Le
racisme
est une
ideologie
qui, partant du
postulat
[
1
]
de l'existence de
races
au sein de l'
espece humaine
[
2
]
, considere que certaines categories de personnes sont intrinsequement superieures a d'autres
[
2
]
. Il se differencie ainsi du
racialisme
qui, partant du meme postulat, ne considere pas les races comme inegales
[
3
]
. Cette ideologie peut amener a privilegier une categorie de personne a une autre, qui se trouve releguee a une
classe sociale
jugee inferieure et subit alors, de
maniere intersectionnelle
, le
mepris de classe
en plus du racisme
[
4
]
.
Le Petit Larousse
a deux definitions du racisme, au sens strict du terme, comme ≪ ideologie fondee sur la croyance qu'il existe une hierarchie entre les groupes humains, les ≪ races ≫ ; comportement inspire par cette ideologie ≫, et au sens large du terme, comme ≪ une attitude d’hostilite repetee voire systematique a l’egard d’une categorie determinee de personnes ≫.
Cette hostilite envers une autre appartenance sociale (que la difference soit culturelle, ethnique ? ou tout simplement due a une
couleur de peau
) ? se traduit aussi par des formes de
xenophobie
ou d’
ethnocentrisme
. Certaines formes d’expression du racisme, comme les
injures racistes
, la diffamation raciale, la discrimination, sont considerees comme des delits dans plusieurs pays.
Les ideologies racistes ont servi de fondement a des doctrines politiques conduisant a pratiquer des discriminations raciales, des
segregations ethniques
et a commettre des injustices et des violences pouvant aller, dans les cas extremes, jusqu'au
genocide
.
Selon certains sociologues, le racisme s’inscrit dans une dynamique de domination sociale a pretexte racial
[
5
]
. Le ≪
racisme inverse
≫ est pour sa part une expression qui use du terme ≪ racisme ≫, mais decrit un acte ou un propos venant non des membres d'un groupe social dominant, mais d'un groupe anciennement ou actuellement domine ; la denonciation d'un racisme inverse ne suppose pas l'adhesion aux idees racistes qui sous-tendent par exemple le
supremacisme blanc
.
Etymologie
Selon le
CNRTL
, le mot racisme serait apparu en 1902
[
6
]
alors que le mot raciste daterait de 1892
[
7
]
.
Selon
Charles Maurras
[
8
]
,
Gaston Mery
(1866-1909), pamphletaire, journaliste collaborateur a
La Libre Parole
? le journal
antisemite
et polemiste d'
Edouard Drumont
? est la premiere personne connue a avoir utilise le mot ≪ raciste ≫ en
1894
[
9
]
,
[
10
]
,
[
11
]
.
Toutefois l'adjectif ≪ raciste ≫
[
12
]
et le nom ≪ racisme ≫ ne s'installent dans le vocabulaire general en France qu'a partir des
annees 1930
[
13
]
.
Leon Trotski
l'emploie en 1930 dans son
Histoire de la revolution russe
, pour qualifier les tenants modernes des theories racistes
[
14
]
, ce qu'il developpera encore en 1933 vis-a-vis du nazisme
[
15
]
.
Les deux mots font leur entree pour la premiere fois dans le dictionnaire francais
Larousse
en
1932
[
16
]
.
Ideologies, perception et pratique
La litterature met, au
XIX
e
siecle, en avant le caractere pluridimensionnel du racisme. On peut distinguer :
- sa dimension conceptuelle et ideologique : il s’appuie sur des systemes de discours qui pretendent a la scientificite
[
17
]
;
- sa dimension perceptive : il constitue un regard, un prisme qui oriente et instruit notre perception de ≪ l'Autre ≫
[
18
]
;
- sa dimension pratique : le racisme en actes se manifeste par des actions individuelles (violences, insultes…) ou des systemes de domination institutionnalises (
apartheid
,
segregation
,
colonisation
,
esclavage
…)
[
19
]
.
Race en tant que construction sociale
Si la notion de ≪
race humaine
≫ et le concept du racisme sont partie liee, l’etude de leurs relations necessite d’operer une premiere distinction entre la race en tant que concept biologique et la race en tant que
constructivisme social
que l’on peut definir comme ≪ un signe ou un ensemble de signes par lesquels un groupe, une collectivite, un ensemble humain est identifie, dans certains contextes historiques precis, cette apparence socialement construite variant suivant les societes et les epoques ≫
[
20
]
.
Au cours de l'histoire, les definitions sociales de la ≪ race ≫ se sont souvent appuyees sur de presupposes caracteres de nature biologique. La race (en tant que construction sociale) est cependant devenue largement independante des travaux menes sur la classification biologique des etres humains qui ont montre que la notion de
race humaine
n'est pas pertinente pour caracteriser les differents sous-groupes geographiques de l'espece humaine, car la variabilite genetique entre individus d'un meme sous-groupe est plus importante que la variabilite genetique moyenne entre sous-groupes geographiques
[
21
]
,
[
22
]
. Cette conclusion est cependant contestee par
A. W. F. Edwards
(en)
qui critique, dans son article
La diversite genetique humaine : l'erreur de Lewontin
(2003), l'argument, presente en 1972 par
Richard C. Lewontin
The Apportionment of Human Diversity
(
La repartition de la diversite humaine
)
[
23
]
, soutenant que la division de l'humanite en races est taxonomiquement invalide
[
24
]
.
Le consensus scientifique actuel rejette l’existence d'arguments biologiques qui pourraient legitimer la notion de race
[
25
]
, releguee a une representation arbitraire selon des criteres morphologiques, ethnico-sociaux, culturels ou politiques
[
26
]
. Cette autonomie se manifeste pleinement depuis la seconde moitie du
XX
e
siecle
[
27
]
ou les effets du systeme de perception raciste perdurent en depit d'un usage moins frequent, et malgre le rejet du concept de race par la communaute scientifique.
Theories raciales au
XIX
e
siecle
Essai sur l'inegalite des races humaines
est un ouvrage du Francais
Joseph Arthur de Gobineau
paru en 1853 et visant a etablir l'existence de races et de differences les separant. L’ouvrage sera l’un des fondements des ideologies racistes du
XX
e
siecle
[
28
]
.
Systeme de perception
Le mecanisme perceptif du racisme peut etre decompose en plusieurs operations logiques.
Focalisation
Le racisme se fonde sur la focalisation du regard du raciste sur une difference, souvent anatomique. Elle peut etre ≪ visible ≫ ? la pigmentation de la peau ? mais ne l’est pas necessairement : le regard raciste peut exister sans s’appuyer sur des differences visuelles evidentes. La litterature
antisemite
a ainsi abondamment cherche, sans succes, a definir les criteres qui pourraient permettre de reconnaitre visuellement les Juifs et a finalement du mettre en avant des differences invisibles, imperceptibles pour l'œil humain
[
ref.
souhaitee]
.
Totalisation
Le racisme associe des caracteres physiques a des caracteres moraux et culturels. Il constitue un systeme de perception, une ≪ vision syncretique ou tous ces traits sont organiquement lies et en tout cas indistinguables les uns des autres ≫
[
29
]
. L'identification des traits physiques ou la reconnaissance du signe distinctif (l'etoile juive par exemple) genere immediatement chez le racisant une association avec un systeme d'idees preconcues. Dans le regard du racisant, ≪ l'homme precede ses actes ≫
[
30
]
. Si la focalisation du regard raciste rend le corps vise plus visible que les autres, il a donc aussi pour effet de faire disparaitre l’individualite derriere la categorie generale de la race
[
31
]
.
Essentialisation et limitation
Le raciste considere les proprietes attachees a un groupe comme permanentes et transmissibles, le plus souvent biologiquement. Le regard raciste est une activite de categorisation et de cloture du groupe sur lui-meme.
Hierarchisation
Le racisme s’accompagne souvent d’une pejoration des caracteristiques du groupe vise. Le discours raciste n’est toutefois pas necessairement pejoratif. Pour Colette Guillaumin, les ≪ bonnes caracteristiques font, au meme titre que les mauvaises caracteristiques, partie de l’organisation perceptive raciste ≫
[
32
]
. La phrase ≪ Les Noirs courent vite ≫ constitue ainsi un enonce raciste malgre son apparence meliorative
[
ref.
souhaitee]
.
Le discours raciste peut evoquer la superiorite physique des groupes vises (ainsi la vigueur ou la sensualite des Noirs) pour souligner par contraste leur inferiorite intellectuelle. Les qualites qui leur sont attribuees (l’habilete financiere des Juifs par exemple) sont la contrepartie de leur immoralite ou alimentent la crainte de leur pouvoir souterrain.
Mais plus encore, au-dela du contenu ? positif ou negatif ? des stereotypes racistes, l’activite de categorisation, de totalisation et de limitation de l’individu a des proprietes preconcues n’est en soi pas une activite neutre du point de vue des valeurs. Dans cette perspective, voir et penser le monde social dans les categories de la race releve deja d'une attitude raciste.
Origines
Historiens et ethnologues ne sont pas d'accord sur la question de l’origine du racisme ; deux conceptions principales s'opposent a ce propos. La premiere considere que le racisme est un sous-produit du
capitalisme
europeen, en lien avec le
colonialisme
[
33
]
. La seconde que differentes formes de racisme se sont succede au cours de l’histoire en Europe, et ce depuis l'
Antiquite
[
33
]
.
Le terme ≪ race ≫, applique a des etres humains, est ecrit pour la premiere fois en 1684 par
Francois Bernier
, dans un article du
Journal des Scavans
. Il y ecrit ≪ quatre ou cinq especes ou races d’hommes dont la difference est si notable qu’elle peut servir de fondement a une nouvelle division de la Terre ≫
[
34
]
,
[
35
]
.
Societes premodernes
Il existait entre les historiens, depuis la seconde moitie du
XX
e
siecle, un consensus relativement large pour considerer que l'utilisation de la notion de racisme dans l’Antiquite est un anachronisme. En effet, toutes les societes antiques et primitives sont, de notre point de vue contemporain, des societes racistes et xenophobes.
Les Anciens Grecs distinguent les peuples de l'
Hellade
, des autres peuples qu'ils appellent
barbares
. Presque tous les autres peuples antiques avaient la meme representation duale du Monde en deux races, les peuples apparentes, et les peuples etrangers ou ennemis; cette opposition entre deux collectifs est ce qui definit le domaine politique
[
36
]
et le droit des gens
[
37
]
. Parmi les peuples consideres comme etrangers, tous ne sont pourtant pas ennemis : les relations militaires, commerciales et diplomatiques instituaient des peuples amis, clients, allies ou invites qui pouvaient alors etre reconsideres fictivement comme des peuples apparentes.
L'utilisation du terme ≪ race ≫ en tant que synonyme integral de peuple/nationalite perdure jusqu'a la fin du
XIX
e
siecle. Ainsi, les œuvres litteraires de
Jules Verne
abondent de formules stereotypees comme ≪ les Allemands, race industrieuse et organisee ≫, ≪ les Francais, race romantique et galante ≫ ou ≪ les Americains, race entreprenante et dynamique ≫, jusque dans les conversations entre bons amis d'origines differentes, sans la moindre intention negative dans l'usage du mot.
Race et parente
Les structures de parente, donc les questions de race
[
38
]
, sont toujours fondamentales et fondatrices dans la representation que les peuples antiques ou primitifs ont d'eux-memes et des autres peuples
[
39
]
. Tout le systeme d'obligation et de solidarite sociale des societes antiques ou primitives est base sur l'appartenance au groupe familial, et a la plus ou moins grande proximite de parente: l'affiliation (
phylai
)
[
40
]
. On note que celle-ci n'est pas necessairement biologique, mais peut etre la fiction resultant d'une adhesion ou d'une adoption, et d'apparentements de convenance. A cote de la societe grecque avec son
gene
et ses
phratries
, on trouve des structures politiques claniques chez d'autres peuples comme les Celtes avec les notions de peuples apparentes/allies
[
41
]
. Cette conception dure pendant tout le
Moyen Age
et une partie des
Temps modernes
[
42
]
.
La mythologie et les prescriptions religieuses fixent les regles d'
exogamie
qui favorisent les alliances hors du groupe consanguin, tout en interdisant celles avec les membres des peuples etrangers. De ce fait, depuis la plus haute Antiquite, jusqu'a ces derniers siecles, les peuples du Monde restent extremement
endogames
, qu'ils soient sedentaires et sans contacts avec des etrangers, ou qu'ils soient au contraire nomades au milieu des peuples etrangers. Dans ce dernier cas, l'identite du groupe est maintenue par des prescriptions sociales ou religieuses
[
43
]
interdisant une trop grande proximite de vie et des alliances etrangeres qui finiraient par provoquer son assimilation
[
44
]
. C'est pourquoi, plus on s'eloigne dans l'histoire, plus on remarque que les peuples qui sont traditionnellement des migrants ou creent une
colonie
, continuent a se marier dans la moitie du genome dont ils se sont detaches
[
45
]
, et non dans le peuple au milieu duquel ils vivent. Il faut remarquer qu'a ces epoques, ces regles concernent l'immigration qui ne se fait pas individuellement, mais comme pour les colonies pheniciennes, grecques ou carthaginoises, par groupes complets
[
46
]
capables de recreer ailleurs une nouvelle societe identique et fermee.
Les questions de guerre et de paix entre les tribus ou les peuples debutent par des refus ou des ruptures d'alliances matrimoniales
[
47
]
, et se terminent par des alliances, ou des enchainements d'alliances, entre les lignages des chefs
[
48
]
, et a partir de la la possibilite de relation et d'alliance entre toutes les autres familles. Il importe de preciser que ces prescriptions s'imposent aux groupes, mais pas a des individus isoles ou a des familles desaffiliees.
Bible
Le recit
biblique
fait recommencer l'histoire de l'Humanite apres le
deluge
, avec les trois fils de
Noe
,
Sem
,
Cham
, et
Japhet
, dont descendent les trois lignees qui peuplent les rives de la Mediterranee. La
Table des peuples
de la
Genese
donne
[
49
]
, avec la descendance de ces trois freres, l'origine genealogique de tous les peuples de la Terre qui sont presentes a la fois comme des peuples genealogiquement distincts, et en meme temps apparentes. Ce dernier trait, qui rappelle l'unicite du regne humain, le monogenisme, est une originalite qu'on ne trouve pas chez beaucoup de peuples primitifs qui se reservent l'appellation d'homme, rejetant les autres dans le monde animal.
Une interpretation de la
malediction de Canaan
dans le
Livre de la Genese
[
50
]
et de la ≪
Table des peuples
≫ qui en derive, peut etre a l'origine d'ideologies racistes dans cette region du monde ou pour les croyants s'inspirant de la
Bible
[
51
]
.
La destruction du
temple de Jerusalem
par
Titus
fils de l´empereur
Vespasien
s'accompagne d'une destruction des genealogies, qui sera pour le peuple Juif la cause de sa dispersion et d'un grand desarroi quant a son identite
[
52
]
. Ce genre de representation genealogique totalisante des differents groupes ethniques connus se retrouve souvent dans les descriptions ethnologiques des peuples primitifs.
Antiquite greco-romaine
La conception selon laquelle l'utilisation de la notion de racisme dans l’Antiquite est un anachronisme, est remise en question par les travaux de l'historien Benjamin Isaac qui propose la notion de ≪ proto-racisme ≫ traversant l'Antiquite grecque puis romaine, notion qui releve deja d'un ≪ racisme conceptualise, fonde sur une argumentation d’allure scientifique qui se veut demonstrative ≫
[
53
]
. La pensee proto-raciste, qui evoluera evidemment au fil des siecles et des deplacements de centres d'influence et de pouvoir, se fonde, selon l'historien, sur deux theories qui ne seront que peu remises en question : d'une part, suivant le traite
Des airs, des eaux, des lieux
datant du
V
e
siecle
av. J.-C.
et attribue a
Hippocrate
, un classement deterministe des groupes humains base sur la geographique qui definirait ≪ des traits de caractere collectifs immuables ≫, dans une conception qui induit rapidement une hierarchisation des peuples
[
ref.
souhaitee]
.
Maurice Sartre
nuance toutefois le propos, expliquant qu'il existe des conceptions divergentes, voire opposees, a cette representation, citant notamment l'explorateur et historien antique
Herodote
ou encore le geographe
Strabon
qui ≪ montre avec une force tout aussi convaincante les limites de la theorie environnementaliste ≫ dont il ne fait pas usage dans la description qu'il fait des peuples et de leurs mœurs
[
54
]
.
Le philosophe
Christian Delacampagne
percoit, quant a lui, dans l’attitude paienne ? egyptienne, grecque puis romaine ? face aux juifs et dans la partition entre hommes libres d’un cote, femmes, enfants et esclaves de l’autre, des ≪ classifications biologiques ≫, de ≪ type raciste ≫
[
55
]
.
Il convient neanmoins de noter que si les arguments de type raciste ont pu servir a justifier la domination des Grecs et des Romains, ils n'ont jamais debouche sur des politiques d'exclusion ni ?
a fortiori
? d'extermination. Au contraire, la capacite d'integration, d'assimilation voire promotion des etrangers dans l'Empire greco-romain ? dans un relatif respect de leur culture et de leurs traditions ? est bien connue des historiens. Neanmoins, on peut voir un lien entre le
proto-racisme
antique et les theories racistes contemporaines dans une commune ≪ negation des evidences au profit de theories preconcues dont peu importe le bien-fonde scientifique pourvu qu’elles justifient la situation dominante et le statut privilegie d’un groupe ≫
[
54
]
.
Moyen Age
C’est surtout le
Moyen Age
qui donne des arguments aux partisans de l’existence d’un racisme anterieur a la modernite. Pour l’historien specialiste de l'
antisemitisme
Gavin I. Langmuir
, l'une de ses manifestations serait la
cristallisation
de l’
antijudaisme
des premiers theologiens chretiens en un antisemitisme chretien des le
XIII
e
siecle
[
56
]
. D’autres en voient les premieres manifestations des la fin du
XI
e
siecle et les premiers
pogroms
qui jalonnent la premiere
croisade populaire
menee par
Pierre l'Ermite
. Au
XIII
e
siecle, la crise rencontree par l’Eglise catholique, menacee par les
heresies
cathares
,
albigeoises
,
vaudoises
aboutit a une rigidification de sa doctrine qui se manifeste notamment par la creation de l'
Inquisition
dans les annees 1230 et par ce que Delacampagne designe comme la ≪ demonisation ≫ des ≪ infideles ≫
[
57
]
.
Selon Delacampagne, l’idee que la
conversion
absout le Juif s’efface alors devant la croyance que la
judeite
est une condition hereditaire et intangible. Ce mouvement n’epargne d’ailleurs pas d’autres categories de la population. Sa manifestation la plus probante est la mise en place progressive a partir de 1449 d’un systeme de certificat de
purete de sang
(
limpieza de sangre
) dans la
peninsule Iberique
pour acceder a certaines corporations ou etre admis dans les universites ou les ordres. Ce mouvement, qui se traduit par le
decret de l'Alhambra
de
1492
, concerne quatre groupes precis : les Juifs, les musulmans convertis (
morisques
), les
penitencies
de l’Inquisition et les
cagots
, c’est-a-dire les
descendants presumes de lepreux
[
58
]
.
Delacampagne mentionne la
segregation
qui touche cette derniere categorie de population comme une etape majeure dans la constitution du racisme moderne. Selon lui, c'est la premiere fois que la discrimination d’un groupe social recoit au
XIV
e
siecle une justification appuyee sur les conclusions de la science. Les
chirurgiens
, tel
Ambroise Pare
, apportent en effet leur caution a l’idee que les cagots, descendants presumes de
lepreux
, continuent de porter la lepre bien qu’ils n’en manifestent pas les signes exterieurs
[
59
]
.
Dans les societes non europeennes
Plusieurs etudes ont mis en avant l’existence d’attitudes que leurs auteurs considerent comme racistes dans des societes exterieures a l’aire culturelle europeenne. Au Japon, la transmission hereditaire de l’appartenance a la caste des
burakumins
jusqu’au debut de l'
ere Meiji
a pu etre analysee comme le produit d’une construction symbolique de type raciste.
Les travaux menes par l’historien
Bernard Lewis
sur les representations developpees par la civilisation musulmane a l’egard des autres etres humains concluent sur l’existence d’un systeme perceptif qu’il qualifie de raciste, notamment
a l’egard des populations noires
[
61
]
.
Au Moyen Age, le racisme des
Arabes
a l'egard des Noirs, en particulier des Noirs non musulmans, fonde sur le mythe
[
62
]
de la
malediction de Cham
, le pere de
Canaan
, prononcee par
Noe
[
63
]
, servit de pretexte a la traite negriere et a l'esclavage, qui, selon eux, s'appliquait aux Noirs, descendants de
Cham
qui avait vu Noe nu lors de son ivresse (une autre interpretation les rattache a
Koush
). (Histoire extraite de la Bible). Les Noirs etaient donc consideres comme ≪ inferieurs ≫ et ≪ voues ≫ a l'esclavage. Plusieurs auteurs arabes les comparaient a des animaux
[
64
]
. Le poete
al-Mutanabbi
meprisait le gouverneur egyptien
Abu al-Misk Kafur
au
X
e
siecle a cause de la couleur de sa peau
[
64
]
. Le mot arabe
aabd
??? (pl.
aabid
????) qui signifiait esclave est devenu a partir du
VIII
e
siecle plus ou moins synonyme de ≪ Noir ≫
[
65
]
, prenant une signification similaire au terme "
negre
" dans la langue francaise du
XX
e
siecle. Quant au mot arabe
zanj
, il designait de facon pejorative les Noirs
[
66
]
, avec une connotation raciale officielle que l'on retrouve dans les textes et discours
racialistes
. Ces jugements racistes etaient recurrents dans les œuvres des historiens et des geographes arabes : ainsi,
Ibn Khaldoun
a pu ecrire au
XIV
e
siecle :
≪ Les seuls peuples a accepter vraiment l'esclavage sans espoir de retour sont les negres, en raison d'un degre inferieur d'humanite, leur place etant plus proche du stade de l'animal ≫
[
67
]
. A la meme periode, le lettre egyptien Al-Abshibi ecrivait :
≪ Quand il [le Noir] a faim, il vole et lorsqu'il est rassasie, il fornique ≫
[
68
]
. Les Arabes presents sur la cote orientale de l'Afrique utilisaient le mot ≪ cafre ≫ pour designer les Noirs de l'interieur et du Sud. Ce mot vient de
k?fir
qui signifie ≪ infidele ≫ ou ≪ mecreant ≫
[
69
]
.
Racisme moderne
Les differents auteurs qui concoivent le racisme comme une specificite de la modernite europeenne s’accordent pour mettre en avant la conjugaison de trois facteurs dans la genese de cette nouvelle attitude :
- Le developpement de la science moderne. Il inaugure un systeme de perception essentialiste de l’alterite et un systeme de justification des conduites racistes qui s'appuient sur des theories a pretention scientifique de la race.
- Le developpement de la libre-pensee antichretienne qui s'oppose au monogenisme que soutient l'Eglise catholique.
- L’expansion europeenne qui debute au
XV
e
siecle
[
70
]
. Elle entraine la mise en place d’un systeme economique et social esclavagiste, et de
traites negrieres
a destination des colonies ; parallelement, elle s'accompagne du developpement d’une attitude coloniale a l’egard des populations non europeennes qui penetre progressivement la metropole
[
71
]
.
Biologisation du social
Pour
Colette Guillaumin
[
72
]
le racisme est contemporain de la naissance d’un nouveau regard porte sur l’
alterite
; il est constitue par le developpement de la science moderne et la substitution d’une
causalite
interne, typique de la modernite, a une definition externe de l’homme qui prevalait avant la periode moderne.
Alors que l’unite de l’humanite trouvait auparavant son principe a l’exterieur de l’homme, dans son rapport a Dieu, l’homme ne se refere desormais qu’a lui-meme pour se determiner. Comme l'attestent les debats theologiques sur l’ame des
Indiens
ou des femmes, le rejet de la difference et les hierarchies sociales s’appuyaient sur une justification religieuse ou basee sur un ordre sacre (
caste
) ; ils se parent desormais des habits de la justification biologique, renvoyant a l’ordre de la nature
[
73
]
. La conception de cette Nature elle-meme connait une mutation profonde : elle devient mesurable, quantifiable, reductible a des lois accessibles a la raison humaine.
Ce changement de regard engendre un systeme perceptif essentialiste : l’heterogeneite au sein de l’espece humaine ne doit son existence qu’a une difference logee dans le corps de l’homme, que les scientifiques europeens s’acharneront a mettre en evidence tout au long du
XIX
e
siecle
et au cours de la premiere moitie du
XX
e
siecle
. Pour Pierre-Henri Boulle, on peut percevoir en France des la fin du
XVII
e
siecle
les premieres expressions de ce mode de perception. C’est au
XVIII
e
siecle
qu’il se repand parmi les elites politiques, administratives et scientifiques, avant de se generaliser au plus grand nombre dans le courant du
XIX
e
siecle
[
74
]
.
Pour
Colette Guillaumin
, ce mode de perception se generalise au tournant des
XVIII
e
siecle
et
XIX
e
siecle
[
75
]
. Dans la premiere partie de son ouvrage
Les origines du totalitarisme
,
Hannah Arendt
date l’apparition de l’
antisemitisme
, qu’elle differencie de l’
antijudaisme
, du debut du
XIX
e
siecle
; c’est aussi la date d’origine qu’assigne le philosophe Gilbert Varet aux ≪ phenomenes racistes expressement dits ≫
[
76
]
.
La propagation hors de l’Europe apparait dans cette optique comme un produit de l’influence europeenne : Andre Beteille developpe ainsi la these d’une ≪ racialisation ≫ du systeme de
castes en Inde
apres la
colonisation britannique
[
77
]
. Au
Japon
, des travaux menes par John Price, Georges De Vos, Hiroshi Wagatsuma ou Ian Neary au sujet des
Burakumin
parviennent a des conclusions identiques
[
78
]
.
Colonisation et esclavage
La question de l’anteriorite ou de la posterite du racisme au developpement de l’
esclavage
dans les
colonies europeennes
fait l’objet de nombreux debats. Le consensus s’etablit neanmoins au sujet du role joue par le developpement de l’esclavage sur le durcissement et la diffusion de l’attitude raciale. L'esclavage colonial se developpe en effet, paradoxalement, a une epoque ou, en
Europe
, l'
humanisme
, la philosophie des
Lumieres (philosophie)
et la theorie du
droit naturel
devraient logiquement mener a sa condamnation. Le racisme pourrait etre le produit (conscient ou non) de cette contradiction, le seul artifice permettant de refuser a certaines populations le benefice de droits fondamentaux reconnus a l'Homme en general consistant a croire a l'existence d'une hierarchie entre les races.
Selon l’historien americain Isaac Saney, ≪ les documents historiques attestent de l'absence generale de prejuges raciaux universalises et de notions de superiorite et d'inferiorite raciales avant l'apparition du
commerce transatlantique
des esclaves. Si les notions d'alterite et de superiorite existaient, elles ne prenaient pas appui sur une vision du monde racialisee ≫
[
79
]
.
Developpement de l’esclavage et de la science moderne ont etroitement interagi dans la construction du racisme moderne. La categorie de ≪ nosopolitique ≫ qualifie chez la philosophe
Elsa Dorlin
l’usage des categories de ≪ sain ≫ et de ≪ malsain ≫ par le discours medical applique dans un premier temps aux femmes, puis aux esclaves. Alors que le
Blanc
, considere comme ≪ naturellement ≫ superieur par les medecins, est defini comme l’etalon de la sante, le temperament des
Noirs
est par contraste declare ≪ pathologique ≫ ; il est porteur de maladies specifiques, que seule la soumission au regime de travail impose par les colons peut attenuer, mais difficilement guerir, tant elles paraissent intrinsequement liees a sa nature
[
80
]
.
Racisme scientifique
Le ≪ racisme scientifique ≫, ou ≪
racialisme
≫ (ou ≪ raciologie ≫), classifie les
etres humains
d'apres leurs differences
morphologiques
en application d'une methode heritee de la
zoologie
.
Les theoriciens du racialisme comptent des personnes telles que l'anthropologue allemand
Johann Friedrich Blumenbach
, le francais
Georges Vacher de Lapouge
, partisan de l'
eugenisme
, l'ecrivain francais
Joseph Arthur de Gobineau
, celebre pour son
Essai sur l'inegalite des races humaines
, paru en
1853
, le Britannique de langue allemande
Houston Stewart Chamberlain
, dont l'œuvre theorise le role historique de la
race aryenne
comme ferment des classes dirigeantes
indo-europeennes
et le francais d'origine suisse
George Montandon
, auteur d'une
taxonomie
des races dans son ouvrage
La race, les races. Mise au point d'ethnologie somatique
, paru en
1933
.
Ideologie
En Europe et aux Etats-Unis, le
paradigme
racial s’est etroitement articule a partir du
XIX
e
siecle
, a l’exterieur avec la politique imperialiste et, sur le plan interieur, avec la gestion politique des populations minoritaires. Pour
Hannah Arendt
, ≪ la pensee raciale ≫ est ainsi devenue une ideologie avec l’ere de l’
imperialisme
debutant a la fin du
XIX
e
siecle
[
81
]
. L’ideologie raciste devient alors un ≪ projet politique ≫ qui ≪ engendre et reproduit des structures de domination fondees sur des categories essentialistes de la race ≫
[
82
]
. Le racisme, explique-t-elle, est d'abord
la transformation des peuples en races
, la diversite humaine n'etant plus expliquee par les influences culturelles acquises par chacun apres son arrivee dans le monde, mais au contraire par l'origine.
A l’image de la diversite des positions racistes dans le monde academique, les formes de racisme et donc les usages politiques de la race ont fortement varie selon les contextes nationaux et la position occupee par leurs promoteurs dans l’espace politique.
Hantise du metissage
En 2006, theorisant le ≪ melange humain ≫ (et le distinguant du ≪ metissage ≫, a fortes connotations racialistes), le philosophe
Vincent Cespedes
utilise le concept de ≪
mixophobie
≫ (
mixo
, ≪ melange ≫,
phobia
, ≪ peur ≫) pour rendre compte de ≪ la peur du melange ≫, fondement psychologique du repli des racistes sur leur race, opposee aux autres ≪ races ≫ avec lesquelles ils ne veulent pas se melanger
[
83
]
. Il oppose a ce concept un autre neologisme : la ≪
mixophilie
≫
[
84
]
(≪ l'amour du melange ≫).
L’un des points fondamentaux d’opposition des doctrinaires racistes est la question de la mixite raciale. La position ≪ mixophobe ≫ se caracterise par un rejet du ≪
metissage
≫, presente comme un facteur de degenerescence des groupes humains. Il existe toutefois un large spectre de positions mixophobes, depuis le rejet pur et simple de tout contact entre les ≪ races ≫ jusqu’a la promotion du metissage, sous reserve du respect des conditions de son efficacite
[ref. necessaire]
.
Mixophobie radicale
La position mixophobe radicale est le corollaire de la construction du mythe de la purete de la race qui affirme la superiorite des races pures sur les races dites metissees. L’imaginaire medical de la souillure ou de la contamination du sang en constitue l’un des motifs recurrents. Au milieu du
XIX
e
siecle
, deux des chefs de file du racisme biologique,
Joseph Arthur de Gobineau
(1816-1882) et
Robert Knox
(1791-1862), contribueront largement a l’introduction de cette position en France et en
Grande-Bretagne
[
85
]
. Les promoteurs du mythe de la
race aryenne
?
Vacher de Lapouge
,
Houston Stewart Chamberlain
, et plus tard
Adolf Hitler
? qui voient dans la ≪ race germanique ≫ la survivance a l’etat pur de la ≪ race indo-europeenne ≫ se caracterisent tous par une mixophobie radicale.
Metissage sous condition
Le rejet de la mixite peut connaitre des gradations. Nombreux sont les scientifiques qui refutent la these du ≪ choc des heredites ≫ de Vacher de Lapouge selon laquelle le metissage peut etre tenu pour un facteur d’infecondite
[
86
]
. Pour les partisans du metissage, les bienfaits de celui-ci restent toutefois conditionnes au respect de certaines regles. Comme l’affirment la majorite des raciologues, pour que le metissage soit profitable, il convient notamment que ≪ la distance entre les races ne soit pas trop grande ≫. Pour ces mixophobes moderes, comme les philosophes
Gustave Le Bon
,
Ernest Renan
,
Theodule Ribot
ou la grande majorite des polygenistes republicains, seul le metissage entre les races blanches ne presente aucun risque et devrait etre preconise
[
87
]
.
Pour les rares mixophiles, le metissage peut repondre a deux preoccupations :
- ≪ l’acclimatement ≫, qui figure au centre des preoccupations des colonialistes. Les
Europeens
sont en effet juges inaptes a s’adapter aux climats tropicaux des colonies. Le metissage apparait comme le moyen d’acquerir, en s’unissant aux indigenes, les caracteristiques qui leur permettront de surmonter ce handicap physiologique
[
88
]
.
- l’amelioration des races inferieures. Le ≪ sang regenerateur ≫ du Blanc peut pour certains raciologues, etre un facteur d’amelioration de la race. Un metis sera ainsi juge pour le monogeniste
Armand de Quatrefages
comme plus evolue qu’un Noir
[
89
]
.
Consequences politiques de la mixophobie
La hantise du metissage ne s’accompagne pas necessairement d’une prescription politique : dans l’
Essai sur l'inegalite des races humaines
, qui enonce la premiere
philosophie de l'histoire
basee sur le concept de race, le pessimisme ne fait que ruminer la decadence de la civilisation occidentale dont l’essence aurait ete alteree par la contamination du sang de la race blanche
[
90
]
. S’il voit dans la penetration des idees republicaines l’une des manifestations de cette degenerescence, il n’en tire pas de consequences politiques : le processus en cours lui semble irreversible. Cette position est toutefois restee extremement marginale et la longue liste des suiveurs de Gobineau a tire de ses postulats des conclusions nettement plus volontaristes.
La position mixophobe conduit a la defense d’une stricte separation des groupes humains constitues en races. Sur le plan de la politique exterieure, les mixophobes se caracterisent souvent par des positions
anti-colonialistes
, consequences de leur refus du modele assimilationniste produit par la
colonisation
. Gobineau, Robert Knox,
Gustave Le Bon
, ou Hitler marquent tous leur reprobation devant les aventures coloniales de leurs pays respectifs
[
85
]
. Le philosophe
Pierre-Andre Taguieff
considere que l’
ethno-differentialisme
est l’actualisation sur des bases culturalistes de cette position mixophobe
[
91
]
.
Sur le plan de la politique interieure, la consequence logique de ce racisme d’exclusion est l’instauration d’un
systeme segregationniste
: les
lois de Nuremberg
en Allemagne, les
lois Jim Crow
aux Etats-Unis ou l’
apartheid
sud-africain
en sont autant de manifestations. La defense de la purete de la race peut aussi aboutir a un racisme ≪ purificateur ≫ ou d’extermination ; c’est celui qui sera mis en œuvre par le regime nazi avec le
genocide
des Juifs et des
Tziganes
. La mixophobie est aussi, comme pour
Vacher de Lapouge
ou le regime nazi, l’une des positions ideologiques compatibles avec l’
eugenisme
.
A l’oppose, le racisme mixophile s’incarne au
XIX
e
siecle
dans une position colonialiste et assimilationniste dont l’objectif est la ≪ reduction universelle des differences […] a un modele unique ≫, celui de l’
imperialisme
occidental
[
92
]
.
Racisme imperialiste
Suprematie de la ≪ race blanche ≫ et ideologie coloniale
La suprematie de la race blanche ou caucasienne est un postulat sur lequel s’accordent tres largement les scientifiques, philosophes et hommes politiques du
XIX
e
siecle
[ref. necessaire]
. Combine avec la
mission civilisatrice
, le
supremacisme blanc
est un element fondamental de l’
ideologie coloniale
. Une fois operee la conquete, il constitue aussi le principe justificatif des legislations operant des distinctions de droit sur une base raciale, la forme paroxystique de cet ordre juridique inegalitaire etant la
segregation raciale
.
Dans le cadre de la
colonisation britannique
apparait l’expression
≪
suprematie blanche
≫
. La conception racialiste nait au croisement du developpement des Etats coloniaux et des theories scientifiques contemporaines. A la fin de
XIX
e
siecle, le racisme est pour l’historien
Nicolas Lebourg
≪ une reaction dans tous les sens du terme ≫
: c’est une impulsion a l’encontre de l’evolution du monde qui fait se cotoyer de nombreuses ethnies et une aspire a le
≪ restaurer ≫
[
93
]
.
Les ideologies coloniales des pays se reclamant d’un fonctionnement
democratique
se sont trouvees confrontees au probleme de leur legitimite, au regard des principes censes regir leur ordre politique et juridique. En France tout particulierement, elle doit surmonter sous la
Troisieme Republique
le paradoxe de l’affirmation d’une volonte de conquete et d’assujettissement d’une part, et de principes emancipateurs et egalitaires d’autre part. Le programme colonial francais ne peut se realiser que par l’affirmation d’une inferiorite tenue pour evidente et incontestable des populations visees, laquelle justifie une mission civilisatrice dont le fardeau repose sur les seules epaules de la race blanche
[
94
]
.
Darwinisme social
Dans la deuxieme moitie du
XIX
e
siecle, les rapports entre science et politique evoluent considerablement. Les personnalites politiques recourent non seulement a l’autorite des scientifiques, dont le prestige va croissant, pour legitimer leurs decisions. Mais plus encore, ils sont impregnes d’une representation du monde qui voit dans le mecanisme de la nature la loi organisatrice de la destinee humaine : la vogue du paradigme
evolutionniste
constitue la toile de fond scientifique de l’ideologie coloniale de la fin du
XIX
e
siecle
.
Le systeme evolutionniste d’
Herbert Spencer
, traditionnellement tenu pour le precurseur du ≪
darwinisme social
≫, marque un glissement de la theorie darwinienne du monde naturel au monde social. Postulant, avec
Lamarck
mais contre Darwin, l’heredite des caracteres acquis, Spencer considere que le libre jeu du marche, qui est selon lui le plus a meme d’assurer efficacement ≪ la selection des plus aptes ≫, doit etre le moteur du progres humain. Le
liberalisme
de Spencer, qui se traduit notamment par un refus des visees coloniales etatistes, ne prone pas d'interventions de l'Etat dans le processus civilisateur (les Etats y sont au contraire amenes a disparaitre). Etendu aux collectifs, nationaux ou ethniques, concus comme des entites homogenes, le mot d’ordre evolutionniste de Spencer connaitra cependant une large fortune dans le camp colonialiste, au travers du concept de ≪ lutte des races ≫
[
95
]
.
Selon cette conception, la lutte que se livreraient depuis l’origine les differents groupes humains doit conduire a la domination des races les plus aptes et a la disparition inexorable des races inferieures. Apres la
conquete de l'Algerie par la France
, les medecins francais, constatant la baisse de la population ≪ indigene ≫, n'y verront que la confirmation d’une extinction prochaine et previsible de la race arabe, qu’ils jugent inadaptee aux nouvelles conditions de leur temps
[
96
]
. La lutte des races n’implique ainsi pas necessairement un processus violent d’extermination : les tenants du darwinisme social sont persuades que les races inferieures disparaitront silencieusement de la surface du globe, ≪ sans que l’homme blanc et civilise ait a se souiller les mains d’un sang innocent ≫
[
97
]
.
Loisir de masse : zoos humains
Sur le continent europeen lui-meme, le succes enorme des
zoos humains
constitue pour Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire l’une des modalites de transmission du ≪ racisme scientifique ≫ a une large partie de la population
[
98
]
. A partir des annees 1870, ces zoos exposent dans les grandes capitales europeennes et americaines, jusque dans les
annees 1930
, des hommes et des femmes issus des peuples colonises dans un environnement reconstitue, aux cotes des betes sauvages. Le
Jardin d'acclimatation de Paris
par exemple, lors d'expositions, a exhibe - a cote des animaux - des ressortissants d'ethnies diverses derriere des barreaux, et ceci jusqu'en
1931
[
99
]
. Le principe en sera repris pour les
Expositions universelles
, les
Expositions coloniales
et jusqu'aux foires regionales. Ces exhibitions humaines contribuent a fixer ≪ un rapport a l’autre fonde sur son objectivation et sa domination ≫
[
100
]
. Elles s'inserent dans le schema evolutionniste en mettant en scene la frontiere entre civilises et sauvages et s’accompagnent du deploiement d'un racisme populaire dans la grande presse
[
101
]
.
Perfectibilite des races et question de l'assimilation
Une fois les territoires conquis, la question de l’administration des populations colonisees fut a l’origine de nombreux debats. Dans quelle mesure ces peuples inferieurs pouvaient etre associes a la gestion de leurs territoires ? La France, initialement porteuse d'un modele assimilationniste qui visait a l’exportation des institutions francaises sur le territoire colonial, se tourna progressivement vers une politique d’association pendant qu’elle appliquait a travers l’
indigenat
un regime d’exception aux populations conquises.
Cet ordre juridique exorbitant au droit commun trouvait sa justification dans deux principes qui peuvent etre consideres comme complementaires. D’un cote, un principe pragmatique considerait que le maintien de l’ordre colonial necessitait des regles et des sanctions plus severes contre les indigenes. Rien ne devait laisser paraitre que la pression du colonisateur se desserrat un jour. De l’autre, un principe ideologique, qui prenait racine dans une perception raciste du colonise, n’entendait pas laisser voix au chapitre a des peuples qui n’etait pas dignes, pas aptes ou pas murs pour exercer un pouvoir a l’egal des colonisateurs.
L’etude des races, a travers l’
anthropologie
ou l’
ethnologie
, fut largement mobilisee : elle devait permettre de determiner avec qui le pouvoir colonial pouvait s’associer, quelles etaient les races civilisables et celles qui etaient par nature retives ou incapables d’acceder a un niveau superieur de civilisation. En
Algerie
, ce travail aboutit a la construction de l'opposition entre
Arabes
et
Kabyles
. Considere comme plus proche biologiquement et culturellement de la ≪ race francaise ≫, le Kabyle est presente comme un allie potentiel contre l’Arabe, presente comme fier, nomade, insoumis et faineant.
La notion de ≪ race ≫ qui s’elabore dans la situation d’occupation coloniale n’est cependant pas uniforme. Des presupposes plus ou moins biologisants s’opposent dans des conceptions concurrentes de la race. Une grande partie des anthropologues conclut ainsi a l’origine biologique de l’inegale perfectibilite des races. Cependant, selon l’historienne Emmanuelle Saada, les representations de la majorite des elites coloniales empruntent peu au modele anthropologique des ≪ raciologues ≫ mais se fondent sur une conception ≪ organique ≫ des rapports entre le milieu et la culture
[
102
]
. L’impregnation du milieu et les habitudes multi-seculaires sont considerees comme les determinants de comportements sociaux largement reifies et essentialises : chaque ≪ race ≫ possede des caracteristiques psychologiques et des aptitudes qui lui sont propres. Seul un travail de longue haleine, base sur l’education de plusieurs generations successives, peut conduire les indigenes a s’arracher a leur civilisation originelle pour embrasser les principes superieurs qui gouvernent les ≪ races europeennes ≫
[
103
]
.
Ces deux conceptions partagent toutefois le presuppose du differentialisme racial et se rejoignent dans leurs conclusions pratiques. Dans tous les cas, le retard biologique ou civilisationnel des races inferieures necessite de prolonger leur mise sous tutelle et le maintien d’un ordre juridique et politique differencie entre metropole et colonies et, sur le territoire colonial, entre colons et colonises. La mission civilisatrice imposa donc des mesures a double tranchant. Si elle fut un frein a la mise en œuvre d’une politique radicalement segregationniste, elle justifia le maintien d’une tutelle presentee comme indispensable a l’accomplissement du dessein civilisateur que s’octroyaient les colonisateurs.
Antisemitisme et nationalisme
Dans la deuxieme moitie du
XIX
e
siecle
, la question de la hierarchisation au sein de la race blanche est sur le continent europeen au cœur de deux phenomenes appeles a jouer un role preponderant dans les deux conflits mondiaux du
XX
e
siecle
: l’exacerbation des rivalites
nationales
et la montee de l’
antisemitisme
.
Distinction entre l'Aryen et le Semite
La distinction operee au sein de la
≪ race blanche ≫
entre
Aryens
et
Semites
constitue l’un des vecteurs de la biologisation de l’
antisemitisme
. En France,
Vacher de Lapouge
est parmi les premiers a pretendre donner une caution scientifique a la doctrine aryaniste, en s’appuyant ≪ sur des bases
anthropometriques
, et plus particulierement
craniometriques
≫ (
morphometrie
)
[
104
]
.
Si la methode de Lapouge est rapidement discutee, la distinction entre Aryens et Semites est d’usage courant au sein des milieux politiques ou savants europeens. Le philosophe
Ernest Renan
distingue ainsi les
Indo-europeens
des Semites ; les seconds, novateurs quand ils ont introduit le
monotheisme
, doivent selon lui s’effacer devant les premiers qui sont desormais appeles a gouverner le genre humain
[
105
]
.
En
Allemagne
, particulierement a l'
Universite de Gottingen
, autour de
Karl Otfried Muller
(1797-1840), se met en place la doctrine du
miracle grec
: les Grecs atheniens auraient ete les plus purs de la
race aryenne
, ce qui permettait d'evacuer les hypotheses semites, mesopotamiennes ou egyptiennes des origines dudit miracle grec.
Mythe aryen nationalise
Comme le note l’historien
George L. Mosse
, le racisme est a l’origine d’un systeme symbolique de
mythes
et de
symboles
qui, s’emparant de la question des origines, des difficultes et des triomphes de la race, dessine une trajectoire qui tend a se confondre avec le
recit national
en construction
[
106
]
. Le
stereotype
national physique, qui s’elabore au
XIX
e
siecle
prend, en
Allemagne
par exemple, une apparence raciale (l’Allemand
blond
…).
L’usage du
mythe aryen
, rapidement recupere en Allemagne par le
nationalisme
de droite, illustre bien les effets de cette concurrence nationale. Si pour le Francais
Vacher de Lapouge
la race aryenne a une signification strictement zoologique, elle prend avec
Houston Stewart Chamberlain
un tournant nationaliste
[
107
]
. La ≪ race germanique ≫ devient, sous la plume de cet essayiste d’origine britannique evoluant dans les milieux
wagneriens
, la plus pure des branches de la race aryenne. Outre des
Juifs
, la doctrine aryaniste permet aux Allemands de se distinguer des
Latins
et en particulier des
Francais
, consideres comme inferieurs car metisses.
Pour faire face a ce glissement de l’usage de l’aryanisme, defavorable a la nation francaise,
Ernest Renan
refuse, comme nombre de ses compatriotes, notamment republicains, le concept de ≪ race pure ≫ et defend la these du metissage historique des peuples europeens
[
108
]
. Le refus de l’aryanisme se presente comme le refus du jeu de l’exacerbation des rivalites nationales. Le sentiment anti-allemand influencera neanmoins en France les etudes de psychologie des peuples et de leurs caracteres nationaux. S’il place la race aryenne au sommet de la hierarchie des races,
Hippolyte Taine
distingue en son sein les ≪ races germaniques ≫ des races
latine
et
hellenique
. Les premieres, ≪ inclinees vers l’ivrognerie et la grosse nourriture ≫ par la frequentation des forets humides et froides, s’opposent aux secondes dont l’environnement favorable a permis le developpement d’une culture raffinee
[
109
]
.
Anglo-saxonisme contre l’immigration
Les enjeux different considerablement outre-Atlantique ou la problematique raciale est essentiellement concentree sur la distinction entre Blancs et Noirs. Toutefois, en reaction a l’
immigration irlandaise
massive des
annees 1840
due a la ≪
crise de la pomme de terre
≫, et dans le contexte de la
guerre avec le Mexique
, est forge aux Etats-Unis le concept d’≪ anglo-saxonisme ≫
[
110
]
, egalement nomme par l'acronyme
WASP
(White Anglo-Saxon protestant)
.
Il connaitra une grande fortune lorsqu’a la fin du
XIX
e
siecle
une campagne visant a restreindre l’immigration en provenance du
sud
et de l’
est
de l’Europe, menee notamment par
Madison Grant
, cherchera a vanter la superiorite de la ≪
race nordique
≫ sur les autres ≪ races blanches ≫.
Politique
Racisme d’Etat
Le
racisme d'Etat
est historiquement une segregation raciste institutionnalisee et, a l'ere moderne, une
discrimination systemique
qui implique l'Etat.
L’historien americain
George M. Fredrickson
recense trois regimes politiques ≪ ouvertement racistes ≫ au
XX
e
siecle
: le sud des Etats-Unis sous les
lois Jim Crow
(1865-1963), l’
Afrique du Sud
sous l’
apartheid
(1948-1991), l’
Allemagne nazie
(1933-1945)
[
111
]
. Ces regimes presentent la caracteristique commune d’afficher une ideologie officielle explicitement raciste et d’avoir institutionnalise dans la loi une hierarchie presentee comme naturelle et indepassable entre le groupe dominant et le groupe domine. L’une des mesures les plus significatives de cet arsenal juridique segregationniste est la prohibition des mariages interraciaux ; elle transcrit dans l’ordre juridique l’ideologie mixophobe de la
≪ purete de la race ≫
. Sur le plan economique, la restriction des opportunites du groupe segregue le maintient dans un etat de pauvrete qui alimente le discours sur sa pretendue inferiorite.
Apres l'abolition de la
segregation raciale aux Etats-Unis
, en 1967, les militants
Stokely Carmichael
et
Charles V. Hamilton
(en)
publient le livre
Le Pouvoir Noir: pour une politique de liberation aux Etats-Unis
(en)
ou ils conceptualisent, sous les appellations de
≪ racisme institutionnel ≫
et
≪ racisme systemique ≫
, l'idee d'un racisme voile qui continuerait a structurer l'ordre social. Carmichael et Hamilton y ecrivent que le racisme individuel est souvent identifiable, mais que le racisme institutionnel est moins perceptible en raison de sa nature
≪ moins ouverte, beaucoup plus subtile ≫
[
112
]
.
Racisme actuel
Au debut du
XXI
e
siecle, le terme de ≪ race ≫ reste toujours d'usage courant dans certains milieux et le racisme se manifeste toujours sur les cinq continents sous des formes plus ou moins directes.
Racisme individuel
Le racisme a l'echelle des relations individuelles se traduit par des paroles ou des actes racistes envers d'autres individus. Le racisme individuel est etroitement lie d'une part a la
xenophobie
, la
haine
, le
bellicisme
, l'
ethnisme
, l'
intolerance
et l'
ideologie
de superiorite culturelle ou personnelle, d'autre part au declassement social et au ressentiment. Generalement le racisme, comme position directrice, est deduit (de signes exterieurs) ; il peut aussi etre induit (de comportements). Il est affirmation d'une logique identitaire ou reaction a une logique identitaire. C'est le passage de l'induction a la deduction qui est fondateur pour la politisation du racisme
[ref. necessaire]
.
Racisme politique
En raison de la connotation tres negative du mot en Occident, peu de partis politiques se revendiquent ouvertement comme racistes. De nombreux partis d'
extreme droite
ont cependant ete accuses de vehiculer des discours de ce type a travers des positions
xenophobes
. L'apologie du racisme etant condamnee, ils peuvent promouvoir des doctrines derivees comme l'
ethno-differencialisme
ou le
racialisme
.
Au Zimbabwe, le parti
ZANU
du president
Robert Mugabe
a mis en place une
politique visant a exproprier les fermiers blancs
, invoquant une redistribution corrigeant l'injustice passee ou ceux-ci recevaient preferentiellement les terres
[
113
]
,
[
114
]
,
[
115
]
.
Dans les pays occidentaux, des mouvements
supremacistes noirs
pronent la superiorite de la race noire. Ce fut notamment le cas du
New Black Panthers Party
[
116
]
,
[
117
]
, un temps represente par
Khalid Abdul Muhammad
. En France, la
Tribu Ka
de
Kemi Seba
, qui pronait la superiorite de la race noire et la separation des races, a ete dissous pour provocation a la haine raciale
[
118
]
.
≪ Neo-racisme ≫
Dans la periode post-coloniale, est apparu ce que les auteurs appellent le neo-racisme, un ≪ racisme sans races ≫, differentialiste et culturel, qui se focalise sur les differences
culturelles
et non sur l’
heredite
biologique comme le racisme classique. Dans ce neo-racisme, la categorie ≪
immigration
≫ est devenue un substitut contemporain a la notion de ≪ race ≫. Le racisme differentialiste consiste a dire que puisqu'il ne peut y avoir hierarchie des races ni des cultures, celles-ci ne doivent cependant pas se melanger mais rester separees et cloisonnees
[
119
]
,
[
120
]
.
Lutte contre le racisme
Refutation du concept de race
Le geneticien suedois
Svante Paabo
, qui a decouvert que quelque 4 % du
genome
des Europeens actuels est herite de l'
homme de Neanderthal
, considere que la lutte antiraciste ne releve pas du champ scientifique
[
121
]
.
La publication de la ≪ declaration sur la race ≫ en 1950 par l'
UNESCO
encouragera nombre de biologistes a rappeler regulierement l'absence de validite scientifique de la notion de ≪ races humaines ≫. On peut citer notamment
Albert Jacquard
, auteur de
L'Equation du nenuphar
en 1998
[
122
]
.
La revue
Science
a publie en fevrier 2008 l'etude genomique la plus complete effectuee a cette date. Les chercheurs ont compare des fragments d'
ADN
de 650 000
nucleotides
chez 938 individus appartenant a 51 ethnies. La conclusion de ces travaux est qu'il existe sept groupes biologiques parmi les hommes : les
Africains
subsahariens
, les
Europeens
, les habitants du
Moyen-Orient
, les
Asiatiques de l'Est
, les
Asiatiques de l'Ouest
, les
Oceaniens
et les
Indiens d'Amerique
. Howard Cann, chercheur de la
Fondation Jean-Dausset
, cosignataire, precise :
≪ Tous les hommes descendent d'une meme population d'Afrique noire, qui s'est scindee en sept branches au fur et a mesure du depart de petits groupes dits fondateurs. Leurs descendants se sont retrouves isoles par des barrieres geographiques (montagnes, oceans…), favorisant ainsi une legere
divergence genetique
≫.
En approfondissant encore leur etude, les geneticiens ont pu determiner des sous-groupes : huit en Europe et quatre au Moyen-Orient, mais avec moins de certitude
[
123
]
.
Selon une etude de l'expert Chao Tian, en 2009, ayant calcule les
distances genetiques (Fst)
entre plusieurs populations en se basant sur l’
ADN autosomal
, les
Europeens du Sud
tels que les
Grecs
et
Italiens
du Sud apparaissent soit a peu pres autant distants des
Arabes
du
Levant
(
Druzes
,
Palestiniens
) que des
Scandinaves
et
Russes
, soit plus proches des premiers. Un
Italien du Sud
est ainsi genetiquement deux fois et demie plus proche d'un Palestinien que d'un
Finlandais
[
124
]
,
[
125
]
,
[
126
]
mais une telle distance avec les Finlandais n'est pas representative des distances entre les Europeens, elle s'explique parce que les Finlandais sont melanges avec des Asiatiques
siberiens
, d'affinite proche des
Sami
, les Finlandais sont donc un peuple genetiquement assez isole des autres europeens (y compris des Scandinaves et des Russes), ce qui les eloigne du reste des Europeens sur le plan des distances genetiques
[
127
]
. De meme, les Italiens du Sud constituent un groupe plus distant
[
128
]
. Plus globalement, les principaux peuples europeens montrent une grande proximite genetique entre eux, qui les differencie nettement des populations extra-europeennes
[
129
]
.
En outre, la portion du
genome humain
relative a la
couleur de la peau humaine
, en l'occurrence le gene codant la production de la
melanine
, ne represente qu'une infime partie de l'ensemble de ce genome (trois genes communs aux
vertebres
sur les 36 000 genes du genome
[precision necessaire]
). Cf. a ce sujet, l'article
Couleur de la peau
.
Legislation
Les pratiques racistes constituent une violation des
droits de l'homme
et sont reprimees par de nombreux pays (parfois sous l'appellation de
hate speech
, ou ≪ discours de haine ≫:
voir
Legislation internationale sur le discours de haine
).
Pour la plupart des pays occidentaux, la discrimination et le racisme sont beaucoup plus que des delits,
punis penalement
; ils representent egalement une atteinte aux valeurs qui fondent la democratie. Celle-ci reconnait l'egale dignite de chaque citoyen a participer a la chose publique, a poursuivre son bonheur et son epanouissement independamment de sa naissance.
En France, par exemple, le legislateur n'a cesse au fil du temps, et particulierement apres la
Seconde Guerre mondiale
, de completer le dispositif legislatif afin de reprimer plus efficacement toutes les formes de racisme. Des 1881, la
loi sur la liberte de la presse
punit la
diffamation
raciste ≪ d'un emprisonnement de un mois a un an et d'une amende de 1 000
F
a 1 000 000 de
francs
≫
[
130
]
.
Il a pour cela cree ou modifie en 1990 (
loi Gayssot
[
131
]
) un certain nombre d'incriminations d'une part dans le code penal, d'autre part dans la
loi du 29 juillet 1881 sur la liberte de la presse
et dans la loi relative a la communication audiovisuelle. La loi de 1881 avait deja ete modifiee par la loi du
relative a la lutte contre le racisme
[
132
]
, qui punit entre autres l'
injure raciste
, la
discrimination raciale
effectuee par un agent depositaire de l'autorite publique.
La loi de 1972 introduit en outre a l'art. 24 de la loi de 1881 la disposition suivante :
≪ Ceux qui, par l'un des moyens enonces a l'article 23, auront provoque a la discrimination, a la haine ou a la violence l'egard d'une personne ou d'un groupe de personnes a raison de leur origine ou de leur appartenance a une ethnie, une nation, une race ou une religion determinee, seront punis d'un emprisonnement d'un mois a un an et d'une amende de 2 000
F
a 300 000
F
ou de l'une de ces deux peines seulement
[
132
]
. ≫
La peine prevue est aujourd'hui ≪ d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euro d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement ≫
[
133
]
,
[
134
]
Sur le plan international, c'est en premier lieu a l'Unesco qu'il incombe de promouvoir la lutte contre le racisme, comme le declare ouvertement la charte constitutive de l'institution de 1945. En pratique, la visibilite de l'action de cette organisation onusienne dans ce domaine est aujourd'hui tres reduite quand on la compare a la protection du patrimoine mondial
[
135
]
.
Sondages
D'apres un
sondage
mene sur 1 011 personnes entre les 17 et
par l'
institut CSA
, un tiers des
Francais
se declarait raciste, sans toutefois preciser dans quelle acception de ce terme
[
136
]
. Toujours selon la meme enquete, 63 % de la population pensait que ≪ certains comportements peuvent justifier des reactions racistes ≫. Un sondage similaire realise au Quebec du
au
par l'institut
Leger Marketing
[
137
]
, pretendait donner comme analyse que 59 % des
Quebecois
etaient faiblement, moyennement ou fortement racistes. Comme le precedent, ce sondage realise dans le contexte d'un debat parfois tendu sur la question des
accommodements raisonnables
a declenche une polemique dans la province, en particulier sur la meme absence de definition claire au concept de ≪ racisme ≫. La question posee etait ≪ Vous, personnellement, a quel point vous considerez-vous raciste ? ≫
[
138
]
.
Les etudes scientifiques sur le racisme ne sont jamais menees de maniere aussi directe, mais par l'utilisation de differentes questions servant a definir des indicateurs de racisme
[
138
]
.
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Suisse
, a l'initiative du
realisateur
Yvan Dalain
et du
sociologue
Jean-Pierre Friedmannqui, qui consistait a reunir dans un refuge pendant quatre jours, huit personnes, racistes et victimes du racisme. Filme a la maniere d'une
telerealite
, ils ont abouti a un
documentaire
intitule "Au cœur du racisme", ou chacun des protagonistes a pu exprimer son point de vue et son temoignage aux autres participants
[
140
]
.
- Au cœur du racisme, (partie 1)
, document video de la
Radio television suisse
.
- Au cœur du racisme, (partie 2)
, document video de la Radio television suisse.
Ouvrages ayant influence les doctrines racistes
Notes et references
- ↑
La
genetique
et la
biologie humaine
constatent l'existence, d'un cote, de differents
haplogroupes
dans l'
ADN
des etres humains, et d'un autre cote de groupes de differents
phenotypes
et
couleurs de peau, des yeux ou des cheveux
, mais ces groupes ne se recoupent pas (c'est l'une des raisons pour lesquelles on ne peut pas parler de ≪
races
≫) et les differences de phenotype ne sont pas tranchees d'un groupe a l'autre, mais presentent de nombreuses nuances intermediaires (cf.: Georges Peters,
Racismes et races : histoire, science, pseudo-science et politique
, Editions d'en bas, Paris 1986 sur
[1]
consulte le 22 novembre 2010) : les
Grecs anciens
, contrairement a une idee repandue, n'utilisaient pas de concept de ce type (c'est donc par abus que l'on peut lire en francais
race hellenique
pour
?λληνικ? ?θνο?
/
hellenik? ethnos
) mais designaient les groupes humains par les termes de
γ?νο?
/
genos
signifiant ≪ famille, clan, tribu ≫, de
λ?ο?
/
laos
signifiant ≪ peuple assemble, foule ≫, de
δ?μο?
/
demos
signifiant ≪ peuple du lieu, citoyens ≫ et de
?θνο?
/
ethnos
signifiant ≪ gens de meme origine ≫ (cf.: Gilles Ferreol (dir.),
Dictionnaire de sociologie
, Armand Colin, Paris 2010,
(
ISBN
9782200244293
)
).
- ↑
a
et
b
Dans l'article ≪ Racisme ≫ de l'
Encyclopaedia Universalis
, l'ecrivain
Albert Memmi
souligne que
≪ Pour affirmer les superiorites raciales, il faut supposer l'existence de races humaines ; le raciste sous-entend ou pose clairement qu'il existe des races pures, que celles-ci sont superieures aux autres, enfin que cette superiorite autorise une hegemonie politique et historique. Or ces trois points soulevent des objections considerables. D'abord, la quasi-totalite des groupes humains actuels sont le produit de metissages, de sorte qu'il est pratiquement impossible de caracteriser des ≪ races pures ≫. Il est deja tres difficile de classer les groupes humains selon des criteres biologiques toujours imprecis. Enfin, la constante evolution de l'espece humaine et le caractere toujours provisoire des groupes humains rendent illusoire toute definition de la race fondee sur des donnees
ethniques
stables. Bref, l'application du concept de purete biologique aux groupes humains est inadequate. Ce concept est un terme d'elevage, ou la race, pretendument pure, est d'ailleurs obtenue par des metissages controles. Quand on l'applique a l'homme, on confond souvent groupe biologique et groupe linguistique ou national ; ainsi en est-il de la notion d'homme
aryen
, dont se sont servis
Gobineau
et ses disciples
nazis
. Il n'est pas impossible enfin que cette notion contienne implicitement la reference a un phantasme de la purete. ≫
, extrait ≪
Presupposes du racisme
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,
4
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, et ses considerations sur le metissage dans
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- ↑
≪ Chacune de ces communautes s'identifie politiquement a un lignage, bien que la plupart de ses membres n'appartiennent pas a ce lignage, et tous les lignages sont des branches d'un seul et unique clan. Chacune des divisions territoriales d'une tribu se trouve ainsi coordonnee avec une branche correspondante de ce clan dominant, de sorte que les relations entre les diverses parties d'une tribu, qu'elles soient separees ou qu'elles soient unies, sont conceptualisees et exprimees au sein d'un systeme de valeur base sur la filiation ≫.
Evans Pritchard
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, 1969, Payot, Paris, "Les Etudes anthropologiques modernes",
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130-136
.
- ↑
L'assistance, le conseil, l'aliment, sont des dettes privees, interieures au groupe de solidarite: la famille ou a la cite. L'idee d'assistance publique, c'est-a-dire offerte aussi bien aux parents ou aux familiers qu'aux etrangers, est impensable avant le christianisme et ses
Œuvres de misericorde
. Le premier hopital public est mentionne sous le Bas Empire a Marseille.
- ↑
En particulier tout l'expose sur la genealogie des peuples des Gaules chez
Henri Hubert
,
Marcel Mauss
,
Les Celtes et l'expansion celtique jusqu'a l'epoque de la
Tene
, Paris, 1932, Albin Michel,
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139 a 311. Les Germains cessent d'etre consideres comme parents lorsqu'ils cessent d'etre militairement allies.
- ↑
Voir
Jacques Heers
,
Le Clan familial au Moyen Age
, Paris, 1993, PUF, Quadriges. Voir aussi l'organisation politique des peuples claniques comme la
republique de Genes
ou les
clans ecossais
.
- ↑
L'≪ impurete des frontieres exterieures ≫, selon la formule de
Mary Douglas
, est territoriale, mais avant tout celle qui interdit les alliances matrimoniales etrangeres comme dans le regime des castes.
De la souillure
, chapitre 7, "Les frontieres exterieures", Paris, 1971, Payot,
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138-141
. Louis Moulinier,
Le Pur et l'impur dans la pensee des Grecs, d'
Homere
a
Aristote
, Paris, 1952,
Etudes et commentaires
- ↑
C'est ce que remarque
Max Weber
dans
La Ville
, a propos des regles d'impurete interdisant aux anciens Juifs de frequenter les gentils, et evidemment de se marier avec eux. On trouve des regles equivalentes chez les Arabes, ainsi que chez les
Genois
, les
Auvergnats
ou les Irlandais formant des colonies migrantes. Sur ces derniers, cf.
Evans Pritchard
,
Anthropologie sociale
, 1969, Payot, Paris, "Les Etudes anthropologiques modernes",
p.
130-136
- ↑
Sur l'echange des epouses entre les deux moities d'un groupe consanguin, voir l'etude ancienne, mais toujours classique de
Claude Levi-Strauss
,
Les Regles elementaires de la parente
- ↑
On mentionnera aussi les
Celtes
avec le
ver sacrum
au cours duquel une partie importante d'un peuple se mettait en marche pour chercher un nouveau lieu d'installation ou ils fondaient une nouvelle cite.
- ↑
Le rapt, c'est-a-dire l'alliance forcee qui est refusee, se retrouve a l'origine de nombreuses guerres, ainsi que l'evoque l'
Iliade
concernant les causes de la
guerre de Troie
.
- ↑
L'histoire des familles royales est l'histoire des relations diplomatiques entre leurs peuples. Nombreux sont les exemples, comme l'alliance d'Israel et de l'Egypte a l'epoque de la
XXI
e
dynastie, avec celle de
Salomon
, fils du
roi David
et la fille de Simamon, roi de
Tanis
, puis son union legendaire avec la
reine de Saba
, et plus pres de nous la soumission et la sedentarisation du peuple
Viking
avec la conversion et l'alliance de leur chef,
Rollon
avec la princesse Gisele, fille du roi
Charles le Simple
en 912. Cette alliance ou cet apparentement originel qui permet a deux peuples de se dire amis, peut etre une reconstruction mythique comme celle qu'on trouve entre les Grecs et Rome ou plusieurs
gentes
qui se donnaient une origine
troyenne
, ou celle entre les Bretons et les Romains avec l'arrivee legendaire des Albins pour peupler
Albion
au commencement de certaines versions du
Roman du roi Arthur
.
- ↑
Genese 10. De nombreux Atlas se sont plu a cartographier les aires de dispersion des tribus issues des fils de Noe.
- ↑
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mixophobe
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- Italiens du Sud-Druze : 0.0057, Italien du Sud-Bedouin : 0.0079, Italien du Sud-Palestinien : 0.0064, Italien du Sud-Russe : 0.0088, Italien du Sud-Suedois : 0.0064
Autres distances genetiques (Fst) autosomales calculees par
Nelis et al. 2009
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- Italiens du Sud - Lettoniens : 0.0150, Italiens du Sud - Finlandais (Helsinki) : 0.0160
- Espagnols - Lettoniens : 0.0100, Espagnols - Finlandais (Helsinki) : 0.0110
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a 1 000 000 de francs [*10 a 10 000
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L'Autre: Regards Psychosociaux
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Au cœur du racisme
Voir aussi
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