Les zones maritimes du droit international de la mer.
On designe par
eaux internationales
ou par
haute mer
, ce dernier terme etant le seul employe en
droit de la mer
, les zones
maritimes
qui ne sont sous l'autorite d'aucun
Etat
(par opposition aux ≪ eaux sous juridiction d'un Etat cotier ≫).Plus precisement, il s'agit de toutes les parties de la mer qui ne sont
≪ ni dans les eaux sous juridiction d’un Etat (
ZEE
, ZPE, ZPP…), ni au sein de la mer territoriale d'un Etat ou bien dans les eaux archipelagiques d'un Etat archipel
[
1
]
≫
, selon l’article 86 de la
convention des Nations unies sur le droit de la mer
(CNUDM).
Les eaux internationales qui sont hors de la zone economique d’Etats apparaissent en bleu fonce.
La haute mer est generalement consideree comme un ≪
bien public
mondial ≫ couvrant un peu plus de la moitie de la surface planetaire et 64 % des oceans
[
1
]
. Elle est ouverte a tous les Etats, qu'ils soient cotiers ou sans facade littorale (article 87 CNUDM)
[
1
]
. Le transport d'esclaves, la piraterie, le trafic illicite de stupefiants et les emissions non autorisees y sont prohibes (articles 99, 100, 108 et 109 CNUDM)
[
1
]
et toute revendication de souverainete par un Etat y est illegitime. En
1982
, a
Montego Bay
(
Jamaique
), un cadre a defini des regles et une autorite pour l'exploitation des sol et sous-sols marins, mais pas encore pour la
colonne d'eau
et la peche.
Un
Appel de Paris pour la haute mer
a ete lance afin qu'elle soit consideree comme ≪ bien commun de l’humanite ≫ et geree comme tel, dans l’
interet general
et qu'y cesse le pillage des ressources, encourage par le principe du ≪
premier arrive, premier servi
≫
[
2
]
.
La haute mer commence au-dela de la limite exterieure de la
zone economique exclusive
(ZEE), au maximum a 200
milles nautiques
(370,4
km
) de la cote.
Le principe de la
liberte
y prevaut : liberte de navigation, de survol, de peche
[
3
]
, de recherche scientifique, de poser des cables et des pipelines, de construire des iles artificielles, dans le respect des
conventions internationales
en vigueur. Toutefois la piraterie et des difficultes d'acces inegales selon les pays existent, et si le
plateau continental
s'etend au-dela de 200 milles (370
km
), l’Etat cotier dispose de droits souverains relatifs a l’exploitation et l’exploration des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol, a l’exclusion des eaux surjacentes, jusqu'au rebord externe du plateau continental, ou au plus jusqu'a
350 milles
(648
km
). Au-dela de cette derniere limite s'etend la zone internationale des fonds marins qui echappe a toute appropriation et doit etre uniquement utilisee ≪ a des fins exclusivement pacifiques ≫ et exploitee ≪ dans l’interet de l’humanite tout entiere ≫.
La
communaute internationale
se mobilise peu a peu pour envisager des voies nouvelles en vue d'une gestion durable de la haute mer et de ses ressources
[
4
]
.Le traite historique sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversite marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en haute mer (connu sous le sigle anglais BBNJ, Marine Biodiversity of Areas Beyond National Jurisdiction), adopte a l’unanimite en juin, a ete signe par 88 Etats depuis le 20 septembre 2023 au siege des Nations unies a New York. Ce traite porte sur la protection de l’Ocean situe en dehors des zones economiques exclusives (ZEE) et du plateau continental des Etats cotiers.
Il s’agit d’un tournant decisif en droit international de la mer, grace aux outils de gestion innovants et ambitieux proposes, la conservation et l’utilisation durable de la biodiversite marine devront etre assurees dans l’interet de l’Humanite et des generations futures. Ce texte permet maintenant aux Etats d’agir la ou ils n’ont pas pris suffisamment de mesures jusqu’a present. Par exemple, en les incitant a creer des aires marines protegees basees sur des etudes d’impact environnemental des activites engagees en haute mer.
Il est important de preciser que ce traite ne porte pas sur des aspects deja reglementes par des institutions existantes comme :
- les ressources minerales des fonds marins (qui sont distinctes des ressources genetiques marines vivantes). Elles sont gerees par l’Autorite internationale des fonds marins (AIFM) via une procedure et des regles propres (partie XI de la convention des Nations unies sur le droit de la mer) ;
- la gestion de la peche reste regie en priorite par les organisations regionales de peche (ORGP).
Toutefois, le traite BBNJ va mettre en place une coordination et une cooperation etroite avec ces organismes pour s’assurer que les objectifs de conservation et d’utilisation durable de la haute mer sont bien pris en compte dans leurs plans de gestion, comme les etudes d’impact environnemental ou la creation d’aires marines protegees.
Le seul ordre juridique qui s’applique en haute mer est celui des autorites de l’Etat dont le navire bat le pavillon.
Cependant :
- l’Etat cotier dispose d’un droit de poursuite en haute mer, lorsque la poursuite a commence dans une zone relevant de la juridiction de l’Etat poursuivant ;
- obligation est faite, en haute mer :
- les conventions internationales se sont multipliees pour reglementer la
peche
en haute mer, pour la protection d’especes specifiques (
baleine
,
thon
) ou meme en 1995 a propos des stocks chevauchants (les ressources halieutiques qui sont a cheval sur la
ZEE
et sur la haute mer) et, dans ce cas, vers une extension des competences de l’Etat cotier.
La communaute internationale, et certains pays (dont la France, dans le cadre du
Grenelle de la mer
notamment), evoquent le besoin d'outils de connaissance (exploration
in situ
, suivi satellital), surveillance, controle pour une meilleure gouvernance de la
peche
, de la
biodiversite
et de la
securite en mer
, ainsi que pour la protection de
ressources naturelles
pas, peu, difficilement ou couteusement renouvelables, au-dela des zones de juridiction nationale
[
6
]
.
- En
1958
, une
Convention sur la haute mer
[
7
]
est signee a Geneve sous l'egide des Nations unies, le
, mais n'entrant en vigueur que 4 ans plus tard, le
. Elle codifie les quelques regles du droit international relatives a la haute mer ; En particulier elle definit la ≪
haute mer
≫ comme "
toutes les parties de la mer n’appartenant pas a la mer territoriale ou aux eaux interieures d’un Etat
" (art 1). Elle stipule (art. 2) que "
pour les Etats riverains ou non de la mer"
, la haute mer est couverte par
la liberte de la navigation, la liberte de la peche, la liberte d’y poser des cables et des pipelines sous-marins et la liberte de la survoler
.
La convention precise que chaque Etat devant tenir compte de l’interet que la liberte de la haute mer presente pour les autres Etats. Chaque Etat est aussi
tenu de prendre a l’egard des navires arborant son pavillon les mesures necessaires pour assurer la securite en mer, notamment en ce qui concerne :
a) L’emploi des signaux, l’entretien des communications et la prevention des abordages ;
b) La composition et les conditions de travail des equipages, en tenant compte des instruments internationaux applicables en matiere de travail;
c ) La construction et l’armement du navire et son aptitude a tenir la mer
(...)
Tout Etat est tenu (art 12) d’obliger le capitaine d’un navire naviguant sous son pavillon, autant que le capitaine peut le faire sans danger serieux pour le navire, l’equipage ou les passagers :
a) A preter assistance a toute personne trouvee en mer en danger de se perdre;
b) A se porter a toute la vitesse possible au secours des personnes en detresse, s’il est informe de leur besoin d’assistance, dans la mesure ou l’on peut raisonnablement compter sur cette action de sa part;
c) Apres un abordage, a preter assistance a l’autre navire, a son equipage et a ses passagers et, dans la mesure du possible, a indiquer a l’autre navire le nom de son propre navire, son port d’enregistrement et le port le plus proche qu’il touchera.
Tous les Etats riverains favoriseront la creation et l’entretien d’un service adequat et efficace de recherche et de sauvetage pour assurer la
securite en mer
et au-dessus de la mer (dont via des accords regionaux de cooperation mutuelle inter-Etats).
Tout Etat est tenu (art 13) de prendre des mesures efficaces pour empecher et punir le transport des
esclaves
sur les navires autorises a arborer son pavillon et pour empecher l’usurpation de son pavillon a cette fin. Tout esclave qui se refugie sur un navire, quel que soit son pavillon, est libre
ipso facto
.
Tous les Etats doivent (Art. 14) cooperer dans toute la mesure du possible a la repression de la
piraterie
en haute mer ou en tout autre endroit ne relevant de la juridiction d’aucun Etat (...)
- 1982
a
Montego Bay
(
Jamaique
), une convention
[
8
]
a produit un cadre de regles et defini une
"
Autorite internationale des fonds marins
"
pour l'exploration et exploitation des sol et sous-sols marins, mais sans lui donner de competence ou d'autorite pour la
colonne d'eau
, ni la peche ou la biodiversite. Elle ajoute a la convention precedente
la liberte de construire des iles artificielles et autres installations autorisees par le droit international
(sous reserve de la partie VI de la convention ); et
la liberte de la recherche scientifique
(sous reserve des parties VI et XIII).
- En
2007
, a l'occasion d'une assemblee generale des Nations unies, il a ete reconnu que les accords de Montego Bay contenaient des lacunes environnementales, et que le systeme juridique applicable a la haute-mer etait a mettre a jour
[
9
]
.
- En
2013
un
Appel de Paris pour la haute mer
est lance en Avril
[
11
]
afin qu'elle soit consideree comme ≪
bien commun
de l’humanite ≫ et geree comme tel, dans l’
interet general
selon ses auteurs ; il s'agit aussi de soutenir le travail de l’
Assemblee generale des Nations unies
qui dans le cadre de la
Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer
prepare des negociations visant a mettre en œuvre un instrument international de protection de la
biodiversite
en haute mer
[
12
]
. Les signataires estiment que seule une
≪ gouvernance internationale partagee, transparente, democratique ≫
evitera une surexploitation et pollution de ces eaux. Leur vision est
utilitariste
(ex :
≪ (...)Proposons que l’
Autorite internationale des fonds marins
soit partie prenante a la gestion des ressources de la Haute Mer, en particulier les
ressources genetiques
marines (en lui donnant les moyens d’exercer operationnellement ses missions) ≫
[
12
]
mais ils souhaitent aussi un developpement des
aires marines protegees
et estiment
≪ que la Haute Mer n’est pas seulement l’affaire des specialistes et professionnels, mais qu’elle est au cœur de la survie de l’humanite et concerne chacun d’entre nous. Avec gravite, confiance et determination, nous pensons qu’elle est le lieu evident d’une coconstruction pacifique et exemplaire des Etats, qui doivent proposer aux generations futures une ≪ economie bleue ≫ innovante, basee sur le respect des ecosystemes et des droits humains. Refonder le rapport des hommes a la Haute Mer est essentiel pour contribuer au developpement humain, ainsi qu’a la resilience de la planete et de son climat ≫
[
12
]
.
- En
2018
(4-
), apres 10 ans de discussions, une session de negociations sur un traite de la haute mer, s'est ouverte a New York, visant un nouvel instrument juridique international destine a y proteger la biodiversite, alors que les pressions humaines et climatiques sont en augmentation constante et rapide
[
9
]
. La France y a delegue Serge Segura, ambassadeur charge des oceans
[
9
]
.
Greenpeace
presente ce projet comme celui du
≪ traite de la derniere chance ≫
et une
≪ opportunite historique ≫
pour une gestion durable des ressources marines au grand large, qui selon l'ONG devrait pouvoir s'appuyer sur un reseau d'
aires marines protegees
recouvrant au moins (comme le demande la
communaute scientifique
) 30% de la surface de l'ocean avant
2030
dans et hors des eaux territoriales
[
13
]
.
- En
2023
(
), les Etats membres de l'ONU se sont mis d'accord sur le premier traite international de protection de la haute mer. Le texte est adopte le 19 juin 2023
[
14
]
,
[
15
]
.
- ↑
a
b
c
et
d
Les delimitations de l’espace maritime francais
; production du groupe de travail geoinformations pour la mer et le littoral ? version mise a jour novembre 2014, sur le site
http://cartographie.aires-marines.fr/
- ↑
A. Rossignol, article intitule
Haute mer : ≪Les fonds marins vont fournir les medicaments de demain≫
publie par
Le Parisien
le 3 septembre 2018
.
- ↑
Du fait de l'extension des
ZEE
, cette liberte de peche se limite concretement aux
thonides
et especes associees, ainsi qu’aux
demersaux
migrants sur les accores de
plateaux continentaux
(especes qui ne representent que 10 % du volume des peches commerciales), car l'essentiel des captures se fait dans les
200 milles
des ZEE et depend de la reglementation de l'Etat cotier. Cf
Alexandre Charles Kiss,
Les hommes et l'environnement. Quels droits pour le vingt-et-unieme siecle ?
, Frison-Roche,
,
p.
530
.
- ↑
≪ Gouvernance de la
biodiversite
marine au-dela des juridictions nationales : enjeux et perspectives ≫, J. Rochette et R. Bille,
Idees pour le debat
,
n
o
04, 2008, Institut du developpement durable et des relations internationales.
[1]
.
- ↑
Art. 98 a 109 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
- ↑
Deux conferences des Nations-Unies sur le droit de la mer se sont tenues a Geneve en
1958
et en
1960
- ↑
ONU (1958)
Convention sur la haute-mer
, faite a Geneve le 29 avril 1958. Entree en vigueur le 30 septembre 1962. Nations Unies, Recueil des Traites, vol. 450, p. 82.
- ↑
ONU (1982)
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
- ↑
a
b
et
c
Rouat S (2018)
L'avenir de la haute mer en jeu a New York
; Science et Avenir le 04.09.2018
- ↑
Actu environnement,
Biodiversite : vers un cadre juridique pour la protection des eaux internationales ?
, juin 2011
- ↑
Appel pour la Haute mer
Le Monde, 12.04.2013
- ↑
a
b
et
c
lahautemer.org,
L'appel de Paris pour la Haute mer
, consulte 2013-05-09
- ↑
Greenpeace (2018)
Haute mer : le traite de la derniere chance
, page du site internet de Greenpeace, consulte 05 09 2018
- ↑
Les Etats membres de l'ONU s'accordent sur un traite de protection de la haute mer
,
Radio television suisse
, 5 mars 2023
- ↑
Jean-Denis
Renard
, ≪
Protection de la haute mer : une nouvelle ere s’ouvre avec l’adoption du traite a l’ONU
≫,
Sud Ouest
,
(
ISSN
1760-6454
,
lire en ligne
, consulte le
)
- (en)
Raphael
Bille
et Julien
Rochette
, ≪
Governance of marine biodiversity beyond national jurisdictions : issues and perspectives
≫,
Ocean & Coastal Management
,
n
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51,
(
lire en ligne
)
.
- Lucien
Chabason
, Raphael
Bille
et Julien
Rochette
, ≪
La haute mer oubliee
≫,
Courrier de la planete
,
n
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86,
(
lire en ligne
)
.
- ≪
Vers une nouvelle gouvernance de la biodiversite en haute mer
≫,
Idees pour le debat
,
n
o
8,
(
lire en ligne
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.
- Julien
Rochette
, ≪
Haute mer : l'etat d'urgence
≫,
Mer et littoral
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n
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75,
.
- Raphael
Bille
et Julien
Rochette
, ≪
Gouvernance de la biodiversite marine au-dela des juridictions nationales : enjeux et perspectives
≫,
Idees pour le debat
,
n
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4,
.
- Gwenaele
Proutiere-Maulion
et Jean-Pierre
Beurier
, ≪
Quelle gouvernance pour la biodiversite marine au-dela des zones de juridiction ?
≫,
Idees pour le debat
,
n
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7,
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