Croisade

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Croisades
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Carte des croisades ( Larousse universel , 1922).
Informations generales
Date 1095-1291
Lieu Europe et Proche-Orient
Issue Retrait des Croises

Une croisade , au Moyen Age , est une expedition militaire organisee pour pouvoir mener le pelerinage des chretiens en Terre sainte [ 1 ] afin d'aller prier sur le Saint-Sepulcre [ 2 ] . A cette epoque, elle est d'ailleurs concue comme une forme tres particuliere de pelerinage, un ≪ pelerinage en armes ≫ [ 2 ] . Ses participants sont appeles des pelerins armes, puis, a partir du XIII e  siecle designes comme croises . Une croisade est prechee par un pape , une autorite spirituelle de l' Occident chretien comme Bernard de Clairvaux , ou par un ou plusieurs souverains comme Frederic Barberousse . On compte habituellement neuf croisades, de la premiere (fin du XI e  siecle ) a la neuvieme (1271-1272). Ces croisades constituent pour la majorite d'entre elles des initiatives francaises , avec une majorite de soldats francs, a l'exception de la sixieme croisade lancee par le Saint-Empire .

La premiere croisade est lancee en 1095 par le pape Urbain II depuis Clermont pour retablir l'acces aux lieux de pelerinages de la chretiente en Terre sainte, autorise jusque-la par les Arabes abbassides , mais interdit par les nouveaux maitres de Jerusalem a partir de 1071, les Turcs seldjoukides , de nouveaux venus provenant des steppes de l' Asie . A l'epoque, Jerusalem n'etait plus aux mains des chretiens depuis de nombreux siecles. La croisade repond aussi a une demande de l' empereur romain d'Orient , inquiet de l'expansion turque qui menace son empire [ 2 ] .

Cette premiere croisade aboutit a la fondation des Etats latins d'Orient , dont la defense va motiver les sept principales croisades ulterieures, de 1147 a 1291, date de la perte du dernier port encore controle par les chretiens en Orient , Saint-Jean-d'Acre . Toutefois, des 1187, moins d'un siecle apres sa conquete, les musulmans reprennent definitivement Jerusalem grace a Saladin , meme si les croises gardent la haute main sur de vastes regions [ 2 ] .

A partir de la quatrieme croisade , qui s'empare de Constantinople en 1204, l'idee est parfois devoyee : des expeditions sont organisees par le pape contre ses opposants chretiens ( albigeois , Hohenstaufen , Aragon ou encore hussites au XV e  siecle…) ou paiens ( baltes ). Si elles permettent le maintien provisoire des Etats latins d'Orient , ces croisades n'ont plus pour objectif Jerusalem.

Les croises ne firent pas de conquetes durables, se desinteresserent de la question une fois que Saladin eut retabli l'acces aux pelerinages, hormis pour ceux qui s'etaient installes sur place et, en fin de compte, affaiblirent les chretiens d'Orient plus qu'ils ne les aiderent.

Les cites marchandes italiennes ont retire d'immenses profits economiques des croisades et developpe dans la foulee des liens entre les places commerciales europeennes . Parallelement, c'est egalement a cette periode que fait son apparition la violence anti-juive en Europe [ 2 ] .

La periode dite des croisades couvre, selon la definition traditionnelle, les expeditions en Terre sainte, de 1095 a 1291, c'est-a-dire du concile de Clermont a la prise de Saint-Jean-d'Acre . Elle peut s'etendre de 1095 a 1396 (soit exactement 300 ans), date de deroulement de la bataille de Nicopolis en Bulgarie , ou s'illustre aussi la cavalerie croisee francaise. Des historiens la prolongent jusqu'a la bataille de Lepante (1571), en y incluant donc la Reconquista espagnole et toutes les guerres contre les infideles et les heretiques sanctionnees par la papaute, qui y attache des recompenses spirituelles et des indulgences .

Terminologie

Le terme ≪ croisade ≫ n'apparait pas avant le milieu du XIII e  siecle en latin medieval (seulement vers 1850 dans le monde arabe) et est rarement utilise a cette epoque [ 3 ] . Les textes medievaux parlent le plus souvent de ≪ voyage a Jerusalem  ≫ ( iter hierosolymitanum ) ou encore de peregrinatio , ≪ pelerinage ≫ [ 3 ] . Plus tard, sont aussi employes les termes de auxilium terre sancte , ≪ aide a la Terre sainte ≫, expeditio , transitio ainsi que ≪ passage general ≫ (expeditions d'armees nationales), ≪ passage regulier ≫ et ≪ passage particulier ≫, ces passages etant des incursions ponctuelles (plus ou moins locales, de brigandage et pillage) et non les ≪ guerres saintes ≫ et ≪ grandes expeditions ≫ que sont les croisades [ 3 ] . L'accent etait donc mis sur le deplacement et la destination.

Le terme de croisade n'apparait que tardivement en francais : le Tresor de la langue francaise informatise (TLFi) fait remonter l'expression ≪ soi cruisier ≫ (se croiser) a la Vie de saint Thomas le martyr de Guernes de Pont-Sainte-Maxence datee de 1174, et ≪ croiserie ≫ en ancien francais apparait dans la chronique de Robert-de-Clari durant la quatrieme croisade (1204), tandis que l'on trouve l'espagnol cruzada dans une charte en Navarre de 1212. En realite, ces termes sont des substantifs de l'adjectif crucesignatus , ≪ croise ≫ (litteralement ≪ marque par la croix ≫) qui, lui, apparait dans la chronique d'Albert d'Aix (sans doute ecrite, pour sa premiere partie, des 1106) ou du verbe crucesignare , prendre la croix, qui est frequent au XII e  siecle.

Le terme a proprement parler de ≪ croisade ≫ apparait selon le TLFi dans les Chroniques de Chastellain datees d'avant 1475, notant qu'il s'agit d'un substitut de termes proches tels que ≪ croisement ≫, ≪ croiserie ≫ ou ≪ croisiere ≫ qui sont plus anciens ; le Dictionnaire historique de la langue francaise note une premiere apparition du mot vers 1460 et note egalement qu'il derive de ≪ croisement ≫, que l'on rencontre avant la fin du XII e  siecle.

Il est donc clair que ce que nous appelons ≪ premiere croisade ≫ n'etait pas connue sous cette denomination par ses contemporains.

Du point de vue musulman , les croisades ne sont d'ailleurs pas percues comme une nouveaute, mais comme la continuation de la lutte contre l' Empire romain d'Orient [ 4 ] , qui durait depuis plusieurs siecles. Pourtant, il est aussi evident que les contemporains ont eu tres tot conscience que la croisade n'etait pas un simple pelerinage arme ni une operation militaire comme les autres mais bien une realite differente, alliant les caracteristiques du pelerinage a Jerusalem .

Les origines des croisades

Arrivee des croises a Constantinople

Le pelerinage a Jerusalem

Jerusalem restait pour les chretiens le centre du monde spirituel terrestre. Le pelerin pouvait s'y recueillir devant le calvaire et le Saint-Sepulcre . La ≪  vraie Croix  ≫ y etait veneree [ 5 ] . Parmi les fideles se repandait meme l'idee que le pelerinage lavait les peches.

La conquete de la Palestine par les Arabes (Jerusalem fut prise en 638) n'affecta guere les pelerinages vers les lieux saints ; les Fatimides imposerent simplement une redevance aux pelerins [ 6 ] . Les dangers a braver en chemin faisaient partie de la spiritualite du pelerinage. Avec la fin de la piraterie dans la seconde moitie du X e  siecle, le flux des pelerins s'amplifia. En 1009, le calife fatimide du Caire , al-Hakim , fit detruire le Saint-Sepulcre [ 6 ] . Son successeur permit a l' Empire byzantin de le rebatir entre 1030 et 1048, et les pelerinages furent a nouveau autorises.

Ainsi, lors de l'invasion arabe, les chretiens ne songerent guere a reprendre le controle des lieux saints [ 2 ] . L'Occident chretien n'en n'avait ni la force ni meme le desir, et les relations avec les musulmans qui gouvernaient en Terre sainte etaient dans l'ensemble assez bonnes [ 2 ] .

A l'approche du millenaire de la mort du Christ (1033), le flot des pelerins augmenta encore. De nombreux monasteres furent construits dans la ville. Les plus riches pelerins etaient parfois depouilles par les bedouins [ 7 ] , et certains groupes de pelerins s'organiserent en veritables troupes armees. En 1045, l'abbe Richard emmenait avec lui sept cents compagnons qui ne purent arriver que jusqu'a Chypre . L'historien Jacques Heers [ 8 ] mentionne un pelerinage d'une troupe importante, conduite en 1064 par Siegfried, archeveque de Mayence , attaquee et presque entierement decimee a Ramallah par des Bedouins le .

Surtout, la prise de Jerusalem par les Turcs Seldjoukides aux Arabes Fatimides en 1071 fait de la Terre sainte un endroit plus dangereux qu'auparavant, ne serait-ce que parce que les nouvelles elites turques converties a l'islam sont moins cultivees, moins tolerantes et plus belliqueuses que les elites arabes [ 2 ] . L'historien Robert Mantran indique toutefois que des pelerinages, dont six entre les annees 1085 et 1092, semblent s'etre deroules sans difficultes particulieres [ 9 ] .

L'heritage des invasions sarrasines

Reconquista . Miniatura de las Cantigas de Santa Maria .

L'histoire des croisades s'inscrit a la suite d'une longue periode de lutte defensive contre les invasions sarrasines .

Des le VIII e  siecle, la chretiente occidentale est confrontee a l' expansion de l'islam  ; la peninsule iberique est occupee et le royaume franc est envahi jusqu'a Sens en 725 . [1] Une premiere phase de presence des armees omeyyades est enregistree entre 719 et 759 dans la province de Septimanie , avec Narbonne pour capitale.

Du IX e  siecle au XI e  siecle, les cotes mediterraneennes continuent a subir les assauts repetes de bandes armees bien organisees. Malgre l'extension de l' empire carolingien et sa puissance certaine, la Mediterranee reste dominee par la piraterie musulmane. Le controle de la Sicile , de la Corse , des iles Baleares et de la peninsule iberique leur permet une grande mobilite au long des cotes de Septimanie , de Provence , et du sud de l' Italie ou ils menent des raids et des razzias profondement a l'interieur des terres [ 10 ] . Entre 890 et 973, une seconde phase de presence musulmane s'etablit en Provence pendant pres de 80 ans, au cours de laquelle ils etablirent plusieurs camps fortifies [ 11 ] . Au XI e  siecle, l'affaiblissement des structures politiques du califat fatimide permet aux chretiens la reconquete progressive des terres occupees. La Sicile repasse ainsi sous domination chretienne dans la seconde moitie du XI e  siecle.

L'appel au secours de l'Empire byzantin face aux Turcs

Extension maximale de l'empire des Seldjoukides en 1092 sous Malik Chah I er

Les Romains d'Orient (dits ≪ byzantins ≫ depuis le XVI e  siecle) parlaient grec, etaient chretiens, mais restaient attaches a la Pentarchie et ne reconnaissent pas la primaute de Rome depuis la querelle du Filioque en 1054 ( separation des Eglises d'Orient et d'Occident ).

A l'epoque de la premiere croisade, les Byzantins nommaient les Occidentaux ≪ Francs ≫ ou ≪ Celtes ≫, mais les Occidentaux qu'ils connaissaient le mieux etaient les Normands. D'abord employes comme mercenaires, apprecies par les generaux byzantins pour leur courage et leur cohesion, ils s'emanciperent rapidement. En 1071, ils realisent la conquete de toute l'Italie du Sud [ 12 ] ou ils fondent un royaume independant. De 1081 a 1085, ils menent une serie d'attaques contre la Grece sous la direction de Robert Guiscard .

Afin de faire face a ses nouveaux ennemis, les Turcs seldjoukides , l'empereur byzantin demande l'aide de troupes occidentales. Au concile de Plaisance de , les ambassadeurs de l'empereur byzantin Alexis Comnene reclament aux Occidentaux une assistance militaire pour lutter contre les Turcs. Byzance n'appelle pas pour autant a la croisade pour delivrer Jerusalem : lutter contre les menaces presumees des Arabes et certaines des Turcs est avant tout une question de defense de l'Empire [ 13 ] .

D'ailleurs, si la penetration des Seldjoukides en Asie mineure byzantine s'etait accompagnee de plusieurs pillages et exactions contre les populations locales, en Syrie, deja sous domination musulmane, l'arrivee des Turcs suscite moins de brutalite [ 14 ] et les chretiens locaux ne semblent pas demander d'aide.

La creation et la defense des Etats latins d'Orient ( I re - III e croisade)

La premiere croisade (1095 - 1099)

Contexte

1099 : la prise de Jerusalem . Illustration du XIV e  siecle ou XV e  siecle

A la fin du XI e  siecle, le Proche-Orient est divise. Au Sud, les Fatimides chiites sont au pouvoir en Egypte et controlent une partie de la Palestine . Le reste du Proche-Orient est sous la domination des Seldjoukides , un peuple turc nomade converti a l'islam sunnite au IX e  siecle qui a mis fin a l'empire arabe et d'une maniere generale a la suprematie des Arabes ; Arabes absents des croisades pour cette raison. En 1055, les Seldjoukides prennent le controle du califat abbasside a Bagdad [ 15 ] . Apres la victoire de Mantzikert en 1071, les Turcs atteignent le Bosphore , mais tres tot, l'Empire seldjoukide est divise en une serie de principautes rivales dont la principale etait le sultanat de Roum . La Syrie est aussi divisee en plusieurs Etats independants autour d' Alep , de Damas , de Tripoli , d' Apamee et de Shaizar .

Au Proche-Orient les divisions sont d'ordre religieux et ethnique. Les Turcs sunnites sont minoritaires. La population arabe est de confession chiite , ismaelienne ou chretienne [ 16 ] . Les chretiens sont eux-memes de differentes tendances : orthodoxes , melkites , et monophysites . Il y a des Armeniens en Syrie du Nord. Pour ces populations musulmanes ou chretiennes, les croisades sont des expeditions militaires de secours apres l'invasion musulmane, expeditions auxquelles ils prennent part en faisant entrer les croises dans Antioche , ou pendant la traversee du Liban avant le siege de Jerusalem [Lequel ?] [ 17 ] [ref. necessaire] .

L'affaiblissement de l' islam a permis l'essor du commerce par les villes italiennes en Mediterranee. Venise , Bari et Amalfi nouent des liens avec l'Orient, et, Pise et Genes ont chasse les Sarrasins de la mer Tyrrhenienne [ 18 ] . La Mediterranee devient un lac latin. Les villes italiennes creent des comptoirs de commerce fructueux, qu'elles reussiront a conserver apres la fin des croisades. Elles detournent a leur profit le commerce entre Orient et Occident . Les croisades sont une etape decisive de l'essor de l'Occident chretien et du declin du monde arabe amorce des le X e  siecle en Orient.

Appel d'Urbain II

Vingt ans apres la prise de Jerusalem aux Arabes par les Turcs et six mois apres le concile de Plaisance, Urbain II convoque un concile a Clermont en 1095 auquel participent surtout des eveques francs. Un des canons du concile promet l'indulgence pleniere, c'est-a-dire la remise de la penitence imposee pour le pardon des peches (et non la remission des peches) a ceux qui partiront delivrer Jerusalem. Pour clore le concile, au cours d'un celebre preche public le , Urbain appelle aux armes toute la chretiente . Il evoque les ≪ malheurs de chretiens d'Orient ≫. Il appelle les chretiens d'Occident a cesser de se faire la guerre et a s'unir pour combattre les ≪ paiens [ref. necessaire]  ≫ et delivrer les freres d'Orient. Il ne cache pas les souffrances qui attendent les pelerins [ 19 ] . A cet appel lance directement aux chevaliers sans passer par les rois, la foule enthousiaste repond : ≪  Deus lo volt  ≫ (Dieu le veut) et decide de prendre la croix, c'est-a-dire fait vœu d'aller a Jerusalem. Le signe de ce vœu est une croix de tissu, symbole de renoncement et d'appartenance a la nouvelle communaute des pelerins en armes dotes de privileges. On appelle ceux qui la portent les cruce signati [ N 1 ] .

≪ Saint Urbain II prechant la croisade ≫, v. 1455-1460
Croises (Larousse 1922)

Urbain II essaie alors de temperer l'enthousiasme que son appel a suscite et qu'il juge deraisonnable : les clercs ont interdiction de partir sans le consentement de leur superieur, les jeunes maris sans celui de leur femme et les laics sans celui d'un clerc. Urbain II reste dix mois de plus en Francie occidentale pour y precher la croisade. Son appel s'adresse surtout a son milieu d'origine, la noblesse franque du Sud de la Loire. Mais a l' , les contingents reunis depassent largement ce cadre [ 20 ] . Godefroy de Bouillon , duc de Basse-Lotharingie et son frere Baudouin de Boulogne ont rejoint l'expedition, ainsi que le frere du roi, Hugues de Vermandois, Robert Courteheuse et Etienne de Blois . Bohemond , fils aine de Robert Guiscard, decide lui aussi de se ≪ croiser ≫. Le depart est fixe au .

Le succes considerable, qui parait peu explicable dans l'etat d'esprit actuel du moins, pourrait avoir, disent certains, des explications materielles : le mouvement de paix et le resserrement des liens vassaliques limitent les possibilites d'aventure en Occident. En partant en croisade, le chevalier peut ainsi garder sa possibilite de salut sans renoncer pour autant au metier des armes [ 21 ] . Il convient toutefois d'observer que le depart en croisade est tres couteux, certains croises vendent leurs biens pour s'equiper a cette fin et subissent un prejudice grave du fait de leur longue absence. Jacques Heers precise dans L'islam cet inconnu que les croises ≪ quittaient leurs biens et leurs familles pour se mettre au service de Dieu ≫ [ref. necessaire] .

Croisades populaires

Avant le depart des armees officielles, s'engagent des pauvres en meme temps que les chevaliers et les princes de l'Occident chretien. Enflammee par des predicateurs marginaux ou illumines, cette cohorte populaire est d'autant plus galvanisee que ces predicateurs charismatiques vivent proche des gens modestes et defavorises [ 22 ] . Ainsi s'explique le depart des croisades populaires qui, en echappant au moins partiellement aux autorites ecclesiastiques et leur concession d' indulgences aux combattants, se revelent subversives [ 23 ] .

Pierre l'Ermite

De nombreux predicateurs populaires relaient l'appel de la croisade. Le plus connu est Pierre l'Ermite . Beaucoup attendant l' Apocalypse partent sans espoir de retour avant la date officielle fixee par le pape. Pierre l'Ermite commence sa predication dans le Berry , puis l’ Orleanais , la Champagne , la Lorraine et la Rhenanie , emmenant dans son sillage quinze mille pelerins, encadres par des nobles et des chevaliers dont Gautier Sans-Avoir . Arrive a Cologne le , il continue de precher aupres des populations germaniques, tandis que Gautier Sans-Avoir conduit les pelerins en direction de Constantinople [ 24 ] .

Massacre de Juifs a Metz pendant la Premiere croisade , A. Migette (1802-1884), Musees de la Cour d'or .
Pogroms

Des bandes parties de Rhenanie s'acharnent au depart sur les communautes juives des villes rhenanes, cherchant a les convertir de force. Le refus du bapteme est, pour le peuple, considere comme une insulte a Dieu pouvant attirer sa colere sur les hommes [ 25 ] . Presents depuis des siecles, les Juifs deviennent soudain des etrangers et des assassins du Christ qu'il convient de punir avant de delivrer les lieux saints comme Jerusalem [ 26 ] . Peut-etre douze mille Juifs ont-ils peri en 1096 [ 27 ] . Certains eveques protegent la communaute de la ville [ 28 ] , [ 29 ] . Le pape condamne ces violences. Il ne semble pas que Pierre l’Ermite ait appele a persecuter les Juifs, mais les terreurs creees par les pogroms commis en Germanie lui permettent d'obtenir des communautes juives des regions qu’il traverse le ravitaillement et le financement des croises.

En chemin

Ayant persuade un certain nombre de Germaniques a partir, Pierre l'Ermite quitte Cologne a la tete d’environ douze mille croises le et traverse le Saint-Empire et la Hongrie en suivant le Danube. Sur le chemin, les troupes dirigees par Pierre l'ermite se livrent a des confrontations locales dans Belgrade et dans le faubourg de Constantinople , incapables de s'acheter par leur propres moyens leur nourriture. Les groupes partis du Nord de Francie occidentale et de Rhenanie en , arrivent sans trop de difficultes a Constantinople quelques mois plus tard. Mais la plupart des groupes germaniques ne sont jamais arrives a Constantinople, aneantis ou disperses par les troupes hongroises [ 28 ] .

Voyage des chevaliers vers Jerusalem

Les differentes routes de la I re croisade.

Quatre armees de chevaliers partent a la date prevue. Celle de la Francie du Nord et de la Basse-Lorraine, conduite par Godefroy de Bouillon suit la route du Danube. La deuxieme armee venant des regions du Sud de la Francie, dirigee par le comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, et le legat du pape, Adhemar de Monteil passe par la Lombardie , la Dalmatie et le Nord de la Grece . La troisieme, d'Italie meridionale, commandee par le prince normand Bohemond gagne Durazzo par mer. La quatrieme, de la Francie centrale, dont les chefs sont Etienne de Blois et Robert de Normandie, passe par Rome [ 30 ] .

Si les premieres arrivees se passent bien, au fur et a mesure que les troupes croisees arrivent, les incidents se multiplient. Les croises se livrent a des pillages et a des violences [ 31 ] . L'empereur Alexis I er Commene cherche a obtenir un serment d'allegeance de la part des chefs croises, et a rendre a l'empire toutes les terres qui lui appartenaient avant l'invasion turque. La plupart acceptent [ 32 ] . Les croises assiegent Nicee qui est rendue en aux Byzantins. Ils battent plusieurs emirs turcs en marchant a travers l' Anatolie , traversent le Taurie, parviennent en Cilicie et mettent le siege devant Antioche le [ 33 ] .

Godefroy de Bouillon dans son chateau roulant a l'assaut de Jerusalem

Mais, les croises manifestent de plus en plus d'ambitions territoriales pour leur propre compte. Baudouin de Boulogne aide l'armenien Thoros a secouer la tutelle turque a Edesse et devient son heritier. Le siege d'Antioche est long et difficile. Les croises developpent un fort ressentiment contre les Byzantins qu'ils accusent de double jeu avec les Turcs. Bohemond reussit a faire promettre aux combattants qu'il prendrait possession de la ville, s'il y entrait en premier et si l'empereur byzantin ne venait pas lui-meme prendre possession de la ville. Grace a une complicite interieure, il parvient a entrer dans la ville. Aussitot les assiegeants se retrouvent assieges par les Turcs et subissent un siege tres eprouvant. L'armee de secours, dirigee par Bohemond parvient a vaincre les Turcs sans l'aide de l'empereur. Les croises s'estiment delies de leur serment de leur fidelite et gardent la ville pour eux [ 34 ] .

Pendant l'ete, les chefs croises prennent le controle des places-fortes dans les regions voisines d'Antioche. L'historien arabe Ibn Al Athir rapporte que de nombreux actes de barbarie ont ete perpetres par de tres nombreux croises fanatises. C'est le cas lors de la prise de Maara (Maarat al'Nouman) ou la population est massacree malgre la promesse de Bohemond de laisser la vie sauve a ses habitants. ≪ A l'aube, les Franj arrivent : c'est le carnage. Pendant trois jours ils passerent les gens au fil de l'epee ≫ [ 35 ] .

Les Croises attaquent Jerusalem, Godefroy de Bouillon est blesse, Episodes in Gerusalemme liberata by Torquato Tasso , XVII e .

Mais le plus terrifiant reste ces actes de cannibalisme rapportes par le chroniqueur franc Raoul de Caen ≪ A Maara, les notres faisaient bouillir des paiens adultes dans les marmites, ils fixaient les enfants sur des broches et les devoraient grilles ≫ ou par un autre chroniqueur franc Albert d'Aix  : ≪ Les notres ne repugnaient pas a manger non seulement les Turcs et les Sarrasins tues mais aussi les chiens [ 36 ]  ! ≫ Le supplice de la ville de Maara ne prend fin que le (soit environ un mois apres la prise de la ville), lorsque des centaines de Franj armes de torche parcourent les ruelles, mettant le feu a chaque maison. Ce terrible episode contribue a creuser entre les Arabes et les Franj un fosse que plusieurs siecles ne suffisent pas a combler. Les populations paralysees par la terreur ne resistent plus et les emirs syriens s'empressent d'envoyer aux envahisseurs des emissaires charges de presents pour les assurer de leur bonne volonte, leur proposer toute l'aide dont ils auraient besoin.

L'armee ne prend la route de Jerusalem qu'en [ 37 ] . Les chretiens syriens indiquent la route la plus sure aux chevaliers latins. Ils descendent le long de la cote, prenant plusieurs villes. Ils prennent Bethleem le 6 juin et assiegent Jerusalem le lendemain. Par une ironie de l'histoire, les Arabes du vizir fatimide Iftikhar al-Dawla avaient entretemps repris la ville aux Turcs en . Les croises manquent d'eau, de bois, d'armes et ne sont pas assez nombreux pour investir la ville. Une expedition a Samarie et l'arrivee d'une flotte genoise a Jaffa leur fournissent tout ce qui leur manque.

Jerusalem est prise le apres un assaut de deux jours. Une fois les croises entres dans la ville, de nombreux habitants furent tues jusqu'au matin suivant. Le bilan humain varie selon les sources : pour les auteurs chretiens, 10 000 morts, pour les musulmans, de 30 000 a 50 000. Le gouverneur de Jerusalem s'etait barricade dans la Tour de David , qu'il donna a Raymond en echange de la vie sauve pour lui et ses hommes. Ils purent se rendre a Ascalon avec la population civile musulmane et juive survivante.

Creations des Etats latins d'Orient

Carte des Etats latins d'Orient . En jaune clair, le royaume de Jerusalem vers 1100; en orange la principaute d'Antioche et entre les deux le comte de Tripoli.

Un certain nombre de pelerins apres avoir accompli leurs devotions prirent le chemin de retour. Ils ont delivre Jerusalem, et donc accompli leur vœu. D'autres croises s'appreterent a rester en Orient. Godefroy de Bouillon fut elu par les siens comme prince de Jerusalem. Godefroy n'a joue aucun role decisif pendant la croisade mais les barons prefererent ce conciliateur sans ambition a l'impetueux et intransigeant Raymond de Saint-Gilles designe par le pape comme chef militaire de la croisade [ 38 ] . Il refusa d'etre nomme roi de Jerusalem. Il dit : ≪ Je ne porterais pas une couronne d'or, la ou le Christ porta une couronne d'epines ≫ . Il prit alors le titre d'Avoue du Saint-Sepulcre, soit advocatus Sancti Sepulchri , reservant les droits eminents du nouvel Etat a l'Eglise. En septembre, il resta seul dans ses nouvelles possessions avec seulement trois cents chevaliers et deux mille pietons. Les etablissements francs etaient tres isoles les uns des autres et mal relies a la mer [ 39 ] . Jerusalem devint la capitale du royaume latin de Jerusalem qui s'etendait jusqu'a la mer Rouge et a l' isthme de Suez . Repeuplee de chretiens, elle etait le siege des ordres militaires du Temple de Jerusalem et de l'hopital de Saint-Jean, ainsi qu'un site actif de pelerinage. Jerusalem devint alors une cite romane. Le Saint-Sepulcre fut reconstruit en 1149. Une citadelle fut edifiee, dite tour de David [ 40 ] . Chretiens d'Orient et Latins cohabiterent sans trop de difficultes.

En Occident, la nouvelle de la prise de Jerusalem provoqua le depart de nouvelles armees depassant parfois le millier d'hommes. Mais faute d'ententes, ces croisades echouerent toutes en Anatolie, face aux Turcs qui avaient provisoirement refait leur unite. La mer devint alors le seul moyen de communication avec l'Occident. L'archeveque Daimbert de Pise , arrive a Jaffa avec cent vingt bateaux, se fit nommer patriarche latin de Jerusalem, et suzerain de la principaute d'Antioche et du royaume de Jerusalem, se fit attribuer un quart de Jerusalem et la totalite de Jaffa. Godefroi, de son cote promit aux Venitiens qui venaient de prendre Haifa, le tiers de toutes les villes qu'ils aideraient a conquerir [ 41 ] . Des contingents, norvegiens, arrives eux aussi par bateau aiderent egalement les croises etablis en Terre sainte a occuper les villes de la cote [ 30 ] .

Quelques mois plus tard, apres la mort de Godefroi, son frere Baudouin, comte d'Edesse , se fit couronner Roi de Jerusalem par le patriarche latin de la ville. Il etendit le royaume de Jerusalem par les conquetes d' Arsouf , de Cesaree , de Beyrouth et de Sidon . De son cote, Raymond de Toulouse fit la conquete, avec l'aide de Genes du comte de Tripoli [ 42 ] . Les marchands italiens, d'abord reticents a l'idee d'une aventure guerriere risquant de deteriorer leurs relations commerciales avec l'Orient, commencerent a voir dans les croisades un moyen d'elargir le champ de leurs activites et d'acheter les produits d'Orient a leur source, sans passer par l'intermediaire des musulmans ou des Byzantins [ 43 ] .

A partir de 1128, l'Islam reprit l'initiative autour des souverains de Mossoul , l' atabeg Zengi . Le pape Calixte II songea a organiser une nouvelle croisade pour secourir les Latins d'Orient mais son appel demeura sans suite. Cependant, durant tout le XII e  siecle, des pelerins, individuellement ou en groupe, accomplirent le pelerinage vers Jerusalem et secoururent les Francs [ 30 ] . Zengi parvint a reprendre Edesse .

La deuxieme croisade (1146-1149)

Bernard de Clairvaux prechant la 2 e croisade , a Vezelay , en 1146 (par Emile Signol )

L'initiative de la croisade revient au roi Louis VII . Il desirait se rendre en pelerinage a Jerusalem pour expier ses fautes [ 44 ] . En particulier, un crime dont le souvenir le tourmentait : l’incendie de l'eglise de Vitry-en-Perthois dans laquelle plus de mille personnes trouverent la mort [ 45 ] . Il obtient du pape la nouvelle promulgation d'une bulle de croisade, jusque-la sans effet. La predication revient a Bernard de Clairvaux a Vezelay le puis a Spire . En Germanie, la predication populaire d'un ancien moine cistercien provoque une nouvelle flambee de violence contre les Juifs que Bernard de Clairvaux parvient a stopper [ 46 ] .

L'echec de la deuxieme croisade

Les armees franques et germaniques reunissent plus de 200 000 croises, dont une bonne part d'elements populaires particulierement indisciplines et prompts a la violence, principalement dans l'armee de Conrad III , l'empereur germanique. Une grande partie n'est pas composee de soldats mais de civils : des gens pauvres, qui se sont croises pour se faire pardonner leurs peches et assurer leur salut dans la vie eternelle. Il n'est donc guere surprenant que l'empereur germanique ait eu peu de controle sur une telle armee. Conrad III part de Ratisbonne en suivant la rive du Danube en direction d’Edesse. Les Francs, ayant a leur tete Louis VII, partent de Paris un mois plus tard, soit en , par le meme chemin que les troupes germaniques. L’indiscipline dans l’armee germanique provoque des incidents dans les Balkans .

Etats croises du Proche-Orient en 1140

A Constantinople, l’empereur byzantin Manuel I er Comnene souhaite retrouver sa suzerainete sur Antioche et demande aux deux souverains de lui preter hommage. Conrad III et Louis VII refusent. Ils perdent donc l’appui et l’aide des Byzantins qui refusent de les approvisionner, ce qui a pour consequence de compliquer la traversee de l’Asie Mineure. L'empereur de Constantinople, soucieux de voir les importants effectifs croises aux portes de sa cite, les presse de franchir le Bosphore pour rejoindre l'Asie.

Alors que les armees byzantines sont occupees a surveiller les croises, Roger II de Sicile en profite pour s'emparer de Corfou , de Cephalonie et pour piller Corinthe et Thebes . C'est l'amiral Georges d'Antioche, emir des emirs, c'est-a-dire premier ministre de Roger II, qui, bien que syrien et orthodoxe, commande la flotte sicilienne operant les ravages sur les rivages byzantins. La deuxieme croisade favorise donc les ambitions normandes dans l'Empire byzantin. Manuel I er Comnene se resigne a signer un traite avec le sultan de Roum [ 47 ] .

Les relations s'enveniment entre Francs et Germaniques, qui decident de cheminer separement. L’armee de Conrad est battue a Dorylee . Conrad se reconcilie avec Manuel qui lui propose des vaisseaux byzantins qui les emmenent a Acre. Louis VII et son armee suivent le littoral, mais harceles dans la vallee du Meandre , ils abandonnent les non-combattants a Antalya . Ces derniers, prives de protection militaire, sont massacres par les Turcs. A ce moment de l’expedition, les trois quarts des effectifs partis d'Europe ont disparu.

Louis VII embarque avec ses chevaliers vers Antioche. Raymond de Poitiers , prince d'Antioche, lui propose une expedition contre Alep, qui menace ses possessions. Mais il ridiculise Louis VII en ayant une aventure avec sa niece Alienor d'Aquitaine , epouse du roi [ 48 ] . Louis VII soucieux de realiser son pelerinage, peu enclin a ecouter son rival et ignorant les realites militaires des Etats latins d'Orient, refuse. Il rejoint donc Conrad a Jerusalem. Leur pelerinage termine, certains repartent en Europe ; les deux souverains se laissent entrainer par les barons de Jerusalem dans une expedition contre, non pas Edesse comme prevu, mais Damas . Les croises abandonnent le siege au bout de quatre jours ( - ). La deuxieme croisade se termine sans aucun resultat. Le prestige de Louis VII est fortement entame. L’echec de cette deuxieme croisade est attribue par l’opinion populaire aux exces de peches des croises. L'echec de la deuxieme croisade est meme reproche a Bernard de Clairvaux car il avait preche une croisade de penitence sans se soucier de son organisation [ 49 ] .

Saladin et la chute du premier royaume de Jerusalem

Siege de Jerusalem, copie v. 1175.

Les atabeks de Mossoul ont remis a l'honneur le theme du djihad et etendent leur controle de la Syrie. Nur-al-Din , le fils de Zengi, s'assure le controle definitif d'Edesse [ 50 ] . Les chefs des Etats latins sont obliges de s'allier avec l'empire byzantin. Les vizirs fatimides se maintiennent en faisant appel soit aux Francs, soit aux Syriens [ 51 ] . Finalement Saladin , qui est un kurde a l'esprit religieux, parvient a devenir vizir du dernier fatimide et, a la mort de celui-ci, devient lieutenant de l'atabek pour l'Egypte et retablit le sunnisme (1169), realisant ainsi l'union de la Syrie et de l'Egypte.

Saladin attaque les positions franques [ 52 ] . Il cherche a isoler les Latins. il conclut pour cela des alliances avec les Seldjoukides en 1179, avec l'Empire byzantin et Chypre en 1180. En effet, l'Empire byzantin est menace en Europe par les Hongrois, les Serbes et les Normands de Sicile et n'a plus les capacites de soutenir ses anciens allies.

Une treve avec les Latins est cependant conclue en 1180. Elle est renouvelee en 1185. Saladin en profite pour s'assurer le controle d'Alep et de Mossoul. En meme temps, de graves dissensions internes minent le royaume de Jerusalem.

Renaud de Chatillon execute par Saladin

Le roi Baudouin IV de Jerusalem est tres malade ? il est lepreux . La classe dirigeante se dechire sur sa succession. Le royaume de Jerusalem, menace, ne peut compter sur aucun secours exterieur. A la mort de Baudouin, Sibylle , sœur du roi defunt, et son mari Guy de Lusignan sont couronnes. Raymond III , comte de Tripoli, decu d'etre ecarte, demande l'aide de Saladin. Celui-ci refuse dans un premier temps car il vient de renouveler la treve avec le royaume. Mais Renaud de Chatillon , un seigneur brigand, pille une caravane arabe se rendant a Damas en 1187 et refuse, malgre l'ordre du nouveau roi, de rendre le butin. Saladin proclame la guerre sainte [ 53 ] .

Lors de la bataille de Hattin , les chevaliers francs sont presque tous captures et ne sont delivres qu'en echange d'une rancon ou de leurs chateaux [ 54 ] . Renaud de Chatillon, deux cents Templiers ou Hospitaliers sont tues. Les sergents ou pietons sont massacres ou vendus comme esclaves. Saladin prend l'une apres l'autre les places fortes de l'interieur. Il autorise le depart contre rancon d'une partie des combattants et des habitants vers Tyr pour embarquer vers l'Europe, le reste de la population est livree a l' esclavage . A Jerusalem, Balian d'Ibelin obtient de Saladin une capitulation honorable permettant le rachat d'un tiers de la population le (environ 10 000 habitants sont livres a la deportation et l'esclavage [ 17 ] [ref. necessaire] ).

Les proclamations triomphales envoyees a travers le monde musulman y consacrent la gloire du vainqueur [ 55 ] . Les etablissements sont alors reduits a Tyr et a Beaufort pour le royaume de Jerusalem et a Tripoli, au krak des Chevaliers , a Antioche et a Margat au nord [ 54 ] .

La troisieme croisade (1189-1192)

Richard Cœur de lion . Peinture de Merry-Joseph Blondel , 1841

Quand la nouvelle de la prise de Jerusalem par Saladin parvient en Occident, le pape Gregoire VIII lance des appels a une nouvelle croisade et a la paix. Richard de Poitou , futur Richard Cœur de Lion , prend la croix le premier, bientot suivi par son pere, Henri II d'Angleterre et par le roi de France, Philippe Auguste . Dans le meme temps, la flotte navale de Guillaume II de Sicile fait voile vers les avant-postes de Tripoli , Antioche et Tyr et assure le ravitaillement des dernieres places fortes en armes et en hommes [ 56 ] . Le meme mois, l'empereur Frederic I er Barberousse quitte Ratisbonne avec la plus grande armee croisee jamais rassemblee, au moins 20 000 chevaliers. Il suit la route terrestre.

L'hostilite entre Byzantins et croises germaniques est tres importante et Barberousse menace de marcher sur Constantinople. Sous la pression, l'empereur Isaac Ange signe la paix et s'engage a faire traverser le detroit a l'armee germanique. Alors que la traversee de l'Anatolie s'acheve, Barberousse se noie accidentellement le dans les eaux du fleuve Saleph, (actuellement Goksu , ≪ eau bleue ≫ en Asie Mineure ) et une grande partie de ses troupes retourne en Europe . Quelques centaines de chevaliers germaniques seulement parviennent a Acre.

Un conflit franco-anglais retarde le depart des rois des deux royaumes jusqu'en 1190. Embarquant a Genes et a Marseille , les troupes de croises hivernent en Sicile ou ils se disputent sur de nombreux sujets politiques et personnels [ 56 ] . La prise de Chypre par le roi d'Angleterre assure aux croises une base proche du lieu des conflits [ 57 ] .

Saladin a l'assaut de Jaffa , Bibliotheque de l'Arsenal

En Terre sainte, le roi de Jerusalem Guy de Lusignan a commence a assieger Saint-Jean-d'Acre avec une petite troupe en [ 56 ] . Les deux souverains arrivent a Acre avec la plus grande armee franque jamais reunie. Les troupes de Saladin la tiennent a leur tour dans un demi-siege prejudiciable a ses communications et a son ravitaillement. Mais Saladin ne parvient pas a briser l'encerclement d'Acre et les Francs reprennent la ville aux musulmans le apres deux ans de siege.

L'echec des musulmans tient en partie a leur mode de combat, inadapte a celui de l'armee franque, mais surtout a la lassitude des troupes musulmanes. Les allies et les vassaux avaient ete contraints d'amener des contingents, mais la campagne avait ete trop longue et n'avait meme pas la perspective d'un butin compensateur [ 55 ] .

Les reconquetes chretiennes de la troisieme croisade.

Apres la prise d'Acre, Philippe Auguste retourne en France [ 58 ] . Richard Cœur de Lion, reste seul, bat les musulmans a Arsouf . Arrive a Jaffa en septembre, il passe l'annee en Palestine du sud, periode durant laquelle il fait reconstruire Ascalon pour fortifier les frontieres meridionales du royaume de Jerusalem . Il force l'admiration de l'ennemi par ses prouesses.

Par deux fois (en puis en ), il parvient a quelques kilometres de Jerusalem, mais ne peut reprendre la ville. En effet, il ne peut penetrer trop longtemps a l'interieur des terres sous peine de voir ses communications coupees. Il s'occupe aussi de regler les problemes dynastiques du royaume de Jerusalem. Guy de Lusignan , dont la femme etait decedee, conserve le titre royal qui doit revenir a sa mort a Isabelle, l'heritiere du trone, et a son epoux Conrad de Montferrat . Apres avoir signe un traite par lequel Saladin renonce a eliminer les colonies franques de Syrie, il repart pour l'Angleterre en mais, capture par Leopold V de Babenberg , duc d'Autriche il est emprisonne pendant un an et demi.

La troisieme croisade a empeche la chute de la Syrie franque et permis l'etablissement d'un second royaume de Jerusalem, en fait royaume d'Acre, reduit a une frange cotiere ou les communautes marchandes italiennes jouent un role considerable [ 59 ] . Les souverains anglais et francais se detournent desormais de la croisade. Pour les chevaliers, elle devient une sorte de rite de passage et une institution. En 1194, l' ordre des Trinitaires est fonde par Jean de Matha pour le rachat des captifs prisonniers des musulmans. Il est plus tard confirme par le pape Innocent III dans la bulle Operante divine dispositionis .

L'empereur Henri VI , fils de Frederic Barberousse et maitre du royaume de Sicile veut reprendre la croisade a son compte dans le but d'imposer sa suzerainete a l'empereur byzantin et aux royaumes nouvellement institues de Chypre et d' Armenie . Il lance l'appel a la Croisade a Bari en 1195 ; les Allemands se rassemblent en Italie du sud au cours de l'ete et debarquent a Acre en . Ils prennent Sidon et Beyrouth et retablissent la continuite territoriale entre Acre et Tripoli, mais leur armee se disperse immediatement apres l'annonce de sa mort, survenue a Messine le .

Les croisades du XIII e  siecle, deviation et impuissance

Sultanat de Roum et Empire latin de Constantinople vers 1210.
L'Entree des croises a Constantinople , huile d' Eugene Delacroix (1840)
L'empereur Frederic II et le sultan Muhammad al-Kamil .

Les annees entre 1187 et 1204 marquent un tournant dans l'histoire de l'Orient latin :

  • l'arbitrage des rois de France et d'Angleterre a propos de la rivalite entre Guy de Lusignan et Conrad de Montferrat pour le trone cree un precedent qui sera reitere par la suite : avant le roi etait un souverain dont l'accession par les barons du royaume ; apres, il sera souvent designe par la cour de France. Cette evolution amene l'affaiblissement du pouvoir royal devant les autres puissances du royaume, jusqu'a sa disparition vers 1240.
  • la perte de l' hinterland , conquise par Saladin, transforme les Etats latins d'Orient en Etats cotiers. Avant, la puissance etait une puissante terrienne, tenue par la noblesse, apres, la puissance sera commerciale, tenue par les marchands et les representants des republiques italiennes.
  • La conquete de Chypre et la creation du royaume de Chypre fournissent un refuge possible aux latins d'Orient et des domaines sont distribues aux nobles qui ont perdu une partie de leur domaines palestiniens. Mais ces nobles, possedant a la fois des domaines chypriotes et palestiniens, vont le plus souvent se consacrer a ceux de Chypre, qui leur rapportent des revenus et delaisser ceux de Palestine qui les obligent a des efforts de defense, ce qui va diminuer les forces defensives du royaume de Jerusalem, et finalement un refus de la noblesse chypriote a combattre hors du royaume.
  • Enfin, l'ouverture de nouvelles cibles pour les croisades (Constantinople - 1204, Albigeois - 1209…) a pour effet immediat la diminution du nombre de croises qui viennent en Orient : l' empire latin de Constantinople offre plus de domaines a acquerir que la Terre sainte, et le voyage en Albigeois represente un moindre cout pour un benefice spirituel identique.

La quatrieme croisade (1202-1204)

La quatrieme croisade est appelee par le pape Innocent III en 1202. Des le debut de son pontificat, il souhaite lancer une nouvelle croisade vers les lieux saints d'inspiration purement pontificale. Il forge l'idee de ≪ croisades politiques ≫ qui sera reprise par ses successeurs. Il leve le premier des taxes pour financer les croisades et exprime le premier le droit a ≪ l'exposition de proie ≫, c'est-a-dire le droit pour le pape d'autoriser les catholiques a s'emparer des terres de ceux qui ne reprimeraient pas l'heresie [ 60 ] .

La prise de Constantinople par les croises

La croisade est prechee en France par le legat Pierre de Capoue et le cure de Neuilly-sur Marne , Foulques de Neuilly , avec beaucoup de succes aupres de la noblesse champenoise [ 61 ] . Elle est dirigee par le marquis Boniface de Montferrat .

Mais la IV e croisade ne prend pas le tour prevu par le pape. Les croises traitent avec Venise. Ils louent une flotte pour 85 000  marcs d'argent pour transporter 4 500 chevaliers, 9 000 ecuyers et 20 000 fantassins. Les croises, qui ne peuvent pas payer leurs voyages aux armateurs venitiens, sont detournes par eux a Zara (Zadar) sur la cote dalmate qu'ils assiegent et prennent pour le compte de Venise . Le pape excommunie les croises et Venise mais leve tres vite l'excommunication pour les croises [ 62 ] . Philippe de Souabe , beau-frere d' Alexis Ange , fils de l'empereur byzantin dechu Isaac II , promet l'aide de l'Empire byzantin pour la croisade si Isaac est retabli dans son trone [ 63 ] . Ceci est fait en 1203 apres un premier siege de Constantinople. Mais Isaac II et son fils devenu Alexis IV sont renverses par le parti antilatin de la ville, dirige par Alexis Murzuphle . Les croises s'emparent alors de la cite pour leur compte en 1204. Enrico Dandolo fait designer Baudouin de Flandre comme empereur d'Orient. Innocent III accepte le fait accompli se satisfaisant des promesses d'union des Eglises et de soutien aux Etats latins d'Orient. Innocent III espere tirer parti des divisions byzantines pour retablir l'unite de l'Eglise [ 64 ] Mais, informe des exces des croises, il parle le premier de detournement de la croisade et accuse les Venitiens. Le concept de deviation est donc contemporain de la quatrieme croisade [ 65 ] .

Les responsabilites

Si Innocent III est a l'origine du devoiement de l'idee de croisades, la responsabilite de Venise est ecrasante dans la prise de Constantinople. La republique utilise au mieux les circonstances pour servir ses interets. Depuis 1082, elle a obtenu dans l'Empire byzantin des privileges commerciaux immenses qui ont presque sans arret ete renouveles. Mais elle se sent menacee par la concurrence commerciale de Genes et de Pise qui ont obtenu des avantages semblables, par la piraterie que l'Empire byzantin ne reprime pas et par l'hostilite de plus en plus grande des Grecs. En 1172 et 1182, des emeutes anti-latines ont abouti au massacre et a l'expulsion de marchands italiens.

Attaque de toute part, l'Empire est en voie de desagregation. La conquete de Constantinople permettrait aux Venitiens de circuler dans la mer Noire , jusqu'alors interdite aux etrangers. Les interets economiques de Venise la poussent a vouloir dominer Constantinople [ 66 ] . Le doge Enrico Dandolo dispose de moyens de pression considerables : les creances des croises, le ≪ bon droit ≫ d'Alexis IV et les immenses richesses dans la vieille capitale.

En fait, l'empire venitien sera l'etablissement le plus durable de ceux issus de la quatrieme croisade [ 67 ] . A Venise, echoit un quartier entier de Constantinople, les ports de Coron et de Modon au sud du Peloponnese et la Crete qui fournit a partir du XIV e  siecle, le bois, le ble et les denrees agricoles. Les iles grecques ou se sont installees de familles venitiennes restent plus ou moins dans la mouvance de la Serenissime [ 68 ] .

La deviation de l'idee meme de croisade et le pillage de Constantinople chretienne transforment les ordres militaires en puissances financieres et, par la meme, politiques [ 69 ] .

La cinquieme croisade (1217-1221)

Innocent III , v. 1332-50.

La cinquieme croisade est precedee de la croisade des enfants declenchee simultanement dans la region parisienne, en Rhenanie et dans le nord de l'Italie, peu apres l'emotion suscitee, a la Pentecote 1212, par les processions ordonnees pour aider a la victoire sur les Sarrasins d'Espagne. A la suite d'une vision, le jeune Berger Estienne de Cloyes-sur-le-Loir rassemble des pelerins et les mene vers Saint-Denis pour y rencontrer le roi Philippe Auguste . A la meme epoque, d'autres groupes partent de Germanie et se rendent vers les ports de Genes et de Marseille . Les chroniqueurs mentionnent que certains reussirent a embarquer et qu'ils sont vendus comme esclaves ou bien meurent de faim pendant le voyage. Certains reussissent a gagner Rome . L'empereur Frederic II fait pendre quelques-uns des trafiquants marseillais compromis dans l'affaire. Malgre un nom (croisade des enfants) qui vient de traductions incertaines et de documents tardifs, ce mouvement affecte peu de veritables enfants ; les participants sont surtout de pauvres gens desireux de donner une lecon aux chretiens plus favorises, chez qui l'idee de croisade s'emoussait [ 70 ] .

Le delta oriental du Nil

Dans le meme temps, Innocent III essaie de convaincre le sultan d'Egypte de restituer Jerusalem aux chretiens, pour que la paix s'installe entre musulmans et chretiens. La construction d'une forteresse musulmane sur le mont Thabor , bloquant Acre, le decide a precher la croisade [ 30 ] au quatrieme concile de Latran en 1215. Les armees de la Hongrie , de l' Autriche et de la Baviere s'attaquent d'abord a la forteresse du Mont-Thabor. Puis le , l'armee des croises mouille sa flotte devant Damiette , port situe sur la grande branche oriental du Nil et gardant la route du Caire .

Alors que la ville est assiegee, saint Francois d'Assise et un de ses disciples se presentent a l'armee musulmane. Ils sont arretes comme espions. Ils n'ont la vie sauve que grace au sultan d'Egypte [ 71 ] . Apres un long siege, les croises s'emparent de Damiette le . Apres le saccage de la ville, le legat du pape Pelage Galvani les persuade d'attaquer Le Caire . Arrives pres de la ville de Mansourah , ils se retrouvent bloques par les eaux du Nil que le sultan ayyoubide Al-Kamil a laisse se repandre dans la plaine en ouvrant les digues de protection ; les croises doivent capituler sans conditions. Avant de rembarquer, ils retrocedent Damiette.

La sixieme croisade (1228-1229)

Lors de son couronnement a Aix-la-Chapelle en 1220, Frederic II promet au pape de partir en croisade. Mais dans l'Empire, il doit faire face a la resistance des communes lombardes en 1225-1226 et tarde a accomplir son vœu. Entretemps, les croises deja arrives en Orient, apres avoir restaure quelques places fortes, commencent a repartir pour l'Occident. Or, la papaute cherche a desserrer l'etau que fait peser l' empereur du Saint-Empire sur ses Etats pontificaux en eloignant l'ambitieux souverain [ 72 ] . Frederic est donc excommunie par Gregoire IX en 1227 pour ne pas avoir honore sa promesse de lancer la sixieme croisade . Il embarque a Brindisi pour la Syrie l'annee suivante alors que son excommunication n'est pas levee. Sa breve croisade se termine en negociations et par un simulacre de bataille avec le sultan Malik Al-Kamil ≪ le Parfait ≫, avec qui des liens d'amitie s'etaient tisses, et par un accord, le traite de Jaffa en 1229. Il recupere sans combattre les villes de Jerusalem (ou le Temple restait aux musulmans), de Bethleem et de Nazareth . Il est ensuite couronne roi de Jerusalem le .

Alors que Frederic II est parti en Orient pour respecter sa promesse de se croiser, le pape lance contre lui une armee financee par une taxe sur les revenus du clerge et les reliquats des sommes prelevees pour la croisade des albigeois [ 60 ] . L'Orient latin est remis en selle pour une dizaine d'annees.

En 1237, une nouvelle croisade est lancee par le pape Gregoire IX . Cette ≪  croisade des barons  ≫ est dirigee par le comte de Champagne , le duc de Bourgogne et Richard de Cornouailles . Elle poursuit la tradition des negociations avec les princes musulmans, en exploitant leurs rivalites. Le comte Richard obtient la restitution d'une grande partie du royaume de Jerusalem (1239-1241), completant ainsi l'œuvre de Frederic II [ 30 ] .

Les croisades de Louis IX

Saint Louis et la septieme croisade
Croisade des Pastoureaux en Languedoc , 500 juifs assieges, v. 1380-1400, British Library .
Siege de Saint-Jean-d'Acre , en 1291
Neuvieme croisade

La situation reste confuse en Orient. Les Francs s'allient aux Syriens contre l’Egypte. Les Templiers attaquent l'Egypte en 1243, sont vaincus, et en 1244 les Khwarezmiens (bandes turcomanes au service des Egyptiens) reprennent Jerusalem. Le pape Innocent IV lance un nouvel appel a la croisade. Le roi de France, Louis IX (dit ≪ Saint Louis ≫), et celui de Norvege decident de prendre la croix mais seul Louis IX part accompagne de barons anglais et du prince de Moree . Il part d' Aigues-Mortes en France et debarque a Chypre en 1248. L'armee croisee s'empare de Damiette en 1249 et entreprend la conquete de l'Egypte. Cette campagne est un lourd echec durant lequel Louis IX est capture avec ses hommes en 1250 [ 30 ] . Les succes de l'armee egyptienne, principalement composee des Mamelouks a pour consequence l'arrivee au pouvoir de ces derniers qui massacrent les derniers ayyoubides .

La captivite de Louis IX provoque la croisade des pastoureaux a l'initiative d'un certain Job, ou Jacob ou Jacques, moine hongrois de l' ordre de Citeaux qui pretend avoir recu de la Vierge Marie une lettre affirmant que les puissants, les riches et les orgueilleux ne pourront jamais reprendre Jerusalem , mais que seuls y parviendront les pauvres, les humbles, les bergers, dont il doit etre le guide, un peu dans l'esprit de la precedente ≪ croisades des enfants ≫.

Des milliers de bergers et de paysans prennent la croix, et marchent vers Paris , armes de haches, de couteaux et de batons. Sur la route, les pastoureaux accusent abbes et prelats de cupidite et d'orgueil, et s'en prennent meme a la chevalerie , accusee de mepriser les pauvres et de tirer profit de la croisade. Les juifs sont molestes et certains tues [ 73 ] . Des villes sont pillees. Il s'ensuit une feroce repression et seuls quelques rescapes parviennent jusqu'a Marseille et s'embarquent pour Saint-Jean-d'Acre , ou ils rejoignent les croises.

Pour etre liberes, les prisonniers du sultan d'Egypte doivent verser une lourde rancon et abandonner Damiette. Louis IX sejourne ensuite plusieurs annees en Terre sainte pour mettre en etat de defense les territoires conserves par les Francs. Dans le meme temps, il noue des relations diplomatiques avec le successeur de Gengis Khan , Kubilai , croyant a l'interet d'une alliance pouvant prendre l'Islam a revers [ 74 ] .

Louis IX negocie des treves avec les princes musulmans avant de repartir pour la France en 1254. Cette conciliation est de courte duree. Les Etats latins d'Orient sont de nouveau menaces par les Egyptiens.

Urbain IV appelle a une huitieme croisade. Les croises partent de 1265 a 1272. Ils consacrent leurs efforts a aider les Francs d'Acre a defendre leurs dernieres places. Pour Louis IX, cette huitieme croisade est un pelerinage expiatoire. Il se dirige vers Tunis car il espere convertir au christianisme l'emir hafside al-Mustansir et, peut-etre, faire de la Tunisie une base d'attaque vers l'Egypte mamelouke qui controle alors la Terre sainte. Il apparait tres vite que l'emir n'a aucune intention de se convertir. La dysenterie (ou le typhus ) fait des ravages dans les troupes. Louis IX, touche a son tour, meurt, le a Carthage [ 75 ] . En Orient, Edouard d'Angleterre parvient a amener le sultan a accorder une nouvelle treve aux Latins.

Le deuxieme concile de Lyon , preside par Gregoire X en 1274 decide d'une nouvelle croisade. Mais les hesitations des princes et les lenteurs de la preparation font qu'elle n'a jamais eu lieu. Apres la chute de Tripoli en 1289, Nicolas IV proclame une autre croisade. Mais elle echoue a sauver Acre en 1291 [ 30 ] . A partir de cette date, il n'y a plus d'Etats latins en Orient. Les Latins sont ainsi prives d'une base commerciale importante.

La neuvieme croisade

Les structures de la croisade

Organisation et ideologie de la croisade

L'initiative de la croisade revient le plus souvent au pape, plus rarement a un souverain. Ainsi en 1267, Louis IX se croise de lui-meme apres en avoir informe le pape [ 76 ] . Le pape preche lui-meme la croisade ou en confie la predication a des clercs autorises. Au XII e  siecle, il faut souvent freiner l'ardeur des predicateurs populaires a l'origine de nombreux exces. De la II e a la IV e croisade, la predication de la croisade est confiee a l'ordre cistercien.

Le pelerin recoit des privileges spirituels et materiels constituant le statut du croise. Lors de la premiere croisade, Urbain II promet a celui qui meurt en chemin ou au combat la remission des peches, a ceux qui accomplissent le vœu de croisade l'indulgence pleniere [ 77 ] .

≪ La guerre juste ≫ de Saint Augustin, statue, XV e  siecle

Au IV e  siecle, saint Augustin avait exprime une theorie de la ≪ juste guerre ≫ a laquelle l' Eglise s'etait ralliee. Au IX e  siecle, les papes s'etaient efforces de creer les ≪  milices du Christ  ≫ pour proteger Rome, menacee par la seconde vague d'invasions [ 78 ] . Le pape Jean VIII accordait meme l'absolution a ceux qui etaient prets a mourir pour la defense des chretiens contre les Sarrasins en Italie . A partir de la fin du X e  siecle, l'Eglise s'efforca de christianiser les mœurs guerrieres des chevaliers en leur proposant entre autres de combattre les Sarrasins aux frontieres de la chretiente, en Espagne.

En 1063, dans une lettre envoyee a l' archeveque de Narbonne , le pape ecrivit que ce n'etait pas un peche de verser le sang des infideles [ 79 ] . Ce document innovait en affirmant que prendre part a une guerre utile a l'Eglise etait une penitence comme l' aumone ou un pelerinage [ 80 ] . Le succes n'avait pas ete au rendez-vous, mais l'Eglise autorisait, voire encourageait desormais la defense armee globale des chretiens contre les attaques des musulmans [ 81 ] , et y autorisait la participation des chevaliers francs. Les royaumes frontieres etaient devenus les vassaux du Saint-Siege , atout important dans la lutte des papes contre le Saint-Empire romain germanique [ 82 ] .

A partir d'Innocent III, les canonistes elaborent une doctrine coherente de la croisade. Ils justifient ainsi la guerre sainte , pourtant contraire au message evangelique, en arguant que les infideles ont occupe la Terre consacree par la mort du Christ et maltraite des chretiens. La guerre de conquete et les conversions forcees sont justifiees par l'impossibilite qu'ont les missionnaires chretiens de propager la parole de Dieu en terre musulmane. Il faut donc la conquerir pour pouvoir annoncer l'Evangile. Les canonistes fixent aussi une hierarchie des indulgences suivant le temps passe en Terre sainte : deux ans pour une indulgence pleniere [ 83 ] . Avec le quatrieme concile du Latran, l'indulgence pleniere est etendue a ceux qui contribuent a la construction de bateaux pour la croisade alors que jusque-la seuls les combattants en beneficiaient. C'est un appel direct aux armateurs de villes italiennes [ 30 ] . Les decisions ont comme but d'associer toute la chretiente a l'ideal des croisades et non pas seulement les combattants. Il suffit pour cela d'aider financierement a l'organisation de la cinquieme croisade [ 84 ] . En proposant a tous les fideles de participer a la croisade par la priere, le don ou le combat, le pape inaugure la spiritualisation de la croisade.

Croisade des albigeois , Languedoc

La bulle quantum praedecessores stipule que le croise, sa famille et ses biens sont places sous la protection de l'Eglise. Il est pendant son voyage exempte de taxes, d'aide, de peages. Le paiement de ses dettes est suspendu jusqu'a son retour [ 85 ] . Le pouvoir civil proteste contre cet empietement de l'Eglise qui le prive de soldats et de revenus. D'ailleurs des la premiere croisade, Urbain II precise que le vassal doit obtenir l'aval de son seigneur afin de diminuer les conflits. Apres l'echec de la II e croisade, le statut de croise est le plus souvent attribue a des hommes en armes. Au XIII e  siecle, la croix est donnee a des femmes, des enfants, des vieillards qui doivent alors racheter leur vœu [ 86 ] .

Financement des croisades

Le financement varie lui aussi avec le temps. Lors de la premiere croisade , les croises doivent financer eux-memes leur voyage. Beaucoup gagent des terres aupres des ordres monastiques dont les proprietes foncieres augmentent. La encore, il s'agit d'une entorse au droit feodal car en theorie le fief ne peut revenir qu'au seigneur. Au cours du XII e  siecle, le seigneur en vient a exiger l'aide de ses vassaux. Les rois de France levent des contributions en 1166, 1183 et 1185, un ou deux deniers par livre de biens pour la defense des terres franques en Orient. La dime saladine de 1188 est le veritable premier impot leve sur les biens meubles et les revenus en France et en Angleterre.

Quittance delivree aux officiers du roi par le chevalier Enguerran de Bailleul pour le paiement des gages qu’il a recus a l’occasion de la Croisade, octobre 1270, Archives Nationales - AE-II-278

De son cote l'Eglise passe de la collecte des dons a la taxation. C'est Innocent III qui impose pour la premiere fois le clerge. En 1199, il decide de prelever un quarantieme des revenus de l'ensemble du clerge et un dixieme pour les cardinaux, d'ou le nom de decimes [ 87 ] . Le quatrieme concile du Latran , qu'il preside, decide par ailleurs de frapper les revenus ecclesiastiques d'un impot d'un vingtieme et les biens du pape et des cardinaux d'un impot d'un dixieme [ 88 ] . La decime devient courante au XIII e  siecle. Elle entraine la creation d'une administration financiere specialisee. Ce sont les legats qui en controlent la levee, ainsi que les autres ressources : legs, rachat de vœux, dons assortis d'une indulgence proportionnelle [ 89 ] .

Si dans l'ensemble, les sommes sont consacrees a la croisade, toutefois il y a parfois des detournements. Le reliquat de la decime versee par le clerge francais pour la croisade des Albigeois est meme utilise pour mener la guerre contre Frederic II . Ce ≪ detournement ≫ affaiblit la cause de la croisade.

Acheminement des troupes et ravitaillement

Lors des deux premieres croisades, les croises empruntent la route terrestre et traversent l'Empire byzantin. L'empereur s'engage a assurer des marches approvisionnes le long du parcours [ 90 ] . En terre byzantine, les croises connaissent des problemes de change, les changeurs byzantins leur proposant des taux defavorables. Lors de la traversee de l'Anatolie, il faut prevoir vingt jours de vivres. Mais les attaques des Turcs et le manque d'eau provoquent des pertes considerables parmi les betes et les hommes. De ce fait lors de la troisieme croisade, deux des trois souverains choisissent la voie maritime.

La route maritime est ancienne. Des la fin du XI e  siecle, les pelerins scandinaves et anglais gagnaient la Terre sainte en contournant la peninsule Iberique. D'ailleurs le seul succes de la deuxieme croisade a ete la prise de Lisbonne par des croises anglais et flamands . Au XII e  siecle, Genes , Pise puis Venise commencent a ravitailler les Etats latins et ceci des la fin de la premiere croisade. Les cites maritimes italiennes aident a la prise de ports [ 91 ] . Elles transportent regulierement des pelerins. Lors de la III e croisade, Genes s'engage a assurer le passage de six cent cinquante chevaliers, mille trois cents ecuyers, autant de chevaux et le ravitaillement pour le compte de Philippe Auguste. Au XIII e  siecle, les accords entre les ports italiens et les croises portent plutot sur la location de bateaux [ 92 ] .

Les croisades permettent le developpement de l'activite commerciale des cites italiennes. En echange de l'aide de Genes, les barons francs attribuent aux Genois une part de butin, un quartier ou fondouk, l'exemption des taxes dans les villes conquises. Outre au transport et au ravitaillement des Etats latins, les comptoirs servent de support aux importations en Occident des produits de luxe de l'Orient comme les epices, aux exportations en Orient de draps de laine, d'armes, de bois et de fer. L'Orient devient ainsi le champ des rivalites entre Genes et Venise. Apres la quatrieme croisade et la prise de Constantinople par les croises, Genes est exclue des terres byzantines. La cite offre donc son appui a Michel VIII Paleologue qui, redevenu maitre de Constantinople, donne a ses allies le monopole du commerce en mer Noire [ 93 ] .

Afin d'eviter d'avoir a changer leur monnaie a un taux desavantageux, les croises utilisent un systeme d'escompte. Les Templiers versent en Syrie l'argent dont Louis VII a besoin et se font rembourser a Paris. Les croisades permettent ainsi de developper les activites bancaires [ 94 ] .

Pour aider qui prend le chemin d'une croisade il existe toute une litterature de traites, de guides. Au debut, ces traites etaient surtout d'ordre spirituel. Ils decrivaient ce qu'est une guerre juste, par exemple. Mais, a partir de 1270 et autour du siege de Saint-Jean-d'Acre (1291) , ils deviennent concrets et donnent des conseils pratiques, strategiques ; ils deviennent des manuels. Ces traites n'ont pas d'uniformite dans leurs formats. Il n'y a pas de categories stables, et tout se melange au gre des experiences. Leur seul trait commun est que a partir de 1270 ils privilegient le vecu sur la theorie. Certains decrivent les ports, d'autres les armements locaux, les financements de la guerre, d'autres encore les routes de ravitaillement pour Chypre, Rhodes ou l'Armenie. Ils decrivent aussi les climats, la topographie, presentent les populations des pays traverses et si elles sont susceptibles de soutenir les croises. Ils traitent aussi de la question pratique la plus importante pour les croises : faire la route par terre ou par mer ?... Si l'on passe par la terre, alors il faut savoir parler les langues locales, et comment negocier avec toutes sortes de contingences de terrain, ou se faire accompagner ; avec Zrinka Stahuljak , medieviste, on peut parler de la recherche de personnes sur place ≪ a tout faire ≫ , de fixeurs, ou de fixeuses . Ce qu'il y a de remarquable en effet dans la croisade est que, contrairement a la colonisation, en cette premiere phase de l'extension occidentale, c'est au conquerant a apprendre les langues locales, et non au conquis d'apprendre la langue du conquerant. - [ 95 ] .

Parler la langue du pays conquis etait considere comme un atout pour asservir sa population, et eventuellement la convertir. Il faut des ecoles et des structures pour apprendre ces langues. L' Ordre des Precheurs promeut ce genre d'idees a partir du 13 e  siecle en Espagne, alors en pleine Reconquista. L' Ordre des Freres mineurs les suit peu de temps apres : le franciscain Roger Bacon , connu pour etre l'un des inventeurs de la methode scientifique moderne, conseille l'etude des langues vehiculaires pour qui veut pratiquer la diplomatie, le commerce, et la conversion des non-chretiens. Deux personnalites connues a l'epoque vont aussi y contribuer : Pierre Dubois (legiste) et Raymond Lulle . Pierre Dubois veut creer des ecoles pour former les etudiants, futur croises, aux arts liberaux (grammaire, logique, etc) ainsi qu'en medecine, droit et theologie. Concernant les langues, il propose de realiser des formations d'abord en latin, puis en grec ou en arabe, enfin une autre langue vernaculaire ecrite. Ce qui est remarquable chez lui est qu'il veut former aussi les femmes. Raymond Lulle propose des listes de langues dont il conseille l'apprentissage, mais uniquement pour les hommes pour sa part. - [ 96 ] .

Ces traites etablissent une sorte d'equivalence entre les aspects materiels de la conquete et les aspects spirituels, moraux et intellectuels du chef de croisade. Tous les guides expliquent que la croisade ne doit avoir qu'un seul chef, designe par le latin ≪  capitaneus  ≫ . Que ce chef doit etre lui-meme fidele, et que les croises lui doivent fidelite : la fidelite est la vertu centrale des croisades, pour toute personne qui se trouve en dehors de l'espace de la chretiente, chez les infideles . Raymond Lulle explique que les chevaliers seront ≪ une armee de Dieu plus fidele que ceux qui n'y appartiennent pas ≫ , que le tresorier sera ≪ le plus savant, fidele et subtil ≫ , que les espions seront ≪ fideles [...] et discrets et s'enquerront de la fidelite des subalternes comme des commandants ≫ et que les messagers seront ≪ fideles et certifies, et transmettront fidelement a tout le clerge ≫ . La fidelite n'est pas un ideal, mais une chose concrete, aussi necessaire au fonctionnement de la conquete que l'eau pour les chevaux et les fournitures pour l'armee. Il s'agit d'une fidelite entre personnes, et moins d'une fidelite dans un esprit. C'est par elle, et donc par les humains, que se maitrisent les aleas de la conquete. - [ 97 ] .

Mais, sur le chemin de la conquete pour Christ, il existe un danger non resolu : le drogman . Il devrait etre un allie, puisqu'il est cense aider les voyageurs, les voyageuses, dans leurs taches quotidiennes de traversee de pays plus ou moins hostiles, il est cense faire l'intermediaire et l'interprete avec les populations locales. Zrinka Stahuljak l'apparente aux fixeurs modernes. Cependant, les recits des pelerins fourmillent de leurs supposees trahisons, et racontent la peur de leurs abus de pouvoir ; dans son recit de voyage en terre sainte, Anselm Adornes , riche marchand et homme politique du pays-bas bourguignon, explique : ≪ Nous etions tres surpris de l'attitude de notre truchement [autre terme pour drogman] : n'avait-il pas compris ce qui se passait ou avait-il compris et n'avait-il pas pu ou pas voulu nous le dire en italien ? ≫ Et ce qui est redoute par dessus tout c'est leur disparition pure et simple au milieu du pays hostile, comme s'il valait mieux qu'ils trahissent plutot que de laisser les fideles chretiens comme nus au milieu des musulmans. Nicolas de Poggibonsi , pelerin franciscain, explique, apres pareille mesaventure : ≪ Et ces arabes avec qui nous sommes restes [des chameliers] ne comprenaient strictement rien a notre langue ni nous a la leur, ni par les signes ni par les actes ; ainsi quand on demandait quelque chose, ils en faisaient tout le contraire. ≫ Ils decouvrent soudain que la rencontre sans mediateur avec les infideles est une illusion, illusion qui est celle de la croisade tout entiere. - [ 98 ] .

Esprit epique de la croisade

Chevaliers Porte-Glaive sont un ordre militaire organise en 1202, et compose de ≪ moines guerriers ≫ germaniques dans le but de christianiser les populations baltes .

Des l'origine de la croisade, l'expedition est une entreprise feodale reservee a la chevalerie. L'accomplissement du vœu de croix devient une etape indispensable a la formation du parfait chevalier. Dans l'imaginaire chevaleresque, le Christ devient le parfait seigneur pour lequel on peut se sacrifier. Le chevalier croise est donc un miles christi , ≪ chevalier du Christ ≫. Les chroniqueurs comparent les croises au peuple elu qui ecrit une nouvelle histoire sainte [ 99 ] . Les predicateurs n'hesitent pas non plus a parler des richesses qui attendent les croises en Terre sainte. Ils parlent d'une terre riche et fertile qui comblera leurs esperances [ 100 ] .

De grandes figures epiques rentreront a cette occasion dans la memoire collective, comme Godefroi de Bouillon , Richard Cœur de Lion ou encore Saint-Louis.

Le fait que des milliers d'hommes et de femmes se soient mis en mouvement et aient accepte de braver le danger et la souffrance pour l'amour de Dieu est la preuve que les masses humaines de la fin du XI e  siecle etaient tres receptives a la promesse de l' indulgence pleniere mais surtout a l'espoir que la recuperation du Saint-Sepulcre serait le debut d'une ere nouvelle dans l'histoire de l'Eglise et du monde [ 101 ] . L'attente eschatologique et millenariste est tres forte dans le peuple. Empecher la venue de l' Antechrist , hater la parousie font partie de ses preoccupations. Ceux qui ont repondu a l'appel de la croisade, sont aussi convaincus que Dieu leur a assigne une tache : liberer les lieux saints et purifier le monde du mal afin de preparer son retour [ 25 ] . Les armes de la victoire sont pour ces masses, la penitence symbolisee par la croix cousue sur le vetement, les jeunes, les prieres, les processions, d'ou les nombreuses mortifications que s'infligent les pelerins. Les croisades revelent pour la premiere fois en Occident l'existence d'une spiritualite populaire tournee vers l'action, moyen de gagner le salut [ 102 ] .

Dans les milieux populaires, la croisade fait appel au merveilleux. Les foules voient des signes et des prodiges manifestant la volonte divine au moment des predications, ce qui les entraine a partir. Des rumeurs circulent sur les croix marquees dans la chair des croises morts ou vivants. Ces ≪ prodiges ≫ sont accompagnes de propheties et entretiennent l'idee que la fin du monde approche. L'attente de la parousie se colore de legendes politiques. Le roi des derniers jours prendra sa couronne sur le Golgotha et sera un Franc [ 103 ] . De meme, la soumission du ≪ roi des Grecs ≫ est dans toutes les traditions, le prelude au retour d'un age d'or. La foule cherche aussi a imposer l'ideal de pauvrete et de penitence aux grands notamment lors de la premiere croisade [ 104 ] . Les attentes millenaristes ont pour corollaire le fanatisme et la violence contre les juifs et les musulmans. Les millenaristes ≪ tendent a faire table rase du groupe des autres ≫ [ 105 ] . Les croisades repondent ainsi a l'attente des fideles aspirant a un salut qui semble difficile a atteindre dans la vie quotidienne [ 106 ] .

Bilan

Bataille de Lepante, en 1571

Les croisades contribuent a eloigner les chretiens des musulmans mais surtout les catholiques des orthodoxes [ 107 ] . Apres les croisades, les catholiques ne peuvent plus, durant cinq siecles, faire le pelerinage de Jerusalem. Principalement, les croisades ont permis une propagation des connaissances de l'Orient vers l'Occident [ 107 ] . Elles ont aussi permis a l'Occident de creer des comptoirs de commerce en Orient, qui ont pris en mains une partie du commerce entre l'Europe et l'Orient, jusque-la monopole oriental. Venise a atteint son but. L'Europe a conserve des croisades un profit economique dont les musulmans n'ont pas vu l'importance.

Il est faux de parler de colonialisme meme sous une forme embryonnaire ; les defenseurs de cette these tirent des paralleles avec la colonisation comme l'installation des croises en nombre et durablement sur de nouveaux territoires, mais sans toutefois entretenir un rapport de domination exercee depuis une metropole europeenne [ 108 ] . Les termes de colonialisme ou de colonisation avant la creation des Etats modernes, et en pleine feodalite , sont des anachronismes. La formation des Etats latins d'Orient repond plus a un opportunisme de la part d'une partie des seigneurs croises qu'a une conquete planifiee dans un cadre politique. L'organisation politique et sociale medievale ne permet pas l'etablissement de rapports Metropole/Outre-mer tels qu'ils apparaitront au XVI e  siecle. Nombreux sont d'ailleurs les pelerins en armes a rentrer dans leurs terres apres la prise de Jerusalem : sur les 791 participants a la premiere croisade presents lors de la prise de Jerusalem en 1099 identifiees par Jonathan Riley-Smith, 687 rentrent chez eux [ 109 ] .

L'idee de croisade est ≪ encore vivante au debut des Temps modernes, sous Charles Quint et a la bataille de Lepante , et encore lors du siege de Vienne en 1683  ≫ [ 110 ] .

L'echec

Le but de la croisade etait de reprendre et de conserver Jerusalem, car la ville accueille depuis le IV e  siecle les lieux saints de la chretiente. Or depuis sa prise par Saladin en 1187, les royaumes chretiens ont echoue a reprendre la ville sainte. Pire, les Etats latins d'Orient n'ont fait que se reduire au fil des decennies jusqu'a leur perte totale en 1291, lorsque Saint-Jean-d'Acre tomba aux mains des Mamelouks . Ce sont ces derniers qui ont fait basculer l'affrontement deux fois seculaires entre croises et musulmans en Terre Sainte.

L'echec des croisades peut s'expliquer de differentes manieres. D'abord, l'absence de profondeur strategique des Etats latins d'Orient imposait aux Chretiens latins une entente avec les Byzantins qui ne s'etablira jamais (en atteste l'exemple de la quatrieme croisade ). C'est l'une des differences fondamentale avec la Reconquista , pour laquelle les chevaliers chretiens disposaient d'une profondeur strategique : le royaume de France. Ensuite, l'absence de reelle politique de colonisation a empeche de combler le deficit demographique des Etats latins d'Orient. Aucune incitation a l'emigration en Terre sainte n'a ete developpee, les pelerins rentrant dans leur contree une fois le pelerinage accompli. Ce deficit demographique aurait pu etre pallie par les populations chretiennes presentes sur place, mais la barriere de la langue et la distance entre les pratiques du culte n'ont jamais permis un parfait amalgame entre chretiens latins et chretiens d'orient [ 111 ] . Enfin, il faut souligner l'emergence des Mamelouks et leur suprematie face aux Mongols, consacree lors de leur victoire a Ain Djalout en 1260. Le sultanat mamelouk d'Egypte dominera la region et resistera au huitieme et neuvieme croisades.

Adaptations militaires

Vetements et armes

Un certain nombre d’adaptations visent a limiter l’echauffement au soleil : plusieurs auteurs signalent de nombreuses morts dues a l’ insolation . Le heaume est souvent remplace par le chapel de fer , le long haubert par une cotte de mailles plus courte, le haubergeon , ou par le gambison (vetement rembourre porte sous la cotte de mailles, pour amortir les chocs). De meme, des housses couvrent les armures et les chevaux, pour limiter l’echauffement au soleil. Les chevaux turcomans sont aussi achetes (ou voles) en grand nombre, pour remplacer les chevaux tues au combat ou morts. L’armement local, d’excellente qualite (les armuriers de Damas avaient excellente reputation), sert aussi pour remplacer les armes que les combattants europeens ont perdues ou cassees. De facon plus large, l’emploi de la masse turque, qui permet de defoncer les pieces d’armure, se generalise en Europe apres les croisades. Elle entraine l’abandon du heaume a sommet plat, remplace par les casques bombes, deviant les coups.

Tactiques

Les principales adaptations militaires sont situees toutefois dans la tactique. L’efficacite meurtriere des archers montes, qui souvent visent les chevaux des Francs, pousse a une remise en cause du combat fonde sur la recherche du choc frontal. Le recours plus frequent a l’infanterie, protegeant les chevaux derriere de longs boucliers, et aux archers et surtout aux arbaletriers , plus puissants et precis que les archers, permet de rivaliser avec les cavaliers musulmans. Des unites d’arbaletriers montes sont aussi creees, ainsi que des unites de cavalerie legere indigene, les turcopoles , tres utiles aussi pour le renseignement.

Mais la tactique favorite, la charge massive creant la rupture de l’armee ennemie, n’est pas abandonnee, et l’armement lourd non plus. D’une part, les habitudes et les depenses lourdes dans cet armement font qu’il etait difficile de les abandonner. D’autre part, l’armement lourd assure une superiorite certaine a des combattants chretiens le plus souvent en inferiorite numerique. Enfin, en choisissant le moment du combat pour que les combattants n’attendent pas en armes sous le soleil, et pour que le combat soit bref, les Europeens ont parfois d’excellents resultats [ 112 ] .

Ordres

Pour soutenir la cause de la defense de la Terre sainte , le premier ordre de moines-soldats est fonde, l' ordre du Temple . Les Hospitaliers de l' ordre de Saint-Jean de Jerusalem finissent eux aussi par prendre les armes, melant a l'instinct hospitalier l'ideal chevaleresque. Les premiers ordres sont constitues en communautes, ascetisme et priere purifiant l'epee destinee a defendre le pelerin et a pourfendre le ≪ paien ≫, l'identifiant au glaive de l'archange saint Michel transpercant le dragon.

Au XIV e  siecle, alors qu'il n'y a plus de croisades en Terre sainte de nombreux nouveaux ordres apparaissent, toujours dotes d'un ideal de sacrifice et de purete, toujours voues a la mortification. Mais ces mortifications sont dediees a une dame plus souvent qu'a Dieu, fetes et tournois prennent le pas sur la priere. Le crepuscule du Moyen Age transforme les ordres de chevalerie en cercles aristocratiques ou s'elabore un art de vivre, un langage allegorique, une imagerie litteraire ou graphique qui transpose dans l'illusion la geste chevaleresque [ 69 ] .

Confrontation de l'Orient et l'Occident

L'Empire byzantin et la croisade

Bien que dirigees contre les musulmans, les croisades ont ete contraires aux interets de l'Empire byzantin [ 113 ] . Les troupes qui traversent l'Empire byzantin commettent d'inevitables exces de par leur taille [ 113 ] . Il arrive ainsi que les Normands profitent des croisades pour attaquer l'Empire. Les mesures prises par les empereurs pour proteger l'Empire des croises (surveillance des troupes latines, alliance avec les Turcs…) entrainent une grande mefiance vis-a-vis de Byzance et un sentiment de trahison. Alexis Comnene est traite de perfide et de traitre. La propagande normande amplifie le theme de la perfidie grecque qui devient un lieu commun et une explication aux echecs des croises [ 114 ] . Elle legitime la prise de Constantinople en 1204. Pour les Byzantins, cet evenement fait definitivement des croisades un acte de piraterie dont le but religieux n'est qu'une facade.

La notion de croisade ou de guerre sainte est incomprehensible pour les Byzantins. Les guerres sont pour eux uniquement des actes politiques. L'Eglise orthodoxe est hostile a l'emploi des armes par les laics et encore plus par les clercs. Les Byzantins sont donc indignes de voir, parfois, des pretres latins participer personnellement aux combats [ 115 ] . Malgre ces differences au XII e  siecle, pour la plupart des Latins, les Byzantins sont des freres chretiens. La conscience du schisme ne depasse guere les milieux ecclesiastiques. Ce sont finalement les evenements de 1204 qui creusent reellement et definitivement la separation entre catholiques et orthodoxes. La haine du Latin devient plus forte que celle du Turc [ 116 ] .

L'islam et la croisade

Musiciens chretien et musulman, Al-Andalus , Cantigas de Santa Maria .

A la fin du XI e  siecle, le djihad a perdu sa force d'attraction parmi les musulmans. L'Occident latin est entre dans une phase de reconquete aux depens de l'Islam. De meme que les musulmans reconnaissent les communautes juive et chretienne, les Etats chretiens d'Orient et la Sicile accordent aux musulmans des institutions propres et une certaine liberte de culte. Aux exces des premiers croises ? un trait classique de tout assaut quels que soient les assaillants ? a donc succede une cohabitation acceptable et tout a fait comparable a la pratique musulmane [ 117 ] .

Les musulmans de l'epoque ne percoivent pas le motif religieux de la croisade et celle-ci tient peu de place dans les ouvrages des chroniqueurs arabes mis a part ceux originaires des pays voisins des Francs comme Ibn al-Athir [ 118 ]  : seule l'opinion publique des pays directement menaces ou leses, en premier lieu la Syrie du Nord, est reellement hostile aux croises [ 119 ] . De fait, les croisades n'ont pas provoque de ≪ contre-croisades ≫. Ainsi le regain d'interet pour la guerre sainte, le djihad, sert surtout a rassembler la Djazira , la Syrie, l'Egypte, les Arabes et les Kurdes ainsi qu'a d'eliminer les chiites [ 119 ] .

En revanche, l'etablissement d'un Etat militaire en Egypte dans la seconde partie du XIII e  siecle peut etre considere comme une consequence directe des croisades. Cet Etat est tres intolerant envers les dhimmis (juifs et chretiens) car il craint une alliance a revers entre eux et la puissance mongole en pleine expansion [ 119 ] .

Les croisades n'ont pas favorise la connaissance reciproque des deux civilisations. Des contacts plus enrichissants se sont noues en Espagne , en Sicile et a Constantinople apres 1204. Comme toute propagande, celle des croisades est plutot negative. Les musulmans sont accuses a cette occasion d'idolatrie, d'immoralite et meme de louer et justifier la violence, alors que les chretiens eux-memes faisaient l'apologie de la guerre pour rassembler et recruter des chevaliers sous la banniere du Christ. Les croisades ont ete l'occasion pour les chretiens occidentaux d'etre confrontes a une masse de non-chretiens [ 120 ] . Les disputations religieuses sont rares. Les conversions religieuses vers le christianisme se sont rarement faites sous la contrainte [ 21 ] . Le missionnaire Ricoldo loue l'hospitalite des musulmans [ 121 ] .

Critique des croisades

Malgre le soutien majoritaire des croisades au sein de la population, celles-ci ont fait l'objet de critiques [ 122 ] . En effet, dans La Dispute du croise et du decroise , qui est une celebre piece du au poete Rutebeuf , fait echo aux appels lances pour participer aux campagnes envisagees notamment contre les Sarrasins en Outremer a la fin du regne de Saint Louis [ 122 ] . Il s'agit d'un debat entre un croise, qui tente de convaincre un autre chevalier, et un decroise, qui s'efforce de lui montrer l'inanite de ses arguments [ 122 ] . Les contradictions inherentes a l'etat quasi clerical du pelerin en arme, facilitent egalement les critiques contre les croisades. Adam , abbe de l' abbaye de Perseigne , qui a participe a une expedition en Terre sainte durant sa jeunesse, ecrit ≪ le Christ n'a pas verse son sang pour conquerir Jerusalem, mais pour les ames qu'il faut sauver ≫ [ 123 ] .

Les ordres militaires font l'objet de critiques tout aussi vives en raison de leur statut paradoxal de religieux guerriers. Jean de Salisbury , une des plus grandes autorites du XI e  siecle, ecrit ainsi sans detour : ≪ les Templiers , censes consacrer le sang du Christ, versent du sang humain ≫ [ 123 ] .

De meme, Humbert de Romans dans l'un de ses ouvrages fournit aux predicateurs des arguments a opposer aux detracteurs de la croisade [ 124 ] . Egalement, le poete allemand Tannhauser , qui participe a la croisade de Frederic II en 1228 regrettera cette decision [ 124 ] . Jean de Joinville refusa meme de se croiser en 1270 et blame Saint Louis d'abandonner son royaume. Ainsi, le roi de France exerce sur lui de fortes pressions [ 125 ] .

Minoritaire dans les annees qui suivent la conquete de Jerusalem (1099), la critique de la croisade se repandra progressivement. Elle sera particulierement acerbe quand le but de celle-ci n'est pas la liberation de la Ville sainte, mais la guerre contre les orthodoxes, l' heresie albigeoise ou l'empereur romain germanique. Elle explique, en partie, la desaffection progressive de la croisade [ 123 ] .

Dans le cadre de l'historiographie moderne, l'historien Jacques Le Goff estime que les croisades sont une forme pervertie de la foi [ 126 ] . Il partage l'opinion de Steven Runciman  : ≪ Les hauts ideaux de la croisade ont ete gates par la cruaute et la cupidite, la hardiesse et la resistance aux epreuves par une devotion aveugle et etroite, et la guerre sainte n'a rien ete de plus qu'un long acte d'intolerance au nom de Dieu, ce qui est le peche meme contre l'Esprit. ≫ [ 127 ]

Croisades contre les hussites .

Notes et references

Note

  1. Pour approfondir ce sujet, voir l'article Doctrine de la guerre juste .

References

  1. Encyclopædia Universalis , ≪  Croisades  ≫, sur Encyclopædia Universalis (consulte le ) .
  2. a b c d e f g et h Alessandro Barbero ( trad.  de l'italien), Histoires de croisades , Paris, Flammarion, coll.  ≪ Champs Histoire ≫, , 124  p. ( ISBN   978-2-08-123147-4 )
  3. a b et c Cecile Morrisson , Les Croisades , Presses universitaires de France , coll.  ≪ Que sais-je? ≫ ( n o  157), ( reimpr.  1977), 3 e   ed. , 128  p. ( OCLC   805599855 ) , p.  3.
  4. Lire Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes .
  5. Cecile Morrisson 1969 , p.  8.
  6. a et b Cecile Morrisson 1969 , p.  9.
  7. Cecile Morrisson 1969 , p.  10.
  8. Jacques Heers, La premiere croisade , Perrin, coll.  ≪ Tempus ≫, ( reimpr.  2002) ( ISBN   978-2-262-01868-9 ) , p.  37-38 .
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Annexes

Bibliographie generale

Autres

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Articles connexes

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Sources et documents