L'
ivresse
[
1
]
(ou l'
ebriete
[
2
]
) correspond a un etat intellectuel et physique altere, un
trouble de l'humeur
ou une incoordination
[
3
]
des
mouvements
generalement du a une ingestion excessive d'
alcool
(
ethanol
) ou d'une autre substance
toxique
, pouvant entrainer a terme une
inconscience
prolongee ainsi que diverses complications et sequelles.
Dans le langage courant, sans precision, l'ivresse designe plus particulierement l'
intoxication alcoolique
. Ce type d'ivresse par absorption de substance est a distinguer de l'
ivresse des profondeurs
avec laquelle elle est souvent confondue, mais qui est due a un exces d'azote dans les tissus.
Enfin, de maniere imagee, le terme connait une acception plus large (
hybris
) : il est notamment question d'ivresse du
pouvoir
, ivresse de l'
argent
, ivresse du
jeu
,
etc.
, puisque cet etat d'excitation typique n'est pas seulement lie a la prise de substances mais plutot a la
production
de
neurotransmetteurs
(
GABA
et
dopamine
) par le corps a la suite de la prise de ces substances, production qui peut etre induite par d'autres processus tels que les emotions fortes, la
danse
, la
transe
ou le
jeune
, le
rythme circadien
, une situation que le corps juge dangereuse…
Infirmerie d'un concert de rock, salle de degrisement
Le terme ≪ ivresse ≫ designe une
intoxication
plus ou moins aigue due a l'ingestion d'
alcool
(vins, bieres, alcools dits ≪ forts ≫) par un individu.
L'ivresse alcoolique peut se definir suivant trois phases :
- Un etat d'
euphorie
et d'excitation
[
4
]
caracterisees par une desinhibition due a une
sensation
de facilite intellectuelle et/ou a la
liberation
des tendances sociales imposees rejoignant celles nommees
instinctives
; desinhibition qui peut faire faire prendre des
risques
sans commune mesure avec l'etat de l'etre qui l'eprouve, en donnant une appreciation sensiblement erronee de la situation reellement vecue ;
- L'etat d'ivresse proprement dit, est identifiable selon les troubles sensito-moteurs qu'il cause : perte de la coordination motrice
[
3
]
(demarche titubante, paroles hesitantes et/ou incomprehensibles, voire incoherentes). Cet etat se manifeste aussi par des signes cliniques tels que pupilles dilatees,
nausees
,
vomissements
ou
diarrhee
;
- Un etat lethargique ou il n'est pas rare que la personne sombre dans le sommeil.
Cet etat lethargique peut parfois evoluer en
coma ethylique
: le stade de l'ivresse proprement dit est alors depasse et il est alors question d'
intoxication alcoolique
aigue ou perenne. Le stade precedant le coma ethylique est la forte ivresse, un etat qui peut a tout moment evoluer vers un coma ethylique
[
5
]
. La forte ivresse met en danger la vie de la personne
[
5
]
: euphorique, elle se sent invincible alors que sa capacite de discernement est fortement amoindrie et qu'elle ne coordonne plus bien ses mouvements. Des lors, il est indispensable de ne pas laisser seule une personne fortement alcoolisee
[
5
]
afin de pouvoir appeler les secours si necessaire, de l'empecher de conduire ou d'aller a velo, de prevenir tout risque de chute et de s'assurer que personne n'abuse de sa situation de vulnerabilite (risque de viol).
Il est tres difficile de donner une indication des dosages d'alcool pouvant correspondre a ces divers etats, car les doses sont tres variables selon les individus et selon un grand nombre d'autres facteurs : etat physiologique de la personne (corpulence, anteriorite, histoire), son etat affectif, son but vital, la corroboration de l'ambiance sociale.
Apres l'ivresse survient un etat d'epuisement, de fatigue plus ou moins douloureux (sur ce point, la forme ingeree de substance alcoolique n'est pas depourvue d'importance) souvent appele familierement ≪ gueule de bois ≫, caracterise par un fort mal de crane principalement lie a une
deshydratation
de l'ensemble du
corps
a la suite de cette
intoxication
. Apres avoir bu de l'alcool, il faut boire beaucoup d'eau. En effet, la consommation d'ethanol bloque la production d'
hormone antidiuretique
, la production d'
urine
etant de fait plus importante que l'apport en
eau
.
Les
symptomes
de la ≪
gueule de bois
≫ incluent :
Antonio Esteban Frias,
L'Ivrogne
Dans la mythologie grecque, les
Centaures
symbolisent l'ivresse,
Dionysos
est le Dieu de la fete du vin. Chez les Romains,
Bacchus
est le dieu de l'ivresse. Dans les
orgies
qui correspondent a des rites lies a leur culte, l'ivresse en tant que voie mystique, jouait un role eminent. Les moralistes romains de l’Antiquite denoncent regulierement l'ivresse (
ebrietas
), pratique individuelle et ponctuelle et l'ivrognerie (
ebriositas
), comportement structurel susceptible de renvoyer a des appartenances de groupe (sociales, sexuelles…). Les exces de vin ne sont cependant pas toujours connotes negativement
[
6
]
.
Beaucoup de
religions
decouragent, moderent ou interdisent la consommation de l'alcool ethylique. Les
bouddhistes
s'abstiennent de consommer de l'alcool pour eviter de nuire involontairement a d'autres (caracteristique de l'ivresse dite ≪ irresponsable ≫ : pretexte d'ivresse alcoolique pour faire n'importe quoi.)
L'islam interdit la consommation du vin et d'alcool en general : ≪ Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasards. Reponds : “Dans chacun d'eux, il y a un grand peche et quelques avantages pour les gens ; mais dans les deux, le peche est plus grand que ne l'est l'utilite” ≫ (Sourate 2 verset 219). Selon ses criteres, comme dans le bouddhisme, l'islam evite toute nuisance susceptible d'atteindre a l'integrite d'autrui, tout autant qu'a soi-meme.
A l'exception de certains groupes neo-protestants, les
eglises chretiennes
n'interdisent pas l'alcool : en reference a
Noe
et Lot enivres, et au ≪ sang du
Christ
≫, elles en moderent l'usage. L'exces de consommation est considere comme le
peche capital
de gourmandise. Dans un
capitulaire
en 812,
Charlemagne
interdit l'ivrognerie aux pretres. En 1256,
saint Louis
limite l'acces aux tavernes et cabarets aux voyageurs. Neanmoins a l'epoque medievale et moderne, les municipalites offrent des fontaines de vin, sorte d'
evergetisme
herite de l'Antiquite.
Rabelais
, adepte de la pensee
neoplatonicienne
voit dans le
≪ vin divin ≫
un mediateur mystique. Certains medecins (de cette epoque et jusqu'au milieu du
XVIII
e
siecle
) recommandent le principe hippocratique de s'enivrer une fois par mois pour redonner la sante en
reequilibrant les humeurs
[
7
]
. Une dynamique de forte consommation de boissons alcoolisees serait en œuvre depuis la fin du Moyen Age en Occident, comme le suggerent le developpement des normes juridiques edictees par les autorites sur ce sujet
[
8
]
.
En
France
, les autorites civiles penalisent l'ivresse et l'ivrognerie
[
9
]
des le
XVI
e
siecle
:
Francois
I
er
publie le 31 aout 1536 un edit dans lequel l'ivresse devient un crime secondaire et intermediaire, avec la peine d'
essorillage
voire de bannissement en cas de recidive
[
10
]
. Neanmoins cette rigueur royale inapplicable est en butte aux juridictions locales, aussi se tourne-t-elle des le milieu du
XVI
e
siecle
vers des condamnations indirectes : sanctuarisation du dimanche comme jour du seigneur avec interdiction d'ouverture des debits de boissons, limitation des ≪ joyeusetes ≫, creation d'heures d'ouverture et de fermeture des debits de boissons
[
7
]
. Blanc ou
clairet
, rouge quelquefois (
Marcel Lachiver
rappelant la primaute du vin clairet du
XV
e
au
XVII
e
siecle), le vin reste cependant considere comme un aliment et un tonique, comme la biere dont la production devient presque une industrie au
XIV
e
siecle
[
11
]
. Selon l'historien
Roger Dion
, un debut d'accoutumance au vin et a l'ivrognerie voit le jour en France a partir du regne de
Henri IV
[
12
]
. La potabilite de l'eau reste en effet problematique. De plus, selon la
theorie des humeurs
, le systeme digestif, et en particulier l'estomac est considere comme le lieu de la cuisson, si bien que les medecins recommandent de consommer, non pas de l'eau (elle eteindrait la cuisson et donc la digestion), mais du vin, et notamment du
vin epice
comme l'
hypocras
(d'ou l'
idee recue
toujours d'actualite qui veut que les digestifs aident a digerer)
[
13
]
.
A partir du
XVII
e
siecle
avec le developpement de la notion d'≪ honnete homme ≫, savants et philosophes comme
Pierre Bardin
voient dans l'ivrognerie un ≪ vice grossier et brutal ≫ : elle trouble le jugement de l'homme, le rabaisse au rang de l'animal, cree des depenses ruineuses pour le royaume et la famille, l'homme allant s'enivrer dans les cabarets ou lors des jours d'oisivetes. Parallelement, l'opposition medicale a l'exces d'alcool se developpe : le medecin Jean Mousin est le premier a s'interesser a cette question dans
Discours de l'ivresse
en
1612
[
14
]
. Cette condamnation morale se poursuit au
XVIII
e
siecle
meme si les artistes voient dans l'ivresse creative une source de leur inspiration (≪
In vino fertilitas
≫
[
15
]
) et que le vin reste associe au prestige social et aux rejouissances
[
16
]
. De nombreuses
Ligues de temperance
se developpent au
XIX
e
siecle
en simultaneite avec la
revolution industrielle
[
7
]
. L'
hygienisme
triomphant de la fin du
XIX
e
siecle se traduit par la loi du 23 janvier 1873 qui reprime l'
ivresse publique et manifeste en France
.
Parmi les stereotypes culturels lies a l'ivresse, certains, d'origine militaire (
cosaques
) ou meme universitaire (
bizutage
) considerent la capacite a boire de grandes quantites d'alcool comme un
rite de passage
ou une marque de
virilite
, essentiellement definis selon les criteres
machistes
[ref. necessaire]
. Dans les societes occidentales, le fait de refuser de consommer de l'alcool au cours d'une ambiance festive (bar, soiree, etc.) peut, parfois, etre percu comme une facon de ≪ casser l'ambiance ≫. Cette attitude peut mener a l'
alcoolisme
par mimetisme et manque de determination. Depuis la fin du
XX
e
siecle
, le phenomene des ≪ ivresses express ≫ (
binge drinking
) est apparu.
Le foie elimine l'alcool a raison de 0,1 g/h, seul le temps peut faire diminuer l'
alcoolemie
.
Il existe de nombreux mythes et coutumes relatifs a la maniere de traiter l'ivresse. La plupart des ≪recettes de grand-mere ≫ sont inefficaces, certaines pratiques sont meme dangereuses.
On s'abstiendra en particulier
[
5
]
:
- de provoquer des vomissements chez une personne ivre (risques d'etouffement) ;
- de forcer une personne ivre a boire de l'eau ou a manger (risque d'etouffement) ;
- de faire ingerer a une personne ivre des boissons stimulantes comme du the ou du cafe (ou des boissons contenant de la cafeine) : risque de provoquer une deshydratation supplementaire en augmentant la diurese (besoin d'uriner) ;
- de laisser une personne ivre s'endormir seule (necessite de pouvoir appeler les secours en cas de coma ethylique).
De nombreux pays possedent une legislation qui impose une reglementation de la vente et de l'approvisionnement en alcool, incluant souvent une restriction pour les personnes agees de moins 16, 18 ou 21 ans selon les pays ou pour les personnes manifestement ivres.
De nombreux pays possedent une legislation plus ou moins severe reprimant l'ivresse sur la voie publique, au volant ou les deux.
L'ivresse cannabique a ete decrite par
Moreau de Tours
(un
alieniste
) en
1845
; comme l'ivresse alcoolique elle varie en fonction de la quantite de produit consommee et de la
physiologie
propre de la personne
[
17
]
.
Elle se definit par quatre phases :
- Un etat d'euphorie amenant une desinhibition, une sensation de bien-etre et d'
empathie
;
- Un etat confusionnel, caracterise par une sensation de developpement des perceptions pouvant conduire aux
hallucinations
(en cas d'ingestion) et des perturbations des mouvements et ensuite conduire a des
psychoses
aigues (
bad trip
) ;
- Un etat d'extase caracterise par une certaine
apathie
;
- Un etat de retour a la normale, le plus souvent caracterise par un sommeil profond.
L'etat confusionnel est souvent considere comme etant le stade de l'ivresse proprement dite. S'il degenere en
bad trip
, il est souvent accompagne de signes cliniques comme
nausees
,
maux de tete
ou
vomissement
. Il est alors question d'intoxication aigue au cannabis.
Si une ivresse resulte de l'absorption d'un produit, elle presente generalement des signes caracteristiques au produit absorbe. Ces exemples incluent :
- ↑
Ivresse
, sur le site cnrtl.fr, consulte le 24 novembre 2014
- ↑
ebriete
, sur le site cnrtl.fr, consulte le 24 novembre 2014
- ↑
a
et
b
Aurelie Blaize, ≪
Signe n° 2 : le manque de coordination
≫,
(consulte le
)
- ↑
Aurelie Blaize, ≪
Ivresse : les signes qui ne trompent pas !
≫, sur
sante.planet.fr
,
(consulte le
)
- ↑
a
b
c
et
d
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Laurent Karila
,
Tous addicts : et apres
, Paris,
Flammarion
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, 364
p.
(
ISBN
978-2-08-139618-0
)
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p.
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- ↑
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Ivresse et ivrognerie a Rome (IIe s av. J.-C.- IIIe s ap. J.-C.)
≫,
Revue de l'Institut Europeen d'Histoire de l'Alimentation
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4,
n
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,
p.
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(
DOI
10.1484/J.FOOD.1.100083
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.
- ↑
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c
Matthieu Lecoutre,
Ivresse et ivrognerie dans la France moderne
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- ↑
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,
Normes juridiques et pratiques judiciaires, du moyen age a l'epoque contemporaine
, Editions universitaires de Dijon,
,
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113
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- ↑
Durant l'Ancien regime, ivresse et ivrognerie sont souvent confondues alors que la premiere est un comportement circonstanciel et la seconde un comportement repetitif.
- ↑
Adolphe Chauveau et Helie Faustin,
Theorie du code penal
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(
lire en ligne
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Marcel Lachiver
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(
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Charles Riviere Dufresny,
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(
lire en ligne
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Florent Quellier,
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,
Presses universitaires de Rennes
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- ↑
Jerome Liotier, Georges Brousse, Alexandre Taulemesse et Julie Geneste,
Urg' psychiatrie : toutes les situations d'urgence psychiatrique en poche !
, Rueil-Malmaison, Arnette, 159
p.
(
ISBN
978-2-7184-1184-2
,
lire en ligne
)
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p.
70
Sur les autres projets Wikimedia :
- L’ivresse dans tous ses etats en litterature
, Actes du colloque international organise a Arras par l’Universite d’Artois (novembre 2001), sous la direction de Nathalie Peyrebonne et Helene Barriere, Arras, Presses de l’Artois, 2004.
- Du chocolat a la morphine - Tout ce que vous avez besoin de savoir sur les drogues et qu'on n'a jamais ose vous dire…
, de Andrew Weil et Winifred Rosen, Edition du lezard.
- La culture de l'ivresse - Essai de phenomenologie historique
, Veronique Nahoum-Grappe, Promeneur, 1991.
- Vertige de l'ivresse - Alcool et lien social
, Veronique Nahoum-Grappe, Descartes et Cie, 2010.
- Le gout de l'ivresse. Boire en France depuis le Moyen Age (
V
e
???
XXI
e
siecle)
, Matthieu Lecoutre, Belin, 2017
- Mark Forsyth,
Une breve histoire de l'ivresse
, editions du Sonneur, 2020.
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