Les tribunaux d’irrigants du bassin mediterraneen espagnol : le Conseil des bons hommes de la plaine
de Murcie
et le Tribunal des eaux
de la plaine
de Valence *
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Le tribunal se reunit tous les jeudis sur le seuil de la Porte des Apotres de la Cathedrale de Valence.
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Pays *
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Espagne
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Liste
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Liste representative
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Annee d’inscription
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2009
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Descriptif officiel UNESCO
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modifier
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Le
Tribunal des eaux de Valence
ou
Tribunal des eaux de la plaine de Valence
(en
catalan
:
Tribunal de les Aigues de Valencia
et en
espagnol
:
Tribunal de las Aguas de Valencia
) est un tribunal coutumier, a savoir que ses regles et son autorite sont donnees par la tradition et la coutume. Il est charge de resoudre les conflits d'irrigation dans la
plaine de Valence
(en
catalan
:
Vega
ou
Horta de Valencia
) dans la
Communaute valencienne
en
Espagne
.
Le Tribunal des eaux de la plaine de Valence a ete inscrit en
par l'
UNESCO
, conjointement avec le
Conseil des bons hommes de la plaine de Murcie
, au
patrimoine culturel immateriel de l'humanite
sous le titre ≪ Les tribunaux d’irrigants du bassin mediterraneen espagnol : le Conseil des bons hommes de la plaine de Murcie et le Tribunal des eaux de la plaine de Valence ≫
[
1
]
. Le Comite intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immateriel considere que ces tribunaux d'irrigants ≪ assurent la cohesion des communautes traditionnelles, veillent a la complementarite des metiers (gardiens, inspecteurs, emondeurs...), et contribuent a la transmission orale des savoir-faire d’irrigation qui sont issus d’echanges culturels anciens ainsi que d’un lexique specialise riche en arabismes. Ils sont les depositaires d’une identite locale et regionale de longue duree et de grande importance pour les habitants. ≫
[
1
]
.
Le Tribunal est constitue d'un representant de chacune des
Communautes d'Irrigants
, huit au total, et l'un d'eux est elu president pour une duree indeterminee. Traditionnellement le president a toujours ete alternativement le representant de Favara ou de Tormos.
Chaque jeudi (sauf jours feries), le Tribunal se reunit avec ses assesseurs dans la
Casa Vestuario
sur la Place de la Vierge a
Valence
pour discuter de differents sujets. C'est a midi pile, pendant que sonnent les cloches de la tour
Micalet
, que le Tribunal se reunit formellement devant la Porte des Apotres de la
Cathedrale de Valence
, sur la meme place. L'huissier, avec l'autorisation du president, appelle alors les accuses de chacun des canaux, avec la phrase traditionnelle ≪
Denunciats de la sequia de…!
(requerants du canal de…) ≫ Le jugement se deroule rapidement, oralement et entierement en
valencien
. Le plaignant, qui est generalement le gardien du canal auquel appartient le contrevenant, expose le cas devant le Tribunal, et ensuite l'accuse se defend lui-meme et repond aux questions du representant du canal auquel il appartient. C'est ensuite que le Tribunal, a l'exception du representant du canal en question, decide de la culpabilite ou non de l'accuse. Dans l'affirmative, le representant du canal fixe le montant de l'amende a payer, en accord avec les reglements de sa propre Communaute d'Irrigants. Aujourd'hui encore l'amende se compte en ≪ gages ≫, comme a l'epoque medievale, un gage correspondant au salaire journalier du gardien du canal.
La juridiction du Tribunal des Eaux de Valence s'applique : aux membres du Tribunal, aux
Communautes d'Irrigants
, aux attenants, aux personnes juridiques (par exemple les
Chambres d'agriculture
), aux fermiers/metayers, aux membres des communes, aux concessionnaires d'eau, aux irrigants, aux plaignants eux-memes et a des tierces personnes. Les plaignants peuvent etre les representants, les elus qui appartiennent au conseil de chaque Communaute, le gardien (qui devient alors procureur) et des tierces personnes.
Son origine nous est totalement inconnue, mais le plus probable est qu'il s'agit d'une longue evolution depuis l'epoque feodale, basee sur des traditions andalouses plus anciennes.
La theorie la plus repandue, mais sans fondement historique, nous la devons a
Francisco Javier Borrull
, qui la soutint en 1813 devant la Cour de
Cadix
pour essayer de sauver le Tribunal de la disparition. Son hypothese etait qu'il existait deja un antecedent a l'epoque romaine, mais que sa veritable creation sous la forme que nous connaissons aujourd'hui date des regnes des califes
Abd al-Rahman III
et
Al-Hakam II
, de
960
plus exactement, mais il n'expliqua pas d'ou il tenait cette date precise. Son raisonnement etait qu'il s'agissait de la seule epoque de paix totale dans la peninsule, et que donc le moment de la creation du Tribunal devait dater des regnes de ces deux califes. De fait, le millenaire du Tribunal des Eaux fut celebre en
1960
, sous l'impulsion de Vicente Giner Boira, assesseur juridique du Tribunal a ce moment, et principal defenseur de cette theorie au
XX
e
siecle
. Une fois l'origine du Tribunal ≪ etablie ≫ par Borrull, sa continuation a l'epoque feodale est supposee par l'edit XXXV du roi
Jacques
I
er
d'Aragon
, en
1239
, par lequel il ordonne que les canaux soient regis “
segons que antigament es e fo establit e acostumat en temps de sarrahins
(selon les habitudes anterieures qui furent etablies au temps des Sarrasins)”. De plus, trois details viennent appuyer l'origine musulmane du Tribunal : le fait qu'il se reunit chaque jeudi (jour precedant le vendredi, chome par les musulmans), qui plus est a l'exterieur de la cathedrale (une ancienne mosquee situee sur l'agora de l'epoque pre-romaine), et enfin que lors des jugements le droit a la parole soit attribue par le president d'un signal du pied (de meme que dans beaucoup de tribus nomades d'Afrique du Nord chaque homme savant attribuait la parole aux autres membres de sa tribu).
En realite nous ne possedons aucun document qui parle expressement du Tribunal avant le
XVIII
e
siecle
, ce qui ne veut pas dire qu'il n'existait pas auparavant. Selon les edits de Valence, la juridiction des terres irrigables etait tenue par les
sequiers
de chaque
Communaute d'Irrigueurs
. Nous savons qu'au debut du
XV
e
siecle
les
sequiers
de plusieurs Communautes de l'
Horta de Valence
convoquaient deja les accuses le jeudi sur la place de
la Seu
, mais cela ne demontre pas l'existence d'un tribunal constitue. Pour
Thomas Glick
, le Tribunal ne devrait son origine a aucun roi ou
calife
, mais serait le resultat d'une tres longue evolution. Si nous n'avons pas de documentation sur son existence c'est parce qu'il n'avait aucun statut legal, et comme institution juridique il n'etait pas de grande importance, puisque la juridiction dependait uniquement des
sequiers
. Il parait logique de penser que l'objectif premier de la reunion des
sequiers
n'etait pas specialement la justice elle-meme, comme aujourd'hui, mais le rassemblement des meilleurs connaisseurs de ce qui se passait dans la
Huerta
de
Valence
. Il est egalement tres probable que le passage d'une reunion de
sequiers
a un veritable tribunal comme nous l'entendons aujourd'hui se soit produit precisement quand Borrull defendait son existence devant la Cour de
Cadix
, afin de devenir conforme a la juridiction de l'Etat liberal.
On peut lire une interessante description du fonctionnement du Tribunal au
XIX
e
siecle
dans le roman de
Vicente Blasco Ibanez
La Barraca
.
Les temps changent, et le
Tribunal des Eaux de Valence
n'a plus aujourd'hui l'importance qu'il a eu historiquement. Quand en
1950
entra en fonctionnement la retenue d'eau de
Benageber
, qui regula le debit de la
Turia
, le Tribunal perdit deja une partie de son importance avec la diminution du nombre de proces lies au manque d'eau. Aujourd'hui le danger d'extinction du Tribunal vient de la disparition physique meme de la
Huerta
de
Valence
devant l'expansion de la ville, et en consequence il court le risque de ne plus devenir qu'un spectacle de rue folklorique pour touristes.
Cependant et par ailleurs ce type d'institution reste un exemple pour les reseaux irrigues qui se creent aujourd'hui dans les pays en voie de developpement, ou ce modele simple de democratie directe est applicable (ex perimetre pilote de
Bagre
au
Burkina Faso
)
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Dossier de candidature n° 00171 pour inscription en 2009 sur la Liste representative du patrimoine culturel immateriel de l’humanite
,
, 24
p.
(
lire en ligne
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