La
rupture sino-sovietique
est une periode de degradation des relations, puis de fortes tensions entre l’
Union sovietique
et la
republique populaire de Chine
de la fin des
annees 1950
aux
annees 1980
, et dont le paroxysme est marque par les
incidents frontaliers de 1969
. La rupture eut pour consequence une scission au sein du
mouvement communiste international
, bien que
les desaccords aient en realite moins porte sur des elements de doctrine que sur les interets nationaux divergents des deux Etats
[Information douteuse]
.
L’alliance de 1950 entre
Staline
et
Mao
etait fondee sur l'hostilite commune vis-a-vis des Etats-Unis. Cependant, le poids du passe allait peu a peu desagreger cette alliance.
En effet, au cours de la
Seconde Guerre mondiale
, Staline pressa Mao de s’allier avec
Tchang Kai-chek
pour combattre le Japon. Une fois la paix revenue, les Sovietiques lui conseillerent de ne pas tenter de renverser le regime mais de negocier plutot avec Tchang : ce dernier, au milieu de l’annee
1945
, avait en effet obtenu de l'URSS un ≪ traite d'amitie et d’alliance ≫. Staline soutiendra Tchang jusqu'a ce que sa defaite soit certaine, parce qu'il ne souhaitait pas voir s'installer sur le flanc sud-est de l'URSS un puissant Etat socialiste. Dans cet esprit, Khrouchtchev refuse d’accorder a la Chine, deux fois et demie plus peuplee, l'assistance necessaire a la construction d'armes nucleaires ; enfin, l’URSS entend garder seule la maitrise du mouvement communiste international, quoi qu’en pensent les Chinois.
En 1960, la Chine sort de deux siecles d’humiliations infligees par les Europeens, Russes compris : Mao n’admet donc pas de tutelle sovietique sur son pays qui serait a ses yeux une tutelle europeenne de plus. Il entend exercer a parite avec l’URSS la direction du mouvement communiste international. D’autre part, en Chine, la Russie est surnommee ≪ le pays de la faim ≫ et est meprisee par l’
opinion publique
. C'est l'un des facteurs a l'origine de la rupture.
Aussi, quand la detente avec les Etats-Unis est a l'ordre du jour, par principe, Mao adopte la position inverse.
Nikita Khrouchtchev
pense que la paranoia de Staline a eleve a un niveau dangereux l'affrontement avec les Etats-Unis. Il veut beneficier de la technologie occidentale pour rattraper le retard de la Russie sur l’Ouest. Mao ignore tout de l’Occident, s'illusionne beaucoup sur la puissance du camp socialiste et s'enorgueillit d'une Chine en pleine expansion demographique.
La publication dans
Le Quotidien du Peuple
du
d’une serie d’articles intitulee
Vive le Leninisme
, qui met ouvertement en cause la direction sovietique, rend le conflit ouvert
[
1
]
.
Dans un premier temps, le conflit reste entre partis communistes, mais, des 1962, il prend une dimension geopolitique sans l'avouer quand le gouvernement chinois celebre avec eclat le huitieme centenaire de la naissance de
Gengis Khan
, en pleine dispute officielle entre les deux pays
[
2
]
, puis, a partir de
, il devient un conflit entre Etats. En effet, dans une interview a un journal japonais, Mao revendique officiellement toute une partie du territoire de l’URSS, du
Baikal
au
Kamtchatka
.
L'
Amiral
Raoul Castex
, dans un article premonitoire publie dans la
Revue de la Defense Nationale
, en
, intitule
Moscou, rempart de l'Occident
, avait anticipe ce conflit
[
3
]
, dans lequel il theorise la montee en puissance de la
Chine
et sa rivalite a venir avec la Russie et les Occidentaux
[
4
]
; il conclut l'article par un dialogue entre
Anthony Eden
, secretaire au
Foreign Office
et
Molotov
, ministre des Affaires etrangeres sovietique, au moment de la signature des
accords de Geneve
en 1954, par lequel Molotov dit a Eden, a propos des Chinois :
≪ ils ne pensent pas comme nous ! ≫
[
5
]
.
Les divergences doctrinales remontent aux
annees 1930
, a l’epoque ou les
communistes chinois
, conduits par
Mao Zedong
, menent simultanement une
guerre de resistance
contre les
Japonais
et une guerre civile qui les opposaient au
Kuomintang
, le parti
nationaliste
de
Tchang Kai-chek
. Mao choisit de rester sourd aux conseils et aux instructions de
Staline
et du
Komintern
sur la maniere de mener la revolution en
Chine
. La doctrine
marxiste-leniniste
orthodoxe, consideree alors comme un dogme incontestable en
Union sovietique
[
6
]
, repose sur l’action des classes urbaines populaires, lesquelles n’existent pratiquement pas en Chine. Mao rejette cette vision des choses et choisit de s’appuyer sur la
paysannerie
.
Mao, qui accueille poliment les instructions de Staline, les ignore completement en pratique : apres avoir chasse les derniers partisans du Kuomintang de la Chine continentale (qui se refugient a
Taiwan
), il proclame officiellement la
republique populaire de Chine
en
. Les tensions avec l'URSS sont apaisees a l’occasion d’une visite de deux mois effectuee par Mao a
Moscou
qui se solde par la signature d’un
traite
limite d’assistance mutuelle, notamment en cas d’agression japonaise.
Assistee de nombreux conseillers russes, la Chine des
annees 1950
embrasse le modele sovietique de developpement, avec d’une part un accent prononce sur l’
industrie lourde
, rendu financierement possible par l’exploitation des paysans, et d’autre part la marginalisation des biens de consommation. Cependant, des la fin de la decennie, Mao a commence a developper ses propres idees sur la maniere de faire entrer la Chine dans le communisme (au sens
marxiste
du terme) aussi vite que possible, a travers notamment une mobilisation massive de la main d’œuvre ; cette theorie donnera naissance au ≪
Grand Bond en avant
≫.
Entre-temps, la mort de
Staline
, survenue en
1953
, a change la donne dans le monde communiste.
Mao
, bien qu’il ait toujours ignore les directives de Staline, reconnaissait cependant ce dernier comme le dirigeant incontestable du
mouvement communiste international
. A la mort du dirigeant sovietique, Mao se considere en quelque sorte comme le nouveau doyen et le successeur legitime dans la prise en charge de ce role symbolique. Il concoit de ce fait un certain ressentiment envers les nouvelles tetes du regime sovietique, en particulier
Gueorgui Malenkov
et
Nikita Khrouchtchev
, hostiles a cette vision des choses. L’
URSS
cherche a l’amadouer lors d’une visite officielle de Khrouchtchev en
1954
, lequel accorde le retour de la base navale de
Dalian
(Port-Arthur) a la Chine et jette les bases d’une cooperation
economique
plus etroite entre les deux pays.
Mao ne s’oppose pas ouvertement a Khrouchtchev lorsque ce dernier, a l’occasion du
XX
e
congres du Parti communiste d'Union sovietique
en
1956
, denonce les exactions de son predecesseur, ni meme quand les relations diplomatiques avec la
Yougoslavie
de
Tito
furent retablies, apres avoir ete rompues par
Staline
en
1947
. Le nouveau dirigeant sovietique, au-dela de son rejet de l’
autoritarisme
stalinien, annonce la dissolution du
Kominform
et cherche a minimiser la these
marxiste-leniniste
qui prevoyait un conflit arme ineluctable entre
socialisme
et
capitalisme
.
Mao
, qui ne peut accepter cette nouvelle attitude de la part de son voisin, a le sentiment croissant que l’Union sovietique s’eloigne de plus en plus du ≪ veritable ≫ marxisme-leninisme et n'a plus la volonte d'agir pour le triomphe mondial de cette ideologie. Le discours maoiste revendique des lors, avec constance, une position
≪
anti-revisionniste
≫
. Des
1959
, tous les elements sont donc en place pour une rupture entre les deux puissances communistes.
En
1959
, un sommet
diplomatique
reunit
Khrouchtchev
avec le
president
des
Etats-Unis
,
Dwight Eisenhower
. Les
Sovietiques
, inquiets du
Grand bond en avant
engage par la
Chine
, s'efforcent de diminuer la tension avec le bloc de l'Ouest et reviennent sur leur promesse d'aider la Chine a developper la
bombe atomique
.
Ces decisions offensent grandement Mao et les autres dirigeants du
Parti communiste chinois
, qui jugent Khrouchtchev trop conciliant avec l'Ouest. Du point de vue sovietique, ces mesures prudentes se justifient par le contexte international et la menace d'un
conflit nucleaire
generalise : des la fin des
annees 1950
, les Etats-Unis et l'URSS disposent en effet chacun d'arsenaux tres importants. Khrouchtchev ne veut aucunement rendre la situation encore plus instable en offrant la bombe nucleaire a la Chine, et il considere le Grand bond en avant comme la preuve que Mao n'etait pas un vrai
marxiste
.
Un autre facteur de tension survient au sujet d'une affaire interne a la Chine : le Grand bond en avant s'avere un echec, et les rivaux de Mao au parti,
Liu Shaoqi
et
Deng Xiaoping
, projettent donc de renverser Mao. L'echec du complot permet a Mao de depeindre les conjures comme des agents au service d'une puissance etrangere (en l'occurrence l'Union Sovietique) et donc de mobiliser le sentiment
nationaliste
chinois.
L'
affaire Peng
mine ainsi les relations entre les deux freres, mais plus encore, c'est le voyage de
Khrouchtchev
aux
Etats-Unis
, ou il change de politique diplomatique en pronant la
coexistence pacifique
avec l'imperialisme. Ce voyage affirme le role des Etats-Unis et de l'Union sovietique comme les deux superpuissances pour eviter le conflit nucleaire et jouer le role d'arbitre du monde. Pour le dixieme anniversaire de la
republique populaire de Chine
, Khrouchtchev se rend a Pekin, ou il se retrouve en plein dans le
conflit sino-indien
sur les frontieres. Ce conflit ne plait pas a l’URSS car il risque de miner son processus de coexistence pacifique. Khrouchtchev a l'impression que Mao avait planifie ce conflit pour que l'URSS se trouve contrainte de soutenir la Chine. Cela illustre bien le degre de defiance du cote sovietique.
La deterioration des relations avec Moscou conduit au retrait de leur assistance technique pendant l'ete 1960 (retrait brutal de 1 390 techniciens) et cessation de l'aide en
. Ce retrait a des consequences graves sur l'economie chinoise parce que leur assistance est encore cruciale pour de nombreux projets en cours
[
7
]
, detournant egalement l'attention de Pekin du desastre economique qui sevit dans les campagnes et retardant les mesures d'urgence. Moscou attendra cependant que la rupture avec Pekin soit officielle pour denoncer la faillite du
Grand Bond en avant
.
Pendant un temps, la tension entre les deux pays reste indirecte en s'exercant par pays interposes, les Chinois denoncant la
republique federale populaire de Yougoslavie
de
Tito
et l'URSS, de son tour, denoncant le principal allie de la Chine, la
republique populaire d'Albanie
d'
Enver Hoxha
. Toutefois, la rupture devient publique en
a l'occasion d'un congres du
Parti communiste roumain
, lorsque Khrouchtchev et le representant chinois
Peng Zhen
s'affrontent ouvertement. Khrouchtchev traite Mao de nationaliste, d'aventurier et de deviationniste. Les Chinois, quant a eux, accusent Khrouchtchev de
revisionnisme
et critiquent son comportement ≪ patriarcal, arbitraire et tyrannique ≫. La delegation sovietique fait suite a cette altercation en distribuant aux membres de la conference une lettre de 80 pages, denoncant la position chinoise.
Lors d'une reunion de 81 partis communistes a
Moscou
, en
, les representants de la Chine ont des discussions tres tendues avec les Sovietiques et la plupart des autres delegations, mais un compromis est finalement negocie, evitant la rupture formelle. Neanmoins, les desaccords reapparaissent des le
XXII
e
Congres du Parti communiste sovietique, tenu en
. En
decembre
, l'Union sovietique rompt les relations diplomatiques avec la
republique populaire d'Albanie
en guise de represailles contre la Chine, dont l'Albanie etait un allie proche sur le plan militaire
[
8
]
. L'Albanie sera alors pendant quelques annees le seul allie de la Chine en Europe
[
9
]
.
Au cours de
1962
, le contexte international cause la rupture definitive entre l'Union sovietique et la Chine. Mao ne cachait pas ses critiques a propos du repli de Khrouchtchev lors de la
crise des missiles de Cuba
, qu'il qualifiait de ≪ capitulation ≫. L'interesse repliqua que l'attitude de Mao aurait conduit a une guerre nucleaire. A la meme periode, les Sovietiques apporterent leur soutien a l'
Inde
lors de la
guerre sino-indienne
. Ces evenements furent suivis par une mise au point
ideologique
des deux cotes, equivalant a un acte de separation : les Chinois publierent
La proposition du
parti communiste chinois
concernant la ligne generale du mouvement communiste international
[
10
]
en
. Les Sovietiques repondirent par une
Lettre ouverte au Parti Communiste de l’Union sovietique
[
11
]
. Ce fut la derniere communication formelle entre les deux camps.
En
, l'URSS donne son accord pour signer avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni le
traite d'interdiction partielle des essais nucleaires
, condamne les efforts chinois pour developper la
bombe
et devient l'un des ennemis de la Chine, qui se definit alors comme le seul pays detenant la verite du communisme et qualifie les autres de revisionnistes
[
12
]
.
Des
1964
, Mao soutint qu'une contre-revolution avait eu lieu en Union sovietique et que le
capitalisme
y avait ete reinstaure. Les relations entre le
Parti communiste chinois
et le
Parti communiste de l'Union sovietique
furent rompues, tout comme celles avec les partis communistes des autres pays du
pacte de Varsovie
. Dans une interview a un journal japonais,
Sekai Siuho
, le
, Mao rouvrit le problemes des frontieres de la Chine et apporta son soutien officiel aux revendications japonaises sur les
iles Kouriles
: le conflit passait d'un conflit entre partis a un conflit entre Etats
[
13
]
. Apres l'essai
596
(nomme justement d'apres la non-cooperation de Khroutchev), qui fit confirmer que la Chine est devenue une puissance nucleaire, Mao declara que la rupture avec Moscou durera encore 10 000 ans
[
14
]
.
Une breve pause dans les tensions survint apres la chute de Khrouchtchev, en
. En
novembre
, le Premier ministre chinois,
Zhou Enlai
, se rendit a
Moscou
pour s'y entretenir avec les nouveaux dirigeants,
Leonid Brejnev
et
Alexis Kossyguine
. Toutefois, il acquit vite la certitude que les Sovietiques n'entendaient pas changer de position, ce qui amena Mao a denoncer la perpetuation d'un ≪ khrouchtchevisme sans Khrouchtchev ≫.
Tres vite, les principaux dirigeants occidentaux evaluerent a sa juste mesure le conflit sino-sovietique, qui deviendra un des conflits geopolitiques majeurs des annees 1960, avec le
conflit israelo-arabe
et la
guerre du Vietnam
.
Henry Kissinger
, qui travaillait alors pour un
think tank
americain, rapporte que le chancelier de la Republique federale d'Allemagne,
Konrad Adenauer
, le
Premier ministre du Royaume-Uni
,
Harold Macmillan
, et le
president de la Republique francaise
,
Charles de Gaulle
, avertirent tout de suite les Americains de la gravite du conflit et que les causes etaient davantage historiques et geopolitiques qu'ideologiques. Adenauer dit meme a Kissinger qu'il ne pouvait pas aborder le sujet en public car il craignait de se faire accuser par les Sovietiques de chercher une alliance de revers pour remettre en question les frontieres de l'Allemagne, qui dataient de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, le
Departement d'Etat des Etats-Unis
continua de privilegier le prisme ideologique et ne voyait dans ce conflit qu'une querelle d'exegetes marxistes. La guerre du Vietnam, dans laquelle la Chine et l'Union sovietique maintenaient une position commune hostile aux Etats-Unis, explique cette interpretation americaine.
Richard Nixon
, qui deviendra president des Etats-Unis, dans un article dans la revue
Foreign Affairs
publie en 1967, fut le premier homme politique americain a modifier son analyse en preconisant un rapprochement avec la Chine.
De la rupture a l'affrontement (1965-1976)
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]
La rupture sino-sovietique apres
1965
devint un fait etabli, et le debut de la
revolution culturelle
de Mao acheva de couper tous les contacts entre les deux pays et entre la
republique populaire de Chine
et la plupart du reste du monde. La seule exception a ce gel generalise des relations fut l'autorisation chinoise de faire transiter des
armes sovietiques
par son territoire pour soutenir la
republique democratique du Viet Nam
communiste
dans sa lutte contre la
republique du Viet Nam
et les
Etats-Unis
, meme si les Chinois et les Sovietiques soutenaient des factions et des strategies differentes : la guerilla pour les premiers et une guerre plus conventionnelle pour les seconds.
En dehors des
Albanais
, le seul soutien officiel et significatif de la Chine pendant la
revolution culturelle
vint du Parti communiste d'
Indonesie
, qui fut d’ailleurs detruit a la suite des
massacres
apres la tentative de coup d’Etat de 1965. L'isolement de la Chine n'empecha toutefois pas la formation de partis
maoistes
dans de nombreux pays.
L'affrontement sino-sovietique tournait desormais a un affrontement direct entre les deux Etats. En
, les
gardes rouges
chinois firent le siege de l'
ambassade
sovietique a
Pekin
. Les relations diplomatiques ne furent jamais formellement rompues, mais elles connurent une veritable periode de gel. La Chine en profita pour raviver la question de la frontiere sino-sovietique, dont le trace, impose autrefois par la
Russie tsariste
a la tres affaiblie
dynastie Qing
, remontait a des traites du
XIX
e
siecle
. La Chine ne formula aucune revendication territoriale specifique mais insista pour que l'URSS reconnut l’injustice de ces traites, ce qui fut refuse categoriquement.
L'annee suivante, la
revolution culturelle
connut son paroxysme et crea dans certaines parties du pays des situations proches de la
guerre civile
. L'ordre ne fut partiellement retabli qu'en aout, apres que Mao eut recours a l’armee. Par la suite, les exces tendirent a s’estomper, et Mao s’etait rendu compte a quel point la Chine etait devenue
strategiquement
isolee et vulnerable.
En
1968
, les Sovietiques opererent un redeploiement massif de leurs troupes le long de la frontiere chinoise, en particulier face au
Xinjiang
, ou le separatisme des populations d'origine
turque
pouvait etre facilement encourage. Des la fin de l’annee, l’URSS avait amasse sur la frontiere 25 divisions de l'
Armee rouge
, 1 200 avions et 120 missiles de moyenne portee. Bien que la Chine eut fait exploser sa premiere
bombe atomique
en
1964
a
Lop Nor
lors du
test 596
, la puissance militaire de l'
Armee populaire de liberation
ne pouvait se comparer a celle de son voisin sovietique. Le point culminant de la rupture fut atteint avec le
conflit frontalier sino-sovietique
, une serie d'incidents armes le long du fleuve
Oussouri
en
, qui furent suivis par d’autres en
aout
.
De nombreux observateurs internationaux predirent la guerre. Le journaliste americain
Harrison Salisbury
publia un livre intitule
La prochaine guerre entre la Russie et la Chine
, et des sources sovietiques attestent qu'une
attaque nucleaire
contre Lop Nor fut envisagee.
Richard Hems
, directeur de la
CIA
avertit
Kissinger
du sondage sovietique aupres des pays socialistes d'Europe pour une attaque preventive sovietique contre les installations nucleaires chinoises
[
15
]
. Le journaliste sovietique Victor Louis, porte-parole "officieux" du
KGB
fit courir le bruit a Moscou la meme annee
[
16
]
. Dans ses memoires,
A la Maison-Blanche
, Kissinger ecrit qu'en
, Nixon fut consulte par les Sovietiques sur une eventuelle frappe preventive sur les installations nucleaires chinoises, ce qu'il refusa. Neanmoins les incidents frontaliers ne connurent pas de suite, les deux camps ayant decide de jouer la carte de l'apaisement. En
septembre 1969
,
Alexei Kossyguine
se rendit secretement a Pekin pour s’y entretenir avec
Zhou Enlai
. En
octobre
, des pourparlers sur la question frontaliere furent ouverts. Aucun accord ne fut atteint, mais ces reunions permirent le retour d’un minimum d'echanges
diplomatiques
.
Des
1970
, Mao avait realise qu'il ne pouvait plus se permettre de se confronter simultanement a l'Union sovietique et aux Etats-Unis, tout en s'attaquant aux problemes internes du pays. Au cours de cette annee, bien que la
guerre du Viet Nam
et le sentiment
antiamericain
en Chine soient tous les deux a leur apogee, il choisit de se rapprocher des Etats-Unis. La proximite
geographique
de l'URSS posait, selon Mao, une menace bien plus grande que celle des Americains.
En
, Kissinger se rendit dans le plus grand secret a Pekin pour y jeter les bases de la visite programmee de Nixon
[
17
]
. Les Sovietiques, furieux, organiserent rapidement leur propre sommet avec Nixon pour etablir ainsi une relation triangulaire entre
Washington
,
Pekin
et
Moscou
. Cette nouvelle donne diplomatique, aux effets apaisants, mit un terme a la pire periode d'affrontement sino-sovietique.
Au cours des
annees 1970
, la rivalite entre la Chine et l'Union sovietique au
Moyen-Orient
, fit en sorte que les deux geants communistes soutenaient et financaient des partis, des mouvements et des Etats differents. Cela contribua notamment a alimenter le conflit entre l'
Ethiopie
et la
Somalie
, les
guerres civiles
en
Angola
et au
Mozambique
et les rivalites entre certains mouvements radicaux en
Palestine
. Contrairement aux Sovietiques, les Chinois n’allerent jamais jusqu’a envoyer des troupes sur ces zones de combats mais contribuerent a maintenir l’instabilite. Pekin soutint aussi le regime d'
Augusto Pinochet
au
Chili
apres sa prise de pouvoir au coup d'etat en
contre
Salvador Allende
, un president pro-sovietique
[source ?]
.
De plus, en 1978, le chah de l'Iran fut soutenu par la Chine puisqu'elle voyait la
revolution iranienne
comme pro-sovietique.
Chute de Lin Biao et l'alliance de fait de la Chine avec les Etats-Unis (1976-1989)
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]
La chute de
Lin Biao
en
1971
symbolise la fin de la phase la plus radicale de la revolution culturelle. Successeur designe de Mao, ministre de la Defense et vice-president du Parti communiste, Lin Biao s'oppose au rapprochement avec les Etats-Unis et est soupconne de vouloir prendre le pouvoir. Evince le
, il meurt en tentant de s'enfuir par avion en URSS avec sa famille.
De ce moment a la mort de Mao en
1976
, la
Chine
connut un retour progressif vers un regime
communiste
≪ standard ≫. Cet apaisement international et l'alliance de fait avec les Etats-Unis ont pour consequences directes la fin de la tension armee avec l’Union sovietique mais non le degel des relations politiques. L'
Armee rouge
sovietique continuait de renforcer ses positions sur la frontiere, et en
1973
, les troupes furent deux fois plus nombreuses qu'en
1969
. Les Chinois continuerent a denoncer l’≪ imperialisme social sovietique ≫ et a accuser leur voisin de se poser en ennemi de la
revolution mondiale
, mais les Chinois, depuis
1972
, cessent tout soutien aux groupes revolutionnaires et se prononcent en faveur d'une paix negociee dans la
guerre du Viet Nam
.
La tendance a l'apaisement s'accelera apres la mort de Mao, avec la chute des radicaux de la ≪
Bande des Quatre
≫ et le debut des reformes economiques massives entreprises par
Deng Xiaoping
. Allant a contre-pied de la politique
maoiste
, celui-ci entama une transition vers une
economie libre de marche
. Des les
annees 1980
, le choix pragmatique de Deng Xiaoping consistant a ≪
rechercher la verite a partir des faits
≫ et a poursuivre la ≪
voie chinoise vers le socialisme
≫ desengagea fortement la Chine des querelles doctrinales, et la denonciation du
revisionnisme
sovietique cessa.
Dans les annees qui suivirent la mort de Mao, la rivalite entre la Chine et l'Union sovietique porta ainsi beaucoup moins sur des polemiques liees a leurs politiques internes que sur des questions internationales ou leurs interets nationaux divergeaient. Selon Deng Xiaoping, trois obstacles majeurs empechaient toute normalisation :
- Le premier affrontement majeur eut lieu a propos des pays issus de l’
Indochine francaise
. A la fin de la
Guerre du Viet Nam
en
1975
, la region comptait deux regimes pro-sovietiques, le
Viet Nam
et le
Laos
, et un regime pro-chinois, les
Khmers rouges
au
Cambodge
. Les Vietnamiens, enclins au depart a tolerer les agissements meurtriers de
Pol Pot
, finirent par envahir le Cambodge en
1978
et renverser le regime du dictateur pour mettre un terme a la persecution des
minorites ethniques vietnamiennes
. Les Chinois denoncerent furieusement cette intervention et lancerent une invasion ≪ punitive ≫ du nord du Viet Nam. Cela declencha ainsi la
Guerre sino-vietnamienne
. L'URSS condamna a son tour l'action de la Chine mais n'entreprit aucune initiative militaire.
- De plus, en
1979
, l’Union sovietique envahit l'
Afghanistan
, ou le regime communiste fut sur le point d’etre renverse. Le gouvernement chinois, y voyant une tentative d'encerclement de son territoire, s'allia avec les
Etats-Unis
et le
Pakistan
pour soutenir les mouvements de resistance
islamistes
et contrecarrer
l’invasion sovietique
. Cette manœuvre se revela tres efficace, et l'enlisement des Russes dans une guerre interminable contribua beaucoup a l'affaiblissement general du systeme sovietique. La Chine des
annonca qu'elle boycotterait les
Jeux olympiques de Moscou
.
- Enfin, l'URSS maintenait toujours une pression militaire importante sur la frontiere nord de la Chine (25 divisions, 1200 avions de combat et 120 missiles nucleaires).
En
1982
, peu avant sa mort,
Leonid Brejnev
fit a
Bakou
un discours relativement conciliant envers la Chine. Ce discours ouvrit la voie a la venue d’une delegation chinoise lors de ses funerailles et a un certain apaisement des relations. A la difference de la situation en Afghanistan, dont la revolution etait toute recente (
), la crise polonaise caracterisee par la legalisation obligee du syndicat autonome
Solidarno??
(Solidarite) a l'ete 1980 pouvait tout autant mettre en cause la legitimite avant-gardiste du Parti communiste chinois que celle du
Parti ouvrier unifie polonais
et du
Parti communiste de l'Union sovietique
. Cela amena la presse chinoise a manifester une grande prudence sur cette tres longue crise et sur l'etat de siege, decide par le general
Wojciech Jaruzelski
, en
. Enfin les deux etats convergerent en avril 1982 lors de la
guerre des Malouines
: au
conseil de securite de l'ONU
ils s'abstinrent quand les Etats-Unis et la France voterent avec le Royaume-Uni contre le droit de l'Argentine a reprendre par la force aux Britanniques le territoire des Malouines, qu'elle n'avait pu obtenir pendant dix-sept ans par la negociation. La mort de Brejnev confirma le processus dans le domaine des echanges commerciaux. La Chine cessa egalement de s'opposer systematiquement a l'URSS dans le monde. Ainsi en 1983 reconnut-elle en Angola le MPLA, parti marxiste au pouvoir, soutenu par la communaute des pays socialistes et rompit-elle avec l'UNITA et le FNLA.
Normalisation de la Chine avec l'Union sovietique (1985-1991)
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]
Lorsque
Mikhail Gorbatchev
prit la tete de l'URSS en
1985
, il s'attacha a accentuer le processus de normalisation des relations de l'URSS et de la Chine. Les forces militaires sovietiques presentes sur la frontiere furent considerablement reduites, les echanges
commerciaux
s'accentuerent et la question frontaliere fut rapidement oubliee. Le retrait de l'Armee rouge de l'Afghanistan mit un terme a un contentieux majeur entre les deux Etats. Cependant, les divergences ideologiques des
annees 1960
restaient non resolues, ce qui empecha la reprise de relations officielles entre les deux partis communistes. Les relations furent certes ameliorees mais toujours assez froides, ce qui incita de nombreux conseillers du president americain
Ronald Reagan
a considerer la Chine comme un contrepoids ideal a la puissance sovietique. Il en resulta une aide militaire des Etats-Unis a l'armee chinoise.
Pour cimenter le renouveau des relations sino-sovietiques, Gorbatchev se rendit en Chine en
. La consequence inattendue de ce voyage fut que les nombreux
journalistes
presents pour cette visite purent egalement assurer une importante couverture mediatique des
manifestations de la place Tian'anmen
et de la repression qui s'ensuivit.
Le gouvernement chinois resta circonspect sur les reformes qui furent lancees par Gorbatchev mais sans eviter la chute de l'Union sovietique en
1991
. Puisque la Chine ne reconnaissait pas formellement l’URSS comme un Etat partenaire socialiste, le pays n’avait aucune position officielle sur la facon dont Gorbatchev devait reformer son pays. Toutefois, les dirigeants chinois jugerent insense d’engager des reformes politiques avant des reformes economiques, a l'oppose de Deng Xiaoping, qui avait ainsi reussi a conserver au Parti communiste chinois toute son autorite.
La chute de l'Union sovietique a mis un terme a la rupture sino-sovietique. Plutot que d'une invasion sovietique massive, le gouvernement de la Chine s'inquiete desormais davantage d'une possible initiative des Etats-Unis en faveur de l'independance de Taiwan. De la meme maniere, la
Russie
affaiblie se preoccupe surtout des initiatives americaines comme l'expansion de l'
OTAN
en
Europe de l'Est
et l'intervention dans la guerre en
Yougoslavie
. Aux Etats-Unis, bien loin de la theorie du contrepoids a la Russie, on considere maintenant la Chine comme un ineluctable adversaire. Tous ces nouveaux elements du contexte international ont pousse la Russie et la Chine a resserrer leurs liens afin de contrer la puissance americaine. En
1993
, les deux pays signent un traite pour delimiter formellement leurs frontieres et mettre un terme a l’ensemble de leurs contentieux.
Au debut du
XXI
e
siecle
, la Russie et la Chine ont engage
un rapport different de celui entretenu en contexte sovietique
.
Cependant, l'origine geopolitique du conflit sino-sovietique demeure et seule l'hyperpuissance americaine du post-communisme explique ce rapprochement : la reflexion de Molotov a Eden sur le mode de pensee des Chinois, lors de la conference de Geneve, demeure presente.
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Alexander Haig
contribua egalement aux preparatifs.
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