La
rue des Teinturiers
est l'une des arteres de la
commune francaise
d'
Avignon
.
Surplombant la
Sorgue
dont l'eau est dirigee par le
canal de Vaucluse
vers les remparts qu'elle traverse a la tour du Saint-Esprit ou de la Sorguette, cette rue a ete, du
XIV
e
siecle
au
XIX
e
siecle
, le siege d'une intense activite manufacturiere. Vingt-trois roues a aubes fournissaient l'energie a des moulins et des filatures de
soie
. Ses eaux furent utilisees pour laver des
indiennes
et rincer les tissus par les teinturiers. Meme si de nos jours, il ne reste plus que quatre roues, elle est toujours surnommee
rue des Roues
par les Avignonnais. Pavee de
calades
et ombragee de
platanes
, elle est devenue l'un des poles touristiques de la cite des papes pendant le
Festival d'Avignon
. Elle possede de plus quatre sites remarquables : la
maison du IV de Chiffre
, la maison de
Jean-Henri Fabre
, la chapelle des Penitents Gris et le clocher du couvent des cordeliers, ultime vestige de l'eglise ou fut inhumee
Laure
, l'eternel amour de
Petrarque
.
La rue tire son nom de l'intense activite industrielle liee au textile presente le long du canal, de la Renaissance a la fin du XIXeme siecle.
L'importance du debit de la Sorgue et de ses differents bras incita Avignon a proteger ses fortifications par des douves alimentees par ces eaux. Cette entreprise fut realisee a l'initiative des chanoines de Notre-Dame des Doms des le
X
e
siecle grace au creusement du canal de Vaucluse
[
1
]
.
Ce bras de la Sorgue descendait l'actuelle rue des Teinturiers jusqu'au Portail Peint ou Portail Imbert vieux, sis a l'entree de la rue Bonneterie
[
1
]
, puis obliquait a decouvert le long des lices pour alimenter les douves des fortifications
[
2
]
. Il etait initialement borde pour proteger ses rives
[
3
]
.
Ces fosses - les Sorguettes - sont toujours clairement reperables a partir du trace des remparts du
XII
e
siecle, marques par les rues Philonarde, des Lices, Henri Fabre et Joseph Vernet
[
4
]
. Ces eaux alimentaient nombre de moulins places sur les berges
[
5
]
.
Mais le debit des Sorguettes fut juge insuffisant. La commune conceda, en 1229, a Pierre Ruf et a Isnard Mourre le creusement d'un nouveau canal, la Durancole ou canal de l'Hopital
[
5
]
. Les eaux apportees par celui-ci provenaient de la
Durance
et se deversaient dans les fosses ouest des fortifications, a l'oppose de celles provenant de la Sorgue
[
3
]
.
Sous la
papaute
, le long les rives de celle-ci s'installerent a demeure tanneurs, parcheminiers et teinturiers. Des bains et etuves furent construits, ainsi que des abreuvoirs et des lavoirs
[
6
]
.
Le
, un document de voirie designe sous le nom de ≪
grand sorgo
≫ le canal qu'il est question de nettoyer et de curer
[
N 1
]
. Ces operations allaient durer deux ans et permirent de mettre au jour les bords originaux
[
3
]
. Elles s'etendirent jusqu'aux Sorguettes qui, en
1408
, etaient qualifiees de ≪ fosses antiques ≫
[
7
]
.
Une industrie textile, liee a la laine et a la soie, s'installa sur les rives du canal soit a proximite d'Avignon, soit dans sa partie
intra muros
. Les teinturiers, qui allaient donner leur nom a la rue que borde la Sorgue, intervinrent, des 1477, aupres du Conseil de Ville pour demander la deviation des eaux de la Durancole et ne conserver que celles de la Fontaine de Vaucluse dont la purete donnaient a leurs etoffes eclat et vivacite des couleurs
[
1
]
.
Au
XVII
e
siecle
, les rives de la Sorgue
intramuros
etaient bordees de
peupliers
. Ceux-ci furent remplaces par des
ormes
a partir de
1704
[
8
]
.
Le mercredi
, les Avignonnais en colere demantelerent un certain nombre de roues a aubes sur le canal, pretendant qu'elles provoquaient des inondations en amont de la porte Limbert
[
9
]
.
Jusqu'a la
Revolution
, la Sorgue avignonnaise fut geree par le chapitre metropolitain d'Avignon. Un des derniers actes signe par les chanoines est date du
. Ils donnaient pouvoir a leurs administrateurs pour faire exhausser un pont ≪ afin d'eviter la depense extraordinaire qu'occasionne annuellement le repurgement sous ce pont ≫
[
10
]
.
Puis le canal passa sous l'autorite du prefet de Vaucluse
[
11
]
. Ce dernier deleguait ses pouvoirs a un ingenieur en chef qui avait sous sa responsabilite des ingenieurs d'arrondissement. Ils controlaient le canal de sa prise jusqu'a l'interieur d'Avignon
[
12
]
.
Cette rue des Roues fut parcourue par le
duc d'Aumale
, quatrieme fils du roi
Louis-Philippe
, de retour d'
Algerie
le
a la tete du
17
e
Leger
, le jeune
Frederic Mistral
, alors age de 11 ans, en fut le spectateur emerveille
[
13
]
.
Ce fut en 1843 que la rue prit son nouveau nom de rue des Teinturiers
[
14
]
. Le
, des
Tuileries
,
Napoleon III
signa un decret concernant le reglement des eaux de la Sorgue. L'interet de ce document est qu'il enumere toutes les roues hydrauliques en service avec le nom de leurs proprietaires, leur affectation industrielle ainsi que la hauteur maximale de leurs aubes
[
15
]
.
L'autorisation de former des syndicats le fit passer sous celle du ≪ Syndicat des eaux du Canal de Vaucluse ≫ qui en assura la gestion. Le
, sous la presidence de M. Chambon, il reclama a la Societe Amic la somme de 1 000 francs, correspondant a un arriere du depuis 1878 pour usage de leur roue hydraulique
[
3
]
.
Le
, cinq jours avant la
Liberation
, sur ordre du capitaine Georges Lallement, les
FFI
entrerent dans Avignon. Un detachement, qui rejoignait une caserne qui lui avait ete affectee rue Joseph Vernet, passant dans la rue des Roues, apercut une patrouille allemande composee de cinq hommes dont l'un a
bicyclette
portait un
fusil mitrailleur
. Les
resistants
ouvrirent immediatement le feu tuant deux soldats et faisant prisonniers les trois autres
[
16
]
.
Actuellement cette artere industrieuse s'est transformee en l'un des grands centres culturels d'Avignon. Elle le doit d'abord a la presence de la salle Benoit-XII, geree par l'
Institut superieur des techniques du spectacle d'Avignon
(ISTS) qui accueille les
Hivernales d'Avignon
au cours du mois de fevrier ainsi que des spectacles du
Festival
en juillet-aout
[
17
]
. Cette ancienne salle paroissiale sise au
n
o
12 bis est classee
monument historique
depuis le
.
Les eaux de la Sorgue, a l'interieur d'Avignon, permirent a partir de
1440
, de travailler la
soie
. Plusieurs ateliers sont connus dont ceux des Catalani, des Gilardi et de Jacques Rovago qui pratiquaient filage et tissage<
[
18
]
. Cet artisanat prit une ampleur ≪ nationale ≫ au siecle suivant.
Des le debut du
XVI
e
siecle, ≪ l'art de la soie ≫ devint la grande affaire a Avignon. Mais la cite papale, ville etrangere au royaume de France, devait payer des droits de foraine pour toutes marchandises exportees hors de ses murs
[
18
]
.
Francois
I
er
, qui appreciait cette production et qui avait emprunte 25 000 livres a la ville, donna d'abord aux Avignonnais le statut de ≪ regnicoles ≫, en
1535
, puis les exempta de la foraine en
1544
pour le prix de sa creance. Six ans plus tard, la ville comptait 57 ateliers de soierie et de velouterie. Seule la peste de l'ete
1580
put mettre un terme provisoire a cet essor
[
19
]
.
Il retrouva pourtant tout son lustre au
XVII
e
siecle
puisque le travail de la soie (passementiers, veloutiers, taffetassiers) devint l'activite essentielle dans Avignon avec 31 % des metiers recenses
[
19
]
. D'autant qu'a cette manne vint s'ajouter la fabrication d'
indiennes
et que les ateliers d'indienneurs et teinturiers se multiplierent
[
20
]
.
Avignon continuant a developper son industrie de la soie arriva a une ≪ trop grande prosperite ≫ jugerent alors les soyeux de
Lyon
[
21
]
. En
1715
, annee de la mort de
Louis XIV
, il y avait 1 600 metiers battants. La pression que les soyeux exercerent au niveau du pouvoir royal fut telle qu'en 1732, le nombre de metiers chuta a 415 et deux ans plus tard, il n'en etait plus denombre que 280. A la vindicte des Lyonnais, s'etait ajoutee celle des soyeux de
Nimes
puis de
Tours
. La concurrence entre ces grands centres de la soie fut reglee par le Concordat du
. Ce qui permit a Avignon de voir son industrie se maintenir avec 467 metiers en 1746, puis 550 en
1755
. Puis elle put retrouver son plus haut niveau en 1786 avec 1 605 metiers battants
[
22
]
.
Mais, a la veille de la
Revolution
, des aleas climatiques s'accumulerent. Ce fut d'abord une penurie de cocons de vers a soie en 1787, suivie d'une recolte de ble deficitaire l'annee suivante, puis d'un hiver glacial en
1788
-
1789
. Avignon vit alors s'effondrer son industrie de la soie. Les fermetures d'ateliers, filatures et manufactures reduisirent les metiers a 473. L'activite reprit pourtant des
1803
annee ou furent comptabilises 1 000 metiers. L'apogee fut atteinte en
1830
avec 7 000 metiers recenses. Puis ce fut l'irremediable agonie a partir de
1848
. En
1856
, il ne restait plus que neuf fabriques employant 318 ouvriers et seulement deux en
1875
faisant travailler 67 personnes dont 50 enfants
[
22
]
.
La confection des
indiennes
se developpa a
Marseille
a partir de la fin du
XVI
e
siecle. Cette technique fut apportee, en
1677
, a Avignon par Louis David, un graveur de planche a imprimer. En
1686
, fut decretee l'interdiction de fabriquer des toiles peintes dans le royaume de France. La restitution d'Avignon au pape par
Louis XIV
, en
1691
, donna un essor a l'industrie des indiennes de la rue du Cheval-Blanc, dite des Roues. Elle se developpa jusqu'en
1734
ou elle fut interdite par un concordat passe entre
Louis XV
et le pape
[
23
]
.
L'integration d’Avignon et du
Comtat Venaissin
rendit caducs les interdits du concordat. L'industrie des indiennes reprit le long de la Sorgue. En
1792
, Dominique Amic ouvrit sa manufacture de toiles peintes. Il fut suivi par les sieurs Quinche, Breguet et Sandoz, protestants originaires de
Suisse
. Mais, en
1806
, il ne reste qu'une manufacture en activite. Elle emploie vingt-huit ouvriers et produit 2 000 pieces imprimees par an, qui sont commercialisees dans le sud de la
France
, l’
Espagne
et l’
Italie
[
23
]
.
La mode des toiles peintes repartit a la
Restauration
. De nouvelles manufactures s'installerent rue des Teinturiers. Elles furent dix-huit a tourner en
1840
, employant pres d'un millier d'ouvriers, qui produisaient 20 000 pieces de tissus par an. Mais les contrecoups de la mode et les consequences de la guerre d’Espagne de
1823
porterent un coup fatal a la fabrication des toiles imprimees. En
1856
, il ne reste plus a Avignon que neuf indienneurs et 300 ouvriers. Les manufactures de Foulc et de Lacombe tenterent de resister mais furent contraintes de fermer en
1882
et
1884
[
23
]
.
- Differents types d'indiennes
-
Indienne de Nimes
-
Indienne Olivades
-
Indienne provencale du
XIX
e
siecle
-
Indienne Souleiado
-
Indienne provencale
Evolution du nombre d'indienneurs dans la rue des Teinturiers de 1677 a 1884
Alors qu'il n'y avait que dix moulins a garance sur la
Sorgue
en
1804
, trente-cinq ans plus tard, on en comptait cinquante. La decouverte de la ≪
garancine
≫, produit tinctorial actif de la racine avait donne un veritable coup de fouet a la production
[
24
]
. En
1854
, dans le departement, les seules communes de Caumont, Entraigues, Monteux, Pernes et Le Thor
[
24
]
> produisirent la moitie de la production mondiale et allerent ensuite jusqu'a 65 %
[
24
]
. Les superficies des cultures de garance etaient alors les suivantes dans le Midi de la France
[
25
]
Superficie des garancieres meridionales en hectare
Annee
|
1840
|
1862
|
Vaucluse
|
9 515
ha
|
13 503
ha
|
Bouches-du-Rhone
|
4 143
ha
|
3 735
ha
|
Drome
|
164
ha
|
1 104
ha
|
Gard
|
125
ha
|
1 395
ha
|
Herault
|
-
|
204
ha
|
Alpes-de-Haute-Provence
|
-
|
181
ha
|
Ardeche
|
-
|
60
ha
|
Var
|
-
|
11
ha
|
Soit un total de
|
13 947 sur les
14 676
ha
cultives en France
|
20 193 sur les
20 468
ha
cultives en France
|
A partir de
1868
, cette culture concurrencee par le substitut tinctorial chimique va pericliter et ne comptera plus a nouveau que cinquante moulins en
1880
.
La premiere entreprise de
tannerie
et de
corroyage
repertoriee date du milieu du
XIX
e
siecle. Situee au
n
o
29, elle appartenait a Gustave Gent, le frere d'
Alphonse Gent
, qui fut maire d'Avignon, en
1848
, depute puis senateur de Vaucluse
[
26
]
.
-
Les etablissements Capdevilla, corroyeurs, exposant a la foire d'Avignon dans les
annees 1920
-
Ouvrier corroyeur
-
Outils de tanneur
Ce type d'activite prit une tout autre ampleur avec Ramon Capdevilla. Venu d'Espagne, ce fabricant de courroies s'etait installe depuis le
au
n
o
30 de la rue des Lices. S'etant vu refuse le droit d'installer une roue a aubes devant son domicile pour ses tanneries, en
1876
, il se porta acquereur de la succession Monier sise aux 83, 85 et 87 rue des Teinturiers qui possedait sa roue. Il installa ses etuves, sa tannerie et sa corroierie au rez-de-chaussee, la cour accueillit les fosses a tanner et le premier etage les ateliers de finition des courroies. Son activite se revela florissante
[
27
]
. A tel point qu'il dut ouvrir avec son fils Henri, a partir de
1891
, une nouvelle usine au clos des Souspirous, a
Montfavet
. Specialisee dans la courroie de transmission de haute qualite, cette entreprise resta en activite jusqu'en
1930
. Une artere d'Avignon a ete nommee boulevard Capdevilla
[
28
]
.
Ce succes donna donna idee a la famille Amic, qui les voisinait au
n
o
30, de se lancer dans cette activite. Leurs ancetres avaient installe une fabrique de soie en utilisant une roue construite en
1770
. Pour relancer une activite manufacturiere, les Amic durent acquitter un montant de 1 000 francs d’arrieres de taxes. Ce fut le
que la societe Amic et cie fut operationnelle
[
29
]
. Leur tannerie mit des lors sur le marche des courroies garanties tannees a l'ecorce de chene vert
[
30
]
.
Les eaux du canal de Vaucluse, creuse des le
X
e
siecle
, pour alimenter les douves des premieres fortifications d'Avignon, franchissent le rempart du
XIV
e
siecle
sous la tour du Saint-Esprit dite aussi tour de la Sorguette. Ce debit juge insuffisant des le debut du
XIII
e
siecle
fut augmente par une derivation faite dans les eaux de la
Durance
a la hauteur de la
chartreuse de Bonpas
. Ce nouveau canal fut creuse en
1229
et baptise Durancole ou canal de l'Hopital. Le debit des eaux entrant en ville est regle par un systeme de vannes
[
1
]
.
-
La tour du Saint-Esprit et ses trois vannes de controle
-
La tour du Saint-Esprit ou tour de la Sorguette
-
Passage de la Sorgue sous les remparts
-
Entree de la Sorgue dans la rue des Teinturiers
Actuellement, il ne reste plus que quatre roues a aubes restaurees et tournant au fil de l'eau. Hyacinthe Chobaud a releve, au cours du
XIX
e
siecle, quelles etaient les conditions d'obtention de l'usage d'une roue
[
31
]
.
Processus d'autorisation pour l'installation d'une roue a aubes dans la rue des Teinturiers au
XIX
e
siecle
[
32
]
Documents
|
Ajour
|
Boudin
|
Lombard
|
Ponson
|
Giraud
|
Ricard
|
Gros
|
Aymard
|
Lettre de demande
|
1835
|
1836
|
|
|
1837
|
|
debut
1836
|
1842
|
Deliberation du
Conseil municipal d'Avignon
|
|
|
|
|
|
|
|
-
|
Avis / Affiches de la mairie d'Avignon
|
|
|
-
|
-
|
|
|
-
|
-
|
Avis des ingenieurs des
Ponts et Chaussees d'Avignon
|
|
|
|
-
|
27 et
|
|
|
-
|
Deliberation du Syndicat du
Canal de Vaucluse
|
|
|
|
|
|
|
|
-
|
Arrete prefectoral
|
|
|
|
|
|
|
1837
|
1842
|
Ordonnance royale
|
-
|
|
-
|
-
|
|
|
-
|
-
|
Ministere des Travaux Publics
|
|
-
|
1844
|
-
|
-
|
-
|
-
|
|
Plan
|
1836
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1836
|
-
|
Proces-verbal d'information
de la mairie d'Avignon
|
-
|
|
1842
|
-
|
|
-
|
-
|
-
|
Proces-verbal de la
visite des lieux
|
-
|
-
|
-
|
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Enquetes
|
-
|
-
|
|
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Nombre de lettres accompagnant
l'envoi des documents
|
2
|
6
|
1
|
0
|
5
|
0
|
2
|
0
|
Marc Maynegre explique quelle fut la maniere de se servir de cette energie hydraulique :
≪ Les machines etaient installees dans les maisons des deux cotes de la rue. Celles se trouvant a l'oppose d'une roue, sur le cote droit, etaient mues par un axe qui traversait la rue a une faible profondeur. Lors de la demolition des anciens locaux situes entre le numero 83 rue des Teinturiers et le numero 40 rue Saint-Christophe, on mit au jour un de ces arbres de transmission avec son mecanisme. L'axe de transmission s'achevait par un cardan qui entrainait une roue d'engrenage conique en fonte, assurant elle-meme la continuite du mouvement rotatif
[
13
]
. ≫
.
A la hauteur du
n
o
30, la roue ne comportant plus de pale a conserve, par contre, tout son systeme d'entrainement. Son support est surmonte d'une sorte de cylindre qui servait de protection pour le graisseur qui avait en charge l'entretien. Tout le mecanisme (engrenage, cardan, etc.) etait accessible par un portillon specialement amenage dans le parapet. Un de ceux-ci est toujours visible a la hauteur de la seconde roue
[
33
]
.
Dans le couloir d'entree du
n
o
29, se trouve, toujours intact, le mecanisme de transmission le plus important jamais construit pour une roue a aubes
[
26
]
. L'axe d'entrainement passe sous la chaussee et transmettait le mouvement par
≪ l'intermediaire de pignons coniques a un deuxieme axe vertical d'environ deux metres de haut muni, lui aussi, du meme systeme a son extremite. Il entrainait a son tour un dernier axe tres long soutenu par intervalles reguliers et actionnant des machines a l'aide de courroies ≫
. L'atelier desservi se trouvait a la jonction de la rue Londe et de la rue du Rateau a l'emplacement des anciens Etablissements Saltarelli freres
[
N 2
]
, soit a une distance de 250 metres
[
34
]
. Ces ateliers situes alors aux numeros 4 et 6 de la rue Londe, ont disparu pour etre transformes en une petite place
[
26
]
.
-
Bras d'entrainement
-
Detail d'une roue a aubes
-
Portillon permettant l'entretien
-
Traces des pales sur le mur
Outre les mouliniers, indienneurs, teinturiers, garanciers, tanneurs et corroyeurs, la rue accueillaient nombre d'autres activites utilisant la force motrice ou la purete des eaux de la Sorgue. Ont ete repertories des fabricants de soie a coudre, de peigne, de chocolat
[
35
]
, une brasserie
[
36
]
, un fabricant de jus de reglisse, une entreprise de cierges et de bougies
[
37
]
, une usine hydraulique et a vapeur
[
34
]
, des mecaniciens charpentiers
[
38
]
, sans compter les nombreuses
bugadieres
(laveuses) installees sur des planches au-dessus de la riviere
[
39
]
.
Batiments remarquables et lieux de memoire
[
modifier
|
modifier le code
]
Le centre historique de la Ville d'Avignon est inscrit au
Patrimoine mondial de l’Unesco
depuis 1995 et la rue des Teinturiers est classee en
Secteur sauvegarde
depuis 1933.
Ce classement concerne les arbres, les facades, la calade mais egalement le couvent des Cordeliers et la
Maison du IV de Chiffre
[
40
]
.
Cette maison gothique, edifiee a la fin du
XV
e
siecle, comportait des ≪ IV de Chiffre ≫ sculptes entre les fenetres du premier etage. Ces sigles ont quasiment disparu lors d'une restauration. Leur mystere reste entier. Il a ete largement utilise sur des sculptures, tapisseries, sceaux, cartes a jouer, poteries, instruments de musique, lieux de cultes catholiques, monogrammes d'artistes, de notaires, de negociants, de drapiers, de macons ou de lapidaires
[
39
]
. Adrien Marcel, qui a pu les analyser dans le
n
o
53 de ≪ La Farandole ≫, revue avignonnaise parue le
, indique que ces bas-reliefs
≪ etaient sculptes au-dessous du bandeau et entre les trois fenetres du premier etage. Deux de ces quatre de chiffre, les plus grands figurent chacun dans un ecusson inscrit en un cadre carre, a moulure, dont les angles inferieurs sont coupes par de petits ecussons decores aussi de quatre chiffres minuscules, sauf un, ou le signe est remplace par 1493, date de construction de l'edifice
[
13
]
. ≫
.
Le ≪ IV de Chiffre ≫ represente un cœur stylise empale par le haut d'un dard orne successivement d'une croix de Saint-Andre puis d'une croix de Lorraine. A l'interieur le cœur est barre par un segment borne a chaque extremite par un petit piton
[
41
]
.
Les ≪
Penitents
Gris ≫ d'Avignon affirment que ce fut
Louis VIII
, roi de France, qui fonda leur royale Confrerie le
[
14
]
. Consecutivement a la fin du
siege d'Avignon
, il se serait rendu sur les bords de la Sorgue, en procession expiatoire, pieds nus et vetu d'un sac, pour s'agenouiller a la chapelle Saint-Croix
[
42
]
. Cette hagiographie est contestable. Il est plus probable que le roi de France ait convoque Pierre III,
l'eveque d'Avignon
, avec ordre de lui porter les saintes especes. Les fideles, qui l'avaient suivi, pieds nus et recouverts d'un sac en signe d'expiation, se seraient des lors constitues en une confrerie denommee ≪ Disciples des Battus de la Croix ≫. Ils furent plus connus sous le nom de ≪ Penitents Gris ≫
[
42
]
.
Ce qui est certain c'est que la Confrerie eut un futur pape parmi ses membres. En
1475
,
Sixte IV
eleva pour son neveu, le cardinal
Julien de la Rovere
, l'
eveche
d'Avignon au rang d'
archeveche
. Puis l'annee suivante, il en fit son
legat
pour Avignon et le Comtat Venaissin. Le futur Jules II resida sur place et demanda son entree chez les ≪ Penitents Gris ≫
[
43
]
.
La chapelle, egalement connue sous le vocable de chapelle Sainte Croix, est particulierement connue pour avoir abritee un miracle eucharistique, le "miracle des eaux" qui se serait produit le
et en a fait un lieu de pelerinage. Au cours d'une inondation, les eaux se seraient ecartees devant le Saint Sacrement que le pretre desservant la chapelle etait venu chercher, a l'image de la Mer Rouge devant Moise
[
44
]
.
Les Gris furent les premiers d'une longue serie de penitents avignonnais. Sont connus ensuite les ≪ Penitents Noirs ≫, qui furent fondes en
1488
par un groupe de nobles florentins
[
42
]
, les ≪ Penitents Blancs ≫, confrerie fondee en
1527
par treize Avignonnais
[
42
]
, les ≪ Penitents Bleus ≫, formes en
1557
par une dissidence des autres confreries
[
42
]
. Puis a la fin du
XVI
e
siecle
, furent crees les ≪ Penitents Noirs de la Misericorde ≫ par Pompee Catilina, colonel de l'infanterie pontificale a Avignon
[
43
]
. Face a un tel engouement, la chapelle de la Confrerie des ≪ Penitents Gris ≫ dut etre agrandie en
1590
[
14
]
. Le mouvement se poursuivit avec la fondation des ≪ Penitents Violets ≫ (
1622
)
[
43
]
, puis des ≪ Penitents Rouges ≫ (
1700
)
[
43
]
. La
Revolution
mit un terme a ce foisonnement et seuls aujourd'hui subsistent les ≪ Penitents Gris ≫
[
43
]
et les ≪ Penitents Noirs ≫.
La nef actuelle de la chapelle a ete reconstruite en
1818
[
14
]
, la precedente s'etant ecroulee sous la
Revolution
<
[
45
]
.
En
1854
, fut fondee aux Penitents une ≪ œuvre des enfants indienneurs ≫. Ceux-ci, leur travail fini dans les manufactures, se voyaient proposer le
catechisme
deux fois par semaine
[
45
]
.
En
1895
, Gabriele Saltarelli, ciseleur et doreur, venu de
Milan
, restaura le baldaquin en bronze dore que le marquis de la Tour Vidaud avait offert a la Confrerie, en 1827
[
45
]
.
Jean-Henri Fabre
(
1823
-
1915
) ayant quitte definitivement son poste d'enseignant en
Corse
au cours du mois de janvier
1853
, revint a Avignon. Il s'installa tout d'abord 4 rue Saint-Thomas-d'Aquin, puis 22 rue de la Masse. Nomme ≪ professeur, repetiteur de physique et chimie ≫ au lycee imperial, ou il enseigna pendant dix-huit ans, il fut charge des cours d’histoire naturelle, chimie, cosmographie, geometrie, physique et arithmetique
[
46
]
.
L'annee suivante, en juillet
1854
, il passa avec succes sa
licence
es-
sciences naturelles
. Elle lui ouvrit la voie du
doctorat
. Son sujet de these principal s'intitulait
Recherche sur l'anatomie des organes reproducteurs et sur le developpement des
myriapodes
. Ce fut alors qu'il prit connaissance des travaux de
Leon Dufour
, qui venait d’etudier dans les
Landes
une grosse
guepe
, le
cerceris
. Fabre connaissait bien cet insecte qui avait colonise les pentes du
Ventoux
. Il publia le resultat de ses recherches en 1855 dans les
Annales de Sciences Naturelles
sous le titre
La guepe geante ou grand cerceris, le plus beaux des hymenopteres qui butinent au pied du Ventoux
. La meme annee, les Fabre emmenagent au 14 rue des Teinturiers. Ils allaient y demeurer jusqu'en 1871
[
46
]
.
En
1857
, observateur passionne, il decrivit les comportements les plus intimes des
hymenopteres
,
bembex
,
scolies
et
coleopteres
. Il etudia la reproduction de la
truffe
, sujet sensible pour la prosperite economique du
Vaucluse
. Puis, il effectua des recherches sur la
garancine
, poudre de racine de
garance
qui permettait de teindre les tissus en rouge, fournissant notamment les pantalons rouges de l'infanterie francaise
[
47
]
. De
1859
a
1861
, il deposa quatre
brevets
d'invention touchant a l'analyse des fraudes, mais surtout a l'
alizarine
pure, qu'il avait reussi a extraire. Mais la decouverte de l'
alizarine
artificielle, en
1868
, sonna le glas de l'industrie tinctoriale de la garance dont une grande partie etait concentree dans la rue des Teinturiers, ruinant du meme coup les dix annees d’efforts que Fabre avait consacrees a ses procedes
[
46
]
.
En
1865
,
Louis Pasteur
vint en personne le consulter pour tenter de sauver l'
industrie sericicole
francaise. Les
vers a soie
etaient decimes par une desastreuse epidemie de
pebrine
. Fabre lui expliqua la biologie du
bombyx du murier
et les moyens de selectionner des œufs indemnes. Il le recut a son domicile, 14 rue des Teinturiers, et fut etonne, qu’au milieu de leur entretien, le savant lui demanda de voir sa cave. Fabre ne peut que lui montrer une
dame-jeanne
posee sur un tabouret de paille dans un coin de sa cuisine. Mais la lecon porte ses fruits et Pasteur reussit a enrayer la redoutable epidemie
[
48
]
.
En
1866
, la municipalite avignonnaise nomma Fabre au poste de
conservateur
du musee d'Histoire naturelle (rebaptise
musee Requien
depuis 1851), alors abrite dans l'eglise Saint-Martial desaffectee. Ce fut la qu'il travailla aux colorants et donna des cours publics de chimie. Il recut en
1867
la visite surprise de
Victor Duruy
. Ce fils d'ouvrier devenu normalien et inspecteur de l'enseignement appreciait le naturaliste avec qui il partageait le reve d'une instruction accessible aux plus demunis. Devenu Ministre de l'Instruction publique, Duruy convoqua Fabre a Paris deux ans plus tard pour lui remettre la
Legion d'honneur
et le presenter a l'empereur
Napoleon III
[
48
]
.
Le ministre le chargea de donner des cours du soir pour adultes qui, ouverts a tous, connurent un enorme succes. Ses lecons de botanique attirerent meme de jeunes villageoises, des agriculteurs curieux de science, mais aussi de personnalites fort cultivees, telles que l'editeur
Joseph Roumanille
et le philosophe anglais
John Stuart Mill
(1806-1873), directeur de la
Compagnie des Indes
, qui devient l'un de ses plus fideles amis
[
48
]
.
Mais la loi Duruy (
) pour la democratisation de l'enseignement laique et l'acces des jeunes filles a l'instruction secondaire, declencha une cabale des clericaux et des conservateurs, obligeant le ministre a demissionner. Accuse d'avoir ose expliquer la fecondation des fleurs devant des jeunes filles jugees innocentes par certains moralisateurs, les cours du soir de Fabre furent supprimes tandis qu'il etait denonce comme subversif et dangereux. Incapable de gerer une telle atteinte a son honneur, il demissionna de son poste au lycee fin
1870
[
48
]
.
Pour parfaire le tout, ses
bailleuses
, deux vieilles demoiselles bigotes, convaincues de son immoralite, le mirent en demeure de quitter la rue des Teinturiers. A leur injonction, il recut la visite d'un huissier pour etre expulse dans le mois avec femme et enfants. Seule l'aide de Stuart Mill, qui lui avanca la somme de trois mille francs, permit a Fabre et sa famille de pouvoir s'installer, en novembre, a
Orange
[
48
]
.
L’eternel amour de
Petrarque
succomba, le
, vingt-et-un ans jour pour jour apres sa rencontre avec le poete. Elle n’etait agee que de trente-huit ans. Sur son exemplaire de Virgile, celui-ci consigna son affliction :
≪ Laure, illustre par ses vertus et fort celebree dans mes vers, m’apparut pour la premiere fois pendant ma jeunesse en 1327, le 6 avril dans l'eglise Sainte-Claire a Avignon, a la premiere heure du jour ; et dans la meme cite dans le meme mois, au meme sixieme jour et a la meme premiere heure en l’an 1348, cette eclatante beaute fut soustraite a la lumiere alors que j’etais a Verone, bien portant, ignorant helas de mon malheur ! Mais la malheureuse nouvelle me fut apportee a Parme par une lettre de mon ami Louis
[
49
]
dans le dix-neuvieme jour du mois suivant. Ce corps si beau et si chaste de Laure fut enseveli au couvent des freres mineurs, le jour meme de sa mort a vepres. ≫
Laure fut inhumee dans la chapelle des Sade, aux cordeliers d’Avignon. Devant l’autel, sa pierre sepulcrale portait deux ecussons armories graves dans la pierre, le seul dechiffrable arborait ≪
deux branches de laurier en sautoir entourant une croix alaisee et surmontees d'une rose heraldique
≫. C'est ce qu'affirmerent avoir vu le poete
Maurice Sceve
qui, en
1533
, fit ouvrir la tombe et, quelques mois plus tard,
Francois
I
er
qui vint expres a Avignon pour se recueillir sur cette tombe.
Alors qu'Avignon et le Comtat Venaissin venait d'obtenir leur rattachement a la France, ce vote declencha l'ire des partisans du maintien de l'Etat pontifical. La reaction fut rapide. Le
, ils firent placarder dans Avignon une affiche signee d'un certain Joseph Dinetard
[
50
]
, denoncant le depouillement des eglises et la confiscation les cloches au nom de la ≪ nouvelle patrie ≫. Il y etait ecrit que les ≪ patriotes ≫ s'etaient, de plus, empare de cent mille francs d'argenterie au Mont-de-Piete
[
51
]
.
D'autres bruits faisaient part du fait que la Vierge avait fait plusieurs apparitions dans les environs et, meme, que son effigie aux Cordeliers, apres avoir rougi, avait delivre des larmes de sang. Nombreux furent ceux qui s'y rendirent et ce fut alors un lieu de debats virulents entre les ≪ blancs ≫ papistes et les ≪ rouges ≫ revolutionnaires sur le vol qui avait ete commis. Les papistes voulant qu'on leur rendre des comptes, le patriote
Nicolas Jean-Baptiste Lescuyer
, en tant que secretaire-greffier de la commune, fut depeche sur place. Il monta en chaire pour essayer d'etre entendu, puis, pris a partie, il fut extrait de celle-ci et alla se cogner au pied d'une statue de la Vierge. Il se releva et tenta alors de fuir par une porte qu'on venait de lui montrer mais, avant d'atteindre celle-ci, il recut un violent coup de baton qui le fit s'effondrer au pied de l'autel.
Alertee, la Garde Nationale avignonnaise arriva sur place et disperserent le peu de foule qui etait reste, faisant au passage plusieurs blesses. Lescuyer fut trouve gisant dans son sang. Agonisant, il fut alors emmene a travers les rues d'Avignon. Il deceda un peu plus tard. Cet assassinat declencha le
massacre de la Glaciere
.
Deux jours plus tard, l'Assemblee generale des citoyens actifs decida que l'eglise des cordeliers serait desormais fermee au culte et son clocher demoli. Le clocher des Cordeliers fut ampute de sa fleche et de son tambour mais la demolition s'arreta la
[
52
]
.
Cette artere est le resultat d'une percee realisee a la fin du
XIX
e
siecle
et au debut du
XX
e
siecle
qui part de la Porte Limbert et se continue jusqu'a la
rue Carreterie
. Elle se substitua a la ≪ rue des Clefs ≫, la ≪ rue de Puy ≫ et la ≪ rue des Barraillers ≫. Elle fut entreprise par quatre municipalites et les travaux s'etalerent sur vingt ans. Commences sous le bref mandat d'Eugene Millo, maire d'Avignon du
au
, ils furent poursuivis par Charles Deville, maire provisoire installe dans ses fonctions le
. Paul Poncet, nouveau maire elu le
, fit parachever le chantier et son conseil municipal debaptisa la rue de Puy, qui allait de la rue Thiers a la rue Louis Pasteur, pour lui donner le nom de
Guillaume Puy
. Puis ce fut au tour de la municipalite
Gaston Pouquery de Boisserin
de faire paver la rue et raccorder les maisons et immeubles a l'egout
[
53
]
. Toutes ces operations avaient necessite l'expropriation totale ou partielle de 71 proprietaires ou locataires sur 34 parcelles
[
54
]
. L'ensemble de cette nouvelle artere prit definitivement le nom de ≪ rue Guillaume Puy ≫ en
1891
[
55
]
.
Plusieurs sites et monuments remarquables se situent dans cette nouvelle artere. L'ancien cinema Le Roxy, aujourd'hui Theatre des Hivernales, devenu un lieu de creation lie au Festival
off
at aux
Hivernales d'Avignon
[
56
]
. Sur la place Guillaume Puy, une fontaine sommee du buste en bronze de
Guillaume Puy
[
57
]
. En face l'ecole de la rue Thiers, le theatre du Balcon
[
58
]
. Puis, faisant l'angle avec la rue des Teinturiers, la maison de
Jules-Francois Pernod
, fondateur a Avignon de la marque d'aperitif anise
Pernod
[
59
]
.
Une farce de potaches erudits a fait croire durant toute une partie du
XIX
e
siecle
que dans cette rue la
Reine Jeanne
avait eu un
bordel
dont elle avait confie a la garde a une abbesse apres lui avoir donne des statuts
[
60
]
. Il ne s'agissait en fait que d'etuves et de bains publics qui s'etaient multiplies a Avignon au cours du
XIV
e
siecle
et qui etaient alimentes par les eaux de la Sorgue. Quand les
Freres des ecoles chretiennes
vinrent s'installer a Avignon, en
1703
, ils furent loges dans le cote pair de cette etroite rue. Elle prit des lors le nom de ≪ rue des Freres ≫ puis de ≪ rue des Freres enseignant a lire ≫, en
1739
[
N 3
]
. Ils y resterent jusqu'en
1766
pour aller s'installer dans l'
Hotel de Sade
[
61
]
.
Dans les locaux laisses libres s'installa la famille Londe qui fabriquait des etoffes de soie. Lors de la
Revolution
, ce fut la citoyenne Roque-Londe qui offrit son drapeau au
2
e
bataillon des volontaires du departement de
Vaucluse
. La rue prit le nom de cette famille a partir de
1832
[
26
]
.
Il existe dans les
chartes
de l'eglise Saint-Agricol d'Avignon, une mention, faite en
1469
, d'une ≪ traverse a l'enseigne de l'Aigle ≫, sise dans le bourg de la Paillasserie, qui correspond a cette ruelle. Elle ne prit son nom actuel qu'a partir de
1795
[
53
]
.
Jean XXII
et
Clement VI
ayant declare
urbi et orbi
que les maisons et demeures construites hors de la vieille enceinte du
XIII
e
siecle ne pourraient etre requisitionnees comme
Livrees cardinalices
et seraient exemptees de taxes a la location, les bourgs ou
bourguets
se multiplierent. Le plus important fut le Bourg-Neuf
[
N 4
]
, situe entre le Portail Peint et le Portail Matheron
[
62
]
.
Gustave Bayle, qui a etudie la prostitution sous la
papaute d'Avignon
, a montre que les femmes s’y adonnant exercaient dans les rues du Bourg-Neuf et du Pont-Trouca. On sait qu’ici exercaient, entre autres, Minguette de Narbonne, Jeanette de Metz, Marguerite la Porceluda et Etiennette de las Faysses. La rue du Pont-Trouca conserva ses petites maisons jusqu'au
XVIII
e
siecle. Leurs portes etaient toujours surmontees d'ornements et de devises assez explicites pour etre qualifiees de bizarres. Personne ne pouvait commettre l’adultere en dehors de ces rues sous peine de cinquante livres d'amende
[
63
]
.
En
1369
, il y avait ici le bourg de la
Tarasque
(
borgo de Tharasca
). Ce nom tire son origine d'un bas-relief roman representant une tarasque devorant un homme place en reemploi, sur la facade du
n
o
20 de le rue des Teinturiers
[
64
]
. Comme toutes les rues de la rive gauche, cette artere n'etait accessible que par un pont enjambant la Sorgue. Celui-ci devait etre assez bas puisque, le
, les chanoines du chapitre metropolitain d'Avignon prirent la decision de le surelever. Le principal attendu invoque etait
≪ d'eviter la depense extraordinaire qu'occasionne annuellement le repurgement de ce pont ≫
[
10
]
.
Ce nom ne fut attribue a cette rue qu'en
1843
[
10
]
. Elle portait jusqu'alors le meme nom que sa voisine. Ce fut le creusement d'un puits realise en
1736
par le sieur Josseaume, taffetassier de son etat, qui lui valut ce changement. Lors des travaux, les terrassiers exhumerent deux pierres epigraphiques avec des inscriptions latines. La premiere, qui se trouve aujourd'hui au Musee de Lyon, comportait l'inscription
proxumus Tertulla
, la seconde, conservee au
Musee Calvet
, une epitaphe a
Maximillia
[
64
]
.
La premiere reference a ce nom date du milieu du
XIV
e
siecle
. Le bourg du Martinenc (
borgo Martinenqui
) est cite en
1369
. Il provient d'une vieille famille avignonnaise dont l'une des membres, Marc-Antoine Martinenque, s'illustra au
XVI
e
siecle
comme capitaine pontifical. Il fut nomme a cette charge de
1572
a
1577
par le cardinal colegat
Georges d'Armagnac
[
10
]
. Par francisation ce nom evolua vers Martinet et la rue devint celle du ≪ Pont Martinet ≫. La deformation orale en fit la rue du Bon Martinet. C'est au niveau de ce pont que se trouve la quatrieme roue a aubes encore existante sur la Sorgue et qui est ancree dans la maison qu'habita Jean-Henri Fabre
[
65
]
.
La rue est devenue le lieu branche du Festival
[
66
]
. Elle accueille artistes et festivaliers dans cinq salles de theatre, et entre deux spectacles, ils se retrouvent chez un bouquiniste, s'attablent sur les terrasses des cafes, restaurants, snacks et autres pizzerias ou s'en vont deguster les vins du cru dans une cave traditionnelle. Le long du parapet de la Sorgue, mis a la disposition de vendeurs, les
chalands
se fournissent en produits de l'artisanat d'art, colifichets et autres necessites festivalieres.
-
Ambiance nocturne pendant le Festival
-
Joueur de trombone dans la rue des Teinturiers
-
Chant de rue au cours du Festival
-
Un apres-midi dans la rue des Teinturiers
-
Saturation d'une fin de journee
Dans son epopee patriotique,
Les Rouges du Midi
[
67
]
,
Felix Gras
, (
1844
-
1901
), decrit la rue des Teinturiers en fete lors du rattachement de l'Etat d'Avignon et Comtat Venaissin a la France decide par la
Convention
le
. Pascal, en qui l'on reconnait l'ardeur republicaine du jeune Felix, se souvient :
≪ J'entrai avec la farandole par la rue Limbert et nous suivimes la rue de Roues. En voila une rue bizarre ! La moitie est pavee pour laisser passer les gens et l'autre moitie sert de lit a la Sorgue, qui fait tourner les roues des fabriques des indienneurs et des teinturiers. Comme c'etait grande fete, les teinturiers et les indienneurs avaient ferme leurs fabriques, mais la rue etait tapissee, depuis les toits jusqu'au ras du sol, de bandes indiennes bigarrees, rouges, bleues, jaunes, vertes, a grands ramages de fleurs, des milliers de jolis fichus de filles flottaient sur les sechoirs et les courroies qui traversaient la rue et faisaient ainsi comme des milliers de drapeaux et de festons et d'oriflammes, ou le clair soleil, malgre le froid vif, se jouait etincelant. Et tout ce papillotement, avec le bourdonnement et le balancement de la foule qui nous emportait, le bruit de l'eau de la Sorgue qui clapotait comme un tourbillon de feuilles seches, en s'ecoulant des grandes roues alignees et qui tournaient lentement et semblaient marcher comme de grosses limaces en sens contraire de la foule, tout cela vous faisait clignoter, vous donnait les eblouissements du vertige. La foule etait encore plus serree dans cette rue etroite et les farandoleurs ne pouvaient plus faire leurs entrechats a leur aise. De temps a autre on voyait apparaitre leur tete au-dessus de la foule, ils essayaient en vain de se remettre en danse a la cadence des tambourins qui ronflaient et des fifres qui s'egosillaient. ≫
Quant a
Paul Manivet
, il consacra un de ses
sonnets
a
La rue des Teinturiers
[
68
]
.
.
≪ C'est la fraiche oasis du reve et du mystere
D'ou monte la priere, ou pleure le regret.
La, le silence et l'ombre offrent leur double attrait
A qui porte un secret dans l'ame et veut le taire.
Le flot bleu de Vaucluse au canal transparait,
La roue en s'egouttant l'eparpille par terre ;
Donne de la fraicheur a la chapelle austere ;
Le penitent se trouble a ce charme indiscret. ≫
|
≪ Au pied de cette tour que l'ogive decore,
L'ame de Laure rode, et nous attire encore.
L'eau vient baiser les bords ou reposa sa chair.
C'est ainsi que, malgre la course et son epreuve,
La Sorgue filiale, a qui ce nom est cher,
Se souvient de sa source en tombant dans le fleuve. ≫
|
Sonnet de Paul Manivet (
1856
-
1930
)
|
- ↑
≪ L'aiguo de la grand sorgo que passa dins Avignoun per fayre la curado... ≫
Maynegre 1991
,
p.
156.
- ↑
Ces etablissements avaient ete fondes par Paul et Gabriel Saltarelli, petits-fils de Gabrielle Saltarelli qui œuvra a la chapelle des Penitents gris.
- ↑
Ces freres enseignant a lire etaient pourtant repute Freres Ignorantins. Marc Maynegre cite le texte du
Courrier d'Avignon
saluant leur depart :
≪ Le 20 septembre 1766, les Freres des ecoles chretiennes, dits Ignorantins, charrient leurs meubles et effets qu'ils avaient dans leur ancienne maison ou couvent, cise (sic) au milieu de la petite ruelle que l'on rencontre la premiere apres la porte de l'eglise des Penitents gris ≫
.
- ↑
Le Bourg-Neuf, dit encore Bourguet de la Guignoha ou la Bonne Carriere, se situait pres du Portail Limbert vieux (
Portali Ymberti antico ou Pourtau Pen ou Portale Pictum
) ou Portail Peint qui etait ainsi nomme a cause d’une peinture representant les sept peches capitaux.
- ↑
a
b
c
et
d
Maynegre 1991
,
p.
76.
- ↑
Maynegre 1991
,
p.
159.
- ↑
a
b
c
et
d
Maynegre 1991
,
p.
77.
- ↑
Girard 2000
,
p.
17.
- ↑
a
et
b
Girard 2000
,
p.
28.
- ↑
Girard 2000
,
p.
57.
- ↑
Girard 2000
,
p.
303.
- ↑
Girard 2000
,
p.
218.
- ↑
Maynegre 1991
,
p.
150.
- ↑
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b
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Maynegre 1991
,
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112.
- ↑
Maynegre 1991
.
- ↑
Maynegre 1991
,
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- ↑
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La rue des Teinturiers : Une promenade erudite avec Marc Maynegre
- ↑
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Achard 1857
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p.
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- ↑
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- ↑
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Le Departement de Vaucluse de la defaite a la Liberation (mai 1940-25 aout 1944)
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- ↑
La salle Benoit XII sur le site evene
- ↑
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Maynegre 1991
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p.
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- ↑
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Maynegre 1991
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d'apres Hyacinthe Chobaud
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- ↑
Chobaud 1938
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- ↑
Maynegre 1991
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p.
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- ↑
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Maynegre 1991
,
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- ↑
Maynegre 1991
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- ↑
Maynegre 1991
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Maynegre 1991
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Maynegre 1991
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≪
Fiche 93C84007
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Maynegre 1991
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Miracle des Eaux
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Les trois brevets de Fabre en 1860
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