Un
polder
(ou
prise
[
1
]
ou
poldre
[
2
]
,
[
3
]
) est une etendue artificielle de terre gagnee sur l'eau, le plus souvent dont le
niveau
est inferieur a celui de la mer, a partir de
marais
,
estuaires
,
lacs
ou des zones
littorales
.
La surface a amenager est d'abord entouree de
digues
. L'eau emprisonnee dans ce perimetre est alors captee par un ensemble de
pompes
actionnees autrefois par des
moulins a vent
et, aujourd'hui, par des pompes electriques. Le
drainage
du terrain est facilite par un reseau d'
etiers
et de
bassins
. Meme apres l'assechement du polder, les pompes continuent a eliminer l'eau qui s'infiltrerait en exces dans ce dernier.
Les
Pays-Bas
et la
Belgique
sont souvent associes aux polders, puisqu'une partie de leur surface a ete gagnee sur la mer au cours des siecles
[
4
]
. De telles zones existent aussi dans le
Nord de la France
dans la region des watergangs (Watergangen) ou
Watringues
(Wateringen), pres de
Dunkerque
, et dans la region de
Kamouraska
, au
Quebec
, la des centaines de milliers d'habitants vivent sous le
niveau de la mer
, exposes a un risque d'immersion.
Il existe aussi des polders fluviaux, des etendues naturelles dans la zone d'inondation d'un fleuve, amenagees en polder par un systeme de drainage. L'objectif d'un polder etait economique, territorial, demographique voire defensif
[
5
]
.
Emprunte du neerlandais
polre
, puis
polder
[
6
]
, ce mot designe litteralement une ≪ terre endiguee ≫. Il apparait dans les
toponymes
Poldreham
(Powderham,
Devon
, 1086),
Sudhpolra
(
Nieuport
(
Belgique
), 1138 ? 1153) et
Kercpolre
(
province de Zelande
, 1177-87), et aussi dans une charte d'
Egmond
entre
1130
et
1163
.
Avant que les polders soient directement gagnes sur une etendue d'eau, l'aventure commenca dans les
marais
: a l'origine et durant la periode de basses eaux, ces derniers etaient simplement draines par des rivieres pour les besoins de l'agriculture et la construction (
tourbe
). Les marais etaient ensuite abandonnes en periode de crue. L'affaissement du sol a cause des activites humaines rendant les inondations plus frequentes, on a commence par construire des
digues
de protection isolant le marais de la riviere. Des bassins de drainage furent ajoutes pour, en periode de crue, contenir les eaux de pluie et d'infiltration. En periode de basses eaux, les bassins se vidaient alors simplement dans la riviere. Le sol continuant a s'affaisser, cette solution etait cependant insuffisante.
Les premiers
moulins a vent
permirent d'obtenir un niveau d'eau plus important dans les bassins de retention que dans le polder. Le niveau des basses eaux n'etant plus suffisamment bas pour vider les bassins, ceux-ci sont devenus de simples canaux de drainage au moyen de moulins supplementaires fonctionnant toute l'annee.
Dans certaines regions du monde, l'entretien de zones polderisees face a la
montee des oceans
, aux risques d'introduction de
biseau sale
dans la nappe et d'erosion cotiere menacant certaines digues ou cordons dunaires protecteurs, peut devenir tres couteux sur le moyen ou long terme, et il est parfois prefere de rendre a la mer des zones autrefois conquises sur elle (action dite de
≪
depolderisation
≫
. Localement entamee en Europe occidentale
[
7
]
,
[
8
]
, et de plus en plus consideree comme l'une des
≪ composantes d'une gestion integree des espaces littoraux ≫
[
9
]
, mais qui necessite un important travail psychosocial et socioeconomique, car le retour de la mer ou de marais a des implications sociales importantes
[
10
]
,
[
11
]
,
[
12
]
,
[
13
]
).
La superficie totale des Pays-Bas est de 41 526
km
2
, dont quelque 7 150
km
2
de polders soit 17 % du territoire. Au total (y compris la surface des lacs et cours d'eau), un quart du territoire neerlandais europeen se situe sous le niveau de la mer et atteint meme 6,76 metres en negatif, un record en Europe
[
14
]
.
L'assechement progressif etait souvent effectue par des pompes actionnees par des
moulins a vent
, puis la plantation de
roseaux
ou autres plantes
halophiles
(c'est-a-dire ≪ aimant le sel ≫, comme la
salicorne
) permettait d'achever l'assechement et la desalinisation.
Le premier polder de ce type fut amenage par
Jan A. Leeghwater
(1575-1650) a
Beemster
en
Hollande-Septentrionale
en
1612
.
Parmi les polders des Pays-Bas figurent par exemple
Nieuwenhoorn
et
Watergraafsmeer
.
La technologie de construction sur mer developpee par les
Neerlandais
est a la pointe mondiale. Ainsi, c'est un sous-traitant neerlandais qui realisa les
Palm Islands
a
Dubai
dans le
golfe Persique
.
Dans les bas-champs de l'arriere littoral, sur le littoral parfois ou autour des
estuaires
de l'Ouest de l'Europe, environ 15 000
km
2
de bas-champs et marais resultent d'un processus de polderisation entame au
XI
e
siecle. Apres 1000 ans environ de polderisation, ce mouvement s'est arrete a la fin du
XX
e
siecle alors que la
montee du niveau marin
semble devoir mettre en peril de nombreuses zones de polders, particulierement vulnerables au phenomene de
submersion marine
en cas de surcote ou de rupture de digue
[
5
]
.
Les polders les plus importants, et tres habites, sont situes aux Pays-Bas et en Allemagne (environ 6 000
km
2
dans chacun de ces pays), devant la France (1 400
km
2
) et le Royaume-Uni (pres de 1 000
km
2
) ; Des polders plus limites et epars existent ailleurs sur le littoral atlantique essentiellement
[
5
]
.
Le polder le plus bas du territoire
francais
(?4
m
) est situe sur une commune de l'
arrondissement de Dunkerque
nommee
Les Moeres
(du neerlandais
moeren
qui signifie
tourbieres
). Il est donc moins bas que le point le plus bas du territoire
francais
, l'
etang de Lavalduc
(Bouches-du-Rhone) a environ -10m. Bien que proche de la mer, ce dernier est, avec quelques autres etangs environnants, forme de facon naturelle.
Des espaces importants ont ete conquis le long de la cote picarde, par exemple dans la
baie d'Authie
[
15
]
qui represente plus de
111
ha
[
16
]
.
En
Picardie
, les polders sont appeles
renclotures
.
Les autres sites de polders en France se situent le long de la cote Atlantique, avec les nombreux polders de l'
ile de Re
,
Oleron
,
Noirmoutier
[
16
]
, le
marais poitevin
et a la pointe sud-ouest de
l'embouchure
de l'
estuaire de la Gironde
; sans oublier ceux de la baie du
Mont-Saint-Michel
.
Les terre-pleins littoraux du
Japon
, appeles
umetate-chi
, souvent affectes a des utilisations portuaires ou industrielles et que l'on trouve par exemple dans les baies de
T?ky?
et d'
?saka
au cœur de la
megalopole
japonaise, ne peuvent pas etre appeles polders, ceci pour deux raisons : d'une part ils sont situes au-dessus de la surface de la mer, et d'autre part ne sont pas le resultat d'assechements mais au contraire de remblaiement avec des materiaux issus soit du
dragage
de fond des baies (creusement de chenaux de navigation pour navires a fort tirant d'eau) ou de la demolition de collines de l'arriere pays (
ile de Rokk?
a
Kobe
).
Les polders peuvent avoir outre des couts financiers eleves, un cout ecologique. Ils modifient en effet considerablement l'environnement naturel.
Ce cout est neanmoins parfois attenue par la presence de zones humides ecologiquement interessantes, et autrefois les reseaux de drainage de polders abritaient une riche faune de poissons (
anguilles
notamment) et d'
amphibiens
. En Europe de l'Ouest, les digues de polders offraient des habitats naturels de substitution et sont parfois encore des habitats et petits corridors utilisees par de petits mammiferes et des
micromammiferes
autochtones
rongeurs
et
insectivores
[
17
]
pour se deplacer dans cet environnement souvent cultive et
eutrophe
, mais dont les vocations ont localement parfois evolue vers le tourisme et l'habitat.
Les canaux et fosses de drainage des peupleraies et zone de cultures des polders ont aussi beaucoup favorise certaines especes invasives (notamment
rat musque
et
ragondin
, originaires d'Amerique)
[
17
]
. Autour de la
Baie du Mont Saint-Michel
, les zones polderisees ont acquis une diversite de peuplement de petits mammiferes equivalente a celle du
bocage
qui les jouxte, avec toutefois une diminution de la diversite au fur et a mesure que l'on s’eloigne du bocage. Cela peut evoquer un schema de type ≪ source-puits ≫ au profit de quelques especes plus tolerantes aux effets de la
fragmentation ecopaysagere
(ex :
mulot sylvestre
,
musaraigne couronnee
) et au detriment d'especes plus dependantes des continuums ecologiques, si le polder est utilise pour la culture intensive (ex :
Campagnol roussatre
,
campagnol agreste
)
[
17
]
. Une agriculture plus intensive, source de ruissellement d'engrais et de pesticide a pu ensuite degrader ces milieux.
Dans certaines regions face a la montee du niveau de la mer, une strategie de retrait s'organise, avec alors une depolderisation
[
18
]
.
Une legere tendance a la ≪ depolderisation ≫ est apparue a partir du debut des
annees 1990
, qui ne concerne cependant qu'1% environ des polders
[
5
]
. Elle semble liee a une tendance au recul de l'entretien par les agriculteurs, et d'autre part au vieillissement des installations de drainage de nombreux petits marais, digues et reseaux de canaux et fosses crees aux
XIX
e
et
XX
e
siecles (depuis les annees 1950 en Bretagne, ou depuis les annees 1960 sur la Ria Formosa, polders du sud-Portugal, jusqu'alors intensivement cultives
[
19
]
, phenomene exacerbe par la Politique Agricole Commune). Il a aussi ete question de restauration d'habitats
intertidaux
[
20
]
pour les oiseaux littoraux
[
21
]
et de restauration de dynamique estuarienne
[
22
]
ou encore de
gestion integree des zones cotieres
[
23
]
proteger les dernieres vasieres et pres-sales contre de nouvelles enclotures et drainages. Enfin, le recul strategique (≪ setback ≫ pour les anglophones ou ≪ Ruckverlegung ≫ en allemand) peut aussi etre une solution jugee moins couteuse face a la hausse du niveau marin et au risque de
surcote
, quand les polders ne sont pas densement habites ou inhabites. C'est sur le littoral du Royaume-Uni que le retour a la mer a ete depuis 1980 le plus frequent (autant dans ce pays que dans tout le reste de l'Europe) ; la destruction totale des digues reste rarissime et experimentale, et ne concerne que de tres petits polders inhabites avec par exemple l’
aber de Crozon
(au fond de la
baie de Douarnenez
en France)
[
24
]
et la digue d'un petit polder a
Brancaster
en Angleterre
[
25
]
. Parfois il s'agit d'une mesure compensatoire, suite des constructions portuaires ou affectant la biodiversite et les paysages littoraux. Ailleurs, ou les polders sont souvent habites, voire tres habites (
Flandre maritime
,
Pays-Bas
), on opte plutot pour une solution reversible (entree d'eau marine regulee par clapets ou ecluses a maree) ou plus souvent pour un renforcement des digues et parfois la creation de grandes portes d'eau (aux Pays-Bas, sur la Tamise). Selon une recension, non exhaustive, des polders rendus a la mer en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Grande-Bretagne publiee en 2007
[
5
]
, la depolderisation concernait environ une centaine d’
hectares
pour ces pays qui abritent le plus de polders. Selon cet auteur la depolderisation serait une pratique sans fondement historique, et
≪ une adaptation a l’evolution de la societe et une forme plus rationnelle de gestion du territoire ≫
[
5
]
. Elle est vue par certains comme source de "paradoxe" avec par exemple l'achat de terres par le Conservatoire du Littoral pour un jour plus ou moins les ≪ rendre a la mer ≫
[
26
]
. Ce "paradoxe" n'est pourtant qu'apparent puisque l'objet statutaire du Conservatoire du Littoral
[
27
]
est la protection de la nature et non la protection de l'artificialisation. Il est donc tout a fait legitime, au vu des raisons pour lesquelles le Legislateur a cree cet etablissement public de l'Etat, qu'il cherche a restituer a la nature - cela incluant le milieu marin - ses espaces.
- ↑
"
Prairie conquise sur un marais ou sur les landes, parcelles acquises aux depens de l'estran dans les regions a polder
" (d'apr. Fen. 1970, voir CNRTL, 2012).
- ↑
"
Memoire sur les fonds ruraux du departement de l'Escaut
" , De Joseph Francois comte de Lichtervelde, 1815, Gand.
- ↑
≪
Polder - definition, citations, etymologie
≫, sur
littre.org
(consulte le
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Voir l'article sur la
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≪
Polder - Dictionnaire de l’Academie francaise
≫, sur
dictionnaire-academie.fr
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Goeldner-Gianella L (2007) ≪
Depolderiser en Europe occidentale
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Du ≪polder≫ a la ≪depolderisation≫ ?
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26 % du pays se trouve sous le niveau de la mer et 29 % est expose aux crues fluviales. Au total 55 % du territoire neerlandais est donc expose au risque d'inondation. Rapport gouvernemental sur les risques d'inondation aux Pays-Bas, publie le 21 janvier 2010, consulte le 21 novembre 2016
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Code de l'environnement, articles legislatifs, livre III.
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