Les
Sogdiens
sont un peuple antique de
langue indo-europeenne
de la branche des
langues iraniennes
qui a vecu dans une region recouvrant une partie des actuels
Turkmenistan
oriental,
Ouzbekistan
,
Tadjikistan
occidental et
Afghanistan
septentrional, region a laquelle ils ont donne leur nom : la
Sogdiane
. Important peuple de commercants, autour de leur capitale
Samarcande
, les Sogdiens jouent un role fondamental dans le developpement de la
route de la soie
et des routes commerciales de l'
Asie centrale
. Ils connaissent leur apogee entre le debut du
I
er
siecle
av. J.-C.
et le
VII
e
siecle
Les Sogdiens passent sous la domination des Perses
achemenides
au milieu du
VI
e
siecle
av. J.-C.
puis des
Grecs
avec les conquetes d'
Alexandre le Grand
. Un temps sous la tutelle des
Seleucides
, ils passent ensuite sous celle du
royaume greco-bactrien
jusqu'au milieu du
II
e
siecle
av. J.-C.
, date a laquelle ils subissent l'invasion des nomades
Yuezhi
. Par la suite ils restent independant de l'
Empire kouchan
. Ils sont domine un temps par des
peuples turciques
puis finalement par les Arabes au cours du
IX
e
siecle
La premiere mention des
Sukhda
, ou Sogdiens, se trouve dans l'
Avesta
, le texte sacre du
mazdeisme
. Ce sont les Sogdiens qui ont donne leur nom a la Sogdiane. Une autre mention de la Sogdiane est visible dans les inscriptions de
Darius
a
Behistun
en Iran qui datent de la fin du
VI
e
siecle
av. J.-C.
Les Sogdiens sont a l'origine des
Sakas
, un peuple
scythique
, qui se sont sedentarise au debut du
I
er
millenaire
av. J.-C.
dans les regions meridionales de l'Asie centrale. Ils sont principalement etablis au nord de la
Bactriane
, a l'est de la
mer d'Aral
, entre les fleuves Iaxarte (aujourd'hui le
Syr-Daria
) et Oxos (aujourd'hui l'
Amou-Daria
)
[
1
]
. Dans ces regions les vallees alluviales et les oasis sont favorables a l'agriculture tandis que le reste du territoire, plus aride, ne permet que l'elevage extensif nomade, traditionnellement pratique par les
peuples cavaliers
des
steppes eurasiennes
. Les Sogdiens ne disposent d'un territoire limite par des frontieres precisement bornees mais forment un reseau de comptoirs qui, d'une oasis a l'autre, court le long des routes qui relient la Sogdiane a
Constantinople
vers l'ouest, a l'
Inde
vers le sud, et a la
Chine
vers l'est
[
2
]
.
Les Sogdiens sont divises en tribus et en petits Etats, principalement centres autour de
Samarcande
, leur capitale. La presence du fleuve comme frontiere explique les
Grecs
appellent
Transoxiane
la Sogdiane de l'Est. Leurs villes principales sont Samarcande,
Boukhara
,
Khodjent
et
Kesh
. Sur la route de la Soie, la cite de
Samarcande
, fondation sogdienne sous le nom de
Marakanda
, est une etape de premier ordre. C'est un grand marche, le point le plus oriental de la plupart des caravanes armeniennes, syriennes, egyptiennes, arabes et romaines d'orient et le point le plus occidental de la plupart des caravanes chinoises.
Dans les annees 540
av. J.-C.
, la
Sogdiane
est soumise par
Cyrus le Grand
qui fonde la ville de
Cyropolis
. Sur l'
inscription de Behistun
, la Sogdiane est indiquee comme etant la dix-huitieme
satrapie
. Les historiens estiment que la region est en realite gouvernee par le
satrape de Bactriane
. Les Sogdiens sont enregistres dans les archives perses comme offrant en tribut du
lapis-lazuli
et de la
cornaline
. Darius y introduit le systeme d'ecriture
arameen
et la monnaie et incorpore des Sogdiens dans son armee. Un contingent de soldats sogdiens combat dans l'armee perse durant la
deuxieme guerre medique
.
Alexandre le Grand
fait la conquete de la Sogdiane en 329. La region subit d'importantes destructions du fait de la rebellion de
Spitamenes
. En 327, Alexandre epouse une princesse sogdienne,
Roxane
. Apres la mort d'Alexandre, l'un de ses
Diadoques
,
Seleucos
, prend le controle de la Sogdiane entre 310 et 308. A la mort d'
Antiochos II
, en 246, le satrape grec de
Bactriane
et de Sogdiane,
Diodore
, se proclame independant et fonde le
royaume greco-bactrien
[
3
]
,
[
4
]
. Sous le regne d’
Euthydeme
I
er
, le deuxieme successeur de Diodote, le roi seleucide
Antiochos III
tente de reprendre possession de la
Bactriane
, mais il echoue et doit reconnaitre l’independance de ce royaume. Un important developpement urbain caracterise la Sogdiane durant la
periode hellenistique
. A
Samarcande
, un rempart grec est superpose aux anciennes fortifications.
Relations avec les Yuezhi et les Kouchans
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Vers 130
av. J.-C.
, le
royaume greco-bactrien
est victime d'une invasion des
Yuezhi
, un confederation de peuples probablement
tokhariens
. Les Yuezhi parviennent en
Bactriane
peu avant 128 et y reconstituent un puissant Etat : les Sogdiens leur sont tres probablement soumis. Les Chinois envoient chez les Yuezhi un ambassadeur,
Zhang Qian
, qui arrive a destination vers 128. Il effectue une description de ce qui est aujourd’hui l'
Ouzbekistan
, mais n'y mentionne pas nommement les Sogdiens ; en revanche, il parle d'un pays appele
Kangju
. Certains auteurs ont voulu y voir la Sogdiane, mais selon Zhang Qian, ≪ les gens du Kangju etaient nomades et semblables aux Yuezhi par leurs coutumes ≫, alors que les Sogdiens sont des sedentaires pratiquant une agriculture irriguee. Le territoire du
Kangju
se serait plutot trouve dans la region de
Tachkent
.
Au cours du
I
er
siecle
av. J.-C.
, la domination des Yuezhi passe aux
Kouchans
, une tribu des Yuezhi ayant pris le dessus sur les autres. Les Kouchans fondent un empire egalement centre sur la Bactriane. Bien que les Sogdiens soient leurs voisins septentrionaux, ils n'y sont pas integres. Les oasis de
Samarcande
et de
Boukhara
connaissent un important developpement, amplifie par le commerce avec les autres parties de l'Asie par la
route de la soie
. Les pieces de monnaie frappees a
Samarcande
portent alors des legendes en
sogdien
et en
grec
, mais les secondes ont tendance a se rarefier ou meme a disparaitre au profit des premieres. Le remplacement du grec par le sogdien est aussi observe a
Boukhara
.
Pour la premiere fois, des documents appeles ≪ Lettres Anciennes ≫ permettent de connaitre la societe sogdienne, composee de trois classes, les aristocrates (
?z?t
,
?z?tk?r
), les marchands (
xv?kar
) et les paysans et artisans libres (
k?rik?r
). Outre ces trois classes libres, beaucoup d’esclaves y vivent et ne sont pas consideres comme des membres de la cite (le
n?f
). Les
?z?t
sont proprietaires des terres et des villages et les
?z?tk?r
sont des personnes libres associees aux
?z?t
en un systeme
clienteliste
. Les ≪ Lettres Anciennes ≫ n’ont pas ete trouvees en Sogdiane, mais dans une tour de la frontiere chinoise de cette epoque, a
Dunhuang
. Elles temoignent de l’activite marchande et de la societe des Sogdiens, qui ont aussi laisse quelques centaines de courtes inscriptions sur roche au nord de l’actuel
Pakistan
, sur une autre voie commerciale. Un exemple de ces
graffitis
est ≪ B?xs?k, fils de Vanxarak, citoyen de Paykand ≫, sahchant que la ville de
Paykand
se trouve au sud-ouest de Boukhara.
Du debut de l'ere chretienne a l'apogee commercial
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]
En 230 ap. J.-C., le roi perse
Ardachir
I
er
, fondateur de la dynastie des
Sassanides
, annexe la partie occidentale de l'empire des
Kouchans
. Les Sogdiens sont egalement attaques, mais leur territoire n'est pas occupe. Les evenements qui se produisent ensuite ne sont pas bien connus. Entre 350 et 400, un peuple designe par le nom de ≪
Hun
≫ (
xwn
en
sogdien
) elimine le souverain de la
Sogdiane
. Le terme de ≪ Huns ≫ a designe plusieurs peuples nomades en
Asie centrale
. Il s'agit peut-etre d'un peuple appele
Kidarite
par les Grecs, Chionites par les auteurs latins et Huna par les Indiens. Ils sont mentionnes pour la premiere fois vers 350, comme allies des Sassanides, et leur nom grec provient apparemment d'un roi qui s'appelle Kidara. Il est certain que les Kidarites s'emparent de la Bactriane, qui prend alors le nom de Tokharistan. Leur presence en
Sogdiane
n'est qu'hypothetique. Sept pieces de monnaie portant l'inscription
kydr
(Kidara) ont ete retrouvees.
Les Sassanides, s'etant brouilles avec les Kidarites, les attaquent a partir de 442. Cette campagne s'acheve en 467 avec la prise par les Perses de la capitale des Kidarites (peut-etre la ville de
Balkh
), au Tokharistan. Les Perses ont alors un nouvel allie, les
Hephthalites
, qui sont de redoutables guerriers et qui se sont illustres plus tard par de terribles massacres, notamment en
Inde
du Nord. Eux aussi, sont qualifies de Huns. Partis du nord de
Tourfan
, dans l'actuelle province chinoise du
Xinjiang
, ils se constituent un empire et s'emparent de la Sogdiane vers 509. Les Chinois recoivent alors une ≪ ambassade ≫ envoyee par les Hephthalites, qui sont surtout constituee de marchands sogdiens. C'est a partir de la Sogdiane que les Hephthalites lancent leurs attaques contre leurs anciens allies, les Sassanides.
Les Hephthalites sont balayes entre 557 et 561 par un nouvel empire nomade, fonde a partir de la
Mongolie
par les Turcs Bleus (
Gokturks
,
Tujue
en chinois). A cette epoque, un tyran appele Abrui regne sur l'oasis de
Boukhara
. Il est originaire de la ville de Paykand, citee plus haut. Fuyant sa brutalite, des nobles et des marchands s'installent au sud-est de l'actuel
Kazakhstan
, sur le cours du fleuve
Ili
(dans une region appelee le
Semiretchie
). Les citoyens restants reclament l'aide des Turcs, qui renversent Abrui. Les emigres ont du passer par la region de
Tachkent
, d'ou les gens du Kangju sont partis (vaincus par les Kidarites ?) et qui est devenue sogdienne. Cette expansion aide les Sogdiens a controler les routes commerciales. Elle sert aussi les interets des Turcs, qui purent compter sur les diplomates sogdiens pour rendre les routes aussi sures que possible. Ces derniers sont alors allies des Sassanides. Ils se partarge les territoires laisses par les Hephthalites. La Sogdiane revient aux Turcs, mais les Sogdiens ont avec les Turcs une relation beaucoup plus d'amitie que de soumission. Le sogdien devient la langue officielle de l'administration turque. Au debut du
VII
e
siecle, un mariage a lieu entre le roi de
Samarcande
et la fille d'un empereur turc.
Les Turcs fondent leur premier empire en 552. Il est partage en une aile orientale, en
Mongolie
, et une aile occidentale, au nord de l'actuelle region autonome chinoise du
Xinjiang
. Les Chinois detruisent la premiere en 630 et la seconde en 657. Ils prennent, en theorie, possession de tous les territoires turcs, ce qui fait tomber la Sogdiane dans leur giron, mais elle se trouve trop loin pour qu'ils puissent y exercer un controle effectif. L'empire turc est reconstitue a partir des annees 680, grace notamment a un ministre exceptionnel, Tonyuquq. En
711
, les Turcs defont un autre peuple turc, les
Turgesh
, et poursuivent les fuyards jusqu'en Sogdiane. Mais dans la region de Samarcande, ils se heurtent a des nouveaux venus : les
Arabes
.
Les
Arabes
mettent fin au regne a l'
Empire sassanide
en 651. A cette epoque la
Sogdiane
est appelee la
Transoxiane
, nom que les Arabes ont traduit par Mavarannahr (
M? war? 'l-nahr
) ≪ ce qui est au-dela du fleuve ≫ (l'
Amou-Daria
). Ils traversent ce fleuve une premiere fois en 673 pour attaquer
Boukhara
, qui est alors gouvernee par une femme, la
khatun
, mere d'un roi enfant nomme Tughshada. Elle obtient le retrait des envahisseurs contre le paiement d'une rancon. Ils reviennent a Boukhara en 676, puis se tournent vers
Samarcande
, mais ils echouent a prendre la ville. D'autres raids se produisent, mais les Sogdiens ne prennent pas cette menace au serieux. Certains de leurs rois demandent d'ailleurs aux Arabes leur soutien contre d'autres souverains sogdiens.
En 705,
Qutayba ben Muslim
devient le gouverneur du
Khorassan
, province du nord-est de la Perse. Il profite des querelles intestines des souverains de l'
Asie centrale
pour s'y introduire, mais il se heurte a une vive resistance a Paykand. La ville est finalement detruite et ses defenseurs massacres. Des Sogdiens coalises et des Turcs lui barrent la route de
Boukhara
en 707 et 708, mais il parvient a conquerir la cite en 709 grace au soutien du roi sogdien Tarkhun. Ce dernier est detrone par ses sujets en 710.
Samarcande
doit se rendre en 712, apres un mois de siege, et un an plus tard, c'est au tour de la region de
Tachkent
de se soumettre. Ayant reussi a conquerir toute la Sogdiane, Qutaiba commence a y installer des Arabes et a y propager l'
islam
, mais il est tue en 715 par une revolte de ses troupes.
Les Sogdiens qui acceptent de se convertir a l'islam sont exemptes d'impots. Face a l'ampleur des conversions et la baisse consecutive des recettes fiscales, les
Omeyyades
decretent que les nouveaux convertis doivent etre circoncis et avoir une bonne connaissance du
Coran
. Cette mesure entraine une revolte. En 720 et 721, les Sogdiens detruisent la garnison arabe de Samarcande avec l'aide des Turcs. Un nouveau gouverneur est alors nomme au
Khorassan
, Said ibn Amr al-Harashi. Les rebelles sogdiens choisissent cette fois une strategie de retraite. Sous la conduite de Divashtich, roi de la cite orientale de Panjikand, une partie d'entre eux se refugient dans la forteresse d'Abargar, situee sur le mont Mug. A cet endroit, sur la rive gauche du
Zeravshan
, les archeologues ont trouve de nombreux documents riches en enseignements sur la societe sogdienne. Les Omeyyades ayant assiege la forteresse, Divashtich doit se rendre. Il est execute en 722 par al-Harashi. En 728, le gouverneur du Khorassan, Ashras ibn Abdallah al-Sulami, offre une exemption d'impots pour les nouveaux convertis, ce qui produit les memes effets que la premiere fois. Avec l'aide des Turcs,
Boukhara
devient le centre de la revolte sogdienne. Elle est soumise en 729, apres plusieurs mois de durs combats. Samarcande, dirigee par le roi Ghurak (successeur de Tarkhun), ne s'est pas soulevee. En depit de la repression menee par les Omeyyades, la resistance des Sogdiens ne faiblit pas. Elle est particulierement vive en 733 et 734. Le gouverneur Nasr ibn Sayyar (738-748) decida de mener une politique plus conciliante avec les elites locales.
Au
VIII
e
siecle, les
Arabes
sont diriges par la dynastie des
Omeyyades
, adversaires d'une autre dynastie arabe, celle des
Abbassides
. Le chef des Abbassides au
Khorassan
et en
Transoxiane
est
Abu Muslim
, un aristocrate iranien dont la famille s'est recemment convertie a l'
islam
. Il commence a rassembler des troupes en 747 et les met en mouvement debut 748. Il entre ensuite dans
Merv
(dans l'actuel
Turkmenistan
). Nasr ben Sayyar doit fuir la ville pour se refugier en Perse, a
Nishapur
. Abu Muslim envoie contre lui l'un de ses officiers, Qahtaba ben Humayd, ce qui l'oblige a continuer sa fuite plus a l'ouest. Les
Omeyyades
reagissent alors en lui envoyant des renforts, mais ils sont defaits par Qahtaba et Nasr est tue. Qahtaba garde le controle de la Perse, permettant aux Abbassides d'atteindre
Koufa
, en
Irak
actuel, en aout 749. Un an plus tard, les Omeyyades sont renverses. Abu Muslim est alors nomme gouverneur du Khorassan. Au printemps 751, il doit affronter une revolte d'un
chiite
,
Sharik al-Mahri
, a Boukhara. L'officier qu'il envoie,
Ziyad ibn Salih
, ne peut venir a bout des insurges qu'avec l'aide de l'aristocratie sogdienne.
La Sogdiane est toujours sous suzerainete theorique de la
Chine
, mais les Chinois ne sont pas intervenus face aux Arabes. L'initiative vient d'un general chinois, Gao Xianzhi, qui est le gouverneur des ≪ Pays d'Occident ≫. Le souverain du
Ferghana
(a l'est de l'
Ouzbekistan
), demande son aide contre le roi de Tachkent. Gao Xianzhi se rend dans cette oasis, capture le roiet le fait executer ; mais le fils du defunt souverain appelle les Arabes a l'aide. En juillet 751,
Ziyad ibn Salih
affronte une armee chinoise de 30 000 hommes et l'ecrase avec l'aide d'un peuple turc, les
Karlouks
, a la
bataille de Talas
, au nord-est de
Tachkent
. La Chine est definitivement evincee de la Sogdiane.
Les Omeyyades s'inquietent de la toute-puissance d'Abu Muslim. Ils nomment son general
Ziyad ibn Salih
gouverneur de la Sogdiane. Celui-ci est vaincu par Abu Muslim et il est tue par un noble sogdien chez lequel il s'est refugie. Un calife des
Abbassides
arrive au pouvoir en 754,
Abu Jafar al-Mansur
, convoque Abu Muslim a la cour et le fait executer. Cela entraine des revoltes de proches d'Abu Muslim, qui ne sont pourtant pas des musulmans. Le
zoroastrien
Sunb?dh souleve le Khorassan contre les Abbassides. Ceux-ci effectuent une repression tres feroce, allant jusqu'a massacrer des femmes et des enfants. D'autres revoltes zoroastriennes se produisent, la derniere et la plus importante ayant lieu entre 776 et 783. Elle est dirigee par Hashim ben Hakim. Bien que ce personnage ait eu un nom arabe, son mouvement est plutot antimusulman et ancre dans la paysannerie sogdienne. Il recoit aussi un soutien dans la ville de
Samarcande
. La repression de cette revolte et le suicide de Hashim ben Hakim marque la victoire definitive de l'islam sur les religions locales.
Au cours du
IX
e
siecle, la
Transoxiane
tomba progressivement, de maniere pacifique, entre les mains d'une famille originaire du village (bactrien?) de Saman, les
Samanides
. En 874, le calife
Al-Mu'tamid
designe l'un de ses membres, Nasr ben Ahmad, gouverneur de la Transoxiane, avec Samarcande pour residence. La meme annee, Nasr installe son frere Ismail ben Ahmad a Boukhara, mais en 888, les deux hommes s'affrontent et Nasr est vaincu. A la mort de ce dernier en 892, Ismail devint le seul maitre d'un Etat
de facto
independant. En 900, il annexe le Khorassan. Les Samanide sont musulmans, mais ils entreprennent la desarabisation de la Transoxiane et du Khorassan. A partir de cette epoque, le
persan
commence a supplanter le
sogdien
et le
bactrien
. Avec l'arrivee de l'
islam
et de la langue persane, une nouvelle civilisation se developpe en Sogdiane.
Le terme
T?z?k
(en
moyen persan
) est utilise a l'ouest de la Perse pour designer les Arabes. Il s'applique ensuite aux musulmans du Khorasan et de la Transoxiane. Aujourd'hui, prononce
tadjik
, il designe les populations de langue persane de l'Asie centrale, au
Tadjikistan
, au nord de l'
Afghanistan
, mais aussi en
Ouzbekistan
, ou cette langue demeure tres utilisee, notamment dans les grandes villes comme Samarcande ou Boukhara.
Les Sogdiens ont fonde une civilisation urbaine autour de
Samarcande
et
Boukhara
et controlent les voies commerciales de l'
Asie centrale
, ce qui explique qu'ils soient parfois qualifies de ≪
Pheniciens
≫ de l'Asie centrale
[
2
]
. Les Sogdiens beneficient d'une certaine reconnaissance de la part des Perses du temps des
Achemenides
, alors que la Sogdiane constitue la frontiere septentrionale du monde sedentaire face aux nomades des
steppes
.
Le
sogdien
est tres proche du
bactrien
. Le sogdien est supplantee par le
tadjik
, une autre
langue iranienne
plus proche de l'actuel
persan
, mais elle n'a pas totalement disparu puisqu'une langue sogdienne est encore parlee
[Quand ?]
dans un groupe de villages de la vallee du
Yaghnob
, affluent du
Zeravchan
, riviere qui arrose Samarcande. Outre cette langue appelee
yaghnobi
, le sogdien a donne des mots au
tadjik
et au persan moderne.
On discute des liens entre le sogdien et la langue, egalement iranienne, du
royaume de Khotan
du
II
e
siecle
av. J.-C.
, parlee au sud-ouest du
bassin du Tarim
, autre etape de la
route de la soie
. De nombreux documents ecrits
bouddhiques
du
VII
e
siecle, retrouves entre autres en Sogdiane, comprennent en effet des mots qui semblent etre empruntes au khotanais, peut-etre via l’oasis de
Kachgar
. Les habitants de cette region sont appeles
Sakaraukai
par les Grecs et
Sai-wang
par les Chinois : on a rapproche ces denominations des Saces et des Scythes, mais en fait
wang
signifie ≪ roi ≫ et
raukai
, l’iranien
r?kya-
, prononce
*raukya-
, signifie ≪ commandant, chef ≫. S’il en est bien ainsi, ces habitants sont les ≪ Rois-commandants ≫ et on a rapproche ce nom des ≪ Scythes royaux ≫ dont parle
Herodote
[ref. necessaire]
.
Selon les documents du mont Mug, la societe sogdienne ne semble pas avoir connu de grands changements depuis l'epoque des
Lettres Anciennes
: on y distingue toujours trois classes. Le titre le plus eleve de l'aristocratie est celui du roi, le
afsh?n
ou le
ikhshid
. Le souverain de
Boukhara
porte un titre special,
Bukh?r khud?t
. Durant les
VII
e
et
VIII
e
siecles, les rois sont de plus en plus elus par les nobles, ce qui limite leur pouvoir. C'est de cette maniere que le
ikhshid
Ghurak est monte sur le trone de
Samarcande
, apres la chute de Tarkhan. Parmi les nobles (
?z?d
), on distingue les
dihq?n
. Cette classe est beaucoup plus ouverte qu'en Europe : dans la ville de Panjikand, elle ne represente pas moins de 15% de la population. Elle comprend les proprietaires fonciers, qui jouissent parfois d'un pouvoir considerable et disposent de guerriers professionnels, les
chakir
. Ces derniers constituent le noyau des armees sogdiennes.
L'
historien
perse Narshakhi a donne cette description de la cour de Tughshada, la reine de
Boukhara
.
[ref. necessaire]
Sa coutume etait chaque jour de : ≪ s'asseoir sur un trone, tandis que devant elle, se tenaient des esclaves, des maitres du serail, c'est-a-dire des eunuques, et des nobles. Elle avait fait une obligation pour la population que chaque jour, des
dihq?n
aux princes, deux mille jeunes, ceints de ceintures d'or et portant des epees [a l'epaule], devraient apparaitre pour le service et se tenir a distance. Quand la
Khatun
sortait, tout le monde lui faisait obeissance pendant qu'elle effectuait des recherches sur les affaires de l'Etat. Elle donnait des ordres et des interdictions; elle offrait un vetement pour honorer qui elle voulait et punissait qui elle voulait... Au soir, elle sortait de la meme maniere et s'asseyait sur le trone. Quelques
dihq?n
et princes se tenaient devant elle en deux rangs, a son service jusqu'au coucher du soleil ≫.
Les esclaves sont nombreux. Il s'agit de personnes capturees lors des guerres, prises comme otages, vendues par leur famille ou qui se sont elles-memes placees sous la protection d'un maitre.
Les peintures sogdiennes montrent des
dihq?n
en train de festoyer. Les hommes portent des ceintures d'or, ou sont accroches de superbes epees ou poignards. Des femmes leur tiennent compagnie. Tous etaient assis ou etendus sur des tapis, avec leurs serviteurs en arriere-plan.
Les Turcs ont exerce une influence sur la societe sogdienne. Le plus haut titre administratif, le
tudun
(peut-etre le chef du service civil), etait d'origine turque. Il restait cependant des hauts dignitaires purement sogdiens, comme le
farmand?r
, charge de toutes les affaires financieres et economiques, le commandant des forces armees et l'archiviste en chef, ainsi que des collecteurs de taxes. Cette administration fonctionnait de maniere bureaucratique, mais efficacement et sans inegalite. Aux yeux des etrangers, les Sogdiens etaient surtout des marchands. Leur activite commerciale etait indeniable et ils dominaient une grande part du commerce asiatique aux alentours du
VII
e
siecle, en particulier sur la
route de la soie
et jusque dans la Chine meme : leurs pratiques du grand commerce international en font des intermediaires des princes, de la Chine a Byzance. La majorite des
caravanserails
d'Asie centrale, notamment sur la route de la soie, sont des etablissements tenus par des Sogdiens. Aussi developpe soit-il, le commerce a cette epoque ne pouvait pas encore faire vivre tout un peuple, leur economie reposait donc en grande partie sur la pratique de l'agriculture. Les conditions meteorologiques les contraignaient a developper des reseaux d'irrigation. Le village sogdien parait avoir coincide avec le groupe agnatique.
La fabrication de
soie
debute en Sogdiane aux alentours de 700. Au cours de la
bataille du Talas
, des artisans chinois sachant fabriquer du
papier
ont ete captures. Cela vaut a
Samarcande
de devenir un important centre de production de papier. Les artisans et les petits commercants vivent dans des maisons a un etage et plusieurs pieces. Certains doivent louer des ateliers ou des boutiques.
Malgre les occupations, les Sogdiens se consacrent pleinement au commerce. A la fin de l'Antiquite la Sogdiane, avec
Samarcande
, est l'un des plus importants centres du commerce mondial, idealement situe a la croise de la
route de la soie
entre la
Chine
, l'
Inde
, la
Perse
et l'
Empire byzantin
. Les marchands sogdiens controlent un vaste empire commercial qui domine les echanges dans toute l'
Asie centrale
et penetre jusque dans les empires, en particulier la Chine des
Tang
a partir du
III
e
siecle
[
1
]
. En Chine, les marchands sogdiens dominent longtemps le commerce du fait de circonstances reglementaires qui les favorisent, des sogdiens sont meme parfois promus a des postes administratifs importants.
La majorite des caravanserails sur la route de la soie sont des etablissements sogdiens. Il convient cependant de relativiser le role de la soie, et meme des masses transportees. La soie, pour les producteurs chinois
[
5
]
, est, non un objet de profit, mais, tout simplement, une monnaie qui sert a payer les fonctionnaires et a gratifier les souverains etrangers, dont les menacants nomades. Ce sont les marchands sogdiens qui la captent en route et en font un objet economique. Meme de leur point de vue, il ne semble pas qu'elle ait toujours ete percue comme formant l'essentiel de leur activite. Les marchandises qu'ils transportent, de toute facon en tres faibles quantites, sont plutot le
musc
et le
santal
. Selon Franz Grenet la richesse du pays depend plutot du labeur acharne et intelligent des creuseurs de canaux, qui ont su, en amenant l'eau et en acclimatant des plantes et des arbres fruitiers comme le pecher, obtenir des produits de grande qualite recherches jusqu'en Chine.
Les annales de la dynastie chinoise des
Tang
donne la description suivante des coutumes sogdiennes :
≪ Les habitants de ces principautes aiment le vin. Ils se plaisent a danser et a chanter dans les rues. Le roi a un chapeau de feutre qu'il orne d'or et de divers joyaux. Les femmes se font un chignon: elles portent un bonnet noir auquel elles cousent des fleurs d'or. Quand elles ont accouche d'un enfant, elles lui font manger du sucre et elles lui mettent de la colle sur la main, dans le desir que lorsqu'il sera grand, il ait des paroles douces et tienne les objets precieux comme s'ils etaient adherents a ses mains. Ces gens sont habitues a ecrire en lignes horizontales. Ils excellent au commerce et aiment le gain. Des qu'un homme a vingt ans, il s'en va dans les royaumes voisins. Partout ou on peut gagner, ils sont alles. ≫
A la meme epoque, le pelerin chinois
Xuanzang
a laisse ce temoignage sur Samarcande :
≪ Sa capitale a plus de 20
li
de tour (environ 10 km), excessivement forte avec une importante population. Le pays a un grand entrepot commercial, est tres fertile, abondant en fleurs et en arbres et fournit beaucoup de beaux chevaux. Ses habitants sont des artisans habiles et energiques. Tous les pays Hu (iraniens) considerent ce royaume comme leur centre et se font un modele de ses institutions. Le roi est un homme d'esprit et de courage auquel les Etats voisins obeissent. Il a une superbe armee ou la plupart des soldats sont des
chakir
. Ce sont des hommes de grande valeur, qui voient en la mort un retour vers leurs parents, et contre lesquels aucun ennemi ne peut tenir au combat. ≫
Concernant la religion, les Sogdiens sont assez permeables aux influences exterieures. Dans leurs textes, se retrouvent les noms d'anciennes divinites iraniennes. Leurs noms sont donnes en transcription greco-latine de l'ecriture sogdienne, qui ignore les voyelles:
- Verethragna
(
wsγn
), dieu guerrier semblable a
Indra
. L'un des principaux dieux iraniens ; il est appele Orlagno par les Bactriens, Varlagn par les
Saces
, Arlagn par les Chorasmiens (au
Khwarezm
) ;
- Druv?spa (
δrw'sp
), la ≪ Maitresse des chevaux bien portants ≫, presente dans l'
Avesta
, elle est appelee Lrooaspo par les Bactriens ;
- Haoma
(
γwm
), la plante d'immortalite des Iraniens, qui est divinisee ;
- Khvarnah
(en)
(
prn
), entite multiforme, lumineuse, assimilee a un feu, que tout roi iranien doit posseder.
La plus importante divinite feminine est Nanai, qui possede quatre bras et s'assoit sur un lion. Ahura Mazd? (
Xwrmzt'βγ
), le dieu theoriquement unique du
zoroastrisme
, est tres rarement mentionne, mais les Sogdiens connaissent son fondateur,
Zoroastre
(
Zrwsc
). Ils adherent a un courant de cette religion qui place
Zervan
(
zrw
), le Temps, en tete du pantheon. Il est considere comme le pere d'
Ahura Mazd?
(ou Ohrmazd) et de son ennemi
Angra Mainyu
(ou Ahriman) : l'Esprit du Mal. Les noms des six Amesha Spenta, divinites auxiliaires d'Ahura Mazd? selon la philosophie de
Zoroastre
, sont utilises comme noms personnels.
De meme que les Sogdiens n'ont jamais cree d'Etat unifie, ils n'ont jamais donne d'autorite centrale a leur religion. C'est une difference essentielle avec le zoroastrisme tel qu'il est pratique dans la
Perse
des
Sassanides
. La religion sogdienne est une affaire individuelle. Chaque famille et chaque communaute possede ses propres patrons. Des autels sont amenages dans chaque maison. Les Arabes ont mentionne des ≪ temples du feu ≫ tres richement decores et des idoles en or et en argent, parfois de grande taille. La pratique zoroastrienne de decharnement des cadavres est attestee au moins jusqu'au
V
e
siecle. En contact avec tous les pays de l'Asie, les Sogdiens connaissaient les divinites indiennes. Ils s'inspirent de l'iconographie indienne pour representer leurs propres dieux. Zurvan est ainsi represente sous la forme de
Brahma
.
Le
bouddhisme
est arrive en Chine en passant par la Sogdiane. Mais s'il est reste present sur ce territoire, il y a toujours occupe une place marginale. Il est mentionne qu'un Sogdien s'est converti au bouddhisme au
Viet Nam
, alors appele le Giao-Chi, au
III
e
siecle. Il est le fils de negociants qui se sont installes dans ce pays. Il arrive a
Nankin
en 247 afin de convertir le roi
Sun Quan
et il y meurt en 280 apres avoir traduit de nombreux livres du
sanskrit
au
chinois
. Son nom, prononce a la maniere chinoise, est
Kang Senghui
(
康僧會
/
康僧?
,
K?ng S?nghui
;
vietnamien
:
Kh??ng T?ng H?i
).
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