Theoreme de Minkowski

Un article de Wikipedia, l'encyclopedie libre.

En mathematiques , le theoreme de Minkowski concerne les reseaux de l' espace euclidien ? d . Etant donne un tel reseau Λ, il garantit l'existence, dans tout convexe symetrique de volume suffisant, d'un vecteur non nul de Λ. Hermann Minkowski a decouvert ce theoreme en 1891 [ 1 ] et l'a publie en 1896, dans son livre fondateur de la geometrie des nombres [ 2 ] . Ce resultat est en particulier utilise en theorie algebrique des nombres .

Le convexe est symetrique par rapport a l'origine O (le point bleu). Il ne contient aucun autre point de ? 3 que O  ; la contraposee du theoreme affirme que son volume est inferieur a 2 3 = 8.

Enonces [ modifier | modifier le code ]

Premiere formulation  —  Soit d un entier strictement positif et C un convexe de ? d , symetrique par rapport a l'origine O .

  • Si le volume de C est strictement superieur a 2 d , alors C contient au moins deux points a coordonnees entieres et differents de l'origine.
  • Si C est compact et de volume egal a 2 d , on a la meme conclusion.

Ce resultat concernant le reseau ? d est equivalent (par simple changement de variables ) a son homologue pour un reseau quelconque Λ :

Reformulation en termes de reseau  —  Soit d un entier strictement positif, Λ un reseau de ? d de covolume V et C un convexe O -symetrique.

  • Si le volume de C est strictement superieur a 2 d V , alors C contient au moins deux vecteurs non nuls du reseau.
  • Si C est compact et de volume egal a 2 d V , on a la meme conclusion.

Equivalence entre les deux enonces [ modifier | modifier le code ]

Exemple de reseau dans ? 3 .

Un reseau de ? d est une partie de la forme ou est une base de ? d . Le reseau est donc compose des points dont les coordonnees dans la base B sont entieres. On obtient un maillage regulier de l'espace, a l'image de la figure de droite. Les points du reseau sont representes par les petites billes.

Un domaine fondamental de Λ, dependant de la base B , est constitue des points de ? d dont les coordonnees dans la base B sont dans l'intervalle [0, 1[. Il est illustre sur la figure de droite en rouge. Un domaine fondamental est toujours un parallelepipede .

Le covolume de Λ est le volume d'un domaine fondamental. Il est donc egal a la valeur absolue du determinant de B dans la base canonique (cette definition ne depend pas du choix de B , car un changement de base du reseau est necessairement de determinant ±1 ).

Le domaine fondamental du reseau ? d associe a la base canonique est [0, 1[ d donc le covolume de ? d est 1. Le premier enonce est ainsi un cas particulier du second. Mais inversement, par changement de variables, le second se deduit du premier, auquel nous nous consacrerons donc desormais.

Remarques [ modifier | modifier le code ]

La valeur 2 d est bien la plus petite possible pour que le theoreme soit vrai.
  • La valeur 2 d est bien la plus petite possible. En effet, le convexe ]?1, 1[ d , de volume 2 d , ne contient que l'origine comme point a coordonnees entieres. Cette situation est illustree sur la figure de droite, le point bleu representant l'origine.
  • Un convexe de volume fini non nul etant borne [ 3 ] , un convexe ferme de volume 2 d est compact . Il revient donc au meme, dans le cas ou le volume de C est egal a 2 d , de supposer simplement que C est ferme.
  • Tout convexe O -symetrique de volume > 2 d contient un convexe O -symetrique compact de volume 2 d . Le premier point du theoreme est donc un cas particulier du second. Reciproquement, le second peut se deduire du premier, par la meme methode que dans la demonstration du theoreme de Blichfeldt .
  • Un convexe compact de ? d est O -symetrique et de volume non nul si et seulement si sa jauge est une norme . Il est alors egal a la boule unite fermee pour cette norme [ 4 ] , [ 5 ] .

Demonstration [ modifier | modifier le code ]

Si C 1/2 rencontre un translate par un vecteur β de ? d , la difference β = x ? (? y ) des deux points de C 1/2 correspondants appartient a ? d .

Il existe plusieurs demonstrations du theoreme [ 6 ] , [ 7 ] , [ 8 ] . Celle presentee ici dissocie l'hypothese sur le volume de C ? qui permettra d'appliquer le theoreme de Blichfeldt ? de celle sur ses deux autres proprietes (convexite et symetrie), utilisee dans le lemme suivant.

Lemme . ? Soit C 1/2 = 1 / 2 C l' image de C par l' homothetie de rapport 1/2. Si C 1/2 rencontre un translate β + C 1/2 , alors C contient β.

Supposons que x = β ? y ou x et ?y sont deux points de C 1/2 (c'est ce qui est illustre sur la figure de droite). Alors, 2 x et ?2 y appartiennent a C donc (comme C est O -symetrique) 2 x et 2 y aussi et (par convexite de C ) leur milieu x + y = β aussi (et ?β aussi), ce qui acheve la preuve du lemme.

D'apres le theoreme de Blichfeldt, puisque C 1/2 est de volume strictement superieur a 1, ou compact et de volume 1, il contient deux points distincts dont la difference β est a coordonnees entieres. Autrement dit : il existe un vecteur non nul β de ? d tel que C 1/2 rencontre le translate β + C 1/2 . D'apres le lemme, C contient alors β, ce qui termine la demonstration du theoreme [ 9 ] .

Interpretation geometrique [ modifier | modifier le code ]

Le quotient de ? d par ? d est un tore de dimension d .
Illustration de la preuve dans le plan : les deux points X et Y dans C 1/2 (en jaune) fournissent Z = X ? Y, point de ? d dans le convexe C (en vert).

Il existe une maniere d'interpreter cette demonstration en termes de groupe topologique . L'espace ? d peut etre vu comme un groupe topologique dont ? d est un sous-groupe discret . Quotienter ? d par ? d revient a identifier chaque element de ? d avec un element de [0, 1[ d . En dimension 2, cela revient a coller les points de [0, 1] 2 (la maille du reseau) dont la premiere coordonnee est egale a 1 avec ceux dont la premiere coordonnee est egale a 0, et agir de meme avec la deuxieme coordonnee. On obtient un tore de dimension d , illustre pour d = 2 par la figure de gauche. Chaque point de ? d possede un voisinage tel que l'application canonique de ? d dans le tore se restreigne en un diffeomorphisme entre ce voisinage et son image. Ces diffeomorphismes permettent de definir une mesure sur le tore, telle que toute partie mesurable du domaine fondamental soit mesurable sur le tore et de meme mesure. La mesure du tore est donc 1.

Cette mesure est l'outil de la demonstration directe. On suppose que le convexe C , illustre en vert dans l'exemple de droite, est de mesure strictement superieure a 2 d . Son homothetique C 1/2 , illustre en jaune, est de mesure strictement superieure a 1. La restriction a C 1/2 de l'application canonique de ? d dans le tore ne peut etre injective car la mesure de l'image serait superieure a celle du tore tout entier. Il existe donc deux elements de C 1/2 , X et Y (les points x et ? y du lemme), ayant meme image par cette application.

Lors du recollement explique plus haut, des morceaux de C 1/2 se trouvent superposes, les points ainsi superposes ont la meme image. En revenant a la figure originelle, a l'inverse, la zone d'injectivite correspond a ce qui apparait encore en jaune dans la figure de droite. Le point X ? Y = x + y de C est a coordonnees entieres non toutes nulles car X et Y sont deux representants differents d'une meme classe.

Applications [ modifier | modifier le code ]

Ce theoreme est utilise pour demontrer deux resultats importants en theorie algebrique des nombres  : le theoreme des unites de Dirichlet et la finitude du groupe des classes d'ideaux d'un corps de nombres (par exemple un corps quadratique ). Dans le second, le reseau considere est le groupe additif de l' anneau des entiers algebriques du corps [ 10 ] .

Une autre application est une demonstration du theoreme des quatre carres de Lagrange .

Reciproque partielle [ modifier | modifier le code ]

On peut montrer avec des hypotheses supplementaires une reciproque partielle au theoreme de Minkowski [ 11 ] :

Reciproque partielle  —  Soit d un entier strictement positif et P une partie etoilee de ? d , symetrique par rapport a l'origine O , et de volume V < 2 ζ(d) . Alors il existe un reseau de covolume 1 dont aucun point autre que l'origine n'appartient a P.

Generalisations [ modifier | modifier le code ]

Soient a nouveau, dans ? d , un reseau Λ de covolume V et un convexe C egal a la boule unite fermee pour une certaine norme ( voir supra ). Notons λ 1 ≤ … ≤ λ d les minima successifs de Λ relativement a C . En particulier, λ 1 est la plus petite norme d'un vecteur non nul de Λ, donc le theoreme de Minkowski equivaut (par homogeneite ) [ 12 ] a : λ 1 d vol( C ) ≤ 2 d V .

  • Cette majoration est renforcee par celle du second theoreme de Minkowski  : λ 1 …λ d vol( C ) ≤ 2 d V .
  • Cassels et Lagarias attribuent a van der Corput [ 13 ] une autre generalisation du (premier) theoreme de Minkowski : Si vol( C ) ≥ k 2 d pour un certain entier k , alors C contient au moins 2 k vecteurs non nuls de Λ.

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

  1. (de) H. Minkowski, ≪ Uber Geometrie der Zahlen ≫ , dans Verhandlungen der 64. Naturforscher- und Arzteversammlung zu Halle , , p.  13  ; reproduit dans (de) David Hilbert (ed.), Gesammelte Abhandlungen von Hermann Minkowski , vol.  1, ( lire en ligne ) , p.  264-265 .
  2. (de) Hermann Minkowski , Geometrie der Zahlen , Teubner, Leipzig, 1896, § 30.
  3. (en) John W. S. Cassels , An Introduction to the Geometry of Numbers , Berlin, Gottingen, Heidelberg, Springer , coll.  ≪  Grund. math. Wiss.  ≫ ( n o  99), ( 1 re   ed. 1959), 344  p. ( lire en ligne ) , p.  109 .
  4. (en) Jeffrey C. Lagarias , chap.  19 ≪ Point Lattices ≫ , dans R. L. Graham , M. Grotschel et L. Lovasz , Handbook of Combinatorics , vol.  I, Elsevier, ( lire en ligne ) , p.  919-966 .
  5. Cassels 1971 , chap. IV (≪ Distance-Functions ≫), § IV.1-IV.3.1, p.   103-111 .
  6. (de) Ott-Heinrich Keller   (de) , ≪ Geometrie der Zahlen ≫ , dans Encyklopadie der mathematischen Wissenschaften mit Einschluss ihrer Anwendungen , vol.  I.2, Heft 11, Teil 3, 27, Leipzig, Teubner, , 84  p. ( lire en ligne ) .
  7. (en) Jesus A. De Loera, Raymond Hemmecke et Matthias Koppe, Algebraic and Geometric Ideas in the Theory of Discrete Optimization , SIAM , ( lire en ligne ) , p.  41-42 .
  8. Pour un compte-rendu de la demonstration originale de Minkowski, voir (en) Pascale Gruber et Cornelis Gerrit Lekkerkerker, Geometry of Numbers , North-Holland, , 2 e   ed. ( 1 re   ed. 1969, 510 p.)), 731  p. ( lire en ligne ) , p.  40-41 .
  9. Cassels 1971 , p.  71.
  10. Pour des exemples, voir le § ≪ Groupe des classes ≫ de l'article sur les ideaux de l'anneau des entiers d'un corps quadratique .
  11. G. H. Hardy et E. M. Wright ( trad.  de l'anglais par Francois Sauvageot, pref.   Catherine Goldstein ), Introduction a la theorie des nombres [≪  An Introduction to the Theory of Numbers  ≫] [ detail de l’edition ] , chapitre 24 (≪ Geometrie des nombres ≫), section 24.10.
  12. Lagarias 1995 , p.  929.
  13. (de) J. van der Corput, ≪  Verallgemeinerung einer Mordellschen Beweismethode in der Geometrie der Zahlen  ≫, Acta Arithmetica , vol.  1, n o  1,‎ , p.  62-66 ( lire en ligne ) ( Lagarias 1995 , p.  930 et 965) ou (de) J. van der Corput, ≪  Verallgemeinerung einer Mordellschen Beweismethode in der Geometrie der Zahlen, Zweite Mitteilung  ≫, Acta Arithmetica , vol.  2, n o  1,‎ , p.  145-146 ( lire en ligne ) ( Cassels 1971 , p.  71 et 336).

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]

Liens externes [ modifier | modifier le code ]

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

Pierre Samuel , Theorie algebrique des nombres [ detail de l’edition ]