Le
vers
(du
latin
versus
, ≪ le sillon, la ligne d'ecriture ≫, puis ≪ le vers ≫, historiquement ≪ ce qui retourne a la ligne ≫) est un enonce
linguistique
soumis a des contraintes formelles d'ordre
metrique
. Du respect de telles contraintes, qui peuvent etre implicites ou explicites, dependra, dans une culture donnee et a une epoque donnee, la reconnaissance d'un enonce en tant que vers.
En poesie litteraire imprimee, le vers est souvent reperable grace a un retour a la ligne independant de la bordure de la page. Le vers est souvent associe a la
poesie
, mais toute poesie n'est pas forcement versifiee, de meme que toute forme versifiee n'est pas necessairement poetique. L'enonce qui constitue un vers ne se confond pas necessairement avec une
phrase
: une phrase peut s'etendre sur plusieurs vers et, inversement, un seul vers peut toucher a plusieurs phrases. Le
rejet
et le
contre-rejet
sont des cas ou l'organisation des vers s'ecarte de la structure
syntaxique
.
Le vers francais se decompose en plusieurs unites appelees ≪
syllabes
≫ (de preference a
pieds
, terme reserve a la
metrique
latine
ou grecque). En fonction de ces syllabes, on peut mesurer les differents vers et les grouper ; il suffit, pour cela, de compter les syllabes.
Il n'existe pas de propriete intrinseque qui permette de distinguer, infailliblement et pour toutes les cultures, le vers du ≪
non-vers
≫. Lorsque
Maurice Grammont
[
1
]
tente de le definir comme :
- ≪ un element linguistique comptant un nombre determine de
syllabes
, dont certaines sont obligatoirement accentuees et dont la derniere
assone
[ou
rime
] avec la syllabe correspondante d'un ou de plusieurs autres vers. ≫
on comprend bien que, non content de limiter sa definition au vers francais, il en exclut par la meme occasion le vers ≪ blanc ≫ (non rime), ou le celebre ≪ Chantre ≫, de
Guillaume Apollinaire
, dont l'unique vers serait bien en peine de rimer a quoi que ce soit :
- Et l'unique cordeau des trompettes marines
.
Cette definition exclut de meme le ≪
vers libre
≫, dont le nombre de syllabes peut ne connaitre aucune regularite.
A defaut de mieux, il faudra bien se contenter du jugement social (est repute
vers
tout ce qui est, plus ou moins consensuellement, reconnu comme tel) tout en s'appliquant a expliciter, pour chaque culture, chaque periode et chaque style, les contraintes
metriques
specifiques qui servent de base a une telle reconnaissance. Plus ces contraintes metriques sont fortes, plus elles auront tendance a agir a leur tour sur l'enonce linguistique sous-jacent : inversions, curiosites syntaxiques ou lexicales, archaismes, licences orthographiques sont autant d'elements qui aideront a identifier un vers comme tel.
La
prose
se caracterise par l'absence des contraintes
metriques
qui font le vers : tout enonce qui n'est pas en vers est en prose, mais il est toujours possible d'oublier qu'un vers est un vers et, partant, de le lire comme de la prose.
Par ecrit, la prose s'organise en paragraphes. Chaque vers est en principe suivi d'un retour a la ligne. La coherence graphique du vers est telle qu'on en marque souvent la premiere lettre par une
majuscule
, meme si le mot la portant n'est pas le premier d'une phrase. De meme, si, par manque de place, on ne peut ecrire un vers en entier sur une ligne, on le signale :
- Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort les yeux baisses
- [les mains vides
(
Louis Aragon
, fragment d'≪ Epilogue ≫,
in
Les Poetes
)
La partie rejetee a la ligne suivante, ne constituant pas un nouveau vers, est precedee d'un crochet gauche et alignee a droite (ou fortement decalee).
On tend a grouper les vers : dans la
chanson de geste
, une suite, de longueur variable, de vers partageant la meme
assonance
s'appelle une
laisse
. Dans les genres lyriques, on appellera
strophe
un bloc de vers. Souvent de longueur fixe, la strophe peut se caracteriser par un arrangement particulier de ses rimes. Traditionnellement, on groupe les vers du
sonnet
en deux
quatrains
et deux
tercets
.
Dans les
editions
modernes, on separe les strophes par une ligne blanche, ce qui n'a pas toujours ete le cas. Il n'est pas rare que la strophe coincide avec une unite syntaxique, ou ait une coherence semantique.
Le vers traditionnel ou classique se definit donc surtout par son
metre
, c'est-a-dire par un ensemble de contraintes formelles auxquelles il se soumet.
On connait trois grandes familles de metres :
- les metres syllabiques qui, insensibles a leurs proprietes
prosodiques
, se bornent a denombrer les
syllabes
;
- les metres quantitatifs, qui s'appuient sur la
quantite
ou
duree
des syllabes constituant des
pieds
;
- les metres accentuels, qui s'appuient sur l'
accent tonique
,
Les longs vers sont presque invariablement divises par une
cesure
, contrainte qui est l'une des rares a etre communes a toutes les familles de metres. Cette universalite pourrait bien etre due a l'incapacite de l'esprit humain a apprehender globalement des longues suites de syllabes.
La
rime
est une contrainte metrique frequente, qu'on s'attend a trouver avant tout en metrique syllabique, souvent aussi en metrique accentuelle. Elle est generalement absente des metriques quantitatives.
La notion de
pied
, presente en metrique quantitative comme en metrique accentuelle, n'a aucun sens en metrique syllabique puisque les syllabes n'y sont pas hierarchisees.
Predominant dans la poesie des langues romanes, le vers a metre syllabique est determine par son nombre de
syllabes
. La poesie francaise y a recours de maniere preponderante, ce qui ne l'empeche pas de frayer a l'occasion avec les metres quantitatifs voire accentuels (cf. par exemple
hexametre dactylique
et
strophe sapphique
).
Le metre des vers francais est caracterise par le nombre de ses syllabes (ou de ses voyelles), a l'exclusion des syllabes feminines surnumeraires pouvant survenir en fin de vers (vers feminins) ou, dans certains cas, a la cesure (cesure ≪ epique ≫). Certains metres sont plus courants que d'autres (bien que, dans la poesie contemporaine ? et, pour les vers chantes, deja a la periode classique ? regne une grande liberte). Ils sont signales ici par la mise en gras. De maniere generale, les vers pairs sont plus frequents que les vers impairs :
En poesie francaise traditionnelle, les vers sont rimes. De plus, les decasyllabes et les alexandrins comportent une
cesure
tombant toujours entre deux mots. Cette cesure est le plus souvent a la quatrieme position pour les premiers (4 // 6) et a la sixieme (6 // 6, ou cesure a l'hemistiche) pour les seconds. On decrit aussi des decasyllabes avec cesure sixieme (6 // 4) ou cinquieme (5 // 5, appele alors taratantara
[
2
]
), mais ils sont tout a fait exceptionnels. On rencontre aussi occasionnellement, moins souvent toutefois que la cesure a l'hemistiche, des alexandrins avec double cesure (4 // 4 // 4).
Quand un poeme, ou une strophe, ne sont composes que de vers identiques, on les qualifie d'≪ isometriques ≫. Dans le cas contraire, ils sont dits ≪ heterometriques ≫.
Dire les vers est un
art
pour lequel il n'existe aucune regle absolue, valable independamment de la position esthetique adoptee. Les uns veulent ≪ casser le vers ≫ et s'ingenient a faire oublier ses regularites metriques, comme s'ils voulaient qu'on n'entende que de la prose. D'autres
[
3
]
defendent un jeu restreint de regles de diction. D'autres encore
[
4
]
proposent d'asseoir la diction poetique sur une etude de son histoire et de lui appliquer, en somme, l'approche ≪ historiquement informee ≫ qu'ont largement adoptee les interpretes de la
musique ancienne
. On est donc aujourd'hui tres loin des dogmes vehicules par les traites de
declamation
du
XIX
e
siecle
.
Une diction ≪ neutre ≫ du vers francais est-elle possible ? Peut-etre, mais a condition de renoncer au prealable a toute pretention esthetique et a tout souci d'exactitude historique. Ce qu'on peut proposer alors, c'est une diction ≪ scolaire ≫ des vers syllabiques francais, qui se borne a en rendre perceptibles les regularites metriques, a l'image de ce qu'il est convenu d'appeler la
scansion
pour les vers greco-latins. Sans aucune valeur artistique, elle peut constituer un point de depart dans l'apprentissage de la declamation, quitte a etre modifiee et adaptee en fonction de la position esthetique choisie.
Une telle diction devrait au minimum se conformer aux regles suivantes :
- Faire entendre de maniere distincte toutes les syllabes numeraires du vers, quitte a s'ecarter de l'usage courant,
- en elidant tous les
e
feminins
finaux devant voyelle initiale,
- en prononcant tous les
e
feminins non elides,
- en respectant la pratique du poete en termes de
dierese
([lij??] pour
lion
) et de
synerese
([s??glje]pour
sanglier
).
- en faisant des liaisons qui seraient ≪ interdites ≫ en prose, chaque fois qu'une voyelle initiale succede a une consonne finale,
- Distinguer les vers feminins des vers masculins en faisant entendre legerement leur syllabe feminine surnumeraire.
- Marquer un repos a la cesure et en fin de vers (meme en cas d'
enjambement
ou de
rejet
).
On peut illustrer ces regles ≪ scolaires ≫ minimales par la transcription approximative (en
API
) des vers suivants extraits du poeme LIII ≪ L'Invitation au voyage ≫ de
Charles Baudelaire
(
Les Fleurs du Mal
, ≪ Spleen et Ideal ≫) :
??? Les soleils couchants
??Revetent les champs
Les canaux, la ville entier(e),
??D'hyacinthe et d'or ;
??Le monde s'endort
Dans une chaude lumiere.
La tout n'est qu'ordre et beaute,
Luxe, calme et volupte.
|
[le s?l?j ku???]
[??v?t? le ???]
[le kano la vil ??tj??]
[d?ijas??t e d???]
[l? m??d? s???d??]
[d??z?yn? ?od? lymj??]
[la tu n?? k???d? e bote]
[lyks? kalm e volypte]
|
5 syll.
5 syll.
7 syll. fem.
5 syll. (dierese sur
hy-acinthe
)
5 syll.
7 syll. fem.
7 syll.
7 syll.
|
Extrait du poeme ≪Romance Sonambulo≫ de
Federico Garcia Lorca
(avec la prononciation europeenne academique)
? Verde que te quiero verde.
Verde viento. Verdes ramas.
El barco sobre la mar
y el caballo en la montana.
Con la sombra en la cintura
ella suena en su baranda,
verde carne, pelo verde,
con ojos de fria plata.
Verde que te quiero verde.
Bajo la luna gitana,
las cosas la estan mirando
y ella no puede mirarlas.
|
[?berðe ke te ?kje?o ?βerðe]
[?berðe ?βjento ?berðes ?ramas]
[el ?barko ?soβre la ?mar]
[? el ka?βa?o en la mon ?ta?a]
[kon la ?somβra en la θin?tu?a]
[eλa ?swe?a en su βa??anda]
[?berðe ?karne ?pelo ?βerðe]
[kon ?oxos ðe ?fria ?plata]
[berðe ke te kje?o ?βerðe])
[?baxo la ?luna xi?tana]
[las ?kosas la es?tan mi??anðo]
[? eλa no ?pweðe mi?rarlas]
|
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
8 syll.
|
L'accent, dans la versification espagnole, modifie notamment le rythme du vers. La versification espagnole se soucie plutot de maintenir le rythme, le nombre de syllabes etant a ce propos modifie. La structure rythmique exige que l'accent porte sur la penultieme (avant-derniere) syllabe : (_)(´)(_).
Si l'accent porte sur la derniere syllabe (_)(_)(´), il faut y ajouter un silence equivalent a une syllabe pour que la structure redevienne (_)(´)(_): El barco so(bre)(la)(
mar
) > el barco sobre (la)(
mar
)(_).
Si l'accent porte sur l'antepenultieme (avant-avant-derniere) syllabe (´)(_)(_), il faut supprimer la valeur rythmique de celle qui la suit pour que la structure redevienne (´)(supprimee)(_), donc (_)(´)(_) : Agitan dulcemente las brisas (
ca
)(li)(das) > Agitan dulcemente las bri(sas)(
cali
)(das). On ne doit jamais supprimer la syllabe, mais sa valeur rythmique.
Pour que le vers soit regulier, le poete doit tenir en compte ces faits lorsqu'il ecrit, puisque ceci modifie le calcul des syllabes : (_)(´)(_) = calcul habituel ; (_)(_)(´) = +1 ; (´)(_)(_) = -1. De ce fait, le vers ≪ El barco sobre la mar ≫ n'a pas sept (7) syllabes, mais sept-plus-une (7+1=8) syllabes ; le vers devient ainsi regulier.
Quant a la ≪ sinalefa ≫, il faut tenir en compte que deux sons vocaliques contigus font partie de la meme syllabe s'ils appartiennent a des mots differents : Con la sombra en la cintura = Con-la-som-braen-la-cin-tu-ra. Deux sons vocaliques contigus dans le meme mot constituent une syllabe s'il s'agit d'une diphtongue: Verde viento. Verdes ramas. = Ver-de-vien-to-Ver-des-ra-mas. Par contre, deux sons vocaliques font partie de deux syllabes differentes s'il s'agit d'un hiatus: con ojos de fria plata = con-o-jos-de-fri-a-pla-ta. Les licences de non respect des ≪ sinalefas ≫ on les appelle ≪ hiatos ≫ ; les licences de non respect des diphtongues, ≪ dieresis ≫ ; les licences de non respect des hiatus, ≪ sineresis ≫.
Voici un poeme de l'esperantophone letton Nikolajs ?urz?ns (1910-1959) :
Ankora? devas nigri vera nokto
ankora? devas fajri vera tago
ne povas ja de grizo ?io pleni.
|
[an?ko?aw ?devas ?ni??i ?ve?a ?nokto]
[an?ko?aw ?devas ?faj?i ?ve?a ?ta?o]
[ne ?povas ja de ???izo ?t??io ?pleni]
|
11 syll.
11 syll.
11 syll.
|
Voici un vers de l'esperantophone tcheque Eli Urbanova (1922-2012) :
La dol?e lula belo betula
|
[la ?dolt??e ?lula ?belo be?tula]
|
10 syll.
|
- Versification populaire dans l'Italie du Moyen Age
.
- Le vers de la tradition par excellence est l'
endecasillabo
, comme ce v. 3 de
La Comedie
(
Enfer
, I, 3) : ≪ che la diritta via era smarrita ≫ (tr. fr. "ou la voie droite avait ete perdue" - positions fortes de 6 et 10, avec un contre-accent sur la 7° position). Chez Leopardi, par ex. ≪ fin sopra gli astri il mortal grado estolle ≫ (
La ginestra o il fiore del deserto
-
Canti
- positions fortes en 4, 8 et 10) : tr. fr. "eleve l’ordre humain au-dessus des astres
".
- Un exemple d'enneasyllabe (le
novenario
pascoliano
classique) : ≪ Nascondi le cose lontane ≫ -
Nebbia
-
Canti di Castelvecchio
(tr. fr. "Tu caches les choses lointaines" -
Brume
[
5
]
).
- La derniere position forte (la dixieme pour le vers hendecasyllabique traditionnel par ex.) est tres majoritairement suivie d'une syllabe finale, d'ou les termes de
senario
(accent du vers sur la 5°),
settenario
(sur la 6°),
ottonario
,
novenario
,
decasillabo
,
endecasillabo
, etc.
- Il existe aussi de nombreux essais d'imitation de la metrique antique (quantitative), comme dans ce vers sapphique de Pascoli : ≪ Splende al pleni
lu
nio l’orto; il melo ≫ (
Solon
,
Poemi Conviviali
), dont la longueur est compatible avec l'
endecasillabo
, mais la structure est : trochee, trochee, dactyle (accent fort sur la 5° position), trochee, trochee ; tr. fr.
[
6
]
"Brille au clair de lune l’enclos ; les arbres".
Iroha
Kanjis
|
Hiraganas
|
R?maji
|
Sens des paroles en francais
|
色は?へと
散りぬるを
我か世誰そ
常ならむ
有?の?山
今日越えて
?き夢見し
?ひもせす
|
いろはにほへと
ちりぬるを
わかよたれそ
つねならむ
うゐのおくやま
けふこえて
あさきゆめみし
ゑひもせす
|
Iroha ni ho heto
Chiri nuru wo
Waka yo tare so
Tsu ne nara mu
Uwi no oku yama
Kefu koete
Asa ki yume mishi
Wehi mo sesu
|
Le plaisir est enivrant mais s'evanouit
Ici-bas, personne ne demeure.
Aujourd'hui franchissant les cimes de l'illusion,
Il n'est plus ni de reves creux,
ni d'ivresse.
|
Il n'est possible que dans les langues dont la
prosodie
comprend des oppositions de quantite (
vocalique
ou
syllabique
), comme le
latin
et le
grec ancien
. Les schemas de la
metrique antique
se decomposent en effet en
pieds
elementaires, construits sur l'alternance de positions syllabiques ≪ longues ≫ (?) et des positions syllabiques ≪ breves ≫ ( ?). Lorsqu'on ≪
scande
≫ un vers, on etablit son schema metrique et l'on s'efforce de le reciter en rendant ce schema apparent.
Le metre quantitatif n'est pas reserve aux
langues indo-europeennes
anciennes (
grec ancien
,
latin
,
sanskrit
) : il se rencontre aussi dans des langues qui, comme l'
arabe
, connaissent des oppositions de quantite (voir
poesie arabe
). Les oppositions de quantite qui subsistaient en francais de la
Renaissance
ont aussi donne lieu a une poesie authentiquement quantitative, illustree notamment par
Jean-Antoine de Baif
. En revanche, c'est par abus de langage qu'on qualifie de
pentametre iambique
un vers anglais relevant de la metrique accentuelle.
Comme dans les poesies greco-latine et sanskrite, les metriques quantitatives ne tiennent en general aucun compte de l'
accent tonique
.
Les denominations des
pieds
sont empruntees au
grec
, qui nous a fourni l'essentiel du vocabulaire d'analyse
poetique
et
rhetorique
. On represente :
- la position breve par le symbole ≪ ˘ ≫ (ou U) ;
- la position longue par le symbole ≪ ? ≫ (ou ?).
Dans la metrique grecque et
latine
, on considere qu'une longue equivaut a deux breves, ce qui explique certaines des substitutions autorisees (par exemple ? ˘ ˘ → ? ?), mais pas certaines autres (par exemple ˘ ? → ? ?).
Les vers se decomposent en mesures (ou ≪ metres ≫), dont chacune peut comporter un ou plusieurs pieds elementaires. Ainsi, un
trimetre iambique
se compose-t-il de trois mesures comptant chacune deux pieds iambiques, un hexametre dactylique de six mesures comptant chacune un pied dactylique. Du fait des substitutions souvent possibles (? → UU), le nombre de syllabe d'un vers donne, comme l'
hexametre dactylique
, est variable (voir aussi sous
scansion
). De plus, comme dans le metre syllabique, il existe des
cesures
, localisees par rapport aux pieds. Comme son nom l'indique, une cesure
penthemimere
intervient apres le cinquieme demi-pied (soit deux pieds et demi). Parallelement aux termes grecs, il existe une terminologie latine. Un
senaire iambique
, ou
iambique senaire
, est un vers comprenant six pieds iambiques, et qui
grosso modo
, equivaut au trimetre iambique grec.
Les poesies grecques et latines, bien que tres proches dans leur utilisation des metres quantitatifs, divergent par certains aspects. Renvoyons, pour la description detaillee de chaque metre, a sa page propre :
Cette liste est loin d'etre exhaustive.
Regroupements de vers a metres quantitatifs
[
modifier
|
modifier le code
]
Les vers peuvent etre regroupes en
systemes
. Dans ce cas, la repartition des syllabes longues et breves se fait sur l'etendue de la strophe et non du vers seul. Par exemple, dans la poesie
elegiaque
ou
lyrique
, il est courant d'utiliser le
distique elegiaque
, strophe composee d'un
hexametre dactylique
suivi d'un
pentametre
.
Principaux systemes :
Voici scande le vers 75 du premier chant de l'
Iliade
, œuvre ecrite en
hexametres dactyliques
, comme le demande le genre
epique
. La
cesure
est penthemimere. L'accent n'a aucune incidence sur le vers et les syllabes d'un pied donne ne font pas forcement partie d'un meme mot (les pieds sont separes par la barre droite, la cesure est indiquee par deux barres obliques et les couleurs permettent de relier les syllabes d'un meme pied) :
- Μ?νιν ?π?λλωνο? ?κατη?ελ?ταο ?νακτο?
Μ?-
|
νιν
|
|
?-
|
π?λ-
|
λω-
|
νο?
|
|
?-
|
κα-
|
τη-
|
?ε-
|
λ?-
|
τα-
|
ο
|
|
?-
|
νακ-
|
το?
|
?
|
?
|
|
? |
|
?
|
? |
|
?
|
//
|
?
|
? |
|
?
|
?
|
? |
|
?
|
?
|
|
? |
|
?
|
?
|
Le vers national latin est le
vers saturnien
, dont on connait encore mal le fonctionnement. Hormis ce vers specifique, la metrique latine n'offre que tres peu d'originalite par rapport a la metrique grecque
[
7
]
. Elle lui a en effet emprunte ce systeme, de meme qu'elle a emprunte nombre de genres litteraires et artistiques a la Grece. Les principales differences se trouvent dans les regles de
scansion
.
Voici un
distique elegiaque
d'
Ovide
(
L'Art d'aimer
, livre II, vers 197-198). Il se compose naturellement d'un
hexametre dactylique
suivi d'un
pentametre
.
- Cede repugnanti ; cedendo uictor abibis ;
- Fac modo, quas partis illa iubebit agas.
Ce-
|
de
|
|
re-
|
pug-
|
nan-
|
ti
|
;
|
ce-
|
den-
|
do
|
|
uic-
|
tor
|
|
a-
|
bi-
|
bis
|
?
|
?
|
|
? |
|
?
|
?|
|
?
|
//
|
? |
|
?
|
?|
|
|
?
|
?
|
|
?|
|
?
|
?
|
Fac
|
|
mo-
|
do,
|
|
quas
|
|
par-
|
tis
|
|
il-
|
la
|
|
iu-
|
be-
|
bit
|
|
a-
|
gas.
|
?
|
|
?
|
? |
|
|
?
|
|
? |
|
?
|
//
|
?
|
?
|
|
? |
|
?
|
?
|
|
? |
|
?
|
Dans certaines langues connaissant pourtant les oppositions de quantite vocalique, les pieds et les metres sont definis par la repartition de l'
accent tonique
et non la quantite. C'est le cas en
anglais
: la syllabe accentuee joue le role d'une longue, les autres celui d'une breve. L'essentiel de la metrique anglaise, cependant, suit celle de la metrique classique (greco-latine). Par exemple, le
pentametre iambique
, l'un des metres les plus utilises en anglais, se presente ainsi (l'accent tonique est signale par le gras, les pieds sont separes par la barre droite) :
- Was
this
| the
face
| that
launch'd
| a
thou
|sand
ships
- And
burnt
| the
top
|less
tow'rs
| of
Il
|i
um
?
- Christopher Marlowe
,
D
r
Faustus
Samuel Taylor Coleridge
est celebre pour ses imitations en anglais d'
hexametres dactyliques
greco-latins dans son poeme
Hexameters
.
La poesie esperantophone utilise le plus souvent des vers accentuels, construits souvent sur une metrique
iambique
ou
amphibrachique
. Par exemple, le poeme
Ho, mia kor'
figurant dans l'ouvrage fondateur
Langue Internationale
(1887) de
Louis-Lazare Zamenhof
, est ecrit dans un rythme a base iambique rendant les battements du cœur du createur inquiet de son succes
[ref. necessaire]
(les traductions ci-dessous representent une tentative pour rester aussi proche que possible de l'original sans ≪ tordre ≫ la langue francaise plus que la poesie ne l'autorise) :
|
Ho,
mi
a
kor'
, ne
ba
tu
mal
tran
kvi
le,
El
mi
a
brus
to
nun
ne
sal
tu
for
!
Jam
te
ni
min
ne
po
vas
mi
fa
ci
le,
Ho,
mi
a
kor'
!
|
|
O mon cœur, ne bats pas d'inquietude,
De ma poitrine ne t'en va pas sauter,
Je ne puis deja pas me tenir facilement,
O mon cœur !
|
|
Ho,
mi
a
kor'
, post
lon
ga
la
bo
ra
do,
?u
mi
ne
ven
kos
en
de
ci
da
hor'
?
Su
fi
?e !
Tran
kvi
li
?u
de
l'ba
ta
do,
Ho,
mi
a
kor'
!
|
|
O mon cœur, apres un long labeur,
Ne vaincrai-je pas a l'heure decisive ?
Suffit ! Calme-toi du battement,
O mon cœur !
|
Par contre les tres celebres poemes
La Vojo
(eo)
(1896) et
Pre?o sub la verda standardo
(eo)
(1905), egalement de Zamenhof, sont amphibrachiques ; voici la prmiere strophe de chacun d'eux :
|
Tra
den
sa mal
lu
mo bri
le
tas la
ce
lo
Al
ki
u ku
ra
?e ni
i
ras.
Si
mi
le al
ste
lo en
nok
ta ?i
e
lo
Al
ni
la di
rek
ton ?i
di
ras.
Kaj
nin
ne ti
mi
gas la
nok
taj fan
to
moj,
Nek
ba
toj de l'
sor
to, nek
mo
koj de l'
ho
moj,
?ar
kla
ra kaj
rek
ta kaj
tre
difi
ni
ta
?i
es
tas, la
voj'
elek
ti
ta.
|
|
A travers une dense obscurite scintille le but
Auquel courageusement nous allons.
Semblable a une etoile en un ciel nocturne
Il nous dit la direction.
Et ne nous effraient ni les fantomes de la nuit,
Ni les coups du sort, ni les moqueries des hommes
Car [c'est] claire et droite et bien definie
[Qu']elle est, la voie choisie.
|
|
Al
Vi
, ho po
ten
ca sen
kor
pa mis
te
ro,
For
te
go, la
mon
don re
gan
ta,
Al
Vi
, granda
fon
to de l'
a
mo kaj
ve
ro
Kaj
fon
to de
vi
vo kon
stan
ta,
Al
Vi
, kiun
?i
uj mal
sa
me pre
zen
tas,
Sed
?i
uj e
ga
le en
ko
ro Vin
sen
tas,
Al
Vi
, kiu
kre
as, al
Vi
, kiu
re
?as,
Ho
di
a? ni
pre
?as.
|
|
A Toi, o puissant mystere sans corps
Grande force gouvernant le monde,
A Toi, grande source de l'amour et du vrai
Et source de vie constante,
A Toi que chacun autrement represente
Mais que tous egalement au cœur Te sentent
A Toi qui crees, a Toi qui regnes,
Aujourd'hui nous prions.
|
Comme en francais, au moins dans les exemples ci-dessus, la rime concerne la derniere voyelle accentuee et tout ce qui la suit, que cette voyelle se trouve dans la derniere syllabe du vers (rime masculine) ou dans l'avant-derniere (rime feminine).
La poesie russe connait
[
8
]
:
- Ко
го
жа
леть
? Ведь
каж
дый
в ми
ре
стран
ник
- Ko
vo
/ ja
liet'
? / Vied'
kaj
/dyi
v mi
/rie
stran
/nik
- Qui regretter ? Chacun ici-bas est un errant
(
Serge Essenine
)
- Exemple de
choree
(хорей) :
- Ми
лый
друг
, иль ты не
ви
дишь
- Mi
lyi /
droug
, il' / ty nie /
vi
dich'
- Amie chere, ne vois-tu pas
(
Vladimir Soloviev
)
- Exemple de
dactyle
(дактиль) :
- Туч
ки не
бес
ные,
ве
чные
стран
ники
- Toutch
ki nie/
bies
nyie, /
vietch
nyie /
stran
niki
- Les nuages du ciel, les errants eternels
(
Mikhail Lermontov
)
- Exemple d’
amphibraque
(амфибрахий) :
- Я к
ро
зам хо
чу
, в тот е
дин
ственный
сад
- Ia k
ro
zam / kho
tchou
, v tot / ie
din
stvien/nyi
sad
- Je veux voir les roses, dans ce jardin unique
(
Anna Akhmatova
)
- Exemple d’
anapeste
(анапест) :
- Я ска
зал
: вино
град
как ста
рин
ная
бит
ва жи
вёт
- Ia ska
zal
: / vino
grad
/ kak sta
rin
/naia
bit
/va ji
viot
- J'ai dit : la vigne, elle vit comme un antique combat
(
Ossip Mandelstam
)
Il existe en russe trois sortes de rimes :
- masculine (finale accentuee) ;
- feminine (penultieme accentuee) ;
- dactylique (antepenultieme accentuee).
- ↑
Maurice Grammont,
Petit traite de versification francaise
, Armand Colin, Paris, 1965 (les premieres editions remontent au debut du
XX
e
siecle).
- ↑
Alain Chevrier
,
Le Decasyllabe a cesure mediane. Histoire du taratantara
, Paris, Classiques Garnier
(
ISBN
978-2812402906
)
.
- ↑
Jean-Claude Milner et Francois Regnault,
Dire le vers
, Seuil, Paris, 1987.
- ↑
Olivier Bettens,
Chantez-vous francais ?
,
http://virga.org/cvf/
.
- ↑
≪
brume-giovanni-pascoli
≫
- ↑
Jean-Charles Vegliante, ≪
Traduire la forme
≫, sur
circe.univ-paris3.fr
,
(consulte le
)
- ↑
Sur le vers latin, voir : Louis Nougaret,
Traite de metrique latine classique
, Klincksieck, 1986 (
4
e
ed.)
(
ISBN
2-252-01952-2
)
- ↑
D'apres N. Struve,
Anthologie de la poesie russe: La renaissance du
XX
e
siecle
, Aubier-Flammarion, 1970
Sur les autres projets Wikimedia :
- vers
,
sur le
Wiktionnaire
- Metrique greco-romaine