Une
tombe
est le lieu ou sont deposes un corps ou les restes d'un corps mort (humain ou animal). Ce lieu est ensuite comble ou recouvert. Cet acte, appele
inhumation
, est intentionnel au sens
anthropologique
et s'accompagne generalement d'un
rituel
[
1
]
.
Le mot tombe vient du grec ancien
τ?μβο?
/
tymbos
, ≪ le tertre, la butte de terre ≫ qui est le resultat d'un acte funeraire, a savoir le creusement d'une fosse d'ensevelissement
[
2
]
.
≪ Tombe ≫ et ≪ sepulture ≫ (du latin
sepulcrum
, le sepulcre,
sepelio
, ensevelir) sont
a priori
synonymes
car si la sepulture designe bien le rituel funeraire accompagnant l'inhumation, elle signifie aussi, par
metonymie
, le lieu d'inhumation lui-meme (fosse, tombe a inhumation, mausolee)
[
3
]
.
L'
archeologie
distingue deux sortes de tombes : individuelle ou collective (sepultures multiples ? plusieurs sujets deposes en une seule fois ? et sepultures collectives ? sujets deposes en plusieurs fois ? mais les depots ne sont pas contemporains, c'est-a-dire qu'ils sont ou separes par un temps excedant le declenchement des processus de decomposition)
[
4
]
, et il faut qu'il subsiste suffisamment d'indices (ossements,
mobilier funeraire
, structure constituee a l'occasion du
rite funeraire
) sur ces depots pour que l'archeologue y decele un geste funeraire
[
5
]
.
La tombe, lieu consacre et specifique, consiste generalement en une fosse ou un
caveau
sans que necessairement n'apparaissent par-dessus de signes memoriels (le
sema
des anciens grecs : la ≪ marque du souvenir ≫). Si la tombe est anonyme en surface, elle peut etre signifiante en son contenu et contenant : l'archeologie funeraire (ou la
paleopathologie
) travaille ici a signifier ce qui est enseveli. Le fait de recouvrir d'une dalle (ou d'une
pierre tombale
), sur laquelle peuvent etre inscrits des signes rappelant l'identite du mort ainsi que ses actes, caracterise des pratiques funeraires relativement recentes au regard de l'histoire de l’humanite : prenom et nom, date de naissance et de mort, parfois une
epitaphe
, un
tombeau
, un monument funeraire pour commemorer le souvenir d'un ou de plusieurs morts, etc.
Les tombes sont le plus souvent regroupees dans des espaces dedies :
champs funeraires
prehistoriques,
necropoles
antiques, puis
cimetieres
, qui se distinguent generalement de l'espace urbain lie a l'habitat et qui peuvent etre structures en trois espaces, a savoir l'espace sepulcral, l'espace religieux sacre et l'espace ceremoniel public.
Les tombes peuvent aussi se trouver dans des
cryptes
privees, des
eglises
, etc.
Les plus anciennes tombes isolees remontent au
paleolithique moyen
, des tombes a meme le sol d'habitat ou des fosses sepulcrales ayant ete trouvees au
Proche-Orient
et datent d'environ 100 000 ans. Ces tombes
mousteriennes
sont liees a l'
Homme de Neandertal
en Europe et aux premiers
Homo sapiens
au
Proche-Orient
(grottes de
Qafzeh
, d'
Es Skhul
), elles se localisent principalement dans des grottes et
abris sous-roche
. Des vestiges osseux animaux consideres comme des offrandes sont parfois associes aux individus ensevelis (l'interpretation de la ≪ tombe aux fleurs ≫ de
Shanidar
reste encore controversee)
[
6
]
.
Au
Paleolithique superieur
apparaissent des preuves indiscutables de sepultures multiples (au
Magdalenien
et
Gravettien
, les etudes d'
archeothanatologie
montrent des manipulations de corps qui sont souvent demantibules et parfois places dans des tombes collectives) et d'inhumations a l'exterieur des grottes, accompagnees d'un
rituel funeraire
structure (position repliee, le corps saupoudre d'
ocre
et couche sur le cote, associe a des parures en coquillages, en dents d'animaux)
[
7
]
.
La premiere sepulture a etre identifiee comme un defunt enterre en
France
est celle de l'
homme de Chancelade
decouverte en 1888
[
8
]
. La plus ancienne sepulture decouverte en France est le squelette
La Chapelle-aux-Saints 1
mis au jour en 1908 ; il s'agit d'un neandertalien datant d'environ 60 000 ans
[
9
]
.
Au
Mesolithique
, alors que persistent des tombes individuelles (de type
ciste
), la formation progressive des
necropoles
ou les morts sont separes des
lieux de culte
et des habitats (les premiers
megalithes
faisant office de ces ≪ villages au morts ≫) va de pair avec la multiplication des tombes collectives, tandis qu'en Europe mediterraneenne, les morts sont enterres sous la maison
[
10
]
.
Le
Neolithique
se caracterise par une grande diversite des pratiques funeraires avec des tombes individuelles ou plurielles, plates ou sous
tumulus
, en pleine terre ou dans des cercueils en planches assemblees, dans des necropoles, des
champs funeraires
ou sous des habitats, les corps pouvant etre inhumes, incineres, demantibules, jetes dans des fosses desaffectees ou detournees de leur usage initial de stockage (tombes a silos, puits). Le rituel funeraire de l'inhumation quant a lui se stereotype : corps couche sur le dos, jambes allongees
[
8
]
. Parallelement se developpe dans tout l'espace neolithique un ≪ culte des cranes ≫ des ancetres installes dans les habitations ou dans des ≪ maisons des morts ≫
[
11
]
. Le
mobilier funeraire
qui revele les distinctions sexuelles et le statut social comprend surtout de la ceramique et de l'outillage lithique
[
12
]
.
Dans les
tombeaux
de l'
Antiquite
, les tombes familiales sont regroupees dans des excavations ou des edifices et les divers objets accompagnant le defunt dans son voyage vers l'au-dela, tels que des
bijoux
, de la nourriture, constituent pour les
archeologues
, une source d'information riche sur la
vie
, la
culture
et les
croyances
du passe, avec comme exemple notable le mobilier funeraire et les
fresques
des
tombes etrusques
datant de l'Italie pre-romaine. Le
sarcophage
semble avoir designe a cette epoque tous les receptacles funeraires. L'antiquite greco-romaine voit le developpement des
steles funeraires
.
La
christianisation de l'Europe barbare
privilegie les tombes dans des
cimetieres
pres des
eglises
dans lesquelles les morts sont inhumes et non plus
incineres
, les plus riches pouvant s'offrir des tombes dans les
lieux de culte
(eglises, chapelles, monasteres) : cette inhumation
ad sanctos
(≪ pres des Saints ≫) qui va a l'encontre de la doctrine officielle exprimees dans le traite
De cura pro mortuis gerenda
ecrit vers 421 par
saint Augustin
, permet de beneficier de leur
virtus
[
13
]
.
L'inhumation au
Moyen Age
se realise essentiellement sur une biere (du francisque
bera
, ≪ civiere ≫ transportant le mort jusqu'a sa tombe), a meme le sol, du
V
e
siecle
au
VIII
e
siecle
avant d'etre progressivement remplacee par le
cercueil
en bois pour les personnes aisees, les
sarcophages
etant destines a cette epoque aux personnages au statut social eleve
[
14
]
.
A partir du
XIV
e
siecle
, la peur de la
decomposition
des chairs et de la disparition des corps voit la reemergence du cercueil qui se repand dans toutes les couches de la societe ou du sarcophage en
plomb
qui permettent tous deux une meilleure conservation du corps
[
15
]
.
Les tombes sont aujourd'hui
principalement situees dans des cimetieres
.
Les
annees 1990
voient l'apparition de l'
enterrement naturel
qui fournit une alternative ecologique aux enterrements traditionnels en inhumant le corps a meme le sol ou dans un cercueil en pin, bambou, osier, etc. L'eco-cimetiere abrite des tombes non plus marquees par une stele mais par un arbre, une plante.
Les tombes des
souverains francais
sont situees, pour la plupart, dans la
necropole royale de la basilique de Saint-Denis
.
La partition du corps (
dilaceratio corporis
, ≪ division du corps ≫ en cœur, entrailles et ossements
[
16
]
) avec des sepultures multiples
[
17
]
devient a partir du
XIII
e
siecle
un privilege
[
18
]
de la
dynastie capetienne
dans le
royaume de France
(majoritairement les rois, parfois les reines ou les proches, et ce malgre l'interdiction par une
decretale
en 1299 du pape
Boniface VIII
qui voit cette pratique se repandre chez certains membres de la
Curie romaine
[
19
]
), ce qui permet la multiplication des lieux de commemoration (sepultures multiples avec un tombeau de corps, un tombeau de cœur et un tombeau d'entraille, comme les
gisants
royaux a entrailles de l'
abbaye de Maubuisson
[
20
]
)
[
21
]
.
De nos jours, en France, il est obligatoire d'entretenir une sepulture a partir du moment ou on est proprietaire ou ayant droit. A defaut, la
commune
peut decider de la reprise de la sepulture pour l'attribuer a une autre famille.
En effet, avec des concessions qui etaient vendues a perpetuite auparavant, les traces ou l'interet des descendants se perdent avec le temps et les generations, et il n'etait pas rare de voir de nombreuses sepultures en etat complet d'abandon. Souvent recouvertes de mousse, affaissees, ou carrement demantelees pour les plus vieilles. Pour eviter cela, une legislation tres stricte a ete mise en place.
L'interet est a la fois sanitaire, pour eviter les accidents du public, visuel, pour conserver un cadre agreable dans le cimetiere, mais egalement pour pallier le manque de place dans les cimetieres.
Selon le
Code General des Collectivites Territoriales
, une commune peut decider de l'etat d'abandon d'une sepulture, puis apres une procedure tres reglementee
[
22
]
et avertissement des ayants droit, reprendre la sepulture si aucun travail de renovation n'a ete realise dans les temps.
- ↑
Dictionnaire de la
Mort
sous la direction de
Philippe Di Folco
, collection ≪ In Extenso ≫, ed.
Larousse
, 2010,
p.
1034
(
ISBN
978-2-03-584846-8
)
.
- ↑
Anatole Bailly
,
Dictionnaire de grec ancien
, Hachette, 2000.
- ↑
sepulture
,
Centre national de ressources textuelles et lexicales
- ↑
Philippe Chambon,
Les morts dans les sepultures collectives neolithiques en France : du cadavre aux restes ultimes
, editions du CNRS,
,
p.
13
.
- ↑
Jean Leclerc et Jacques Tarrete, article ≪ sepulture ≫, in
Dictionnaire de la Prehistoire
, Andre Leroi-Gourhan (dir.), PUF, 1988.
- ↑
Bernard Vandermeersch
, ≪
Ce que nous apprennent les premieres sepultures
≫,
Comptes Rendus Palevol
,
vol.
5,
n
os
1-2,
,
p.
161-167
- ↑
Anne Marie Tillier,
L’Homme et la Mort. L’emergence du geste funeraire durant la Prehistoire
, Paris,
CNRS Editions
,
, 185
p.
(
ISBN
978-2-271-06878-1
)
- ↑
a
et
b
[PDF]
Rites de la mort en Alsace. De la prehistoire a la fin du
XIX
e
siecle
, Musee archeologique de Strasbourg
- ↑
Lucien Bely
,
Connaitre l'histoire de France
,
Editions Jean-Paul Gisserot
,
(
lire en ligne
)
,
p.
5
- ↑
Nicolas Cauwe, ≪
Les sepultures collectives dans le temps et l'espace
≫,
Bulletin de la Societe prehistorique francaise
,
vol.
93,
n
o
3,
,
p.
346-349
(
lire en ligne
)
- ↑
Michele Bompard-Porte,
Si je t'oublie, o babylone... : Le meurtre de masse. Du Neolithique au monde mesopotamien
,
Editions L'Harmattan
,
(
lire en ligne
)
,
p.
50
- ↑
Nicolas Cauwe, Pavel Dolukhanov, Pavel Kozlowzki, Paul-Louis Van Berg,
Le Neolithique en Europe
, Armand Colin, 2007, chap. 14 ≪ Pratiques funeraires ≫ pages
- ↑
Yvette Duval,
Aupres des saints corps et ame. L'inhumation ad santos dans la chretiente d'Orient et d'Occident du
III
e
au
VII
e
siecle
, Paris, Etudes augustiniennes,
, 230
p.
(
ISBN
2-85121-096-3
)
- ↑
Daniele Alexandre-Bidon, Cecile Treffor,
La mort au quotidien dans l'Occident medieval
, Presses Universitaires de Lyon,
, 334
p.
- ↑
Michel Vovelle
,
La mort et l’Occident de 1300 a nos jours
,
Gallimard
,
, 793
p.
- ↑
Bipartition (cœur et corps) ou tripartition (cœur, entrailles et corps).
- ↑
Pratique initiee au milieu du
XI
e
siecle
par les chevaliers et souverains du
Royaume d'Angleterre
et du
Saint-Empire romain germanique
morts en
croisade
ou loin de leur lieu de sepulture choisi, tel
Henri III du Saint-Empire
.
- ↑
Le premier roi capetien dont la tripartition du corps est bien attestee est
Philippe III de France
puisque la destinee du cœur de Saint Louis n'est pas connue.
- ↑
Dans la pratique, beaucoup beneficieront de
bulles d'exemption
de la part des papes pour pouvoir pratiquer la
dilaceratio corporis
.
- ↑
Armelle Alduc Le Bagousse,
Inhumations de prestige ou prestige de l'inhumation : expressions du pouvoir dans l'au-dela,
IV
e
???
XV
e
siecle
, Publications du CRAHM,
,
p.
233
- ↑
Alexandre Bande,
Le cœur du roi. Les Capetiens et les sepultures multiples,
XIII
e
???
XV
e
siecles
,
Tallandier
,
, 250
p.
- ↑
≪
Procedure administrative de reprise d'une sepulture
≫, sur
advitam.fr
(consulte le
)
Sur les autres projets Wikimedia :
- Dominique Sewane,
Le souffle du mort : la tragedie de la mort chez les Batammariba du Togo, Benin
, Plon, 2003, Paris, coll. Terre Humaine, Plon, 660 p. (prix Robert Cornevin)
(
ISBN
2-259-19775-2
)
, Pocket, Paris, 2007, 849 p.
(
ISBN
978-2-266-17579-1
)
- Dominique Sewane, ≪ Celles qui tombent chez les Tammariba du Togo ≫, in
Familiarite avec les dieux. Transe et possession (Afrique noire, Madagascar, la Reunion)
(dir. Marie-Claude Dupre), Presses Universitaires Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2001, p. 185-221
(
ISBN
978-2-84516-147-4
)
- Dominique Sewane, ≪ La tombe et ses orientations ≫, in
Antigone et le devoir de sepulture : actes du colloque international de l'Universite de Lausanne (
)
(dir. Muriel Gilbert), Labor Fides, Lausanne,
, p. 161-176
(
ISBN
2-8309-1173-3
)
- Dominique Sewane (sous le nom de Myriam Smadja), ≪ Les affaires du mort (Tamberma du Nord-Togo) ≫ [archive], in
Systemes de pensee en Afrique noire
,
n
o
11, 1991, p. 57-90
- Dominique Sewane, ≪ Transmission des savoirs au Koutammakou ≫, in
Regards scientifiques sur l'Afrique depuis les independances
(dir. M. Lafay, F. Le Guennec-Coppens, E. Coulibaly), Karthala, Paris, 2016, 486 p., pp. 179-209
(
ISBN
978-2-8111-1559-3
)
- Jean-Charles Moretti et Dominique Tardy, ≪ L’architecture funeraire monumentale : la Gaule dans l’Empire romain ≫,
Archeologie et histoire de l’art
,
n
o
24
(
ISBN
978-2-7355-0617-0
)
- Henri Duday et Patrice Courtaud,
Qu'est-ce qu'une sepulture ? Comment la reconnaitre ?,
in
Bernard Vandermeersch
, Cleyet-Merle J.-J., Jaubert J., Maureille B. et Turq A. (eds),
Premiere humanite, gestes funeraires des Neandertaliens
, Paris, Reunion des Musees Nationaux,
p.
40-41
- Bruno Boulestin, ≪ Champ de la discipline : concepts et mise en œuvre ≫, in Bonnabel L. (dir.),
Archeologie de la mort en France,
Paris, La Decouverte, 2012,
p.
25-41
.
Notice dans un dictionnaire ou une encyclopedie generaliste
: