Les
marais des Baux
sont une zone de plusieurs hectares situee dans une cuvette naturelle au sud des communes de
Fontvieille
,
Paradou
,
Maussane-les-Alpilles
et
Mouries
, entre le chainon de
la Pene
et la chaine des Costieres, dans le
massif des Alpilles
(
Bouches-du-Rhone
). Elles doivent leur nom a un ancien
marais
qui s'y etendait jusqu'a la fin des annees
1880
sur une surface de 1 825 hectares
[
1
]
et qui ecoulait ses eaux vers l'etang de Barbegal, plus a l'ouest. La zone a ete assechee et est aujourd'hui vouee a l'agriculture. Leur altitude se situe au niveau de la mer
[
2
]
.
Ils sont appeles ≪ marais des Baux ≫ en reference au village des
Baux-de-Provence
, dont le territoire englobait tous les villages de la Vallee des Baux sous l'
Ancien Regime
. En
fevrier 2007
, les anciens marais des Baux ont ete incorpores au
Parc naturel regional des Alpilles
.
L'emplacement des anciens marais (aussi denomme ≪ paluds
[
3
]
≫) se situe precisement a l'endroit dont l'altitude est la plus faible. Aujourd'hui encore, les eaux pluviales s'y ecoulent naturellement. En
decembre 2003
, de fortes pluies d'orage ont provoque d'importantes inondations dans l'ouest des
Bouches-du-Rhone
et entraine l'inondation des anciens marais. Pendant plusieurs semaines, alors que les vieilles fontaines assechees par l'irrigation chantaient a nouveau, l'eau s'est retrouvee a la meme place qu'elle occupait des siecles plus tot
[
4
]
.
L'assechement des marais des Baux a provoque un important appauvrissement des especes vivant dans la zone, ce que beaucoup ont deplore des la fin du
XIX
e
siecle
[
4
]
.
Malgre tout, la faune y reste encore abondante. On estime que la moitie des especes animales presentes en France se trouve dans le secteur des marais des Baux
[
5
]
. En
2008
, on y a identifie 222 especes d'
oiseaux
, 64 de
papillons
de jour, 47 de
libellules
, 17 de
chauves-souris
et 537 de plantes a fleurs
[
5
]
. Autrefois, quand alternaient les necessaires mise en eau et assechement (pour nettoyer les
"roubines"
du drainage gravitaire - sans motopompes) la faune y etait plus abondante
[
4
]
. Elle etait constituee pour l'essentiel d'
anguilles
, de
carpes
, de
brochets
, de
perches
, de
tanches
et d'
ablettes
qui faisaient le bonheur des pecheurs
[
1
]
. Les animaux presentes ci-dessous se retrouvent aujourd'hui dans les marais des Baux :
Avant l'assechement, la flore des marais des Baux est caracteristique d'un environnement marecageux. Il y pousse des
joncs
, des
roseaux
et diverses plantes aquatiques
[
1
]
.
Constitues depuis la
Prehistoire
de vastes etendues d'eau, les anciens marais des Baux ont attire tres tot des populations sedentaires. Le chainon de la Pene, dont le piemont etait autrefois baigne par les eaux du marais, a revele de nombreuses traces d'occupations humaines. Peuple par des tribus d'agriculteurs-pecheurs d'origine
salyenne
, les tribus
Anatilii
du nord de la
Crau
se sont tres tot installes sur les rivages, comme en temoignent des traces de
deforestation
. Ainsi, au lieu-dit Saint-Jean, a la Pene, des traces de
labour
profonds et les vestiges de deux
cabanes
des
II
e
et
III
e
siecles ont ete decouverts par l'
archeologue
Otello Badan
[
6
]
.
Au Touret de l'Isle, un habitat du
I
er
siecle
av. J.-C.
a ete decouvert, accompagne de ceramiques et d'
amphores
italiques
et
gauloises
[
6
]
. Non loin, au Deven, une dizaine de cabanes aux murs en pierre seche ont ete signalees. Des ceramiques
massalietes
y ont ete trouvees
[
6
]
.
Les tribus qui habitent la zone vivent du marais, de ses
poissons
comme de ses serpents, a l'aventure de son
gibier
d'eau. Mais l'archeologie atteste aussi de la pratique de l'
elevage
de betail paturant sur des prairies humides
[
4
]
.
L'arrivee des
Romains
provoque l'amenagement des marais. L'eau est drainee en petits etangs de maniere a permettre l'emergence de terres fertiles propres a la culture du
ble
. Le maintien de vastes surfaces d'eau permet en outre d'assurer la poursuite de la pratique de la peche et de pouvoir a l'approvisionnement en eau des etablissements qui s'installent a proximite. Le site romain le plus connu se trouve a Barbegal, dans la commune de Fontvieille. Il s'agit d'un complexe de meunerie hydraulique approvisionne par l'aqueduc des Alpilles
[
4
]
.
L'archeologie, grace a des fouilles menees d’abord par
Fernand Benoit
et le jeune
Jean-Maurice Rouquette
puis a nouveau par
Philippe Leveau
en
1992
aux
moulins de Barbegal
a permis de determiner que l'epoque romaine a connu une grande maitrise dans la gestion des eaux, grace a un reseau de drainage efficace et complementaire de la gestion des eaux captees par le rameau meridional de l'aqueduc des Alpilles
[
7
]
,
[
4
]
.
Plus a l'ouest, une autre construction militaire remarquable a ete edifie sur un oppidum celto-ligure ensuite repris sous l'occupation romaine
Moyen Age
sur la chaine de
la Pene
: le castrum de Castillon (anciennement denommes ≪ Tours Sarrasines ≫) aujourd'hui sur le territoire de la commune de
Paradou
. Cet ensemble fortifie utilisait les marais comme une barriere naturelle infranchissable. Les habitants du castrum jouissaient, contre le paiement de 30 sols de cens annuel, du droit de pecher et de couper le
chaume
(
sagno
en ancien
provencal
) et le
fourrage
(pabel)
[
4
]
, mais pas d'y
chasser
. En
1210
,
Hugues IV des Baux
donne
≪ la palud ≫
(le marais) en
emphytheose
perpetuelle aux habitants de
Castillon
, contre un statut tres favorable, qui leur garantissait exclusivement le droit d'y pecher et d'en couper sagne et pabel
[
4
]
. Au fil des siecles, ces droits, quoique souvent contestes, ont ete maintenus jusqu'en
1855
en faveur des habitants de
Paradou
, descendants des habitants de Castillon, apres l'assechement des marais
[
8
]
.
Sour le
Premier Empire
, de nombreux jeunes hommes vont profiter des zones inaccessibles du marais pour echapper a la
conscription
, ce qui conduit a des mesures drastiques de la part de la
gendarmerie imperiale
sur Fontvieille : requisition de pecheurs pour retrouver les fuyards, incendie des marais
[
4
]
.
Le
, un contrat est passe entre un groupe de financiers
protestants
representes par l'ingenieur
hollandais
Jean Van Ens
pour proceder a l'assechement, d'abord du marais d'Arles, situe entre
Arles
et
Tarascon
, puis celui des Baux
[
4
]
. En effet, de maniere cyclique, les crues du Rhone, quasi annuelles, provoquent de fortes inondations dans toutes les zones de marais. De plus, la communaute des Baux prefere ceder une partie de son territoire marecageuse en raison de son surendettement
[
7
]
. En echange de ses services, la compagnie fondee par Van Ens (et dont, a la difference du marais d'Arles, il est un des principaux actionnaires) recoit le droit de seigneurie sur les deux tiers des terres assechees et percoit aussi tous les droits de
peage
sur les canaux qu'il a crees
[
4
]
.
La situation exaspere certains habitants du marais dont le
marquis de Grimaldi
,
seigneur des Baux
,
Honore Grimaldi
, prend le parti, intente un proces a Van Ens et le gagne en
1646
[
4
]
, d'autant que le procede utilise par Van Ens ne semble pas donner toute satisfaction
[
7
]
. Van Ens est ruine et procede a la destruction de tous ses travaux. On lui prete le retablissement la muraille des arches bouchees du pont-mur de Barbegal, etabli en fait au Moyen Age par la communaute d'Arles pour empecher l'ecoulement des eaux du marais
[
7
]
. L'eau afflue a nouveau, les marais retrouvent leur emplacement originel
[
4
]
. On lui prete alors une formule restee celebre :
≪ Marais tu etais, marais tu redeviendras
[
4
]
. ≫
La situation n'est pourtant pas interessante pour les seigneurs des Baux. Les marais sont toujours presents et le
Parlement d'Aix
autorise, le
, le retablissement du passage de Barbegal pour evacuer de l'eau, a la suite d'un proces intente par
Jacques Francois Leonor Grimaldi
, le marquis des Baux, contre la communaute d'Arles
[
7
]
et la compagnie du Viguierat avec les descendants de la branche arlesienne de Van d'Ens. Mais la destruction du mur ne donnera rien. Les eaux ne parviennent pas a s'evacuer, parce qu'en fait la zone de Barbegal forme un seuil naturel, plus eleve que la zone maintenant occupee par l'etang de la Graviere et par le marais des Baux, le plus deprime, rappelons-le, de tout le massif
[
4
]
.
On va donc faire contre fortune bon cœur. Les habitants des marais cultivent la
sagno
et refusent de nouveaux projets de dessechement
[
9
]
.
L'administration republicaine recommande des
1791
l'assechement definitif des marais des Baux pour empecher la ≪ putridite de l'air ≫, alors que les germes de la
malaria
ne sont pas encore identifies mais la raison principale qui pousse a l'assechement est probablement la volonte de gagner a l'exploitation en grandes proprietes de terres tres fertiles
[
4
]
.
Entre
1802
et
1814
, les canaux creuses par Van Ens commencent a etre restaures. Il faudra toutefois attendre trente ans pour proceder a de veritables travaux d'assechement. De
1843
a
1850
, l'ingenieur Poulle entreprend de vastes travaux
[
4
]
en prevoyant de nombreux
canaux
(roubino)
permettant le drainage des eaux. La construction du canal d'Arles a Bouc en
1854
permet enfin une evacuation definitive des eaux, a la difference bien sur du canal de la vallee des Baux, qui apporte en hauteur de l'eau en provenance du centre et de l'est des Bouches-du-Rhone
[
7
]
.
Jusqu'au
XIX
e
siecle
, les marais ont permis a des dizaines de familles de vivre de la peche. Le chaume coupe permettait aussi d'assurer le travail des
vanniers
qui travaillaient l'
osier
, a cote des paysans qui collectaient sa variante le plus reche
(sagno)
pour faire jusque dans les annees 1950 des litieres pour les brebis et surtout auparavant pour faire le toit des "maisons de gardian" (maisons populaires locales)
[
10
]
,
[
4
]
. De plus, la terre des marais servait a fertiliser les
oliviers
, abondamment cultives dans la vallee. Les paysans arrachaient des plaques de boue, appelees
moutouso
en provencal, qu'ils deposaient au pied des oliviers pour leur conserver de l'humidite par temps chaud
[
4
]
.
La vie dans les marais ne va evidemment pas sans poser des problemes, les premiers d'entre eux etant les dangers lies a la noyade. De nombreux recits locaux evoquent la noyade de pecheurs dans les eaux des marais
[
11
]
,
[
12
]
,
[
13
]
.
Depuis les
annees 1950
, les anciens marais des Baux sont soumis a une
polderisation
intense
[
4
]
. Cet etat a suscite et suscite des inquietudes du fait de la dispersion possible de nombreux polluants de la decharge intercommunale par les encore tres nombreux canaux de drainage gravitaires
[
4
]
. Il est aujourd'hui necessaire de maintenir le drainage des eaux, souvent au moyen de
motopompes
, pour permettre la poursuite des cultures
cerealieres
qui presentement(du fait des hauts cours du
ble
) caracterisent les lieux
[
4
]
.
En
fevrier 2007
, les anciens marais des Baux ont ete incorpores au
Parc naturel regional des Alpilles
[
4
]
. Ainsi, leur sauvegarde est assuree et ses richesses peuvent etre mises en valeur.
- ↑
a
b
et
c
Le Paradou
, Helene Ratye-Choremi, ed. Equinoxe, coll. ≪ Le Temps retrouve ≫, Marguerittes, 1990,
p.
18.
- ↑
Les Alpilles, encyclopedie d'une montagne provencale
, N. Dautier, ed. Les Alpes de Lumiere, Forcalquier, 2009,
p.
27,
(
ISBN
978-2906162976
)
.
- ↑
Les Baux et Castillon
, Louis Paulet, 1902, reed. CPM Marcel Petit, 1986,
p.
112.
- ↑
a
b
c
d
e
f
g
h
i
j
k
l
m
n
o
p
q
r
s
t
u
v
et
w
Les Alpilles, encyclopedie...
, ≪ Les marais des Baux ≫, J.-L. Mourgues,
ibid.
,
p.
46-50
.
- ↑
a
et
b
Les Alpilles, encyclopedie...
, ≪ Faune des anciens marais des Baux ≫, F. Tron,
ibid.
,
p.
64-5
.
- ↑
a
b
et
c
≪ Les Alpilles et la Montagnette ≫,
Carte archeologique de la Gaule
, t. 13/2, 1999,
p.
203-207
,
(
ISBN
978-2877540599
)
.
- ↑
a
b
c
d
e
et
f
Les Alpilles, encyclopedie...
, ≪ Historique du dessechement du marais des Baux ≫, E. Roucaute,
ibid.
,
p.
50-1
.
- ↑
Le Paradou
, Helene Ratye-Choremi,
op. cit.
,
p.
20.
- ↑
Ainsi, le projet de l'ingenieur Beaumond (
1768
) est rejete par la communaute.
- ↑
Confidences d'un travailleur agricole devenu ensuite ingenieur agronome et ayant collecte la
sagno
dans les annees 1950
- ↑
≪ Noyes dans le marais ≫ (Maussane, 5 mars 1761)
, geneprovence.com
- ↑
≪ Mort dans les marais (Maussane, 2 aout 1762) ≫
, geneprovence.com
- ↑
≪ Noye dans l'etang des Baux (Maussane, 21 juillet 1784) ≫
, geneprovence.com.
- Les Alpilles. Encyclopedie d'une montagne provencale
, divers auteurs, ed. Les Alpes de Lumiere, Forcalquier, 2009,
(
ISBN
978-2906162976
)
.
- ≪ Les Alpilles et la Montagnette ≫,
Carte archeologique de la Gaule
, t. 13/2, 1999,
p.
203-207
,
(
ISBN
978-2877540599
)
.
- Les Baux et Castillon
, Louis Paulet, 1902, reed. CPM Marcel Petit, 1986.