Citoyennete romaine

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Dans la Rome antique , la citoyennete romaine offre des droits etendus et fondamentaux. L'ensemble de ces droits forme le droit de cite romain ( jus civitas ou civitas ). A l'origine, le droit de cite , c’est-a-dire la reconnaissance de la citoyennete , est reserve aux hommes libres inscrits dans les tribus de la ville de Rome et de son territoire limitrophe. En -89 , il est etendu a tous les hommes libres d' Italie  ; trois siecles apres, en 212 , il est accorde a tous les hommes libres de l' Empire romain . L'extension de la citoyennete fut un puissant vecteur d'attraction de la Rome antique .

Les droits et devoirs du citoyen romain [ modifier | modifier le code ]

La civitas Romana optimo jure (citoyennete romaine avec tous les droits) [ modifier | modifier le code ]

Les droits politiques et militaires [ modifier | modifier le code ]

  • Jus suffragii  : le droit de vote
  • Jus militiae  : le droit de s'incorporer dans la legion romaine , et d'y recevoir une solde et une part de butin
  • Jus Honorum  : le droit d'etre elu magistrat
  • Jus sacrorum  : le droit de participer aux sacerdoces

L’exercice du vote se realise selon le decoupage electoral des comices tributes , tout citoyen est donc rattache a une tribu .

L'election a la questure , premiere magistrature du cursus honorum , exigeait un cens minimum de 400 000 sesterces . Le jus honorum etait donc restreint aux plus riches. De meme, seuls les citoyens des classes les plus riches pouvaient etre incorpores dans la legion, jusqu'a la reforme de Marius qui leva cette restriction en -105 [ 1 ] .

Les devoirs politiques et militaires ("munus" en latin) [ modifier | modifier le code ]

  • census  : obligation de se faire recenser , sous peine de perte de la citoyennete. Le recensement s’accompagne du rattachement du citoyen a une tribu urbaine ou rustique . La fortune du citoyen est aussi evaluee, elle determine son rang dans la societe et sa classe et sa centurie d’appartenance pour les operations d’incorporation militaire et pour le processus de vote ( comices centuriates ) ;
  • jus militae  : obligation de servir dans la legion romaine , droit de percevoir une solde. Sous la Republique, avant la Reforme marianique seuls sont incorpores les citoyens des centuries ayant un certain seuil de richesse, les plus pauvres (proletaires) etant exemptes ;
  • tributum  : contribution occasionnelle aux depenses militaires proportionnelle a la fortune declaree, supprimee en 167 av. J.-C.  ;
  • taxe sur les successions, etablie par Auguste pour payer les primes de conges de fin de service des soldats.

Les droits civils [ modifier | modifier le code ]

La toge est l'apanage de la citoyennete romaine. Les Romaines et les habitants de l'Empire qui n'etaient pas citoyens ne pouvaient la porter.

Le citoyen romain dispose aussi de droits civils :

  • jus conubii (ou conubium ) : droit de mariage legal avec une romaine.
  • jus commercii (ou commercium ) : capacite de conclure des actes commerciaux, droit d’acheter et de vendre sur le territoire romain.
  • jus legis actionis  : droit d’intenter une action judiciaire devant un tribunal romain.
  • jus census  : le droit de propriete
  • droit de porter la toge et les tria nomina (prenom, nom de famille et surnom), signes distinctifs du citoyen.
  • droit de faire un testament et de leguer ses biens.

Des lois furent prises pour reprimer l’usurpation de la citoyennete romaine (en -95 , lex Licinia Mucia , contre les Italiens inscrits frauduleusement)

Face a la justice romaine, le citoyen beneficie de protections :

  • jus auxilii  : droit a l'assistance d'un tribun de la plebe pour sa defense
  • jus provocationis  : droit de faire appel au peuple lorsque l'on estime mauvaise une decision de justice, selon la lex Valeria de -300 . Ce droit ne s'exerce toutefois pas dans l'armee, car l' imperium du consul lui donne droit de vie et de mort sur les citoyens-soldats.
  • Peine corporelle et peine de mort infligee par les licteurs uniquement par fouet avec des verges et decapitation a la hache, exceptant tout autre supplice infamant. D'autres chatiments sont prevus pour des cas tres particuliers ( parricide , perte de chastete pour une Vestale ).

Les verges furent interdites pour un citoyen par la lex Porcia de Caton l'Ancien , et il fut admis que l'on puisse eviter la peine capitale par un exil volontaire.

Onomastique du citoyen romain [ modifier | modifier le code ]

La pierre tombale de ce legionnaire romain presente la nomenclature complete du citoyen : ≪  T.Iulio Tuttio T.f. Claudia  ≫ ce qui correspond, au cas datif a ≪ T(itus) Iulius Tuttius T(iti) f(ilius) Claudia (tribu) ≫ pour ≪ Titus ( praenomen ) Iulius (gentilice) Tuttius ( cognomen ), fils de Titus, inscrit dans la tribu Claudia ≫. Le personnage etant un soldat il precise aussi son origo , origine geographique, Virunum dans le Norique . Tant cette origine que le nomen Iulius indiquent qu'il appartenait a une famille de provinciaux romanises dont la citoyennete remontait, directement ou indirectement, a l'un des empereurs ayant porte le gentilice Iulius.

La citoyennete romaine se manifeste dans le nom de ceux qui en sont beneficiaires. La nomenclature complete d'un citoyen comporte son praenomen , son nomen ou gentilice (nom de famille), sa filiation, manifestant la transmission hereditaire de la citoyennete, et sa tribu . A partir de la fin de la republique, le cognomen , surnom, s'ajoute a cette nomenclature. Praenomen , gentilice et cognomen forment les tria nomina qui permettent l'identification immediate d'un citoyen, en particulier sur les inscriptions latines . Plus tard, avec la diffusion de la citoyennete l'affichage des tria nomina se fait moins rigoureux a partir de la fin du deuxieme siecle de notre ere : les inscriptions mentionnent de moins en moins souvent la tribu et les textes presentent de plus en plus souvent deux noms seulement au lieu des trois noms classiques. La concession generale de la citoyennete par Caracalla en 212 acheva de precipiter cette evolution.

Droit de la femme romaine [ modifier | modifier le code ]

Les femmes, comme dans de nombreuses civilisations, sont politiquement mineures et exclues de la plupart des droits. Pour autant, c'est un abus de langage et un anachronisme de dire que les femmes libres romaines ne sont pas citoyennes, meme si elles ne portent jamais les Tria Nomina , ne participent pas aux comices ni ne peuvent exercer la moindre magistrature, ce qui d'un point de vue contemporain n'en fait pas des membres du corps civique : on releve en effet des inscriptions evoquant la collation du droit de cite par l' empereur a des anciens soldats en meme temps qu'a leur epouse, afin qu'ils puissent s'unir dans le cadre d'un mariage legitime ou conubium  ; quelquefois meme la citoyennete est donnee explicitement et nommement a une femme (≪ a Julianus et a son epouse Ziddina ≫ dans la Table de Banasa, datee de 166).

Etre citoyenne romaine c'est donc pouvoir etre mere et epouse de citoyens romains, les seuls qui jouissent de droits politiques mais ne detenir pour soi-meme que de peu de prerogatives (en matiere d'heritage, cependant, elles existent). Leur statut leur permet neanmoins d’etre choisie comme vestale , de participer a certains cultes traditionnels et de contracter le mariage legal.

Certains aspects de la tradition romaine accordent des droits aux femmes dont elles ne disposent pas dans d'autres cultures :

  • leur temoignage est recevable devant un tribunal (sauf de la part des courtisanes, venales par definition) ;
  • elles peuvent heriter a part entiere ;
  • elles ont droit comme les hommes a l’eloge funebre lors de leurs funerailles, tradition que Tite-Live fait remonter a l’epoque du sac de Rome par les Gaulois en -390 , lorsque les dames romaines avaient offert leurs bijoux pour financer la rancon exigee par les Gaulois [ 2 ] .

Enfin, selon une tradition que les Romains faisaient remonter a l' enlevement des Sabines , les Romaines sont dispensees de tout travail domestique ou agricole, excepte filer la laine et elever les enfants [ 3 ] .

La civitas Romana sine suffragio (citoyennete romaine sans suffrage) [ modifier | modifier le code ]

La civitas Romana sine suffragio est une vraie citoyennete juridique, mais incomplete politiquement :

  • Les citoyens sine suffragio ont le droit prive romain ( commercium , conubium , legis actionis ).
  • Les droits judiciaires sont reels : la provocatio ad populum (appel au peuple) qui protege contre la coercitio (droit de contrainte) des magistrats est reconnue pour tous les citoyens. Le tribun de la plebe convoque comices tributes ou concilium plebis pour defendre les citoyens sine suffragio qui s'estiment leses.
  • Mais les citoyens sine suffragio n'ont pas les droits politiques. Ils sont recenses a Rome sur des listes a part, mais pas dans les tribus (car ils ne votent pas et ne sont pas eligibles) ; ils n'appartiennent pas a la plebe et ne participent pas a ses assemblees (comices tributes et concilium plebis ), ni aux comices centuriates du populus. Au total, la civitas Romana sine suffragio comporte plus de charges ( tributum accru et dilectus qui se fait en dehors des legions) que d'honneurs (celui d'etre cives Romanus ). C'etait une sanction.
  • De 350 a 268, Rome l'a imposee a un certain nombre de vaincus qu'elle privait ainsi de souverainete (mais pas d'autonomie locale) cela lui permettait d'agrandir son territoire et sa population (pour la guerre).
  • Mais la logique civique voulait une citoyennete complete, et les citoyens sine suffragio ont peu a peu aligne sur les autres en recevant l' optimo jus (procedure achevee en 188).
  • Mais ceci etendait l' ager Romanus et transformait la cite en etat territorial, a la longue ingerable dans le cadre des institutions de la cite (car on ne peut plus controler efficacement les magistrats) ; aussi, apres 268, et jusqu'en 90, Rome prefera le cadre plus souple de la federation (traites inegaux avec les allies), qui permettait de juxtaposer la civitas Romana et son imperium (zone d'influence).

Les statuts juridiques des ingenii (nes libres) dans l'empire de Rome [ modifier | modifier le code ]

Pour les Romains, le jus gentium (droit naturel, droit des gens) est different du jus ciuile (droit d'une cite). Par exemple, le droit de posseder une terre ou de fonder une famille releve du ius gentium  ; en revanche, le droit d' ester en justice ou de se marier legalement releve du ius ciuile .

Les citoyens romains [ modifier | modifier le code ]

En droit public, le citoyen romain a le droit de vote (sauf s'il appartient a une cite qui a recu la civitas sine suffragio , mais ce statut disparait en 188 av. J.-C. ), et, s'il en remplit les conditions censoriales, le droit d'eligibilite aux magistratures . Sous le principat, cela n'a plus grande importance (elections disparues a Rome, sous controle des aristocrates dans les municipes romains). En droit prive, le citoyen romain a le droit d'utiliser le jus ciuile dans trois domaines (le conubium , droit de contracter le mariage romain, seul legal ; le commercium , droit d'acquerir et d'aliener des biens, dont le droit d' ester  ; l'action en justice, pour faire valoir ses droits en justice). Le droit prive, qui est le meme pour tous les citoyens, est fixe depuis les lois des ≪  XII Tables ≫ (450 av. J.-C. ). Mais apres 150 de notre ere, on distingue les honestiores et les humiliores qui ne sont pas traites de la meme maniere en droit penal (torture permise pour les seconds).

Les Latins [ modifier | modifier le code ]

Latini ueteres [ modifier | modifier le code ]

Les Latini ueteres (Vieux-Latins, a l'origine ceux du Latium et des colonies latines fondees avant 338), dont le statut n'est plus octroye apres 268 (ceux qui l'avaient avant le conservent), ont les droits civils et politiques dans leur cite d'origine, mais en plus, ils ont le jus ciuile (droit prive) romain ( conubium , commercium , action en justice), le droit de vote lorsqu'ils sont presents a Rome (mais pas celui de se faire elire), et le droit de migratio (ils peuvent demenager et devenir citoyens romains).

Latini coloniarii [ modifier | modifier le code ]

Les Latini coloniarii (Latins des 12 colonies latines fondees apres 268, jusque vers 180), dont le statut semble un peu moins avantageux, pouvaient devenir citoyens romains en s'installant a Rome ; apres 206 (ou 187) cela ne fut possible que s'ils laissaient un enfant male dans leur cite latine d' origo .

Peregrins [ modifier | modifier le code ]

Les Latins qui sont des peregrins (etrangers a la citoyennete romaine) appartiennent a une cite peregrine ayant recu le droit latin (essentiellement le droit prive). Ces Latins pouvaient devenir citoyens romains apres avoir exerce une magistrature dans leur cite (minus Latium cree vers 125 av. J.-C. ) ou en devenant decurion ( maius latium , cree au temps de l'empereur Hadrien). Selon les cas, les cites pouvaient recevoir le ≪ petit ≫ ou le ≪ grand ≫ droit latin. L'extension du droit latin ( minus Latium ou maius Latium selon les cas et les epoques) fut tres importante : on le donna a des cites peregrines ou a des regions entieres (ex : Gaule cisalpine en 88 av. J.-C. , Iberie sous Vespasien, en 75 apr. J.-C. ) sans qu'il y ait fondation de colonies. Il n'existe pas une ≪ citoyennete latine ≫, mais sous l'Empire, les citoyens des municipes latins (cites peregrines ayant recu le droit latin et ayant modifie leurs institutions pour s'aligner sur le modele romain) sont appeles non ≪ peregrins ≫, mais ≪ citoyens latins ≫. Ils sont citoyens de leur municipium d'origo , ou ils suivent le droit prive local et ou ils ont les droits politiques. Mais comme la cite a recu le droit latin, tous les citoyens beneficient du droit prive romain, et les elites ont la citoyennete romaine.

Les peregrins [ modifier | modifier le code ]

Peregrins ordinaires [ modifier | modifier le code ]

Les peregrins ordinaires sont rattaches a une cite ou a une communaute (peuple). Ils utilisent entre eux leur droit local, prive et public. Ils n'ont pas de droits politiques romains, ni le conubium . En revanche, le ius gentium qui leur est reconnu, permet depuis 242 av. J.-C. de regler les litiges sur les biens (proprietes, commerce) avec les Romains. Les peregrins pouvaient obtenir la citoyennete romaine individuellement ou collectivement, selon la politique du Senat , des grands generaux du I er  siecle avant notre ere, et ensuite des empereurs.

Peregrins ≪ deditices ≫ [ modifier | modifier le code ]

Les peregrins ≪ deditices ≫ appartiennent a une cite ou a une communaute n'ayant pas vu son statut collectif reconnu par Rome : ex. les indigenes egyptiens lors de la conquete d'Octave en 30 av. J.-C. , les Juifs de Jerusalem apres la revolte de 66-70 de notre ere. Les deditices utilisent seulement le jus gentium (limite en matiere familiale, car pas de potestas du pere sur les enfants, ni de testament reconnu legalement). Un peregrin deditice ne peut devenir citoyen romain qu'en etant d'abord admis comme citoyen d'une cite peregrine (par ex. un Egyptien devrait d'abord devenir citoyen d'Alexandrie avant de pouvoir devenir citoyen romain). Les peregrins deditices furent les seuls hommes libres exclus de l'accession generale a la citoyennete romaine en 212 de notre ere (Constitution antonine ou Edit de Caracalla) ; comme les nomes egyptiens avaient ete municipalises (consideres comme cites) par Septime Severe, les Egyptiens furent aussi concernes par la mesure.

Les statuts des liberti (affranchis) [ modifier | modifier le code ]

Les affranchis citoyens romains [ modifier | modifier le code ]

En droit public, l'affranchi n'a que le droit de vote (il est ineligible car n'a pas le jus honorum ), et il l'exerce le plus souvent dans une des quatre tribus urbaines. En droit prive, l'affranchi a le conubium , le commercium et le droit d'action en justice ; ses enfants sont consideres comme ingenui , donc citoyens romains de plein droit. L'affranchi doit de par la loi a son ancien maitre (ou a son heritier) devenu son patron :

  • le respect (pas d'attaque en justice sans autorisation d'un magistrat)
  • des charges fixees par la convention d'affranchissement (aide professionnelle au maitre)
  • sa succession Si l'affranchi n'a pas d'heritier legalement reconnu

Les affranchis latins juniens [ modifier | modifier le code ]

Leur statut fut fixe sous Auguste par la loi Junia (17 av. J.-C. ). Ce statut moins avantageux s'explique par le fait que certains affranchis parvenus choquaient les nobles. Les affranchis latins juniens sont des esclaves ayant ete affranchis de maniere informelle (par lettre, devant des amis, et non devant un magistrat) ou ayant ete affranchis alors qu'ils avaient moins de 30 ans . Ils vivent libres et ont des droits prives equivalents au droit latin (commercium, conubium) en cas de mariage avec un conjoint romain, les enfants sont citoyens romains (sous Hadrien). A leur mort, ils ne peuvent faire de testament et leurs biens reviennent a leur patron, qui peut vendre son droit de patronat a un autre citoyen romain.

Le latin junien peut devenir citoyen romain par affranchissement officiel de la part de son patron, en rendant des services a la communaute ( 6 ans de service dans les cohortes de vigiles, construction de navires durant 6 ans pour l'annone de Rome, construction d'immeubles de 100 000 sesterces apres l'incendie de 64, panification depuis 3 ans pour le compte de l'etat), par concession imperiale (avec accord du patron). Le latin junien qui l'etait parce qu'il avait ete affranchi avant 30 ans devenait citoyen romain lorsqu'il avait un enfant d'un an (en 75 de notre ere, vrai pour tous les juniens). Ces affranchis latins juniens ne sont pas a confondre avec les citoyens peregrins de droit latin ; le seul point commun entre eux (qui justifie l'appellation de ≪ latin ≫), est qu'ils possedent le droit latin (le droit prive romain).

Les affranchis peregrins [ modifier | modifier le code ]

Si le maitre est un peregrin, l'affranchi obtient la citoyennete locale de son maitre, et ne peut en changer sans l'accord de son ancien maitre devenu son patron.

Les affranchis deditices [ modifier | modifier le code ]

Ils le sont parce que leur maitre etait un peregrin deditice, ou parce qu'ils ont ete juges indignes de devenir citoyens romains comme leur maitre (a cause d'un metier juge infamant, ou d'une faute grave durant leur temps d'esclavage a partir d'une loi de 4 apr. J.-C. ). Ils n'ont que le ius gentium et sont frappes d'une interdiction de sejour a Rome et dans un rayon de 100 milles romains (150 km). A leur mort, leurs biens reviennent a leur patron.

Les affranchis d'affranchis [ modifier | modifier le code ]

Les esclaves d'esclaves qui sont affranchis suivent le statut juridique du patron de leur maitre affranchi.

La citoyennete latine [ modifier | modifier le code ]

Des ses debuts, Rome pratiqua une politique d’alliance etroite avec les cites du Latium au sein de la Ligue latine . Apres diverses tensions, dont la revolte des Latins en -340 , Rome dut conceder en -338 la citoyennete romaine aux habitants libres des cites du Latium. Toutefois, comme l’exercice du vote ne pouvait se faire qu'en personne et a Rome meme, cette citoyennete fut accordee sans droit de vote (citoyennete sine suffragio dite aussi ≪ citoyennete latine ≫), et donc sans l’acces aux magistratures romaines. Le citoyen latin peut voter lors des comices tributes seulement s'il est present a Rome le jour de l'election. Il est alors inscrit dans une des 35 tribus tiree au sort [ 4 ] .

Les citoyens latins disposent des droits civils et de la protection des lois romaines, peuvent acquerir ou vendre des biens ( jus commercii ), mais sont depourvus de droits politiques sauf dans les cites latines ( municipe latin ). Un citoyen latin peut epouser legitimement une Romaine, mais leurs enfants seront citoyens latins, sauf si l’epoux possede le jus conubii a titre personnel [ 4 ] . Sinon, leurs enfants possedent automatiquement la citoyennete latine.

Le citoyen latin pouvait neanmoins grace au jus migrationis s’installer a Rome, s’inscrire dans une tribu et des lors avoir le plein exercice de la citoyennete.

Ces deux niveaux de citoyennete se diffuserent en Italie et au-dela lors de la fondation de colonie romaine qui beneficiait de la citoyennete pleine et entiere ( civitas cum suffragio ), et de colonie latine aux droits plus limites ( civitas sine suffragio ).

Acquisition de la citoyennete romaine [ modifier | modifier le code ]

La citoyennete romaine s’acquiert par naissance si l’on est enfant d’un citoyen romain ou d’un affranchi romain.

L'affranchi acquiert une citoyennete incomplete, il reste marque par la macule servile : apres Auguste il ne peut pretendre aux honneurs municipaux. Un affranchi est inscrit dans une des tribus urbaines pour eviter qu'un ambitieux se constitue par affranchissement une masse de nouveaux electeurs dans sa propre tribu. De plus, l'inscrire dans une tribu urbaine fait que l'essentiel des pauvres, dont fait partie l'affranchi, se trouvent dans les quatre tribus urbaines. Les pauvres ont ainsi un poids plus faible dans les votes des comices tributes car les votes sont comptabilises par tribus et non par tetes.

La citoyennete peut s'acquerir par naturalisation d’un homme libre, on parle alors de concession viritane ( viritim ), c'est-a-dire a titre personnel. Dans ce dernier cas, le nouveau citoyen prend le nom de famille du magistrat qui l'a fait citoyen et est inscrit dans sa tribu . La naturalisation d'un homme libre s'explique souvent par des liens de patronage (voir client ). Apres Auguste, seul l'empereur peut accorder ainsi la citoyennete a titre individuel. Cette decision se fait souvent a la suite d'une recommandation faite par un patron. Le nouveau citoyen prend le nom de famille (gentilice) de l'empereur : Iulius ou Claudius sous les Julio-claudiens, Flavius sous les Flaviens, Ulpius , Aelius ou Aurelius sous les Antonins, Septimius ou Aurelius sous les Severes. La Tabula Banasitana temoigne de cette procedure pour l'epoque de Marc Aurele. Elle montre que la concession de la citoyennete etait toujours fortement controlee par les empereurs.

Toutefois, la citoyennete est accordee de plus en plus largement, surtout sous l’Empire, sans critere d’origine, de naissance ou de religion, a titre individuel ou tous les hommes libres d’un territoire pacifie depuis longtemps. Rome se montre ainsi beaucoup plus accueillante que les cites grecques. On trouve par exemple et malgre d’importantes differences culturelles des juifs citoyens romains, tels Flavius Josephe ou Cn. Pompeius Paullus ( Paul de Tarse ). Dans les Actes des Apotres , Paul declare sa citoyennete romaine apres avoir ete battu sans jugement (cf Actes 16, 37), ce qui effraie les strateges de la ville de Philippes.

Fragment de diplome militaire ( Annee epigraphique 2004, 1053, 1064) datant de 160 et conferant la citoyennete a un ancien soldat de la cohorte V Bracaraugustanorum . Inscription conservee au Museum Quintana (Kunzing).

A la fin de la Republique et sous l’Empire, le service militaire dans les troupes auxiliaires est pour de nombreux provinciaux le moyen d’acquerir la citoyennete romaine a l’issue de leur service. La citoyennete est d'abord conferee a titre exceptionnel en recompenses de merites insignes, comme en temoigne la Table d'Asculum  : en -90 Cn. Pompeius Strabo, pere de Pompee attribua la citoyennete romaine a des cavaliers iberes ayant servi durant la Guerre sociale . Ce n'est qu'a partir de Claude que la citoyennete est systematiquement conferee aux soldats auxiliaires ayant accompli 25 ans ou plus de service et ayant recu un conge honorable. Les diplomes militaires temoignent de cette procedure et de ses evolutions : les soldats recevait aussi le conubium pour leur epouse et, jusqu'en 140 , la citoyennete pour leurs enfants deja nes.

La citoyennete est egalement accordee a une cite entiere en raison de services rendus lors des guerres menees par Rome. L’octroi de cette citoyennete se fait alors souvent par etapes : droit latin d’abord, puis citoyennete romaine pour tous les habitants ulterieurement. Dans le cadre du droit latin accorde a une cite les magistrats de la cite, en sortie de charge, deviennent citoyens romains. Les autres membres de la cite se voient attribuer le conubium et le commercium . A partir d' Hadrien le droit latin majeur confere la citoyennete a tous les decurions de la cite. Le droit latin, elabore a la fin de la republique a partir des relations passees entre Rome et les allies ( socii ) italiens, fut, sous l'empire, un puissant moyen d'integration et de romanisation des elites locales et des aristocraties civiques de l'empire, essentiellement cependant dans la partie occidentale de l'empire. Le droit latin peut etre confere a une cite dont le droit est etranger au droit romain (cite peregrine) mais en general il s'accompagne d'un changement de statut : la cite peut devenir colonie latine ? de nombreux exemples sont connus en Gaule ? ou elle peut devenir municipe latin : dans les deux cas la cite recoit une nouvelle constitution plus conforme au droit romain mais menageant d'importante possibilite d'adaptation et d'autonomie locale. Sous la republique et au debut de l'empire une cite deja existante recevant collectivement la citoyennete romaine pour ses habitants devient un municipe romain, ce fut encore le cas pour Volubilis au debut du regne de Claude . Par la suite la creation de municipe ne confera plus que le droit latin. Une colonie latine ou un municipe latin peuvent ensuite devenir une colonie romaine : la citoyennete est conferee a tous les habitants libres de la cite. Toutes les cites ne connaissaient pas cependant cette evolution du droit de leur citoyen. Certains exemples sont bien connus comme le cas de Lepcis Magna , cite libre d'Afrique proconsulaire devenue municipe latin sous Vespasien et colonie romaine sous Trajan .

Synthese historique [ modifier | modifier le code ]

Quelques dates importantes marquent l'evolution de la concession de la citoyennete :

  • La lex Iulia de Civitate Latinis Danda ou lex Julia ( -90 ) accorde la citoyennete romaine aux peuples d' Italie qui ne s'etaient pas revoltes apres l’assassinat de Livius Drusus [ 5 ] .
  • La lex Plautia Papiria ( -89 ) etend le droit de cite complet a tous les habitants libres d'Italie au sud du Po . Cette mesure permet de clore la Guerre sociale en satisfaisant sa principale revendication [ 5 ] .
  • en -88 , la lex Pompeia accorde la citoyennete latine a tous les habitants de Gaule cisalpine [ 5 ] .
  • en -65 , la Lex Papia reprime l’usurpation de citoyennete romaine.
  • en -49 , la lex Roscia , adoptee au debut de la guerre civile , accorde la citoyennete romaine a tous les habitants de Gaule cisalpine [ 5 ] . L'ensemble de la Gaule cisalpine est ensuite annexe a l'Italie en -42 .
  • en -44 , a l'initiative de Marc Antoine , la citoyennete romaine est donnee a tous les hommes libres de Sicile , cette mesure fut partiellement revoquee par Auguste .
  • en 48 de notre ere, comme en temoigne la Table claudienne de Lyon, Claude accorde l'acces aux magistratures et au senat aux notables de la Gaule Chevelue  : cela est souvent vu comme la concession du jus honorum . Claude, sans se departir d'un profond respect pour le statut de citoyen, fut, a l'occasion notamment de sa censure, l'artisan d'une ouverture importante de la citoyennete, ouverture parfois jugee trop genereuse par ses contemporains, qui tel Seneque raillerent un empereur qui aurait voulu voir tous les Gaulois en toge [ 6 ] . La Tabula Clesiana temoigne aussi selon Edmond Frezouls [ 7 ] de cette conception claudienne ou la citoyennete devient l'instrument de l'equilibre de l'empire.
  • Vespasien (69-79) octroie le droit latin a toutes les villes d’ Hispanie .
  • en 212 enfin, citoyennete romaine a tous les hommes libres de l’Empire ( Edit de Caracalla ).

References [ modifier | modifier le code ]

  1. Nicolet 1989 , p.  317.
  2. Tite Live , Histoire romaine , livre V, 50
  3. Pierre Grimal , Rome et l’Amour , Robert Laffont, 2007, ( ISBN   9782221106297 ) , p.  23
  4. a et b Elisabeth Deniaux, Rome, de la Cite-Etat a l'Empire, Institutions et vie politique , Hachette, 2001, ( ISBN   2-01-017028-8 ) , p.  15.
  5. a b c et d Deniaux 2001 , p.  83
  6. Seneque , Apotheose burlesque du Cesar Claude , III, [1]
  7. E. Frezouls, ≪ A propos de la tabula Clesiana  ≫, Ktema , 6, 1981, p.   239-252

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • Mireille Cebeillac-Gervasoni , Alain Chauvot et Jean-Pierre Martin , Histoire romaine , Paris, Armand Colin, , 471  p. ( ISBN   2-200-26587-5 ) .
  • Jean-Michel David , La Romanisation de l'Italie , Paris, Flammarion , coll.  ≪ Champs ≫ ( n o  381), ( 1 re   ed. 1994), 260  p. ( ISBN   978-2-08-081381-7 )
  • Elisabeth Deniaux , Rome, de la Cite-Etat a l'Empire, Institutions et vie politique , Paris, Hachette, , 256  p. ( ISBN   2-01-017028-8 )
  • George Hacquard, Jean Dautry, O Maisani, Guide romain antique , Hachette, 1963, ( ISBN   2010004884 ) ,
  • Au temps des legionnaires romains , collection La Vie privee des Hommes , Hachette, 1978 , collectif, textes de Pierre Miquel, ( ISBN   2-01-003352-3 )
  • Claude Nicolet , Le metier de citoyen dans la Rome republicaine , Gallimard, coll.  ≪ Tel ≫, , 2 e   ed. , 543  p. ( ISBN   978-2-07-071530-5 )
  • Antoine Perez, La societe romaine : Des origines a la fin du Haut-Empire , Paris, Ellipses, , 190  p. ( ISBN   2-7298-1288-1 )
  • William Seston , Maurice Euzennat , ≪ La citoyennete romaine au temps de Marc Aurele et de Commode, d'apres la Tabula Banasitana  ≫, CRAI , 105-2, 1961, p.  317-324.
  • La Citoyenne romaine , XIII e Congres International des sciences historiques, (Moscou, 16-23 octobre 1970), Moscou, 1973, p.  31-52 desormais dans Scripta Varia , Rome, 1980, p.  3-18 Lire en ligne
  • (en) A.N. Sherwin-White, The Roman Citizenship , Oxford, 1939 (edition revisee en 1973).

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]

Lien externe [ modifier | modifier le code ]