Une
tempete de feu
ou
ouragan de feu
est un
incendie
atteignant une telle intensite qu'il engendre et maintient son propre systeme de vents. C'est le plus souvent un phenomene naturel, cree durant certains des plus grands
feux de brousse
et
feux de forets
; on parle alors de
megafeu
. L'
incendie de Peshtigo
[
1
]
et les
feux du mercredi des Cendres
en sont deux exemples. Des tempetes de feu peuvent aussi etre le resultat delibere d'explosions ciblees, telles que celles ayant resulte des bombardements aeriens incendiaires de
Dresde
,
Hambourg
,
Tokyo
, et des
bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki
.
La detection aerienne (
heliportee
et
aeroportee
) est possible, de meme que l'observation au sol. Plus recemment, l'observation par satellites permet l'etude de ces incendies dans des zones inaccessibles autrement (par exemple pour l'etude des
feux de brousse en Australie
).
Le
LIDAR
permet de mesurer la vitesse et la direction des vents et vortex au cœur et au voisinage des incendies et des tempetes de feu
[
2
]
.
Une tempete de feu est le resultat du phenomene de tirage (ou effet
cheminee
) du a la chaleur de la combustion initiale aspirant de plus en plus d'air environnant, et entretenant la combustion. Ce tirage peut augmenter rapidement si un
courant-jet de basse altitude
existe au-dessus ou a proximite du feu, ou s'il vient a percer une
couche d'inversion
thermique. Le courant ascendant s'etale en champignon en altitude et de fortes bourrasques se developpent autour du feu, dirigees vers son centre.
Cela n'est pas la limite de l'extension de l'incendie. En effet, la formidable turbulence qui se cree amene les vents a changer erratiquement de direction. Ce
cisaillement du vent
peut produire de petites formations tournoyantes, analogues a des
tornades
ou a des
tourbillons de poussiere
, appelees
tourbillons de feu
, et qui peuvent jaillir de maniere imprevisible, detruisant maisons et batiments, et propageant rapidement le feu au-dela de l'aire centrale de l'incendie.
De plus, le tirage accru apporte des quantites d'oxygene plus importantes, ce qui accroit la combustion, et donc la production de chaleur, de maniere significative. Cette chaleur intense est essentiellement rayonnee (sous forme de radiation
infrarouge
), ce qui enflamme les materiaux inflammables a distance du feu d'origine.
Outre l'enorme nuage de cendres produit par une tempete de feu, elle peut aussi, si les conditions s'y pretent, favoriser la condensation d'un
pyrocumulus
(ou
nuage de feu
). Un pyrocumulus assez vaste peut devenir un
pyrocumulonimbus
et donner naissance a des eclairs, susceptibles d'allumer de nouveaux feux. En dehors de ceux resultant des feux de foret, les pyrocumulus peuvent egalement se former lors d'
eruptions volcaniques
.
Les tempetes de feu apparaissent souvent dans des
talwegs
, sur des cretes ou dans des
plateaux
. Parmi les phenomenes les signalant, on rencontre :
- une diminution de la visibilite ;
- une mauvaise propagation du son ;
- des difficultes a respirer (les pompiers ne sont generalement pas equipes d'
ARI
dans le cas des feux de broussaille) ;
- le roussissement des feuilles (par
pyrolyse
) du a la chaleur rayonnee.
En cas d'incendie, beaucoup de plantes et d'arbres secretent des resines volatiles et des huiles essentielles ayant de multiples fonctions, comme de proteger la plante du dessechement
[
3
]
. Cependant, les temperatures elevees augmentent la
pression de vapeur saturante
de ces composes ; ainsi, a
170
°C
, le
romarin
emet 55 fois plus de
terpene
qu'a
50
°C
. Cette temperature de
170
°C
est consideree comme un seuil a partir duquel l'emission de composes volatils peut donner avec l'air un melange explosif, et donc amener a un
embrasement generalise
(EGE). En particulier, l'huile d'eucalyptus est extremement inflammable, et l'on a vu des arbres entiers exploser
[
4
]
,
[
5
]
. En Australie, la prevalence des eucalyptus a pour consequence des feux de forets remarquables par leurs fronts de flammes extremement eleves et intenses.
En cas de secheresse (taux d'
humidite
inferieur a 30 %), les risques de combustion spontanee sont plus grands encore. De plus, les flammes contiennent des gaz de
pyrolyse
incompletement brules, qui peuvent se melanger aux huiles des plantes, avec un resultat encore plus explosif.
La topographie a une influence complexe. Un relief ferme, tel qu'une vallee etroite ou un lit de riviere asseche, concentre la chaleur et l'emission de composes organiques volatils, particulierement pour des especes telles que le romarin, le
pin d'Alep
ou les
cistes
. En revanche, les
chenes kermes
emettent davantage de ces composes sur des reliefs ouverts comme les plaines et les plateaux.
D'autres facteurs influencant la creation d'une tempete de feu sont la chaleur (en particulier quand elle depasse
35
°C
a l'ombre), la secheresse, et l'absence de vent fort ; ces conditions se rencontrent souvent en
climat mediterraneen
.
On peut classer les tempetes de feu en plusieurs types :
- bulle thermique : au fond d'une petite vallee riche en materiaux combustibles, les gaz inflammables forment une bulle qui ne peut se melanger a l'air car sa temperature est trop elevee ; cette bulle, poussee par le vent, se deplace au hasard ;
- tapis de feu : dans une petite vallee etroite et profonde, toute la vallee s'enflamme ;
- confinement par de l'air froid : un fort vent froid empeche les gaz produits par la pyrolyse de s'elever, creant une situation explosive ;
- pyrolyse du versant oppose : le feu progresse en descendant une pente ; la chaleur rayonnee pyrolyse les plantes du versant oppose, qui semblent prendre feu spontanement ;
- fond de vallee etroite : les gaz s'accumulent dans le lit d'une riviere assechee ; l'arrivee de l'incendie complete le
≪ triangle du feu ≫
, et le fond de la vallee s'enflamme.
La meme physique des combustions s'applique a des incendies en zones urbaines ; on pense que des tempetes de feu ont fait partie du mecanisme des grands incendies historiques, tels que le
grand incendie de Rome
et le
grand incendie de Londres
, ainsi que de ceux consecutifs a des tremblements de terre, comme
celui de San Francisco en 1906
. Des tempetes de feu furent aussi creees par les
bombardements incendiaires
de la
Seconde Guerre mondiale
, particulierement a Dresde, Tokyo, Hambourg, et aussi lors des
bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki
. Le tableau suivant recense les tempetes de feu (en zone urbaine) pour lesquelles on possede des observations fiables.
Ville / Evenement
|
Date de l'incendie
|
Notes
|
Grand incendie de Rome
|
-
|
Plusieurs milliers de victimes ; les trois quarts de la ville rases.
|
Grand incendie de Londres
|
-
|
La plus grande partie de la
City
, connue comme le ≪ Mile Carre ≫ est ravagee, une surface neanmoins bien plus faible que celle occupee par le Londres moderne.
|
Grand incendie de Chicago
Incendie de Peshtigo
Incendie de Port Huron
(en)
|
|
Des centaines de morts a
Chicago
du 8 au
; 2 500 morts a
Peshtigo
; d'autres victimes dans des feux semblables a
Holland
et
Manistee (Michigan)
.
|
Tremblement de terre de San Francisco
|
|
Parmi les consequences du tremblement de terre, la tempete de feu (due principalement aux ruptures de canalisations de gaz) causa la destruction de plus de 500 pates de maisons.
|
Grand incendie de 1910
(en)
(
Idaho
et
Montana
)
|
20-
|
87 morts (y compris une equipe complete de pompiers composee de 28 hommes), trois villes au moins brulerent en partie durant deux jours de tempetes de feu. On peut toutefois considerer que celles-ci relevent plutot du cas des feux de forets : on estime que 12 000
km
2
de forets brulerent, dans quatre des etats de l'ouest des Etats-Unis. La fumee s'etendit jusqu'a l'est du continent, et on retrouva des cendres dans les neiges du Groenland
[
6
]
.
|
Grand tremblement de terre de Kant?
|
|
140 000 morts, la plupart dans des tempetes de feu a
Tokyo
et dans le port de
Yokohama
. Les dommages s'eleverent a 40 % du PNB de cette annee.
|
Bombardement de Londres
|
septembre
1940
|
30 a 40 000 morts
[ref. necessaire]
|
Bombardement de Stalingrad
|
23 aout 1942
|
Premiere tempete de feu veritable reussie par un bombardement de l'aviation allemande. 600 appareils du VIII. Fliegerkorps, au soir de l'offensive sur le nord de Stalingrad, rasent d'un coup 80 % des habitations de la ville.
|
Bombardement de Hambourg
(Allemagne)
|
|
45 000 morts
|
Bombardement de Cassel
(Allemagne)
|
|
10 000 morts
|
Bombardement de Brunswick
(en)
(Allemagne)
|
|
2 600 morts
|
Bombardement de Darmstadt
(en)
(Allemagne)
|
|
12 300 morts
|
Bombardement de Heilbronn
(Allemagne)
|
|
6 500 morts
|
Bombardement de Dresde
(Allemagne)
|
|
25 000 morts au moins
|
Bombardement de Pforzheim
(Allemagne)
|
|
17 000 morts
|
Bombardement de Tokyo
|
|
120 000 morts
|
Bombardement de Wurtzbourg
(Allemagne)
|
|
5 000 morts
|
Bombardement de Kobe
(Japon)
|
|
8 841 morts
|
Hiroshima
|
|
90 000 morts ou plus, mais en partie dus a l'explosion atomique elle-meme.
|
Tempete de feu d'Oakland
(en)
|
|
25 morts, 1,5 milliard de dollars de degats
|
Au debut de la
Seconde Guerre mondiale
, plusieurs villes anglaises subirent des bombardements incendiaires ; l'un des plus remarquables fut
celui de Coventry
le
. A l'occasion du bombardement de Coventry, les forces allemandes mirent en jeu plusieurs innovations qui devaient influencer tous les
bombardements strategiques
ulterieurs durant la guerre
[
7
]
. Ces innovations etaient :
- l'utilisation d'avions de reconnaissance munis d'aides electronique a la navigation, pour marquer les cibles avant l'attaque principale ;
- l'utilisation de bombes lourdes et de mines aeriennes (
blockbusters
) couplee avec celle de milliers de bombes incendiaires.
La premiere vague de bombardement utilisa des explosions de grande puissance pour detruire les reseaux de service (eau, gaz et electricite), et creer des crateres rendant les routes peu praticables pour les equipes de pompiers ; les bombes explosives n'etaient pas seulement destinees a gener les secours, mais etaient egalement concues pour eventrer les toits, facilitant le passage des bombes incendiaires. Les vagues de bombardements suivantes combinaient explosifs et bombes incendiaires, ces dernieres etaient de deux types : a base de
magnesium
, et a base de petrole.
Arthur Travers Harris
, commandant de la
forces de bombardement de la RAF
, ecrivit apres la guerre ≪ Le bombardement de Coventry etait assez ramasse dans l'espace [pour amorcer une tempete de feu], mais trop disperse dans le temps ≫
[
8
]
, aussi ne s'en crea-t-il pas. Ils n'avaient pas le nombre d'engins aeriens necessaire, et ceux-ci n'avaient pas une capacite suffisante (ils n'avaient que des bombardiers bimoteurs).
Ce n'est que vers la fin de la guerre que
Bomber
Harris et la RAF parvinrent a une concentration quasi simultanee de bombardements suffisante pour qu'une tempete de feu se declenche. Par exemple, durant le
bombardement de Dresde
le
, la premiere attaque fut entierement menee par le
groupe
n
o
5
, utilisant leurs propres methodes de marquage a basse altitude. Les avions-traceurs marquerent le stade de Ostragehege comme point de chute initial, et les 244 bombardiers se deployerent en eventail a partir de ce point, chacun lachant ses bombes a un instant legerement different ; l'ensemble du bombardement dura moins de deux minutes. La zone de destruction ainsi creee etait un triangle de deux kilometres de long et trois kilometres de large
[
9
]
,
[
10
]
. Ce raid de la RAF (suivi par d'autres vagues de bombardement de la RAF et de l'USAAF) donna naissance a l'une des plus devastatrices et tristement celebres tempetes de feu de l'histoire.
Une autre terrifiante tempete de feu resulta du
bombardement de Hambourg
le
(appele operation Gomorrhe). Plusieurs facteurs concoururent a l'enorme destruction qui s'ensuivit : le temps exceptionnellement sec et chaud, la concentration du bombardement et l'impossibilite pour les equipes de pompiers d'atteindre le centre de la ville (ils etaient encore en train de lutter en peripherie contre les consequences du bombardement du
). Cette tempete de feu (qui donna naissance a l'expression allemande
Feuersturm
) se transforma en tornade, creant une sorte de haut-fourneau naturel, avec des vents allant jusqu'a
240
km/h
et des temperatures de
800
°C
, causant l'embrasement de l'
asphalte
des rues, carbonisant les gens dans les abris anti-aeriens, soulevant les pietons dans les airs comme des feuilles mortes, et detruisant 21
km
² de la ville. La plupart des 40 000 victimes de l'operation Gomorrhe furent tuees cette nuit-la.
En 1945,
Tokyo
avait une densite moyenne de 40 000 habitants au km
2
, avec des concentrations pouvant depasser 50 000 hab/km
2
, la plus haute densite pour une ville industrielle ou que ce soit dans le monde. Les equipes de pompiers s'avererent ridiculement sous-equipees pour la tache, alors que furent detruits 15,8
km
2
de la ville pendant la nuit du
9 mars
; des vents violents attiserent les flammes et des murs de feux bloquerent des dizaines de milliers d'habitants fuyant pour sauver leurs vies. On estime qu'un million et demi de personnes habitaient la zone incendiee
[
11
]
.
Les
armes nucleaires
peuvent egalement creer des tempetes de feu en zone urbaine ; cela fut la cause d'une grande partie des destructions a
Hiroshima
(mais, semble-t-il, pas a
Nagasaki
).
- ↑
Voir
cet article de Robert Chevrou
sur les incendies des Grands Lacs en 1871
(en)
- ↑
(en-GB)
David
Hambling
, ≪
Wildfires' hidden energy revealed by lidar sensor
≫,
The Guardian
,
(
ISSN
0261-3077
,
lire en ligne
, consulte le
)
- ↑
The World Around Us: Chemical Plants
(en)
- ↑
Robert L. Santos
The Eucalyptus of California
(en)
- ↑
Robert Sward
Eucalytus Roulette (con't)
(en)
- ↑
Pyne, Stephen J.
Year of the Fires: The Story of the Great Fires of 1910
; (Viking-Penguin Press 2001);
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ISBN
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)
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Taylor, Fredrick;
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- ↑
RAF:
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.
- ↑
Taylor, Fredrick;
Dresden Tuesday 13 February 1945
, Pub Bloomsbury (First Pub 2004, Paper Back 2005).
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ISBN
0-7475-7084-1
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- ↑
Mark Selden.
A Forgotten Holocaust: US Bombing Strategy, the Destruction of Japanese Cities and the American Way of War from the Pacific War to Iraq
. Japan Focus, 2 mai 2007
(en)
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