L'
anatomopathologie
,
anatomo-pathologie
ou
anatomie pathologique
[
1
]
, informellement abregee en ≪ anat-patho ≫ ou ≪ anapath ≫ dans le
jargon
des professionnels de la sante, est une
specialite medicale
humaine et veterinaire. C'est la partie de la
pathologie
consacree a l'
etude morphologique
des anomalies
macroscopiques
et
microscopiques
des
tissus biologiques
et des
cellules
pathologiques
preleves sur un
etre vivant
ou
mort
.
Le
medecin
ou le
veterinaire
specialise en anatomopathologie est appele anatomopathologiste, ou
pathologiste
.
Le premier traite d'anatomopathologie publie est, en
1679
, celui de
Theophile Bonet
, un medecin
genevois
,
Sepulchretum: sive anatomia practica ex cadaveribus morbo denalis
. L'anatomopathologie moderne commence au
XVIII
e
siecle avec l'
Italien
Giovanni Battista Morgagni
. Au
XIX
e
siecle, le medecin allemand
Rudolf Virchow
fera une contribution notable. En France, la premiere chaire universitaire independante de cette discipline est creee par
Jean Lobstein
en 1819, a la Faculte de Medecine de l'
Universite de Strasbourg
.
La
pathologie
est l'etude des maladies. Elle integre l'anatomopathologie, l'
epidemiologie
, la
pathogenie
, la
semiologie
, etc. Le mot ≪ pathologie ≫ n'est donc pas un synonyme de ≪ maladie ≫, et ne doit etre utilise qu'au singulier.
Les anglo-saxons la divisent en deux grandes sections :
L'anatomopathologie etudie les lesions macroscopiques et microscopiques de tissus preleves sur des etres vivants malades ou decedes par biopsie, frottis ou biopsie extemporanee. Selon qu'elle s'interesse a l'Homme ou a l'animal, on distingue l'anatomopathologie humaine et l'anatomopathologie veterinaire.
On considere :
- l'anatomopathologie generale, qui s'interesse aux grands processus lesionnels concernant les elements fondamentaux d'un organisme : l'
inflammation
, la
cancerologie
, les troubles vasculaires, les alterations cellulaires, la necrose, la cicatrisation,
etc.
;
- l'anatomopathologie speciale, qui etudie la pathologie par appareils : cœur, poumon, foie,
etc.
L'anatomie pathologique, parfois appelee ≪ pathologie ≫ de maniere abusive (
cf.
≪
pathology
≫ des anglo-saxons), est une specialite medicale meconnue du public et pourtant primordiale en cancerologie. Elle a pour objectif d’analyser principalement au microscope les prelevements tissulaires et tumoraux realises chez les patients et d’en deduire le diagnostic et les principaux facteurs de gravite de la tumeur, contribuant ainsi pour la plus grande part a la decision therapeutique.
Les methodes d’analyse realisees par les pathologistes font appel a differentes techniques complementaires :
- d’une part l'examen macroscopique, c’est-a-dire examen a l’œil nu, des prelevements et pieces operatoires, tous confies au laboratoire de pathologie ;
- d’autre part l'examen histologique realise au
microscope
.
Ces examens sont effectues sur tout prelevement tumoral et constituent la base du diagnostic de cancer. Ils sont souvent completes par une analyse immunohistochimique qui a pour objectif d’identifier des
proteines
fabriquees par les cellules tumorales ? ce qui permet souvent de mieux classer la tumeur, d’en evaluer la gravite et de predire l’efficacite de certains medicaments ? et de plus en plus, par des analyses moleculaires de l’
ADN
et des
ARN
des cellules tumorales.
Ce dernier type d’analyses, recemment apparu, permet une etude structurelle et repertorie les anomalies du
genome
de la cellule tumorale, anomalies souvent responsables de la cancerisation de la cellule, et complete ainsi les analyses morphologiques (macroscopie et
histologie
) et fonctionnelles (
immunohistochimie
) plus classiques.
Toutes les informations ainsi recueillies sont consignees dans un compte rendu signe engageant la responsabilite du pathologiste. Ce compte rendu constitue l’element le plus important du
dossier medical
pour la prise de decision therapeutique d’un sujet atteint d’un cancer. Il est de plus en plus standardise repondant ainsi aux normes internationales en vigueur pour la tumeur analysee et est souvent enrichi d’images numerisees illustrant les aspects macroscopiques et histologiques. Toutes ces informations sont informatisees et conservees pour un acces facile et rapide.
Tous les prelevements confies en pathologie sont preserves dans des petits blocs de
paraffine
. Une tranche fine de quelques microns d’epaisseur (rubans) est realisee sur tous les blocs, deposee sur une lame de verre et coloree pour etre examine au microscope. Les lames, blocs de paraffine et images peuvent facilement etre echanges entre medecins pour une nouvelle interpretation si le patient est traite par une autre equipe medicale, ou pour un second avis aupres d’un collegue referent pour un type de tumeurs particulier en cas de difficulte diagnostique.
Cette conservation permanente des informations recueillies, des lames et blocs de paraffine constitue l’une des missions importantes des laboratoires de pathologie.
Ces laboratoires disposent souvent de centaines de milliers de tumeurs ainsi archivees permettant des analyses retrospectives utiles pour une meilleure prise en charge des patients et indispensables pour faire progresser nos connaissances sur le cancer.
Les laboratoires de pathologie des centres hospitalo-universitaires et des centres de lutte contre le cancer ont egalement mis en place des tumorotheques completant les archives conventionnelles et permettant des analyses moleculaires plus elaborees.
On definit par
lesion
toute modification non physiologique, macroscopique ou microscopique, d'une cellule, d'un tissu ou d'un organe, et survenant du vivant de l'animal. Cette derniere condition est importante car elle elimine les alterations
post-mortem
des tissus telles que l'
autolyse
, la
putrefaction
, le
rigor mortis
(
rigidite cadaverique
) ou le
livor mortis
(
lividite cadaverique
). Si le pathologiste ne doit pas les considerer comme de vraies lesions, il en tient cependant compte, notamment comme outils de datation de la mort, dans le cadre de la
medecine legale
par exemple.
Afin de bien discerner lesions et non-lesions, l'anatomopathologie exige une bonne maitrise des notions de base d'
anatomie
, d'
histologie
et de
physiologie
: il faut bien connaitre le normal pour reconnaitre l'anormal.
La
cytopathologie
est tres souvent associee a l'anatomopathologie. Elle s'en distingue par le fait que les elements etudies ne le sont plus sous forme de tissus fixes et coupes, mais de prelevements obtenus le plus souvent par
ponction
ou calque, et directement etales sur une lame ce qui la rapproche de la
biologie medicale
. Les cellules sont alors entieres mais l'architecture du tissu est perdue. S'agissant d'un etalement et non plus d'une coupe, la taille des cellules est y plus grande et permet de mieux apprecier la morphologie cellulaire (d'ou le nom de
cytologie
) plutot que les caracteristiques tissulaires (domaine de l'
histologie
). Parmi les prelevements courants en cytopathologie, citons les ponctions lombaires (prelevements de
liquide cephalorachidien
), les ponctions articulaires (prelevements de liquide synovial), le
frottis vaginal
, les ponctions de masse, les ponctions de moelle osseuse hematopoietique (myelogramme), les ponctions de nœuds lymphatiques (adenogramme), les lavages bronchoalveolaires, l'urine,
etc.
En definitive, cette discipline est une discipline mixte dependant a la fois de la
biologie medicale
et de l'anatomopathologie.
L'anatomopathologie ne concerne pas l'etude de la composition des
liquides biologiques
, qui est devolue a la
biologie medicale
. L'
hematologie
, qui etudie les elements figures du sang, s'est detachee de l'anatomopathologie et constitue une specialite a part entiere.
Biologie medicale
et
hematologie
sont souvent regroupees sous le terme de pathologie clinique.
Une classification simple des lesions et maladies est fondee sur leur
etiologie
. Une premiere dichotomie s'effectue entre les lesions tumorales et les lesions non tumorales. Dans les lesions non tumorales, on considere les lesions d'origines inflammatoires, degeneratives, nutritionnelles, metaboliques, toxiques, infectieuses, physiques, chimiques, traumatiques, comportementales, genetiques, embryologiques, etc. Ces categories sont loin d'etre hermetiques car pour une meme lesion, il peut exister de nombreuses interconnexions. Ainsi, certaines infections virales peuvent engendrer des tumeurs, et des lesions degeneratives suscitent souvent de fortes reactions inflammatoires.
Microscopes photoniques et electroniques,
microtome
, ≪ tissus processor ≫ (utilise pour le traitement et la protection des tissus a analyser), ordinateur, tissus, organes, secretions, sang,
serum
, etc.
L'œil est le premier outil du pathologiste. En effet, l'anatomopathologie est avant tout une science de la description. Selon les cas, les autres sens peuvent egalement etre sollicites. Par exemple, lors de l'examen d'une
tumeur
sur un cadavre, on s'attachera a decrire sa localisation, sa taille, sa couleur, sa forme, sa consistance, sa delimitation, ses rapports aux autres organes, son aspect a la coupe, etc. A cette etape, de nombreuses informations peuvent orienter le diagnostic. Lors de l'examen macroscopique, le pathologiste peut avoir recours a une balance afin d'apprecier d'eventuelles variations de poids des organes.
L'analyse microscopique est generalement l'activite principale du pathologiste. Il a pour cela recours aux outils de la microscopie, principalement optique ou photonique, mais egalement electronique. L'immunofluorescence, l'immunohistochimie et l'hybridation
in situ
sont egalement utilisees afin d'approfondir le diagnostic.
Cette etape permet d'affirmer le caractere tumoral ou non d'une lesion et le cas echeant d'aboutir a la denomination de la tumeur, basee sur le type cellulaire d'origine. L'examen microscopique permet egalement d'apprecier les lesions de type inflammatoire et eventuellement d'identifier un agent causal (
virus
,
bacteries
,
protozoaires
,
mycetes
,
parasites
,
etc.
)
L'anatomopathologie s'occupe :
- du
diagnostic
de certaines maladies qui reclament une certitude anatomopathologique : par exemple les
cancers
, ou seul le specialiste pourra affirmer qu'une lesion qu'on lui a soumise comprend des cellules cancereuses. Le pathologiste identifie par ailleurs le type de tumeur et peut le cas echeant fournir un pronostic sur la gravite de la lesion ;
- d'affirmer le caractere complet de l'ablation d'une tumeur, en examinant ses bords (soit ses limites d'exerese) : pour etre sur d'avoir enleve toute la tumeur, le
chirurgien
fait verifier par l'anatomopathologiste que les limites de resection ne contiennent pas de cellules tumorales ;
- des
necropsies
(ou
autopsies
), qui sont l'examen des
cadavres
dont les causes de la mort sont douteuses sur un plan medical (les morts suspectes d'un point de vue legal sont autopsiees par un
medecin legiste
) ;
- d'analyser les lesions engendrees par les substances medicamenteuses sur les animaux de laboratoire. Le pathologiste est alors un maillon de la chaine aboutissant a l'autorisation de mise sur le marche d'un medicament ou d'autres substances chimiques. Dorenavant, cette voie est presque exclusivement reservee aux pathologistes veterinaires.
- ↑
Dictionnaire de medecine Flammarion,
8
e
edition.
Sur les autres projets Wikimedia :