La
geometrie non euclidienne
(GNE) est, en
mathematiques
, une
theorie
geometrique
ayant recours aux
axiomes
et
postulats
poses par
Euclide
dans les
Elements
, sauf le
postulat des paralleles
.
Les differentes geometries non euclidiennes sont issues initialement de la volonte de demontrer la proposition du cinquieme postulat, qui apparaissait peu satisfaisant en tant que postulat car trop complexe et peut-etre redondant avec les autres postulats).
Dans les
Elements
d'Euclide, l'
axiome des paralleles
ressemble a la
conclusion
d'un
theoreme
, mais qui ne comporterait pas de
demonstration
:
Si une droite, tombant sur deux droites, fait les
angles interieurs
du meme cote plus petits que deux
droits
, ces droites, prolongees
a l'infini
, se rencontreront du cote ou les
angles
sont plus petits que deux droits.
qu'on peut comprendre comme :
Par un point exterieur a une droite, il passe toujours une parallele a cette droite, et une seule.
Durant plusieurs siecles, la
geometrie euclidienne
a ete utilisee sans que l'on mette en doute sa validite. Elle a meme ete longtemps consideree comme l'archetype du
raisonnement logico-deductif
. Elle presentait en effet l'avantage de definir les proprietes intuitives des objets geometriques dans une construction mathematique rigoureuse.
Approche intuitive de la geometrie non euclidienne
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]
En 1902,
Henri Poincare
propose un modele simple dans lequel le cinquieme postulat d’Euclide n’est pas valable. La droite est ici definie par extension comme la courbe de plus court chemin qui joint deux points de l’espace considere.
≪ Supposons un monde renferme dans une grande sphere et soumis aux lois suivantes :
La temperature n'y est pas uniforme ; elle est maxima au centre, et elle diminue a mesure qu'on s'en eloigne, pour se reduire au zero absolu quand on atteint la sphere ou ce monde est renferme.
[...] Un objet mobile deviendra alors de plus en plus petit a mesure qu’on se rapprochera de la sphere limite.
Observons d’abord que, si ce monde est limite au point de vue de notre geometrie habituelle, il paraitra infini a ses habitants.
Quand ceux-ci, en effet, veulent se rapprocher de la sphere limite, ils se refroidissent et deviennent de plus en plus petits. Les pas qu'ils font deviennent donc de plus en plus petits, de sorte qu’ils ne peuvent jamais atteindre la sphere limite. ≫Chapitre 4 "L'espace de la geometrie"
?
Henri Poincare
,
La Science et l'Hypothese
Etienne Ghys
commente ce texte de la facon suivante :
≪ Les etres qui habitent dans ce monde ne peuvent pas savoir qu’ils rapetissent car s’ils se mesurent avec un metre ruban, le metre ruban egalement se rapetisse. Nous savons qu’ils se rapetissent mais eux ont une vie tout a fait normale et tout a fait coherente. S’ils veulent aller d’un point a un autre par le plus court chemin, nous pensons qu’ils auront tendance a se rapprocher du centre, car leurs pas sont plutot plus grands vers le centre.
Alors on peut demontrer que le plus court chemin d’un point a un autre dans cette geometrie imaginaire est un arc de cercle perpendiculaire au cercle limite. Leurs droites a eux sont nos cercles a nous. Et vous voyez que dans leur geometrie, l’axiome d’Euclide n’est pas satisfait. La droite rouge est parallele a la droite verte mais la droite bleue l’est egalement (deux droites qui ne se coupent pas sont en effet paralleles).
Il y a une infinite de paralleles qui passent par un point. Et ces gens sont raisonnables, ils ne savent pas qu’ils rapetissent. Mais ils sont tout aussi raisonnables que nous qui ignorons probablement beaucoup d’autres choses.
La morale de cette petite histoire de Poincare est qu’on peut tres bien envisager beaucoup de mondes extremement raisonnables, chacun ayant sa geometrie, chacun ayant sa logique et qui chacun peuvent nous apporter une vision de notre monde concret […].
Le mathematicien d'aujourd’hui pour resoudre un probleme, pour etudier une question, va utiliser une geometrie, va prendre sa boite a outils, et va choisir la geometrie la plus convenable pour comprendre le probleme etudie.
Voici la phrase de Poincare :
Une geometrie ne peut etre plus vraie qu’une autre, elle peut simplement etre plus commode.
≫
? Etienne Ghys
[
1
]
Les geometries a
n
dimensions et les geometries non euclidiennes sont deux branches separees de la geometrie, qui peuvent etre combinees, mais pas obligatoirement. Une confusion s'est etablie dans la litterature populaire a propos de ces deux geometries. Parce que la
geometrie euclidienne
etait a deux ou trois dimensions, on en concluait, a tort, que les geometries non euclidiennes comportaient necessairement des dimensions superieures
[
2
]
.
La prehistoire de la geometrie non euclidienne est la longue suite de recherches et de tentatives d'eclaircissement du cinquieme postulat d'Euclide (l'
axiome des paralleles
). Ce postulat ? notamment car il fait appel au concept d'infini ? a toujours paru un peu ≪ a part ≫ et non evident aux mathematiciens, qui ont cherche soit a le remplacer par un postulat plus simple et plus direct, soit a le demontrer a partir des autres postulats d'Euclide. Ainsi, les mathematiciens arabes et perses dont notamment
Th?bit ibn Qurra
,
Alhazen
, et surtout
Omar Khayyam
ont etudie les liens entre le postulat des paralleles et la somme des angles des
quadrilateres
et des triangles. Khayyam propose ainsi des le
XI
e
siecle une alternative au cinquieme postulat d'Euclide, et des tentatives de demonstration de ce postulat
par l'absurde
[
3
]
.
Au
XVII
e
siecle,
John Wallis
et surtout
Giovanni Girolamo Saccheri
se sont inspires des travaux de ces mathematiciens et ont tente de demontrer le postulat des paralleles. Saccheri consacra sa vie entiere a essayer de demontrer le postulat des paralleles par l'absurde, sans y parvenir. Mais, postulant ≪ l'hypothese de l'angle aigu ≫, qui postule que la somme des angles d'un
quadrilatere
est inferieure a quatre
angles droits
, non seulement il n'aboutit a aucune contradiction mathematique flagrante, mais de plus il decouvre tout un ensemble de nouveaux theoremes, coherents et riches. Il est sur le point de decouvrir une geometrie non euclidienne (la
geometrie hyperbolique
, dans laquelle l'espace peut admettre une infinite de paralleles a une droite donnee et passant par un point hors de cette droite), mais il n'acceptera jamais ces nouveaux theoremes qu'il considere comme ≪ repugnants ≫
[
a
]
.
Reprenant les travaux de Saccheri en 1766,
Jean-Henri Lambert
reprend l'hypothese de l'angle aigu, mais ne conclut pas a une contradiction. Il realise, au moins dans les toutes dernieres annees de sa vie, qu'il doit etre possible de batir des geometries coherentes, soit a partir de l'hypothese de l'angle aigu (
geometrie hyperbolique
), soit celle de l'angle obtus
[
b
]
(
geometrie elliptique
).
Lambert obtient notamment la formule
, ou
C
est une constante
[
c
]
, qui donne l'aire
Δ
d'un triangle dont les trois angles sont
α
,
β
et
γ
dans une geometrie fondee sur l'angle aigu (nommee de nos jours une
geometrie hyperbolique
).
Gauss
, des 1813
[
4
]
, a formule la possibilite qu'il existe d'autres geometries que celle d'Euclide. Cependant il n'a jamais ose publier les resultats de ses reflexions en ce sens ≪ par crainte des cris des Beotiens ≫, comme il l'ecrivit lui-meme
[
5
]
.
On distingue les geometries a courbure negative, comme celle de
Lobatchevski
(1829) et
Bolyai
(1832) (
somme des angles d'un triangle
inferieure a 180°, nombre infini de paralleles possibles a une droite par un point, par exemple la geometrie hyperbolique), des geometries a courbure positive comme celle de
Riemann
(1867) (somme des angles d'un triangle superieure a 180°, paralleles se rejoignant aux poles, par exemple la geometrie elliptique).
La geometrie communement appelee ≪ geometrie de Riemann ≫ est un espace spherique a trois dimensions, espace fini et cependant sans bornes, a courbure positive reguliere, alternative au postulat euclidien des paralleles. Riemann a concu par ailleurs une theorie etendue des geometries non euclidiennes a
n
dimensions (conference de 1854).
L'idee de ≪ geometrie non euclidienne ≫ sous-entend generalement l'idee d'un espace courbe, mais la geometrie d'un espace courbe n'est qu'une representation de la geometrie non euclidienne, precise
Duncan Sommerville
dans
The Elements of Non-Euclidean Geometry
(Londres, 1914). Il existe des espaces non euclidiens a trois dimensions.
Differents types de geometrie non euclidienne
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]
Lobatchevski
,
Klein
et
Poincare
ont cree des modeles de geometrie dans lesquelles on peut tracer une infinite de paralleles a une droite donnee et passant par un meme point.
Il est remarquable que seul le cinquieme postulat d'Euclide ait ete leve ; les geometries non euclidiennes respectent par ailleurs toutes les autres definitions d'Euclide. En particulier, une droite est toujours definie comme la ligne de plus court chemin joignant deux points sur une surface. Il existe plusieurs modeles de geometrie hyperbolique a deux dimensions : le
disque de Poincare
, le
demi-plan de Poincare
…
Riemann
a introduit un autre modele de geometrie non euclidienne, la
geometrie spherique
(parfois appelee
geometrie elliptique
spherique
). Dans ce cas, par un point exterieur a une droite, on ne peut mener aucune parallele (autrement dit, toutes les droites passant par un point exterieur a une droite donnee sont secantes a cette droite, ou encore toutes les droites de l'espace sont secantes entre elles). Le modele est tres simple :
- les points sont les paires de points antipodes d'une sphere ;
- les droites sont les grands cercles (c'est-a-dire les cercles ayant le meme centre que la sphere).
Cette geometrie donne une courbure positive de l'espace (la somme des angles d'un triangle est superieure a deux droits, ou la somme de deux angles successifs d'un quadrilatere est superieure a deux droits, ou encore il existe un triangle dont tous les angles sont droits).
- ↑
La conclusion de Saccheri est restee celebre :
≪ L'hypothese de l'angle aigu est absolument fausse car cela repugne a la nature de la ligne droite. ≫
- ↑
La somme des angles d'un
quadrilatere
est superieure a quatre
angles droits
.
- ↑
Aujourd'hui,
C
est nommee la ≪ courbure Gaussienne ≫ du plan hyperbolique.
- ↑
[video]
Disponible
sur
Dailymotion
. Etienne Ghys, mathematicien, directeur de recherche au CNRS, remet en question les fondements des mathematiques : les axiomes.
- ↑
Voir l'article
Higher-Dimensional Euclidean Geometry (
geometrie euclidienne en dimensions superieures
)
(en)
, sur le site math.brown.edu.
- ↑
A.
Dahan-Dalmedico
et
J. Peiffer
,
Une histoire des mathematiques : Routes et dedales
,
[
detail des editions
]
, chap. 4, Figures, espaces et geometries, section 11 : les geometries non euclidiennes
p.
152-153
.
- ↑
A.
Dahan-Dalmedico
et
J. Peiffer
,
Une histoire des mathematiques : Routes et dedales
,
[
detail des editions
]
, chap. 4, Figures, espaces et geometries, section 11 : les geometries non euclidiennes
p.
154.
- ↑
≪
da ich das Geschrei der Bootier scheue
≫, lettre de Gauss a Bessel du 27 juin 1829, citee dans
(de)
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Reichardt
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Gauß und die Anfange der nicht-euklidischen Geometrie
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ISBN
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lire en ligne
)
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40
.
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Le probleme mathematique de l'espace - Une quete de l'intelligible
, Springer-Verlag (1995)
Une histoire philosophique du concept mathematique d'espace, de la geometrie euclidienne au developpement des geometrie modernes non euclidiennes, dont la version riemannienne est indispensable pour la formulation de la relativite generale ; niveau premier cycle universitaire minimum.
- (en)
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, W.H. Freeman & Co., New-York (
3
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edition-1996)
Un livre de mathematiques qui retrace l'histoire et le developpement des geometries non euclidiennes, essentiellement a deux dimensions (geometries de Gauss, Bolai et Lobachevsky) ; accessible a l'≪ honnete homme cultive ≫.
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Dover Publications
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Une histoire erudite du concept d'espace, depuis l'Antiquite jusqu'a nos jours ; niveau premier cycle universitaire.
- Jean-Claude Pont
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L'aventure des paralleles : histoire de la geometrie non euclidienne, precurseurs et attardes
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Geometrie differentielle : varietes, courbes et surfaces
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detail des editions
]
- (en)
Marcel Berger
,
A Panoramic View of Riemannian Geometry
,
[
detail de l’edition
]
Comme l'indique son titre, le grand geometre francais nous convie ici a une longue (824 pages) promenade panoramique dans le monde de la geometrie riemannienne ; les divers resultats sont pour la plupart donnes sans demonstrations detaillees, mais avec les references idoines pour le lecteur qui souhaiterait mettre ≪ les mains dans le cambouis ≫ ; le dernier chapitre donne les bases techniques du domaine.
- Jean-Marc Daudonnet, Bernard Fischer,
Courbure des surfaces. Introduction aux geometries non euclidiennes
, JIPTO 2009
(
ISBN
2-35175-028-4
)
- Boris Doubrovine
(de)
,
Anatoli Fomenko
et
Serguei Novikov
,
Geometrie contemporaine - Methodes et applications
,
[
detail des editions
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(Premiere partie : geometrie des surfaces, des groupes de transformations et des champs).
Une introduction tres pedagogique a la geometrie, avec des applications a la physique, ecrite par des specialistes russes. L'approche etant plutot intuitive, cet ouvrage est accessible a partir du premier cycle universitaire pour un ≪ bon ≫ etudiant motive.
- (en)
Birger Iversen,
Hyperbolic Geometry
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London Mathematical Society
Student Texts 25,
Cambridge University Press
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Nikolai I. Lobachevsky, Pangeometry, Translator and Editor: A. Papadopoulos, Heritage of European Mathematics Series, Vol. 4, European Mathematical Society, 2010
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detail des editions
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Traite de reference en cinq volumes.
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Les Aventures d'
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(
ISBN
2-7011-0372-X
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