Theophile Bader
, ne le
a
Dambach-la-Ville
en
Alsace
et mort a
Paris
16
e
le
, est le cofondateur des
Galeries Lafayette
.
Theophile Bader nait de Cerf Bader et d'Adele Hirstel, petits commercants juifs, issus de familles de possesseurs de vignes et de marchands de bestiaux. En 1808, en vertu du decret napoleonien obligeant les Juifs a choisir pour eux et leurs enfants un patronyme fixe, un de ses ancetres, Jacques Levy, choisit celui de Bader. L'une des possibilites serait qu'il l'emprunta a l’un de ses amis non juif. Apres la defaite de 1870 et l'annexion de l'
Alsace-Lorraine
a la
Prusse
, les Bader, tres attaches a la France, s'installent a
Belfort
, ou Theophile continue ses etudes. A l'age de 14 ans, ses parents l'envoient a Paris chez un parent travailler dans la
confection
.
En 1894, Theophile Bader et son cousin
Alphonse Kahn
ouvrent la mercerie
Les Galeries
, sur une surface de 70
m
2
[
1
]
,
[
2
]
.
Le
, ils font l'acquisition de la totalite de l'immeuble du 1,
rue La Fayette
[
1
]
. La
societe en nom collectif
(SNC) est transformee en Societe anonyme des Galeries Lafayette le
. Des cette epoque, les Galeries possedent leurs propres ateliers de fabrication et de confection (Societe parisienne de confection) qui existeront jusque dans les annees soixante, periode de l'arrivee sur le marche du
pret-a-porter
[
2
]
.
En 1909, Ernest
Wertheimer
et Emile Orosdi, futurs associes des
Parfums Chanel
, accordent un pret de 800 000 francs aux Galeries Lafayette pour l'achat d'un immeuble voisin. En 1912, Alphonse Kahn se retire de la gestion operationnelle mais continue a partager avec son cousin Theophile Bader, dont les deux filles epousent l'une
Raoul Meyer
et l'autre
Max Heilbronn
(fondateur de
Monoprix
), la presidence du
conseil d'administration
[
2
]
.
Theophile Bader met en place une caisse de secours, une pouponniere et une
caisse de retraite
avant l'institution des caisses obligatoires
[
2
]
.
De 1916 a 1926, les Galeries Lafayette s'implantent en province (
Nice
,
Lyon
,
Nantes
et
Montpellier
notamment). Durant les annees 1920, Theophile Bader tentera d'etendre son activite a d'autres pays mais il rencontrera toutefois un succes limite. Il investira personnellement dans plusieurs entreprises, dont notamment
D'Orsay
(en 1916),
Vionnet &
C
ie
. Il sera l'un des premiers a vendre dans son grand magasin du pret-a-porter, copie de modeles
haute couture
[
2
]
.
Le succes des Galeries Lafayette reposait et repose encore sur plusieurs principes : en premier lieu, combiner l’elegance et l’economie ? imperatif qui s’est traduit dans la pratique par l’offre d’articles a la derniere mode dans une gamme de prix telle qu’une femme, meme peu aisee, peut s’approvisionner aux Galeries ; ne jamais transiger, ensuite, sur la qualite : ≪ Ne vendre que du bon, le meilleur marche possible ≫, telle est la devise du grand magasin, imprimee en caracteres gras sur nombre d’affiches publicitaires. Conscient de la rapidite des rythmes de la mode et de son prix, Theophile Bader fait copier les tenues des elegantes par une premiere d’atelier qui les epie discretement a l’Opera et aux courses et en redessine les modeles. Ceux-ci sont ensuite realises dans des adaptations variees, en une semaine, dans les ateliers de confection des Galeries Lafayette, lesquels deviennent en 1917 la SPC, la Societe parisienne de confection, appartenant aux Galeries Lafayette. Theophile obtient egalement l’exclusivite de creations (confections et matieres premieres ? tissus, passementeries, soieries,
etc.
) par des fabricants divers. En 1905, il inaugure un service de
ventes par correspondance
base sur l’envoi de catalogues. En democratisant la mode, Theophile Bader s’inscrit dans la lignee de ces pionniers du commerce de masse, qui ont su exploiter les nouvelles conditions de vie des XIXe et XXe siecles ? demographie en hausse, urbanisme, transports en commun, communications ? pour affermir la societe de consommation en transformant les modalites d’achat.
Des deux cousins, Theophile Bader est sans aucun doute le plus passionne par les questions de la mode et du commerce. En 1899, il constitue Les Galeries Lafayette en
societe anonyme
et, entre 1906 et 1912, entreprend la renovation totale du grand magasin. Il la confie d’abord a l’architecte
Georges Chedanne
(1906) puis a son eleve
Ferdinand Chanut
(entre 1910 et 1912). Cette reconstruction et l’emploi de nouveaux moyens architecturaux vont permettre a Theophile de perfectionner la mise en œuvre a grande echelle de sa philosophie commerciale.
C’est essentiellement Chanut qui mettra tout son talent au service des concepts de Theophile. Le magasin est reconstruit sur le plan d’une structure ronde, centree autour d’un hall immense au rez-de-chaussee. Visible du trottoir, celui-ci sera toujours reserve aux achats d’impulsion, tels que gants, mouchoirs, chapeaux, echarpes, parapluies, parfums,
etc.
Cinq etages, aux balcons decores par
Louis Majorelle
, ceinturent la structure initiale. L’immeuble se termine, a 33
m
de hauteur, par une
coupole
composee de dix faisceaux de vitraux peints, dans une armature metallique sculptee de motifs floraux. Cet agencement repond a la vision idealisee de Theophile : une lumiere venant de la coupole, devait baigner de jaune et d’or le rez-de-chaussee et son grand hall ainsi que les etages, et faire scintiller la marchandise. La decoration interne Art-deco et d’inspiration orientale, participe de cet esprit et transforme Les Galeries en un ≪ bazar ≫ de luxe ou une abondance d’articles, d’accessoires et de vetements toujours a la pointe de la mode est fievreusement entretenue. Pole d’attraction de l’exterieur, la mise en scene quasi theatrale des Galeries Lafayette metamorphose l’endroit en lieu de feerie et de reve des que l’on y penetre. Tous ces efforts imposent Les Galeries Lafayette comme leaders de mode des les annees qui precedent la
Grande Guerre
.
En 1912, Theophile Bader rachete les parts d’Alphonse Kahn. Ayant assure son assise commerciale a Paris, il entreprend, a partir de 1916, la conquete de la province et de l’etranger : il ouvre des filiales dans les grandes villes de France ?
Nice
(1916),
Lyon
(1919),
Montpellier
,
Nantes
et
Vichy
(1926). Parallelement, Les Galeries ouvrent des bureaux de vente a l’etranger, a commencer par
Londres
en 1920, puis
Madrid
(1922),
Alexandrie
(1923),
etc.
Structures intermediaires, ces bureaux font la promotion des Galeries, centralisent les commandes et redistribuent les achats aux clients.
En 1932, a la suite de la crise economique, Theophile Bader engage sa creativite dans une direction commerciale presque opposee a celle des Galeries Lafayette : il institue, sur le modele d’Uniprix, Monoprix, en ouvrant le premier magasin de la chaine a
Rouen
[
3
]
. Par principe, Monoprix est situe au centre-ville et propose, sur une surface moyenne, des produits utilitaires et de consommation courante a des prix tres bas. Bader a ete parmi les premiers a apprehender a leur juste valeur les mecanismes du commerce de masse multi-specialiste en mettant a la portee des classes defavorisees ce qui etait, jusque-la, le privileges des classes aisees, dans des termes moins luxueux. La reussite s’exprime pleinement quand 23 magasins Monoprix etoilent la France en 1939. Des 1935 cependant, a la suite d’une grave maladie, Theophile Bader a delegue a ses deux gendres, Raoul Meyer et Max Heilbronn, la direction effective des Galeries et de toutes leurs succursales.
La personnalite de Theophile Bader comprend egalement une dimension de generosite. Mecene au gout prononce pour les
arts plastiques
, la
musique
et l’
opera
, il la manifeste deja dans l’amenagement exterieur et interieur, hautement artistique, du grand magasin parisien. Elle s’exprime encore dans son role de grand patron social : preoccupe par le bien-etre de ses employes, il met en place une creche pour les enfants des employees, une caisse de secours (1899) puis une caisse de prevoyance (1909), avant l’introduction du systeme national des retraites. Il suit en cela sa devise : ≪ Les gens doivent etre bien dans l’entreprise ≫. A l’epoque, cette politique sociale etait consideree comme liberale. Cette generosite s’exprime encore envers sa ville natale, a laquelle, en 1930, Theophile fournit gratuitement des tissus lors du renouvellement des uniformes de la fanfare municipale. En 1937, il invite, a ses frais, les musiciens a Paris.
Juif assimile, Theophile Bader n’a pas tourne le dos a ses origines. Il epouse Jeanne Bloch (1873-1965) a la
synagogue
, respecte toutes les fetes traditionnelles, en famille comme a la synagogue, et, sans etre pratiquant, soutient largement nombre d’œuvres juives. Ses deux filles, Yvonne, epouse Meyer, et Paulette, epouse Heilbronn, ainsi que sa petite-fille, Leone-Noelle Meyer seront mariees a la synagogue par le grand rabbin
Jacob Kaplan
. Grace a sa petite-fille Leone-Noelle Meyer, dont le fils
David
est devenu rabbin, le
judaisme
se perpetue dans la famille.
Apres la debacle de 1940, Les Galeries Lafayette subissent un traitement d’≪
aryanisation
≫ : Theophile Bader, Raoul Meyer, Max Heilbronn, les administrateurs du magasin ainsi que 129 employes juifs sont contraints de demissionner. Les familles Bader, Meyer et Heilbronn sont depossedees de leurs biens. Proteges par les Allemands, le Suisse Aubert et l’industriel francais Harlachol dirigent tout le groupe Les Galeries Lafayette. Heilbronn et Meyer s’engagent alors dans la resistance. Arrete par la Gestapo, puis deporte a Buchenwald, Max Heilbronn revient en France en
. Apres maintes activites clandestines, Raoul Meyer prend une part importante a la liberation de Paris en 1944. En consequence, un conseil d’administration particulier des Galeries Lafayette se reunit le
: Aubert et Harlachol sont renvoyes et Les Galeries Lafayette remises aux mains de Raoul Meyer, en esperant le retour de Max Heilbronn.
Entretemps, Theophile Bader, qui en 1913 habitait au 40, avenue du Bois-de-Boulogne, future
avenue Foch
, s’etait eteint a Paris en 1942, paralyse et spolie de ses biens. En 1946, la municipalite de
Dambach-la-Ville
decide d’honorer sa memoire en donnant son nom a l’ancienne rue Clemenceau.
Aujourd’hui, Les Galeries Lafayette sont le dernier grand magasin francais dirige par les descendants directs de son fondateur.
- ↑
a
et
b
GALERIES LAFAYETTE : les affiches "entreprise juive" sont apposees sur les vitrines des juin 1940
,
Israel Valley, 23 fevrier 2008
- ↑
a
b
c
d
e
et
f
Theophile Bader, fondateur des Galeries Lafayette
,
Judaisme.sdv.fr
- ↑
Rue du Gros-Horloge
.
- ↑
≪
Paris : une place en hommage a Theophile Bader
≫, sur
leparisien.fr
, article du
(consulte le
)
.
- ↑
≪
Une place Theophile-Bader, fondateur des Galeries Lafayette, inauguree a Paris
≫, sur
lsa-conso.fr
, article du
(consulte le
)
.
- Ressource relative a la vie publique
:
Notice dans un dictionnaire ou une encyclopedie generaliste
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