Le
realisme scientifique
est la theorie selon laquelle le monde decrit par la science est le monde ≪ reel ≫ ou ≪ veritable ≫.
Dans le contexte de la
philosophie des sciences
, le realisme scientifique est une these a la fois
ontologique
(concernant l'etre des choses) et
epistemologique
(concernant la connaissance) qui doit permettre d'expliquer comment les sciences parviennent avec succes a predire les phenomenes. Pour le realisme scientifique, le succes predictif des sciences s'explique par le fait qu'il existe une realite independante de notre
esprit
dont la nature est celle qui est decrite par la science.
Le realisme scientifique est une forme de
realisme metaphysique
. La these minimale et commune aux differentes formes du realisme metaphysique peut etre formulee ainsi : ≪ Le monde existe et a une structure independante de notre esprit ≫
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]
. Cette structure est consideree comme n'etant nullement dependante de l'experience humaine, des croyances, des concepts ou du langage. Dans sa version forte, le realisme metaphysique generalise cette position aux objets, aux proprietes et aux evenements.
Lorsqu'on a postule l'existence d'un monde exterieur independant de notre esprit, se pose alors le probleme des relations entre ce monde et les descriptions que l'on peut en faire. C'est a cette question que repond le realisme scientifique proprement dit. Dans son expression la plus radicale, il enonce qu' ≪ une
theorie scientifique
acceptee et consolidee decrit exactement comment les choses se passent dans le monde : ceci implique que toutes les entites theoriques et les quantites physiques utilisees par la theorie existent dans le monde et qu'elles se comportent dans celui-ci exactement de la maniere decrite par la theorie. ≫
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]
.
Selon le philosophe des sciences
Michael Esfeld
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]
, on peut ainsi caracteriser le realisme scientifique par les trois propositions suivantes :
- Proposition metaphysique
: l’existence et la constitution du monde sont independantes des
theories scientifiques
. L’independance est a la fois
ontologique
et
causale
: l’existence du monde ou sa constitution ne dependent pas du fait qu’il y ait ou non des personnes qui construisent des theories scientifiques (independance ontologique). S’il y a des personnes qui developpent des theories scientifiques, l’existence de ces theories ne cause pas l’existence ou la constitution du monde (independance causale).
- Proposition semantique
: la constitution du monde determine lesquelles de nos theories scientifiques sont vraies (et lesquelles ne sont pas vraies). Par consequent, si une theorie scientifique est vraie, les objets que pose cette theorie existent et leur constitution rend vraie la theorie en question. Autrement dit, leur constitution est le
verifacteur
(
truth-maker
en anglais) de la theorie en question
[
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]
.
- Proposition epistemique
: les sciences sont, en principe, capables de nous donner une representation generale et unique de la constitution du monde. Les theories ou interpretations scientifiques concurrentes doivent pouvoir etre evaluees
rationnellement
et
empiriquement
de telle facon que l'une d'elles seulement puisse etre consideree comme vraie.
Ces trois propositions caracterisent le ≪ realisme des theories ≫. Mais le realisme scientifique ne se contente pas toujours de determiner le rapport entre les theories scientifiques et la realite
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]
. Dans la mesure ou ces theories postulent certaines entites ou proprietes, le realisme peut impliquer la these plus radicale selon laquelle ces entites ou proprietes elles-memes existent. Toutefois, les realistes ne s'accordent pas tous sur ce point. On peut en effet etre realiste a propos des theories sans etre realiste a propos des entites. L'epistemologue
Ian Hacking
prend pour exemple
Bertrand Russell
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]
. Pour celui-ci, ≪ le terme
quark
n'aurait pas les quarks pour referent mais serait une expression abregee, par la logique, d'une expression plus complexe ne faisant reference qu'aux seuls phenomenes observes. Russell etait alors realiste pour les theories mais antirealiste pour les entites ≫
[
7
]
.
Ainsi le realisme scientifique implique une certaine interpretation de la science. Il s'agit d'adherer a la composante semantique du realisme : les objets, les structures decrites par la science ont quelque chose de reel. Pour le realiste, ces representations doivent etre comprises en termes d'absolu, et non relativement a un point de vue. Les electrons ou les proteines existent quel que soit le point de vue. De la vient la composante epistemique. Mais certains, certaines, avancent que les theories scientifiques ne sont que concordantes, a notre echelle, a ce qui pourrait etre la realite. Elles restent des apparences. C'est le cas, par exemple, du philosophe empiriste
Bas van Fraassen
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.
[pertinence contestee]
Realisme des theories et realisme des entites
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Dans le contexte du realisme scientifique, on nomme ≪ realisme des theories ≫ l'idee qu'il existe une realite independante qui peut etre expliquee par les theories scientifiques, car elles en decriraient la structure veritable. On nomme ≪ realisme des entites ≫ l'idee plus radicale d'apres laquelle la realite comporte non seulement des entites observables, mais egalement des entites theoriques inobservables en tant que telles, comme les
particules elementaires
, les
champs electromagnetiques
, les
trous noirs
, etc.
[ref. necessaire]
Selon cette version forte du realisme, le discours scientifique portant sur les entites inobservables a la meme fonction que celui portant sur les entites observables : fournir une description de ce qu'elles sont qui soit vraie. Par exemple, le specialiste de
physique des particules
essaie de fournir une description correcte de ce que
sont
les constituants des atomes.
Pour le realiste, nous avons ou tentons d'avoir des croyances justifiees quant a l'existence d’entites inobservables parce qu'elles ont un
pouvoir explicatif
; postuler leur existence permet notamment d’expliquer certains phenomenes observables.
Pour un anti-realiste, l'une des facons de concevoir le succes predictif du discours scientifique consiste a tenir les entites inobservables et leurs proprietes pour des ≪ fictions commodes ≫, des ≪ conventions ≫ ou des ≪ etres de raison ≫ qui permettent certes de predire les phenomenes observables, mais qui n'ont pas d'existence en tant que telles.
Ernst Mach
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]
, les
positivistes logiques
et les
constructivistes
en epistemologie defendent cette position. Cette forme d'anti-realisme est toutefois compatible avec un realisme theorique qui considere que les relations entre ces etres de raison existent vraiment dans le monde. Cette position nuancee est notamment defendue par
Bertrand Russell
.
L’anti-realisme est souvent motive par la conviction
empiriste
que nos connaissances authentiques (ou du moins nos croyances authentiquement justifiees) se limitent au domaine de l’observable, celui des phenomenes proprement dits
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]
.
Realisme et anti-realisme selon Ian Hacking
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Ian Hacking
resume l'opposition entre realisme et anti-realisme de la facon suivante :
- ≪ Pour le realisme scientifique, les entites, etats et processus decrits par les theories existent vraiment, pour peu que ces theories soient exactes. Protons, photons, champs de force et trous noirs sont aussi reels qu’ongles d’orteils, turbines, tourbillons dans un cours d’eau ou volcans. Les interactions faibles que decrit la physique des particules elementaires sont aussi reelles que le fait de tomber amoureux. Les theories qui concernent la structure des molecules portant les codes genetiques sont soit vraies, soit fausses et une theorie rigoureusement exacte doit etre vraie... Le realiste a propos des entites affirme que bon nombre d’entites theoriques existent vraiment. L’antirealiste s’oppose a ces entites qui ne sont pour lui que fictions, constructions logiques ou elements d’un processus intellectuel d’apprehension du monde. ≫
[
11
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- ↑
Catherine
Allamel-Raffin
et Jean-Luc Gangloff,
La raison et le reel
, Paris,
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coll.
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, 190
p.
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ISBN
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OCLC
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115.
- ↑
G. Giulani, ≪ What Physicists Are Talking About ? The Case of Electrons and Holes ≫, tr. fr. C. Allamel-Raffin et J.-L Gangloff, Op. Cite,
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, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2006. Deuxieme edition revisee 2009, chap. 1.
- ↑
Cf. D. M. Armstrong,
Truth and Truth-makers
, Cambridge: Cambridge University Press, 2004 ; et "Verite et verifacteurs", dans Jean-Maurice Monnoyer (dir.),
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, Vrin.
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C. Allamel-Raffin et J.-L Gangloff, Op. Cite,
p.
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- ↑
I. Hacking,
Concevoir et experimenter
, Paris, Christian Bourgois, 1989.
- ↑
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OCLC
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lire en ligne
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I. Hacking,
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La philosophie des sciences. Une introduction.
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- Michael Esfeld
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Physique et metaphysique : une introduction a la philosophie de la nature
, Presses polytechniques et universitaires romandes,
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- Bas van Fraassen
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The Scientific Image
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- Ian Hacking
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Concevoir et experimenter
, C. Bourgois Editeur,
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