprimees [ 10 ] . Par exemple, l'une des avenues les plus importantes de Tunis , l'avenue du 7-Novembre, prend le nom de Mohamed Bouazizi en hommage au jeune homme dont la tentative de suicide a conduit a la revolution tunisienne [ 11 ]  ; la chaine de television nationale change de nom en Wataniya 1 .

References [ modifier | modifier le code ]

  1. Mezri Haddad , Non Delenda Carthago , Carthage ne sera pas detruite : autopsie de la campagne antitunisienne , Paris, Editions du Rocher, , 430  p. ( ISBN   978-2-268-04426-2 ) .
  2. ≪  Section I - Le President de la Republique  ≫, sur jurisitetunisie.com (consulte le ) .
  3. ≪  A2 Le Journal de 13H : emission du 7 novembre 1987  ≫, sur ina.fr , (consulte le ) .
  4. Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi, Notre ami Ben Ali : l'envers du miracle tunisien , Paris, La Decouverte, , 252  p. ( ISBN   978-2-707-15404-0 ) .
  5. (ar) ≪  Discours du 7 novembre 1987 suivi de sa traduction en francais  ≫, sur rfi.fr , (consulte le ) .
  6. (en) Michael Collins Dunn, Renaissance or radicalism? Political islam : The case of Tunisia's al-Nahda , Washington, International Estimate, , 109  p. .
  7. ≪  Fulvio Martini confirme que Rome a choisi Ben Ali pour remplacer Bourguiba  ≫ ( Archive.org ? Wikiwix ? Archive.is ? Google ? Que faire ? ) , sur presse-francophone.org , .
  8. ≪  L'Italie et le coup d'Etat en Tunisie  ≫, sur lemonde.fr , (consulte le ) .
  9. ≪  Le soutien de M. Ben Ali  ≫, sur lemonde.fr , (consulte le ) .
  10. a b c d e et f Elodie Auffray, ≪  Dans la Tunisie de Ben Ali, l'etrange culte du chiffre 7  ≫, sur liberation.fr , (consulte le ) .
  11. ≪  La place et l'Avenue 7 novembre de Tunis rebaptisees place 14 janvier 2011 et avenue Mohamed Bouazizi  ≫ ( Archive.org ? Wikiwix ? Archive.is ? Google ? Que faire ? ) , sur tap.info.tn , .