Satyajit Ray
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Portrait de Satyajit Ray en 1981.
modifier
Satyajit Ray
(
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en
bengali
Ecouter
) est un
realisateur
,
ecrivain
et
compositeur
indien
bengali
, ne le
a
Calcutta
et mort le
dans la meme ville.
Ne dans une famille aisee, d'un pere ecrivain et poete majeur de la litterature bengalie,
Sukumar Ray
(en)
, il recoit une bonne education, en heritier de la
Renaissance bengalie
. Il etudie au
Presidency college
, avant de rejoindre l'
universite Visva-Bharati
, fondee par le poete
Rabindranath Tagore
a
Santiniketan
.
D'abord maquettiste publicitaire, il fonde en
1942
un
cine-club
a
Bombay
, puis la
Calcutta Film Society
(en)
en
1947
: cineastes americains comme europeens y sont projetes, notamment les
neo-realistes
qui font forte impression. C'est la rencontre avec le cineaste francais
Jean Renoir
, lors du tournage en Inde du film
Le Fleuve
, et le visionnage du film italien neo-realiste
Le Voleur de bicyclette
, lors d'un voyage a
Londres
, qui le decident a se lancer dans la realisation cinematographique, alors qu'il exerce le metier d'
illustrateur
dans une maison d'edition.
Inspire par le roman
Pather Panchali
de
Bibhutibhushan Bandopadhyay
, il decide d'en faire un film,
La complainte du sentier
(1955) et le tourne en decor reel, faisant appel a des amis pour tenir les roles d'acteurs, et le financant tout seul
[
1
]
. A court de fonds, il obtient du gouvernement du
Bengale
un pret qui lui permet d'achever le film. C'est un succes tant artistique que commercial, et Ray recoit un prix en
1956
au
Festival de Cannes
, faisant decouvrir au monde l'industrie cinematographique indienne.
Le cinema de Ray est realiste ; ses premiers travaux sont pleins de compassion et d'emotion ; son travail posterieur est plus politise et parfois cynique, mais il y infuse toujours son
humour
typique.
Ray a realise trente-sept films, parmi lesquels des
courts
et des
longs metrages
ainsi que des
documentaires
. Le premier film de Satyajit Ray,
La Complainte du sentier
, remporta onze distinctions internationales, dont le prix du document humain au
Festival de Cannes 1956
. C'est le premier volet de la
trilogie d'Apu
, qui sera suivi par
Aparajito
(
L'Invaincu
) et
Apur Sansar
(
Le Monde d'Apu
). Ray a exerce au cours de sa vie un large eventail de metiers, dont l'ecriture de
scenarios
, le
casting
, la composition musicale de bandes originales, le
tournage
, la direction artistique, la conception et la realisation de ses propres
generiques
et
affiches
publicitaires… En dehors du cinema, il etait ecrivain, editeur, illustrateur, graphiste et critique de cinema. Il a remporte de nombreuses recompenses au cours de sa carriere, dont un
Oscar
pour son œuvre en
1992
. Il a ete decore egalement de la
Bharat Ratna
, la plus haute distinction de l'Inde, en 1992.
La genealogie de Satyajit Ray peut etre remontee jusqu'a dix generations
[
2
]
.
Upendrakishore Ray Chowdhury
(en)
, le grand-pere de Ray, est ecrivain, illustrateur,
philosophe
,
editeur
et amateur d'
astronomie
[
3
]
. C'est aussi un des chefs du
Brahmo Samaj
, un mouvement religieux et social reformateur du
XIX
e
siecle au Bengale
[
4
]
. Sukumar Ray, le fils d'Upendrakishore, est un ecrivain innovant en matiere de poesie de l'absurde et de litterature enfantine, ainsi qu'un illustrateur et critique litteraire reconnu
[
3
]
.
Ray nait a
Calcutta
de Sukumar et Suprabha Ray. Son pere meurt alors qu'il a a peine trois ans, et la famille survit avec les maigres revenus de Suprabha. Plus tard, Ray etudie l'
economie
au
Presidency College
de Calcutta, bien que ses gouts le portent vers les
beaux-arts
. En 1940, sa mere le pousse a faire des etudes a l'universite de
Visva-Bharati
, fondee par
Rabindranath Tagore
a
Santiniketan
. Ray est reticent a partir, d'une part a cause de son amour pour la ville de Calcutta, et d'autre part pour la pietre idee qu'il a de la vie intellectuelle a Santiniketan
[
5
]
. La persuasion de sa mere et le respect qu'il porte a Tagore ont finalement raison de ses preventions et le convainquent de tenter cette voie. Ray va a Santiniketan pour etudier les arts graphiques, mais egalement pour y admirer l'art oriental. Plus tard, il reconnait avoir beaucoup appris des celebres peintres
Nandalal Bose
[
6
]
et
Benode Behari Mukherjee
(en)
, sur lesquels il realise d'ailleurs un documentaire,
The Inner Eye
(
L'Œil interieur
). Lors de ses visites des grottes d'
Ajanta
,
Ellora
et
Elephanta
, Ray developpe une grande admiration pour l'
art indien
[
7
]
.
Ray quitte Santiniketan en
1943
, avant d'avoir acheve son cursus de cinq ans et rentre a Calcutta, ou il trouve un emploi dans une
agence de publicite
britannique, D. J. Keymer. Il est embauche comme
junior visualiser
(createur junior) et ne gagne que 80
roupies
par mois. Bien que la partie artistique de ce travail soit chere au cœur de Ray, et qu'il soit bien traite d'une maniere generale, il regne dans cette entreprise une certaine tension entre les employes britanniques et indiens (les premiers etant bien mieux remuneres), et Ray trouve que ≪ les clients sont en general stupides
[
8
]
≫. Autour de 1943, Ray est engage par
Signet Press
, une nouvelle maison d'edition creee par D. K. Gupta. Gupta demande a Ray de creer les designs des couvertures de livres publies et lui laisse une entiere liberte artistique. Ray realise les couvertures de nombreux ouvrages, dont
Man-Eaters of Kumaon
(
Les Mangeurs d'hommes de Kumaon
), un livre ecrit par le chasseur naturaliste
Jim Corbett
sur les
tigres
et
leopards
, ainsi que
Discovery of India
(
Decouverte de l'Inde
) de
Jawaharlal Nehru
. Il travaille aussi sur une adaptation pour les enfants de
Pather Panchali
, un roman bengali classique de
Bibhutibhushan Bandopadhyay
, qu'il rebaptise
Am Antir Bhepu
(
Le Sifflet en noyau de mangue
). Cette œuvre influence profondement Ray, et va devenir le sujet de son premier film. En plus de la couverture, il illustre le livre ; nombre de ces dessins trouvent leur place dans son film initial
[
9
]
.
Puis, avec
Chidananda Das Gupta
et d'autres, il cree la
Calcutta Film Society
en
1947
, un
cine-club
ou sont projetes de nombreux films etrangers. Pendant la
Seconde Guerre mondiale
, il se lie d'amitie avec des
GIs
americains stationnes a Calcutta, qui de retour chez eux le tiennent au courant de l'actualite cinematographique. Il cotoie egalement un employe de la
RAF
, Norman Clare, avec qui il partage la passion des films, du
jeu d'echecs
et de la musique classique occidentale
[
10
]
. En
1949
, Ray epouse
Bijoya Das
(en)
, une cousine eloignee et amour de toujours. De cette union nait un fils,
Sandip
(en)
, qui est devenu a son tour un grand cineaste. La meme annee,
Jean Renoir
vient a Calcutta pour tourner son film
Le Fleuve
. Ray l'aide a trouver des lieux de tournage en exterieur et lui expose a le projet qu'il a en tete depuis un certain temps : tourner
Pather Panchali
. Renoir l'encourage a le realiser
[
11
]
. En
1950
, Ray est envoye a
Londres
par D. J. Keymer pour travailler au siege social. Durant son sejour de trois mois, il regarde
99 films
. Parmi eux, le film italien
neorealiste
,
Le Voleur de bicyclette
, realise en
1948
par
Vittorio De Sica
, lui fait forte impression. Ray dit plus tard qu'il est sorti de la seance avec la ferme intention de devenir realisateur
[
12
]
.
Ray decide donc que
Pather Panchali
, le
roman d'apprentissage
classique de la litterature bengalie, publie en 1928 par
Bibhutibhushan Bandopadhyay
, va etre le theme de son premier film. Ce roman semi-autobiographique decrit la jeunesse d'Apu, un petit garcon d'un village du
Bengale
[
13
]
,
[
14
]
.
Ray reunit ensuite autour de lui une equipe inexperimentee, dont le
cameraman
Subrata Mitra
et le directeur artistique
Bansi Chandragupta
(en)
, qui vont connaitre de belles carrieres par la suite. Cote acteurs, le
casting
est principalement constitue d'amateurs. Les prises commencent fin
1952
, financees par les fonds propres de Ray. Il espere alors qu'une fois ces premieres prises realisees, il va pouvoir trouver des fonds pour poursuivre le projet. Un tel mode de financement n'est pas evident, aussi
''
Pather Panchali
est-il tourne sur une periode exceptionnellement longue, pendant trois ans, avec des prises organisees de temps en temps, au gre des disponibilites financieres obtenues par Ray ou Anil Chowdhury, le directeur de production. Avec un pret du gouvernement du
Bengale-Occidental
, le film est finalement termine et peut sortir en
1955
. Il est recu tres favorablement par la critique et rencontre un grand succes populaire, remportant de nombreux prix. Il est largement diffuse, aussi bien en Inde qu'a l'etranger. Pendant le montage, Ray refuse de se plier aux demandes emanant de ses financeurs, desireux de modifier le scenario ou de surveiller le producteur. Il ignore egalement le conseil du gouvernement ? qui finance tout de meme le film ? d'inclure une fin heureuse, dans laquelle la famille d'Apu rejoint un projet de developpement
[
15
]
.
Quand Ray montre une scene du film a
John Huston
, venu en Inde en
reperage
pour le tournage de
L'Homme qui voulut etre roi
, l'enthousiasme de ce dernier est encore plus precieux que les encouragements de Renoir. Il s'agit de la scene memorable qui expose la vision qu'ont Apu et sa sœur du train traversant la campagne. C'est alors la seule que Ray a pu monter, compte tenu de son petit budget. Huston avertit
Monroe Wheeler
(en)
, du
Museum of Modern Art
de
New York
, qu'un talent majeur est en train de naitre. En Inde, les reactions sont enthousiastes. Le
Times of India
ecrit :
≪ Il est absurde de le comparer avec n'importe quel cinema indien […]. ≪
Pather Panchali
≫ est du pur cinema
[
15
]
≫
. Au
Royaume-Uni
,
Lindsay Anderson
ecrit une chronique elogieuse sur le film
[
15
]
. Malgre tout, les reactions ne sont pas uniformement positives. On rapporte ainsi que
Francois Truffaut
declare :
≪ Je ne veux pas voir un film de paysans qui mangent avec les doigts
[
16
]
. ≫
Bosley Crowther
, alors le plus influent critique du
New York Times
, ecrit un article tellement hargneux que le distributeur aux
Etats-Unis
, Ed Harrison, pense qu'il va compromettre la sortie du film. Mais c'est le contraire qui se produit :
Pather Panchali
est particulierement apprecie et connait une longue diffusion
[
17
]
,
[
18
]
.
La carriere internationale de Ray commence reellement apres le succes de son film suivant,
Aparajito
(
L'Invaincu
). Ce film narre la lutte sempiternelle entre les ambitions d'un jeune homme, Apu, et l'amour de sa mere. Nombre de critiques, dont
Mrinal Sen
et
Ritwik Ghatak
, le classent un cran au-dessus du premier opus.
Aparajito
remporte le
Lion d'or
a
Venise
. Avant d'achever sa trilogie, Ray realise deux autres films, la comedie
La Pierre philosophale
(
Parash Pathar
), puis
Le Salon de musique
(
Jalsaghar
), un film sur la decadence des
Zamindars
, considere comme une de ses œuvres les plus importantes
[
19
]
.
Tandis qu'il realise
Aparajito
, Ray ne pense pas encore a une trilogie, mais cette idee lui vient quand on lui pose la question a Venise
[
20
]
. Le dernier volet,
Apur Sansar
(
Le Monde d'Apu
), est realise en
1959
. Comme pour les deux precedents opus, nombre de critiques le considerent comme le couronnement de la trilogie
[
21
]
(
Robin Wood
(en)
,
Aparna Sen
). Ray y fait jouer deux de ses acteurs favoris,
Soumitra Chatterjee
et
Sharmila Tagore
. Au debut de l'intrigue, Apu vit dans une insignifiante maison de Calcutta, a la limite de la misere. Il contracte avec Aparna un mariage peu ordinaire, et les scenes de leur vie commune forment ≪ un des classiques du cinema en matiere de description de la vie de couple
[
22
]
≫, mais une tragedie s'ensuit. A la suite d'un article severe d'un critique bengali, Ray repond en ecrivant a son tour un papier pour defendre son film, fait rare dans sa carriere de realisateur ? l'autre occurrence notable se produira avec
Charulata
, son favori
[
23
]
.
Le succes a peu de repercussions sur sa vie personnelle pendant les annees qui suivent : il continue a vivre avec sa mere, son oncle et d'autres membres de sa famille dans une maison de location
[
24
]
.
Durant cette periode, Ray compose des films sur le
Raj
(comme
Devi
), un documentaire sur Tagore, une comedie (
Mahapurush
) et son premier film base sur un scenario original (
Kanchenjungha
). Il realise aussi une serie de films qui, pris ensemble, sont consideres par les critiques comme la representation a l'ecran la plus aboutie des femmes indiennes
[
25
]
.
Apres
Apur Sansar
, Ray enchaine avec
Devi
(la Deesse), un film dans lequel il aborde les superstitions dans la societe hindoue.
Sharmila Tagore
interprete Doyamoyee, une jeune femme divinisee par son beau-pere. Ray s'inquiete d'un eventuel blocage du film par le bureau de la
censure
, ou d'etre force de couper certaines scenes, mais finalement le film est epargne. En
1961
, sur l'insistance du premier ministre
Jawaharlal Nehru
, Ray est engage pour realiser un documentaire sur
Rabindranath Tagore
, a l'occasion du centenaire de la naissance du poete. C'est un hommage a la personne qui l'influence probablement le plus. Avec la contrainte d'une longueur limitee de bandes disponibles de Tagore, Ray releve le defi de construire un film essentiellement a partir de materiaux statiques, et note que cela represente une somme de travail superieure a trois films classiques
[
26
]
. Au cours de la meme annee, avec
Subhas Mukhopadhyay
(en)
et d'autres, Ray est en mesure de faire revivre
Sandesh
, le magazine pour enfants que son grand-pere a lance. Ray epargne pendant plusieurs annees pour rendre possible ce projet
[
27
]
. La
polysemie
du titre (
Sandesh
signifie ≪ nouvelles ≫ en
bengali
et designe aussi un dessert sucre apprecie au Bengale) donne le ton du magazine, a la fois educatif et divertissant. Ray se retrouve en personne a illustrer le magazine et a ecrire des histoires et des essais pour les enfants. L'ecriture devient sa principale source de revenus au cours des annees suivantes
[
28
]
.
En
1962
, Ray realise
Kanchenjungha
, son premier scenario original, et premier film en couleurs. Il s'agit de l'histoire d'une famille bourgeoise, qui sejourne a
Darjeeling
, une pittoresque ville sur une colline du
Bengale-Occidental
, dans laquelle la famille tente de lier sa plus jeune fille a un
ingenieur
jouissant d'une bonne situation, et ayant etudie a
Londres
. Initialement concu pour se derouler dans un grand manoir, le film est finalement tourne sur la celebre ville a flanc de colline, Ray decidant d'utiliser les nombreuses ombres et lumieres, ainsi que les brumes, pour refleter la tension du drame. C'est un Ray amuse qui releve que, tandis que son scenario permet de filmer avec toutes les conditions de lumiere possibles, l'equipe de realisation d'un film commercial presente a Darjeeling au meme moment echoue a effectuer la seule prise qu'elle est venue faire, et qui reclame un plein soleil
[
29
]
.
Pendant les
annees 1960
, Ray visite le
Japon
et prend un plaisir particulier a y rencontrer le realisateur
Akira Kurosawa
, pour lequel il a beaucoup de respect
[
30
]
.
En
1964
, Ray realise
Charulata
(
L'Epouse delaissee
), l'apogee de cette periode de creation artistique, et consideree comme beaucoup de critiques comme son meilleur film
[
31
]
. S'appuyant sur
Nastanirh
, une nouvelle de Tagore, le film raconte l'histoire d'une epouse delaissee (Charu) dans le Bengale du
XIX
e
siecle, et de ses sentiments grandissants pour son beau-frere Amal. Souvent cite comme chef-d'œuvre
mozartien
de Ray, le cineaste lui-meme en dit que c'est celui qui contient le moins de defauts de son œuvre, et que s'il avait la possibilite de le refaire, il le referait a l'identique
[
32
]
. L'interpretation de Charu par
Madhabi Mukherjee
, ainsi que le travail de
Subrata Mitra
et Bansi Chandragupta ont ete primes a plusieurs reprises. Parmi les autres films de cette periode on trouve
Mahanagar
(
La Grande Ville
),
Teen Kanya
(
Trois Filles
),
Abhijan
(
L'Expedition
) et
Kapurush o Mahapurush
(
Le Lache et le Saint
)
[
33
]
,
[
34
]
.
Dans la periode qui suit
Charulata
, Ray explore une grande variete de genres, allant de la
fantasy
a la
science-fiction
, en passant par le
policier
et le
drame historique
. Ray procede egalement a de nombreuses experimentations de forme au cours de cette periode. Il prend aussi davantage en compte les preoccupations de la societe indienne contemporaine, comblant ainsi une lacune de ses precedents films en la matiere. Le premier film majeur de cette phase est
Nayak
(
Le Heros
), l'histoire d'une vedette de cinema qui voyage en train, et rencontre une jeune journaliste sympathique. Avec
Uttam Kumar
et
Sharmila Tagore
dans les premiers roles, le film explore, au cours des
24 heures
de voyage, le conflit interieur de l'idole naissante, a la reussite apparente. Malgre un prix decerne par la critique a
Berlin
, le film rencontre un succes mitige
[
35
]
.
En
1967
, Ray ecrit un scenario pour un film intitule
The Alien
, d'apres sa nouvelle
Bankubabur Bandhu
(
L'Ami de Banku Babu
), ecrite en 1962 pour
Sandesh
, le magazine familial.
The Alien
doit etre une coproduction americano-indienne, produite par
Columbia Pictures
avec
Peter Sellers
et
Marlon Brando
comme tetes d'affiche. Toutefois, Ray est surpris de decouvrir que le script qu'il a ecrit fait l’objet d’un
copyright
et que les
droits
sont deposes. Par la suite, Brando est ecarte du projet, et malgre une tentative de le remplacer par
James Coburn
, Ray rentre desabuse a Calcutta
[
36
]
,
[
37
]
. La Columbia exprime plusieurs fois le souhait de relancer ce projet au cours des
annees 1970
et 1980, mais rien n'en sort. Quand
E.T. l'extra-terrestre
sort sur les ecrans en
1982
, Ray voit des ressemblances avec son script original ? Ray analyse l'echec du projet dans un numero de
Sight & Sound
de
1980
, et d'autres details supplementaires sont fournis par son biographe
Andrew Robinson
(en)
(dans
The Inner Eye
, paru en 1989). Ray est convaincu que le film de
Spielberg
n'aurait pas ete possible sans son scenario, disponible en Amerique sous forme de photocopies (une accusation que Spielberg recuse)
[
38
]
.
En
1969
, Ray realise ce qui sera son plus grand succes commercial. S'appuyant sur un conte pour enfant ecrit par son grand-pere,
Goopy Gyne Bagha Byne
(
Les Aventures de Goopy et Bagha
) est une histoire musicale appartenant au genre
fantasy
[
39
]
. Goopy le chanteur et Bagha le percussionniste, munis de trois os pretes par le roi des fantomes, entament un periple fantastique pour tenter d'empecher le declenchement d'une guerre imminente entre deux royaumes voisins. L'une de ses realisations les plus couteuses, ce film s'avere tres difficile a financer. Ray finit par renoncer a tourner en couleurs, refusant une proposition qui l'aurait oblige a donner le role principal a un certain acteur du
Bollywood
[
40
]
. Ensuite, Ray signe un film inspire du roman d'un jeune poete ecrivain,
Sunil Gangopadhyay
. Comportant une structure musicale appreciee comme plus complexe que celle de
Charulata
[
41
]
,
Aranyer Din Ratri
(
Des jours et des nuits dans la foret
) suit quatre jeunes hommes urbains allant passer leurs conges en foret, pour essayer de laisser derriere eux leur existence insignifiante en ville. Presque tous font des rencontres significatives avec des femmes, ce que les critiques considerent comme une etude revelatrice de la classe moyenne en Inde
[
42
]
.
Apres
Aranyer
, Ray fait une incursion dans la realite bengalie, alors en pleine effervescence sous l'influence du mouvement d'extreme gauche
naxalite
. Il acheve la trilogie de Calcutta :
Pratidwandi
(
1970
),
Seemabaddha
(
1971
), et
Jana Aranya
(
1975
), trois films concus separement, mais dont les connexions thematiques constituent une sorte de trilogie.
Pratidwandi
(
L'Adversaire
) traite d'un jeune diplome idealiste qui, bien qu'ayant perdu ses illusions, reste integre jusqu'a la fin du film. Suit
Jana Aranya
(
L'Intermediaire
), ou comment un jeune homme sombre petit a petit dans le monde de la corruption pour gagner sa vie. Enfin
Seemabaddha
(
Company Limited
en
anglais
) traite d'un homme prospere qui renonce a la morale pour s'enrichir davantage. Le premier d'entre eux,
Pratidwandi
, utilise un style de narration elliptique encore jamais vu dans les films de Ray, faisant appel a des scenes en negatif, des sequences oniriques et d'abrupts
flashbacks
. Dans les annees 1970, Ray adapte aussi deux de ses histoires populaires en films policiers. Principalement destines a un public d'enfants et de jeunes adultes, aussi bien
Sonar Kella
(
La Forteresse d'or
) que
Joy Baba Felunath
(
Le Dieu Elephant
) trouvent bon accueil chez quelques critiques
[
43
]
.
Ray envisage de faire un film sur la guerre de liberation du
Bangladesh
, mais abandonne ensuite cette idee, expliquant qu'en tant que realisateur il est davantage interesse par les efforts et les periples des refugies que par les politiques
[
44
]
. En
1977
, Ray termine
Shatranj Ke Khiladi
(
Les Joueurs d'echec
), un film en
ourdou
d'apres une nouvelle de
Munshi Premchand
, qui se passe a
Lucknow
dans la region de l'
Awadh
, un an avant la
revolte des Cipayes
(1857). Commentaire sur les circonstances qui ont permis la colonisation de l'Inde par les Britanniques, c'est le premier long metrage de Ray dans une langue autre que le bengali. Il s'agit aussi du plus gros budget et de celui qui rassemble le plus de vedettes, parmi lesquelles
Sanjeev Kumar
,
Saeed Jaffrey
,
Amjad Khan
,
Shabana Azmi
,
Victor Banerjee
et
Richard Attenborough
. Ray realise une suite a
Goopy Gyne Bagha Byne
en
1980
, le quelque peu exagerement politique
Hirak Rajar Deshe
(
Le Royaume des diamants
) ? ou le royaume du diabolique roi des diamants ou
Hirok Raj
est une allusion a l'Inde durant l'
etat d'urgence
decrete par
Indira Gandhi
[
45
]
.
En
1983
, tandis qu'il travaille sur
Ghare Baire
(
La Maison et le Monde
), Ray est frappe par une
crise cardiaque
qui limitera serieusement ses activites pendant les neuf annees qui lui restent a vivre.
Ghare Baire
est acheve en
1984
avec l'aide de son fils (qui passe derriere la camera a partir de ce moment), a cause de sa sante. Il desire depuis longtemps mettre a l'ecran ce roman de Tagore qui traite des dangers du
nationalisme
et en a ecrit le scenario (du moins une premiere ebauche selon ses dires) dans les
annees 1940
[
46
]
. Malgre les difficultes dues a la maladie de Ray, le film recoit quelques eloges ; le critique Vincent Canby donne au film une note maximale de cinq etoiles et loue les performances des trois acteurs principaux
[
47
]
. En
1987
, il realise un documentaire sur son pere, Sukumar Ray
[
48
]
.
Les trois derniers films de Ray, realises apres son retablissement et avec des restrictions d'ordre medical, sont essentiellement tournes en interieur, et ont un style qui leur est propre. Ils sont plus verbeux que ses films precedents et en general consideres comme inferieurs a son œuvre anterieure. Le premier,
Ganashatru
(
Un ennemi du peuple
), est une adaptation de la celebre piece d'
Henrik Ibsen
, et considere comme le plus moyen des trois
[
49
]
. Ray retrouve une partie de sa forme en
1990
, dans le film
Shakha Proshakha
(
Les Branches de l'arbre
)
[
50
]
. Dans celui-ci, un vieillard, apres une vie honnete, en vient a apprendre la corruption a laquelle se livrent trois de ses fils. La scene finale le montre trouvant du reconfort dans la compagnie de son quatrieme fils, non corrompu mais malade mental
[
51
]
. Apres
Shakha Prashakha
, c'est le chant du cygne de Ray :
Agantuk
(
Le Visiteur
), d'humeur plus legere, mais grave dans le theme. La visite impromptue d'un oncle perdu de vue depuis longtemps a sa niece, dans sa maison de Calcutta, fait croitre la suspicion quant a ses raisons et souleve un eventail de questions a propos de la civilisation
[
52
]
. Le critique Hal Hinson est impressionne et estime qu'
Agantuk
presente
≪ toutes les vertus d'un maitre artiste en pleine maturite ≫
[
53
]
.
En
1992
, l'etat de sante de Ray se deteriore a cause de complications cardiaques. Il entre a l'hopital et ne se retablira jamais
[
54
]
. Quelques semaines avant sa mort, il recoit un Oscar honorifique, alors qu'il est gravement malade
[
55
]
.
Il meurt le
a
Calcutta
, a l'age de
70 ans
. Il est incinere
[
56
]
,
[
57
]
.
Satyajit Ray a toujours considere l'ecriture scenaristique comme partie integrante de la realisation. C'est une des raisons pour lesquelles il a longtemps refuse de faire des films dans une autre langue que le
bengali
. Pour ses deux longs metrages qui font exception a cette regle, il ecrit le scenario en
anglais
, puis supervise la traduction pour qu'il puisse etre joue en
hindi
ou en
ourdou
. Le coup d'œil particulier de Ray pour les details est en accord avec celui de son directeur artistique
Bansi Chandragupta
(en)
. L'influence de ce dernier sur les premiers films de Ray est si importante que Ray ecrit toujours ses scenarios en anglais avant de creer la version bengalie, de maniere que Chandragupta, non bengalophone, puisse les lire. Le travail de la camera dans les premieres œuvres de Ray suscite de nombreuses admirations pour l'habilete de
Subrata Mitra
. Son depart de l'equipe de Ray, selon nombre de critiques, diminue la qualite de la prise de vue dans les films
[
35
]
. Bien que Ray ne se cache pas pour feliciter Mitra, sa tenacite le pousse a prendre les commandes de la camera a partir de
Charulata
, ce qui fait que Mitra cesse de travailler pour lui apres 1966. Parmi les innovations de Subrata Mitra, on trouve le
bounce lighting
, une technique d'eclairage qui fait reflechir la lumiere sur une toile pour creer un eclairage diffus et realiste, y compris sur un plateau. D'autre part, Ray reconnait volontiers sa dette envers
Jean-Luc Godard
et
Francois Truffaut
de la
Nouvelle Vague
pour avoir introduit de nouvelles techniques et des innovations cinematographiques
[
58
]
.
Bien que Ray ait un monteur fidele en la personne de
Dulal Datta
(en)
, il donne habituellement ses instructions pendant que Datta opere les modifications, en temps reel. En effet, pour des raisons financieres et d'organisation meticuleuse inherentes au caractere de Ray, ses films sont pour la plupart coupes ≪ sur la camera ≫ (a l'exception notable de
Pather Panchali
). Au debut de sa carriere, Ray travaille avec des
musiciens indiens classiques
, parmi lesquels
Ravi Shankar
,
Vilayat Khan
et
Ali Akbar Khan
. Neanmoins, l'experience lui est douloureuse quand il s'apercoit que la premiere loyaute de ceux-ci va aux traditions musicales, et non a ses films. Ainsi, son fort desir d'utiliser des rythmes classiques occidentaux, qu'il considere comme essentiels, en particulier pour ses films tournes en milieu urbain, est dans l'impasse
[
59
]
. Cela le conduit a composer ses propres melodies a partir de
Teen Kanya
. Ray fait appel a des acteurs d'experiences tres diverses, allant de celebrites du cinema a des gens qui n'ont jamais vu un film de leur vie (comme dans
Aparajito
)
[
60
]
. Robin Wood et d'autres le celebrent comme le meilleur metteur en scene des roles enfantins, soulignant ses performances memorables avec
Apu
et
Durga
(
Pather Panchali
), Ratan (
Postmaster
) et Mukul (
Sonar Kella
). Selon le degre d’experience de l'acteur, les instructions de Ray peuvent varier de quasiment rien (acteurs comme
Utpal Dutt
(en)
) a l'emploi de l'acteur comme une marionnette (
Subir Banerjee
(en)
interpretant Apu ou Sharmila Tagore jouant Aparna). Selon les acteurs qui ont travaille pour lui, sa confiance habituelle dans les acteurs etait a l'occasion remplacee par sa capacite a payer l'incompetence d'un mepris total
[
61
]
.
L'œuvre de Ray est decrite comme un echo aux valeurs d'
humanisme
et d'universalite, d'une simplicite trompeuse avec une profonde complexite sous-jacente
[
62
]
,
[
63
]
. Nombreux sont ceux qui la couvrent de louanges. Meme
Akira Kurosawa
sa prete a ce jeu en declarant :
≪ Ne pas avoir vu le cinema de Ray revient a exister dans le monde sans avoir vu le soleil ou la lune
[
31
]
. ≫
Ses detracteurs, en revanche, trouvent ses films glacialement lents, progressant comme un
≪ serpent majestueux
[
31
]
≫
. Certain trouvent son humanisme naif, et son œuvre anti-moderne, et pretendent qu'elle peche par manque de nouveaux modes d'expression ou d'experimentations, que l'on trouve chez des contemporains de Ray, comme
Jean-Luc Godard
. Comme l'ecrit
Stanley Kauffman
(en)
, certains critiques sont convaincus que Ray
≪ part du principe [que les spectateurs] peuvent s'interesser a un film qui s’attarde simplement sur ses personnages plutot que d’imposer des schemas dramatiques a leurs vies
[
64
]
≫
. Ray en personne explique qu'il ne peut rien pour ce qui est de la lenteur, et Kurosawa le defend en declarant :
≪ Ils [les films de Ray] ne sont pas lents du tout. Son œuvre peut etre decrite comme un calme ecoulement, semblable a celui d'un large fleuve
[
65
]
≫
.
Les critiques ont souvent compare Ray a d'autres artistes du cinema ou d'autres medias, comme
Anton Tchekhov
, Renoir,
De Sica
,
Howard Hawks
ou
Mozart
.
Shakespeare
a ete egalement cite
[
22
]
,
[
66
]
, par exemple par l'ecrivain
V. S. Naipaul
, qui compare une scene de
Shatranj Ki Khiladi
(
Les Joueurs d'echecs
) a un jeu shakespearien :
≪ Seulement trois cents mots sont prononces mais, bonte divine ! ? des choses terrifiantes se produisent
[
67
]
≫
. Il est generalement admis, y compris par ceux qui ne sont pas sensibles a l'esthetique des films de Ray, que c'est un cineaste hors pair pour ce qui est de saisir une culture dans son ensemble et avec toutes ses nuances a travers ses films. Un sentiment que traduit
The Independent
, dans la rubrique necrologique, en s'exclamant :
≪ Qui d'autre peut relever ce defi
[
68
]
? ≫
.
Debut 1980, Ray est ouvertement critique par une deputee du parlement indien, et ex-actrice :
Nargis Dutt
accuse Ray d'≪ exporter la pauvrete ≫ et lui demande de faire des films qui representent l'Inde moderne
[
69
]
. D'un autre cote, une accusation courante formulee a son encontre par les tenants du
socialisme
indien est qu'il n'est pas assez engage dans la defense de la cause des classes opprimees. Certains commentateurs l'accusent de glorifier la pauvrete dans
Pather Panchali
et
Asani Sanket
a travers le lyrisme et l'esthetique. Il est aussi accuse de ne pas fournir de resolution aux conflits de ses histoires, et de ne pas parvenir a depasser ses origines
bourgeoises
. Durant les troubles des
mouvements naxalites des annees 1970
, son fils Sandip echappe de peu a une blessure
[
70
]
. Dans un debat public des annees 1970, Ray et le cineaste ouvertement marxiste
Mrinal Sen
polemiquent. Sen le critique pour avoir engage une starlette telle qu'Uttam Kumar, ce qu'il considere comme un compromis, ce a quoi Ray replique en declarant que Sen ne s'en prend qu'a des cibles faciles, c'est-a-dire aux classes moyennes bengalies. Sa vie privee n'est jamais un sujet de potins mediatiques, bien que certains lui pretent une aventure avec Madhabi Mukherjee dans les annees 1960
[
71
]
.
Satyajit Ray est une icone culturelle en Inde et dans les communautes bengalies du monde entier. Il recoit le
prix Ramon Magsaysay
en 1967 pour sa facon de vehiculer une image fidele de l'Inde
[
72
]
. Apres sa mort, l'agitation de la ville de Calcutta est comme suspendue, tandis que des centaines de milliers de personnes se massent autour de sa maison afin de lui rendre un dernier hommage
[
73
]
. L'influence de Satyajit Ray sur le cinema bengali est large et profonde : nombre de realisateurs, parmi lesquels on peut citer
Aparna Sen
,
Rituparno Ghosh
,
Goutam Ghose
,
Tareque Masud
et
Tanvir Mokammel
au Bangladesh, sont influences par sa maniere de faire des films. De l'autre cote de l'echiquier, des cineastes tels
Buddhadev Dasgupta
,
Mrinal Sen
[
74
]
et Adoor Gopalakrishnan reconnaissent sa contribution a la genese du cinema indien. En dehors de l'Inde, des realisateurs comme
Martin Scorsese
[
75
]
,
James Ivory
[
76
]
,
Abbas Kiarostami
et
Elia Kazan
auraient ete influences par son style cinematographique.
Forty Shades of Blue
, realise par
Ira Sachs
en 2005, est un
remake
assez libre de
Charulata
, et dans le film
My Family
de 1995, la scene finale est calquee sur la fin d'
Apur Sansar
. Des references similaires aux films de Ray sont presentes, par exemple, dans des œuvres recentes telles
Sacred Evil
[
77
]
, la
trilogie des elements
(en)
(
Fire
,
Earth
et
Water
) de
Deepa Mehta
et meme dans des films de
Jean-Luc Godard
[
78
]
.
Le personnage
Apu Nahasapeemapetilon
de la serie televisuelle americaine en dessin anime
Les Simpson
est ainsi nomme en hommage a Ray. Simultanement avec Madhabi Mukherjee, Ray est la premiere personnalite du cinema indien a avoir un timbre etranger a son effigie, en
Dominique
. De nombreuses œuvres litteraires contiennent des references a Ray ou a ses realisations, parmi lesquelles
Herzog
, le roman de
Saul Bellow
et
Youth
, de
J. M. Coetzee
. Dans
Haroun et la mer des Histoires
, de
Salman Rushdie
, deux poissons se nomment
Goopy
et
Bagha
, un hommage au film de
fantasy
de Ray. En 1993, l'
UC Santa Cruz
fonde la collection des Films et Etudes de Satyajit Ray, et en 1995, le gouvernement indien cree l'Institut d'etude cinematographique et televisuel Satyajit Ray, pour les etudes en lien avec le cinema. En 2007, la
BBC
annonce que deux histoires de Feluda vont bientot etre adaptees sous forme radiophonique
[
79
]
. Lors du
festival du film de Londres
, un Satyajit Ray Award recompense le realisateur dont le premier metrage rend le mieux
≪ le talent artistique, la compassion et l'humanite de la vision de Ray ≫
[
80
]
.
Satyajit Ray est surtout connu comme
realisateur
. Toutefois, c'est aussi un
auteur
, qui a ecrit des histoires et des scenarios, ainsi qu'un compositeur de musiques et un producteur, en plus d'autres fonctions annexes dans quelques films (il a par exemple ete l'assistant de
Jean Renoir
lors du tournage du film
Le Fleuve
)
[
81
]
,
[
82
]
.
La plupart des films de Satyajit Ray mettent en scene la disparition d'un monde tres majoritairement rural et le monde impitoyable de la ville (
Calcutta
) qui etend ses tentacules sur la campagne
[
83
]
.
Ray est a l'origine de deux personnages tres populaires de la litterature enfantine bengalie :
Feluda
(en)
, un
detective
, et le
Professeur Shonku
(en)
, un scientifique. Il compose des nouvelles, qui sont publiees par douze, sous forme de recueils, dont le titre est toujours un jeu de mots sur le terme ≪ douze ≫ (par exemple
Eker pitthe dui
, litteralement ≪ deux en sus d'un ≫). L'interet de Ray pour les enigmes et les calembours se retrouve dans ses histoires : Feluda doit souvent resoudre un casse-tete pour venir a bout d'un cas. Les histoires de Feluda sont racontees par son cousin Topse, un peu l'equivalent du
Docteur Watson
pour
Sherlock Holmes
. Les histoires de
science-fiction
du
P
r
Shonku sont presentees sous la forme du journal du scientifique, decouvert apres sa mysterieuse disparition. Dans ces nouvelles, Ray donne libre cours a son penchant pour le macabre, le suspense, et d'autres aspects qu'il evite dans ses films, donnant la matiere a une interessante etude psychologique
[
84
]
.
La plupart de ses scenarios sont publies en bengali dans le journal litteraire
Eksan
. Ray ecrit en 1982 son autobiographie, incluant son enfance
Jakhan Choto Chilam
(en)
(1982)
[
85
]
ainsi que des essais sur le cinema :
Our Films, Their Films
(
Nos films, leurs films
) ainsi que
Bishoy Chalachchitra
(en)
en 1976,
Ekei Bole Shooting
(en)
en 1979. Au milieu des
annees 1990
, les essais de Ray et une anthologie de ses nouvelles sont publies en Occident.
Our Films, Their Films
est une anthologie des critiques de films faites par Ray. L'ouvrage contient des articles ainsi que des extraits de son journal personnel. Il est en deux parties, la premiere traitant du cinema indien, la seconde s'interesse a
Hollywood
et a certains realisateurs internationaux (
Charlie Chaplin
,
Akira Kurosawa
) ainsi qu'a des mouvements, tels le
neorealisme
italien. Ce livre parait en France des 1982, traduit de l'anglais par Tony Mayer pour Lattes ed. Son livre
Bishoy Chalachchitra
est traduit en anglais en 2006 sous le titre
Speaking of Films
. Il contient une description synthetique de sa philosophie et des differents aspects du cinema
[
86
]
. Ray ecrit egalement un recueil de vers fantaisistes intitule
Today Bandha Ghorar Dim
(en)
, parmi lesquels figure une traduction du
Jabberwocky
de
Lewis Carroll
[
87
]
. Il est aussi l'auteur d'une serie d'histoires droles en bengali sur
Mollah Nasiruddin
[
88
]
.
Satyajit Ray a egalement concu deux
polices de caracteres
, baptisees
Ray Roman
et
Ray Bizarre
.
Ray Roman
remporte une competition internationale en 1970. Dans certains cercles de Calcutta, Ray continue a etre connu comme un graphiste hors pair, independamment de sa carriere de realisateur. Ray a lui-meme illustre tous ses livres, ainsi que leurs couvertures, de la meme maniere qu'il creait lui-meme les affiches et le materiel promotionnel de ses films
[
89
]
,
[
90
]
.
Nombre de prix et recompenses furent decernes a Ray tout au long de sa vie. En obtenant le titre de docteur honoraire de l'
Universite d'Oxford
, il est la seconde personnalite du monde du cinema a etre ainsi honoree, apres
Chaplin
[
91
]
. Il obtient le
prix Dadasaheb Phalke
en
1985
[
92
]
. En
1987
, il est decore de la
Legion d'honneur
par le president francais Francois Mitterrand
[
93
]
. Peu avant sa mort, c'est le gouvernement indien qui lui remet la plus prestigieuse decoration civile, le
Bharat Ratna
[
94
]
. Pour l'ensemble de son œuvre, l'
Academie des arts et des sciences du cinema
a recompense Ray d'un Oscar honoraire en
1992
[
95
]
. Il recoit egalement a titre posthume l'
Akira Kurosawa Award
pour sa carriere de realisateur lors du
Festival du film de San Francisco
: c'est l'actrice Sharmila Tagore qui le represente a cette occasion
[
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