Tribun militaire a pouvoir consulaire

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Un tribun militaire a pouvoir consulaire (en latin  : tribunus militum consulari potestate ) est un magistrat romain disposant d'un niveau d' imperium presque equivalent aux consuls qu'il remplace de facon irreguliere au debut de la Republique romaine , entre 444 et 367 av. J.-C. Apres cette date, le tribunat consulaire est definitivement abandonne.

Histoire [ modifier | modifier le code ]

Creation du tribunat consulaire [ modifier | modifier le code ]

Vers le milieu du V e  siecle  av. J.-C. , le fait que l' imperium soit partage entre deux consuls, souvent des patriciens, pour un mandat d'une annee semble etre percu comme inadapte par une partie du peuple romain [ 1 ] , [ 2 ] . Une nouvelle magistrature, le tribunat consulaire, est mise en place sous la pression des tribuns de la plebe peu apres la chute des decemvirs despotiques en 450 av. J.-C. pour tenter de trouver un nouvel equilibre politique [ a 1 ] . Eutrope place cette innovation institutionnelle la 365 e  annee apres la fondation de Rome (365 AUC ), soit la premiere annee apres le sac de Rome par les Gaulois de Brennus [ a 2 ] .

Pendant la periode de 77 ans comprise entre 444 et 367 av. J.-C. , les Romains elisent 51 fois des tribuns militaires a pouvoir consulaire [ 1 ] , le Senat romain decidant a chaque renouvellement electoral, via un senatus consultum [ a 3 ] , si on doit elire des tribuns militaires ou des consuls pour l'annee suivante, selon les tensions politiques du moment ou bien pour faire face a des conflits exterieurs sur plusieurs fronts [ 3 ] .

Evolution du tribunat [ modifier | modifier le code ]

Malgre l'ouverture des candidatures aux plebeiens [ 2 ] , ces derniers ne sont que rarement elus car le systeme electoral privilegie le vote des patriciens , ce qui provoque une grande frustration chez les plebeiens , et ce, des l'annee de l'institution du tribunat. En effet, en 445 av. J.-C. , trois plebeiens sont elus et entrent en fonction l'annee suivante, en 444 av. J.-C. Mais l'election est consideree comme irreguliere ( uitio creati ) et les trois magistrats sont contraints de demissionner, laissant la place a des consuls [ 4 ] , [ a 4 ] .

Par la suite, des tribuns consulaires sont de nouveau elus pour l'annee 438 av. J.-C. Bien que Tite-Live presente Publius Licinius Calvus comme le premier plebeien elu a cette charge en 400 av. J.-C. , les historiens modernes relevent quelques noms anterieurs comme Quintus Antonius en 422 av. J.-C. , Agrippa Menenius en 419 et 417 av. J.-C. ou Spurius Rutilius Crassus en 417 av. J.-C. [ n 1 ] L'annee 400 av. J.-C. serait plutot une annee de candidatures majoritairement plebeiennes, comme en 399 , 396 et 379 av. J.-C. [ 5 ] , [ 6 ] .

Abolition de la magistrature [ modifier | modifier le code ]

Entre 408 et 367 av. J.-C. , des tribuns consulaires sont elus plus regulierement et leur nombre est croissant, passant de trois a quatre et atteignant six en 405 av. J.-C. Durant cette periode, le consulat devient exceptionnel etant donne que des consuls ne sont elus qu'en 393 et 392 av. J.-C. [ 4 ] Le fait qu'il n'y ait plus d'election consulaire entre 392 et 367 av. J.-C. laisse penser qu'une partie des Romains ont tente de rendre le tribunat consulaire permanent [ 1 ] . Mais finalement, cette magistrature est supprimee definitivement et remplacee par le consulat en 367 av. J.-C. lorsque les tribuns de la plebe Caius Licinius Stolon et Lucius Sextius Lateranus font voter les lois licinio-sextiennes imposant qu'un des deux consuls soit obligatoirement plebeien [ a 5 ] .

Selon certains historiens modernes, l'abolition du tribunat consulaire est lie au fait que Rome a pu securiser sa position au sein du Latium et qu'il est dorenavant inutile de disposer d'autant de magistrats avec un haut niveau d' imperium etant donne que le risque d'invasion est limite [ 7 ] . La gestion de l'Etat est donc de nouveau modifiee et les six tribuns consulaires sont remplaces par cinq magistrats disposant d'un niveau d' imperium different : deux consuls sont places a la tete de l'Etat et sont assistes d'un preteur qui supervise les proces et de deux ediles curules qui prennent en charge la gestion de quelques taches administratives comme l'organisation de jeux publics et le controle des marches [ 8 ] .

Fonctions et pouvoirs [ modifier | modifier le code ]

Role et objectif du tribunat [ modifier | modifier le code ]

La raison qui a pousse a la creation de cette nouvelle magistrature n'est pas connue precisement, les differentes explications apportees par les auteurs antiques ou les historiens modernes ne sont que des hypotheses plus ou moins satisfaisantes [ 9 ] , [ 10 ] .

Solution au conflit des ordres [ modifier | modifier le code ]

Pour les auteurs antiques, Tite-Live , Denys d'Halicarnasse , Pomponius et Zonaras , la creation du tribunat consulaire est interpretee en termes politiques comme une tentative de resolution ou de desamorcage du conflit des ordres [ 4 ] . Il s'agirait pour les patriciens de feindre un recul face a la demande des plebeiens d'acceder au pouvoir, tout en leur permettant dans les faits de conserver leur monopole grace a la procedure des elections qui passe par les comices centuriates [ 11 ] , [ 12 ] . Cette explication parait peu satisfaisante etant donne que le nombre de plebeiens elus semble tres limite. Ainsi, il parait peu probable que cette solution, ne donnant pas satisfaction aux revendications de la plebe, ait pu etre mise en œuvre autant de fois sur une periode aussi longue [ 13 ] .

Necessite politique [ modifier | modifier le code ]

Certains historiens apportent une explication politique. Selon eux, les Romains tentent probablement d'augmenter le nombre de magistrats disposant du pouvoir supreme puisque ce sont trois, voire quatre ou meme six tribuns consulaires qui sont nommes selon les necessites du moment. Cette disposition parait certainement plus pratique pour gerer les affaires de l'Etat, les taches administratives devenant plus complexes [ 14 ] , [ 7 ] . Dans la meme optique, c'est durant cette meme periode qu'apparaissent de nouvelles magistratures specialisees, comme avec la creation de la censure en 443 av. J.-C. et l'elargissement de la questure avec l'ajout de deux questeurs militaires aux deux questeurs jouant un role judiciaire deja existants [ 14 ] , [ 15 ] .

Necessite militaire [ modifier | modifier le code ]

D'autres historiens ont vu dans le tribunat consulaire une facon differente d'apprehender la gestion des forces militaires, les auteurs antiques le qualifiant regulierement de tribunat militaire. En effet, dans l'annalistique antique, les tribuns portent souvent le titre de tribuni militum [ 16 ] . Ce n'est que plus tard qu'a ete ajoutee la mention ≪ a pouvoir consulaire ≫ afin de les distinguer des tribuns militaires , officiers de l'armee romaine [ 17 ] . En temps de crise ou de guerre, un des magistrats peut demeurer a Rome tandis que les autres prennent le commandement d'une armee [ 18 ] . Le nombre de tribuns consulaires elus pourrait donc etre lie a l'importance de l'armee levee pour les campagnes de l'annee [ 19 ] , [ 20 ] . La creation de la dictature permet deja de repondre partiellement a ce besoin, mais depuis sa creation en 501 av. J.-C. , les consuls n'ont nomme que six dictateurs [ 1 ] . Toutefois, entre 444 et 367 av. J.-C. , seize dictateurs ont ete nommes, demontrant que cette institution n'a pas ete abandonnee au profit de la nouvelle magistrature [ 21 ] .

Pouvoirs [ modifier | modifier le code ]

Comme les consuls qu'ils remplacent de facon irreguliere, les tribuns militaires a pouvoir consulaire sont elus par les comices centuriates [ 11 ] , [ 15 ] , [ a 6 ] pour un mandat d'un an et investis d'une partie du pouvoir supreme qui se rapproche du pouvoir des consuls, un ≪  imperium d'essence consulaire [ 22 ]  ≫. Celui-ci leur est confere par le vote d'une lex curiata qui leur confere egalement le droit d'auspices [ 23 ] . Les tribuns consulaires peuvent nommer un dictateur et president l'election de leurs successeurs, que ceux-ci soient de nouveaux tribuns ou des consuls [ 23 ] . Si les elections ne peuvent etre tenues ou doivent etre reportees, un des tribuns peut assurer la fonction d' interroi , comme c'est le cas en 396 et 391 av. J.-C. [ 24 ] Enfin, les tribuns consulaires ont le pouvoir de convoquer le Senat et de proceder a la lectio senatus , fonction qui n'est pas encore devolue aux censeurs [ 24 ] .

Par contre, a l'inverse des consuls, ils ne disposent pas de la potestas , ne peuvent pas celebrer un triomphe [ 25 ] ni beneficier des ornements consulaires comme les consuls ordinaires [ 26 ] . Enfin, les candidatures d'origine plebeienne sont acceptees, alors qu'a cette epoque, les patriciens tentent de monopoliser le consulat . Une autre difference reside dans la collegialite des tribuns militaires a pouvoir consulaire : alors que les consuls sont toujours au nombre de deux, les tribuns peuvent etre plus de deux, peut-etre selon les besoins militaires et le nombre de fronts sur lesquels Rome doit combattre [ 19 ] .

Collegialite [ modifier | modifier le code ]

Selon les sources antiques, le nombre maximal de tribuns pour un meme mandat est atteint en 403 av. J.-C. durant la guerre contre Veies , avec huit tribuns consulaires [ a 7 ] . Certains auteurs avancent meme les noms de neuf tribuns consulaires pour l'annee 380 av. J.-C. [ n 2 ] Toutefois, selon les historiens modernes, le nombre de tribuns elus ne depasse pas six, le chiffre huit, voire neuf, avance par les auteurs antiques etant une erreur faite par exemple en additionnant les censeurs aux tribuns consulaires [ 27 ] . Le nombre de tribuns consulaires passe pour la premiere fois de trois a quatre pour des raisons militaires en 426 av. J.-C. durant la deuxieme guerre de Veies [ 15 ] .

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

Notes [ modifier | modifier le code ]

  1. Ce dernier nom, donne par Tite-Live, est probablement une confusion avec Spurius Veturius Crassus Cicurinus , un patricien (voir Broughton 1951 , p. 73).
  2. Selon Tite-Live , il y a six tribuns consulaires cette annee-la (voir Tite-Live , Histoire romaine , VI, 27).

References [ modifier | modifier le code ]

  • Sources modernes :
  1. a b c et d Brennan 2001 , p.  49.
  2. a et b Forsythe 2005 , p.  234-235.
  3. Heurgon 1993 , p.  285.
  4. a b et c Richard 1990 , p.  769.
  5. Heurgon 1993 , p.  286.
  6. Brennan 2001 , p.  50.
  7. a et b Forsythe 2005 , p.  236-237.
  8. Forsythe 2005 , p.  237.
  9. Brennan 2001 , p.  267.
  10. Richard 1990 , p.  767-768.
  11. a et b Richard 1990 , p.  778.
  12. Richard 1990 , p.  777.
  13. Richard 1990 , p.  772-773.
  14. a et b Richard 1990 , p.  771.
  15. a b et c Forsythe 2005 , p.  236.
  16. Richard 1990 , p.  774.
  17. Bringmann et Smyth 2007 , p.  15.
  18. Richard 1990 , p.  772.
  19. a et b Brennan 2001 , p.  51.
  20. Richard 1990 , p.  770.
  21. Richard 1990 , p.  775.
  22. Richard 1990 , p.  781.
  23. a et b Richard 1990 , p.  779.
  24. a et b Richard 1990 , p.  780.
  25. Richard 1990 , p.  783-785.
  26. Cebeillac-Gervasoni, Chauvot et Martin 2003 , p.  59.
  27. Heurgon 1993 , p.  285-286.
  • Sources antiques :

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

Ouvrages generaux [ modifier | modifier le code ]

  • (fr) Jacques Heurgon , Rome et la Mediterranee occidentale jusqu'aux guerres puniques , Paris, Presses universitaires de France , coll.  ≪ Nouvelle Clio : l'histoire et ses problemes ≫ ( n o  7), ( reimpr.  1980), 3 e   ed. ( 1 re   ed. 1969), 477  p. ( ISBN   2-13-045701-0 et 978-2-13-045701-5 , ISSN   0768-2379 , BNF   35585421 , presentation en ligne )
  • (fr) Mireille Cebeillac-Gervasoni , Alain Chauvot et Jean-Pierre Martin , Histoire romaine , Paris, Armand Colin , , 471  p. ( ISBN   2-200-26587-5 )
  • (en) T. Corey Brennan , The Praetorship in the Roman Republic : Volume 1. Origins to 122 BC , Oxford University Press, , 384  p.
  • (en) Gary Forsythe , A Critical History of Early Rome : From Prehistory to the First Punic War , University of California Press,
  • (en) T. Robert S. Broughton , The Magistrates of the Roman Republic : Volume I, 509 B.C. - 100 B.C. , New York, The American Philological Association, coll.  ≪ Philological Monographs, number XV, volume I ≫, , 578  p.
  • (en) Hans Bringmann et W. J. Smyth , A History of the Roman Republic ,

Ouvrages sur le tribunat consulaire [ modifier | modifier le code ]

  • (en) F. E. Adcock , ≪  Consular tribunes and their successors  ≫, The Journal of Roman Studies , vol.  207, n o  1,‎ , p.  9-14
  • (fr) Jean Bayet , ≪ Appendice III : Origine et portee du tribunat consulaire ≫ , dans Tite-Live, Histoire romaine, tome IV , Paris, Les Belles Lettres, coll.  ≪ C.U.F. ≫, , p.132-148
  • (en) Ann Boddington , ≪  The original nature of the consular tribunate  ≫, Historia : Zeitschrift fur Alte Geschichte , vol.  8, n o  3,‎ , p.  356-364
  • (en) V. Kirby , ≪  The consular tribunate and the roman oligarchy  ≫, Mundus antiquus , vol.  1,‎ , p.  24-29
  • (fr) Jean-Claude Richard , ≪  Reflexions sur le tribunat consulaire  ≫, Melanges de l'Ecole francaise de Rome. Antiquite , t.  102, n o  2,‎ , p.  767-799 ( lire en ligne )
  • (en) Ronald T. Ridley , ≪  The consular tribunate : the testimony of Livy  ≫, Klio , vol.  68,‎ , p.  444-465
  • (en) E. S. Staveley , ≪  The significance of the consular tribunate  ≫, The Journal of Roman Studies , vol.  43,‎ , p.  30-36

Article connexe [ modifier | modifier le code ]