Un
pseudonyme
est un nom d'emprunt adopte par une ou plusieurs personnes
[
1
]
pour exercer une activite sous un autre nom que celui de son identite officielle.
Il se distingue du
surnom
en ceci qu'il est choisi par la personne qui le porte au lieu de lui etre attribue par un tiers
[
2
]
. Son usage est frequent dans certains milieux, tels que le milieu artistique : auteurs, acteurs, etc., ou scientifique : groupe d’auteurs (Bourbaki), confidentialite (Student), etc.
L'usage du pseudonyme peut avoir plusieurs motivations : substitution a un nom juge imprononcable, trop marque ethniquement ou ≪ peu glamour ≫, protection de l'identite reelle, motivation artistique, meme patronyme dans le meme domaine (Stewart Granger est un pseudonyme impose, car ses vrais prenom-nom etaient... James Stewart), etc.
Un mode assez courant de formation de pseudonymes est d'utiliser une
anagramme
de son nom reel (certaines œuvres de
Francois Rabelais
sont parues sous le pseudonyme d’
Alcofribas Nasier
).
Pour les arts du spectacle (acteurs, humoristes, chanteurs, etc.), on parle de
nom de scene
ou nom d'artiste.
Le cas le plus connu reste sans doute celui de
Moliere
, dont le vrai nom etait Jean-Baptiste Poquelin. Citons aussi
Bourvil
ou
Arletty
.
Dans le cinema d'exploitation americain, bon nombre d'acteurs et realisateurs d’origine etrangere ont pris un pseudonyme a consonance anglophone afin de rendre leurs films plus vendeurs, comme
Cary Grant
, qui se nommait Archibald Leach dans la vie. Dans ce meme milieu, certains realisateurs prennent un certain nombre de pseudonymes.
En France, la mode des pseudonymes anglais s’est repandue du cinema aux chanteurs ≪ yeyes ≫ dans les annees 1960 :
Johnny Hallyday
,
Eddy Mitchell
,
Dick Rivers
,
Richard Anthony
,
Sheila
, etc.
Le monde de la musique moderne est rempli de pseudos et de noms de groupes.
Pendant la
Renaissance artistique
, beaucoup d'artistes italiens se nomment par rapport au metier de leur pere ou par son lieu d'origine : par exemple,
Le Caravage
(issu du village de
Caravaggio
), les
Da Sangallo
(travaillant a la porte Saint-Gall de Florence), les
Pollaiolo
(du metier du pere, eleveur de poules),
Jacopo del Sellaio
(le Sellier) par le metier de son pere.
Au debut du
XX
e
siecle
, les historiens de l'art attribuent des surnoms aux artistes dont il ne connaissent pas (encore) le nom, qu’ils baptisent
maitres anonymes
. Certains ouvrages de la
litterature antique
, dont le veritable auteur est inconnu, ont ete attribues faussement a un auteur connu. Quand l'erreur a ete reconnue, le nom de cet auteur est precede du suffixe
Pseudo-
et l'on parle de
pseudepigraphe
.
Le pseudonyme d’un ecrivain ou d’un journaliste est appele son ≪ nom de plume ≫
[
3
]
.
Le phenomene apparait des la
Renaissance
, mais ne se repandra vraiment qu’a partir du
XVIII
e
siecle avec
Voltaire
(Moliere est un nom de scene plus qu’un nom de plume).
Gerard Labrunie a pris pour pseudonyme
Gerard de Nerval
en
1830
[
4
]
et Henri Beyle signe ses ecrits
Stendhal
.
D'autres ecrivains signaient avec l'anagramme de leur nom : Alcofribas Nasier fut le pseudonyme de
Francois Rabelais
[
5
]
. Le nom de Voltaire est en fait l'anagramme de ≪ Arouet L.J. ≫ (Arouet Le Jeune), le u etant pris comme un v et le j comme un i.
Honore de Balzac
signait Lord R'Hoone (anagramme d'Honore) certaines
œuvres de jeunesse
[
6
]
.
Les femmes ecrivains de l'
epoque victorienne
ont souvent choisi un nom de plume masculin pour etre agreees dans le milieu de l'edition. Les sœurs Charlotte, Emily et Anne
Bronte
ont ainsi d'abord publie sous les noms de Currer, Ellis et Acton Bell.
George Eliot
s’appelait Mary Evans. En France au
XIX
e
siecle et au debut du
XX
e
, Aurore Dupin signe
George Sand
, mais on trouve aussi Daniel Lesueur (
Jeanne Loiseau
), Daniel Stern (
Marie d'Agoult
),
Gerard d'Houville
(Marie de Heredia-Reignier),
Max Lyan
(Berthe Serres),
etc.
Georges Simenon
, connu principalement pour son personnage du
commissaire Maigret
, peut etre considere comme une maniere de recordman toutes categories du pseudonyme litteraire : Ecrivain a multiples facettes, journaliste a la
Gazette de Liege
et dans de multiples revues et magazines, "homme presse" a qui quelques heures de sommeil suffisaient a recuperer, insatiable collectionneur de breves liaisons amoureuses, Simenon etait dote d'une grande facilite d'ecriture "au fil de la plume" et a produit tout aussi bien des romans de qualite (
Le passager du Polarlys
frola le
Prix Goncourt
) que des romans populaires, des romans policiers, des recits d'aventure et de fantastique (
les nains des cataractes
), de la litterature grivoise et erotique… Les amateurs de Simenon ont recense une trentaine de pseudonymes au total, utilises dans des contextes precis : Georges Sim, Luc Dorsan, La Deshabilleuse, Plick et Plock -(d'apres la bande dessinee de Christian Christophe, auteur du Sapeur Camember), Georges d'Isly, Germain d'Antibes, etc
[
7
]
. Il eut meme un pseudonyme "involontaire" lorsque deux de ses œuvres a theme maritime (
Les Gens d'En Face
et
Le Passager du Polarlys
)
furent traduites en anglais et publiees en un seul volume intitule
Danger on Land/Danger at Sea
par les editions Doubleday qui choisirent le pseudonyme de Victor Kosta, estimant que le nom de Georges Simenon etait trop peu connu du public anglo-saxon
[
8
]
.
Nombre d'ecrivains ont choisi de signer leurs œuvres d'un pseudonyme, parfois pour des raisons de securite : Jean Bruller avait pris le nom de
Vercors
aux
Editions de minuit
pendant la Seconde Guerre mondiale ;
Francois Mauriac
, chez le meme editeur, publiait sous le nom de Forez. Les ecrivains resistants avaient tous des noms de regions de France comme pseudonyme
[
9
]
.
Pour se donner le ≪ genre ≫ americain, tres a la mode dans les
annees 1940
,
Boris Vian
signe ≪ Vernon Sullivan ≫ son roman ≪ americain ≫
J'irai cracher sur vos tombes
, tandis que l'≪ Americain ≫
James Hadley Chase
n’etait autre que le Britannique Rene Brabazon Raymond, qui ecrivait ses romans avec un dictionnaire d'argot americain
[
10
]
.
L'ecrivain
Romain Gary
, de son vrai nom Roman Kacew, obtint une premiere fois le prix Goncourt en 1956, puis une seconde fois sous le pseudonyme d'Emile Ajar en 1975, alors qu'un auteur n'est pas autorise a recevoir ce prix plus d'une fois. La supercherie ne sera decouverte qu'apres sa mort.
Certaines personnalites politiques ou certains hauts magistrats tenus au
devoir de reserve
ont eu recours a l'edition sous pseudonyme, que ce soit pour publier de la litterature de divertissement (
Edgar Faure
et ses romans policiers publies sous le pseudonyme Edgar Sanday) ou des essais serieux (le juge Serge Fuster qui publiait ses livres et donnait des interviews sous le nom de
Casamayor
), ou pour parler de leur metier, comme le blogueur et avocat
Maitre Eolas
(dont la veritable identite n'est pas connue du grand public).
Dans la
bande dessinee
, les pseudonymes ont ete nombreux, a la suite des ≪ fondateurs ≫
Christophe
et le plus connu, Georges Remi, dont le pseudonyme ≪
Herge
≫ vient des initiales RG de son vrai nom. ≪
Jije
≫ (Joseph Gillain), ≪
Jidehem
≫, ≪
Achde
≫, reprennent le procede.
Des auteurs tels que
Morris
(Maurice de Bevere),
Peyo
(Pierre Culliford),
Tibet
(Gilbert Gasquard) et
Didge
(Didier Chardez Jr.) utilisent une prononciation enfantine de leur prenom. ≪
Lambil
≫ (Willy Lambillotte) ≪ Watch ≫ (Wattier) ou ≪
Mitacq
≫ (Michel Tacq) sont directement inspires des vrais noms.
Cas original,
Jean Giraud
a utilise plusieurs signatures : Giraud, Gir et
Mœbius
parce que, disait-il, ≪ je dessine des bandes tordues ≫
[
11
]
.
Dans le domaine de la caricature et du dessin de presse, l'usage de pseudonymes est frequent. C'est une tradition qui remonte aux premieres mesures de
censure de la presse
de grande diffusion sous
Louis Philippe
et
Napoleon III
(voir la caricature
Les Poires
qui valut moult ennuis judiciaires a
Charles Philippon
et
Honore Daumier
). Le pseudonyme peut ainsi servir de mesure (tres illusoire) de protection contre les abus d'un pouvoir autoritaire. D'autre part, l'adoption d'un pseudonyme concis (une ou deux syllabes) etait une facon de creer une signature percutante et facilement reconnaissable par le public. Comme pour la bande dessinee (voir
supra
), c'est souvent une variation sur le nom ou les initiales prononcees phonetiquement :
Cabu
(
alias
Jean Cabut),
Jean Effel
(Francois Lejeune),
Piem
(Pierre de Montvallon),
Lap
(Jacques Laplaine). Mais on trouve aussi des pseudonymes tels que
Chaval
(Yves Le Louarn) ou, dans un passe plus lointain,
Sem
(Marie Joseph Georges Goursat),
Emile Cohl
(Emile Courtet),
Gill
(Andre Gosset de Guines),
Cham
(Amedee de Noe), etc.
Cette tradition n'est pas limitee a la sphere francophone : en Grande-Bretagne, on peut citer
Kem
(l'Anglo-Egyptien Kimon Marengo), Fougasse (Cyril Kenneth Bird), grand blesse a
Gallipoli
en 1914-1918, dont le pseudonyme se refere au surnom d'une mine antipersonnel particulierement meurtriere, Jon (WJP Jones), Acanthus (Frank Hoar, architecte en temps de paix et caricaturiste durant la
guerre de 39-45
). Raff
[
12
]
(Bill Hooper, aviateur dans la RAF puis les FAFL et createur du calamiteux officier-pilote Percival Prune et de son alter ego l'aspirant Lapraline).
En
Union sovietique
, le pseudonyme
Koukriniski
dissimule trois mousquetaires de la caricature anti-nazie (Kouprianov, Krylov et Sokolov), travaillant en etroite collaboration et dont le talent eclectique va largement au-dela du dessin politique.
Dans l'Argentine du
XX
e
siecle, qui connut bien des episodes de dictature, le createur de
Mafalda
, l'Argentin Joaquin Salvador Lavado Tejon utilisait le pseudonyme de
Quino
.
On trouve plusieurs appellations possibles : nom de guerre,
nom de code
, nom de resistance, nom de clandestinite. Pour diverses raisons (guerre, resistance, opposition politique, clandestinite ou securite de la personne concernee ou celle de la famille), il est parfois necessaire de coder les messages et les noms d'etat civil des protagonistes.
La plupart des revolutionnaires de l'Empire russe prirent un pseudonyme :
- Vladimir Ilitch Oulianov, dit
Lenine
;
- Lev Davidovitch Bronstein, dit
Trotski
;
- Joseph (Iossif) Vissarionovitch Djougachvili, dit
Staline
.
En France, pendant la
Premiere Guerre mondiale
, Gustave Dupin, militant ouvrier, prit comme pseudonyme le nom de la commune d'
Ermenonville
afin de publier divers ouvrages sur cette guerre.
Dans la periode trouble de l'entre-deux-guerres, des activistes d'extreme droite, dissidents de l'
Action Francaise
, tentes par l'action violente et le
coup d' Etat
fondent l' O.S.A.R.N (Organisation Secrete d'Action Revolutionnaire Nationale) plus connue comme "
La Cagoule
". Les Cagoulards se lancent (non sans quelque amateurisme) dans l'action clandestine et utilisent des noms de guerre.
Eugene Deloncle
est connu comme "Marie",
Aristide Corre
comme "Dagore",
Jacques Correze
comme "La Buche" (il a travaille au grand magasin "Au Bucheron",
rue de Rivoli
a Paris). Dans un second temps La Cagoule se structure et incorpore des militaires aux opinions patriotes et conservatrices, comme
Georges Loustaunau-Lacau
qui prend le pseudonyme "
Navarre
" (sa region d'origine).
Maurice Duclos
, officier d'artillerie, prend pour pseudonyme "Saint-Jacques" (en reference a la station de metro parisienne) et incite les nouvelles recrues a prendre pour pseudonyme des noms de stations de metro (cf
Alexandre Beresnikoff
alias "Corvisart"). Passe ensuite a la Resistance, Maurice Duclos est aupres de
De Gaulle
a Londres. Il travaille au sein de son service de renseignements, le
BCRA
, et conseille la meme pratique.
Le chef du BCRA,
Andre Dewavrin
, prend egalement le pseudonyme de "Passy" (ulterieurement "Brumaire" pour une mission a haut risque en France occupee), ce qui le fera suspecter d'avoir appartenu a la Cagoule, y compris par le
FBI
americain dirige par
John Edgar Hoover
, accusation dont il se defendra toujours avec la derniere energie
[
13
]
.
Pendant la
Seconde Guerre mondiale
, les resistants ou les combattants des pays occupes par l'Allemagne nazie ayant rejoint les forces alliees prirent des ≪ noms de guerre ≫ ou de resistance. Certains noms resterent attaches par la suite au nom initial de l'etat-civil, en particulier pour les personnalites les plus en vue. On a meme vu le pseudonyme remplacer purement et simplement, de facon officielle, le nom d'etat civil initial. Quelques exemples :
- Jacques Delmas, nom de resistance Chaban, devint
Jacques Chaban-Delmas
;
- Henri Tanguy, nom de resistance Rol (en souvenir de
Theo Rol
), devint
Henri Rol-Tanguy
, en 1970 ;
- Philippe de Hauteclocque, nom de guerre Leclerc, devint
Philippe Leclerc de Hauteclocque
;
- Herbert Ernst Karl Frahm, nom de clandestinite
Willy Brandt
qui devint son nom legal quand il recupera sa nationalite allemande en 1948.
- l'
ingenieur aeronautique
Marcel Bloch,
juif
et refusant de travailler pour les
Allemands
, est deporte a
Buchenwald
. Son frere, le
general
Paul Bloch
, est membre de la
Resistance
[
14
]
sous divers pseudonymes dont
Chardasso
(
phonetique
de ≪
char d'assaut
≫). A son retour de
deportation
, Marcel fait changer officiellement son patronyme en Bloch-Dassault en 1946, puis en
Dassault
tout court en 1949
[
15
]
.
On utilisera egalement le terme ≪ nom de code ≫ ou ≪ blaze ≫.
Robert Barcia
a ainsi ete longtemps connu sous son seul ≪ blaze ≫, Hardy. Pierre Boussel est plus connu sous le nom de
Pierre Lambert
, nom porte dans la clandestinite politique et syndicale lors de la
Seconde Guerre mondiale
.
Dans le milieu de la
prostitution
et de la
galanterie
, les pseudonymes sont d’usage courant, voire systematique, mais peuvent correspondre a plusieurs realites :
- Pour les prostituees au sens strict (rue, maison close…), le pseudonyme est d’abord destine a isoler la vie de ≪ femme publique ≫ a celle de la vie privee (famille, travail,
etc.
) ; le recours a n’importe quel prenom, de preference suggestif, peut laisser la place a des noms plus poetiques dont litterature et cinema font grand usage (
Belle de jour
,
Casque d'Or
,
Nana
…).
- Pour les grandes ≪
cocottes
≫ du
Second Empire
et de la
Belle Epoque
, le pseudonyme est plutot un moyen de s’assurer un statut social dont personne n’est dupe, mais qui facilite l'acces au grand monde. Ni
Liane de Pougy
, ni
Emilienne d’Alencon
, ni
Valtesse de La Bigne
n’avaient les titres de noblesse que leur pseudo-particule auraient laisse imaginer. En revanche, la
marquise de Paiva
, qui a debute comme simple Therese, a bien acquis ce titre par mariage, et Liane de Pougy a fini par devenir princesse
Ghika
, sans officier pour autant sous ce nom… Agustina Otero Iglesias est plus modeste, mais non moins adulee : elle s’est contentee du pseudonyme de Caroline Otero, mais tout Paris la surnomme
La Belle Otero
. On ne doit pas oublier que les cocottes sont souvent danseuses ou actrices, et que le pseudonyme qu'elles adoptent est souvent aussi un nom de scene, tel celui de
Mata Hari
.
- Plus pres de nous, le developpement de la
prostitution
sur internet a modifie l’usage des pseudonymes lies a la prostitution : la meme escort girl (mais aussi escort boy) dispose d’un nom d’emprunt identique a, ou distinct de, son identifiant, mais rien ne l’empeche d’user de pseudonymes differents suivant les sites qu’elle utilise. Plus volatils, ceux-ci peuvent etre des prenoms (souvent exotiques ou evocateurs), des qualificatifs (Blonde, Blackette…), des eloges autoproclames (Jolie, Diamant…), des indicateurs de specialite (Domina, Fontaine…), etc. avec toutes les combinaisons imaginables entre ces elements ainsi qu’avec une numerotation ou une localisation rendue necessaire par le grand nombre des Kim et autres Nina…
- Pour des raisons similaires, la plupart des
camgirls
et
actrices pornographiques
font usage d'un pseudonyme, et evitent generalement de devoiler leur veritable nom afin de se proteger de potentielles agressions.
De nombreuses communautes (
forums
,
chats
, jeux video en ligne,
pages wiki
) demandent a leurs usagers d'utiliser un pseudonyme lorsqu'ils communiquent entre eux. Le pseudonyme permet de masquer l'identite et les administrateurs d'une communaute encouragent les utilisateurs a reveler le moins de choses possibles sur leur identite non numerique. Ceci est fait afin de proteger les usagers qui seraient encore mineurs, d’empecher toute forme de vol d'identite sur le site ou d’eviter a ces derniers d'etre relies a leur identite reelle. Par contre, etant donne cet usage des pseudonymes, une meme personne peut visiter un site avec plusieurs pseudonymes differents ou plusieurs personnes peuvent visiter en partageant le meme pseudonyme.
A plus forte raison, sur les sites de rencontre et les sites libertins, les pseudonymes recouvrent le meme double besoin de marquage identitaire et de protection de l’anonymat.
L'usage du pseudonyme est egalement tres courant dans les sites de partage video comme YouTube. Il n'est cependant pas systematique et les videastes qui en utilisent un ne cachent pas toujours leur identite reelle.
On retrouve un phenomene similaire avec la propagation des blogs et des plates-formes d'expression, ou les pseudonymes sont utilises comme noms de plume afin de separer la personnalite publique de la personne privee, d'une maniere similaire a ce qu'on peut trouver dans le monde de la litterature. A titre d'exemple, on peut citer
Maitre Eolas
qui a notamment ecrit une serie de billets
[
16
]
sur son blog dans lesquels il explique son choix.
De plus, l'usage des pseudonymes tend a devenir le centre d'un debat sur internet, certains l'accusant de faciliter le
cyberharcelement
par l’anonymat qu'il confere et cherchant donc a les interdire ou les restreindre : on peut citer la tentative de la societe de jeux video
Blizzard
de rendre obligatoire l'utilisation du nom reel de l'utilisateur sur leurs forums dans le but de lutter contre les
trolls
et de reduire l'agressivite des discussions. Cependant, cette idee ne fait pas l'unanimite, les cas de harcelement se produisant aussi sous des identites reelles, de meme que la suppression totale du pseudonymat rendrait encore plus vulnerables les victimes de harcelement, qui seraient plus faciles a retrouver par leurs agresseurs.
Les pratiques graphiques et picturales du
tag
et du
graff
sont d'origine vouees a utiliser le pseudonyme, dit ≪
blase
≫ ou ≪ blaze ≫ en argot francais, comme support d'une forme de calligraphie, c'est l'une des plus importantes sources de pseudonymes de notre epoque apres
Internet
.
Dans le domaine du catch, les sportifs choisissent un ou plusieurs pseudonymes. De l'epoque faste du catch en France, autour des annees 1950, avec des representations parfois televisees a l'
Elysee-Montmartre
, sont restes des pseudonymes comme le "Bourreau de Bethune", "l'Ange Noir" et l'"ange blanc" (qui se produisit egalement a
Abidjan
dans le cabaret "le refuge" tenu par l'ex truand
Jo Attia
[
17
]
). Ce phenomene n'est toutefois pas limite a la France: on peut notamment citer
Hulk Hogan
(Terry Bollea) ou Santo (Rodolpho Guzman Huerta).
Pour les sportifs
lusophones
et
hispanophones
, comme les noms de famille sont souvent redondants (voir
Systeme traditionnel des noms espagnols
), il est parfois d'usage d'utiliser un pseudonyme pour se demarquer des autres individus (
Deco
,
Falcao
,
Nene
,
Ronaldinho
,
Rodri
…). Certains sportifs ne sont connus que par leur prenom qui fait alors usage de pseudonyme : (
Jese
,
Josimar
,
Marta
,
Neymar
,
Gilmar
,
Denilson
…). Au Bresil, il est commun de voir des
footballeurs bresiliens
qui utilisent le nom de leur
Etat
en tant que complement de leur prenom pour pouvoir se differencier les uns des autres (
Marcelo Goiano
pour le
Goias
,
Eder Gaucho
pour le
Rio Grande do Sul
,
Leo Mineiro
pour le
Minas Gerais
,
Marcelinho Paulista
pour l'
Etat de Sao Paulo
…).
Dans le monde de la
tauromachie
, les
matadors
se font parfois connaitre du grand public sous un nom d'emprunt, l'
apodo
, pseudonyme choisi en fonction de leur ville d'origine, d'une caracteristique physique ou d'un ancien metier. Ainsi
El Cordobes
, de son veritable nom Manuel Benitez Perez, a choisi comme nom de matador un pseudonyme signifiant ≪ le Cordouan ≫, par allusion a
Cordoue
, la ville ou il est ne
[
18
]
.
Nimeno II
(≪ le Nimois ≫), pour l'etat civil ≪ Christian Montcouquiol ≫, avait pris un pseudonyme en reference a
Nimes
, sa ville d'origine
[
19
]
.
Le sport automobile a souvent melange des classes sociales qui ne se seraient pas rencontrees dans d'autres contextes : d’une part des ouvriers et techniciens "sortis du rang" et ayant quitte l'usine ou l'etabli pour la piste, parfois d’anciens coureurs cyclistes passes a la moto et a l'automobile, et d'autre part de riches heritiers de familles huppees capables de financer leur passion.
Dans ce contexte les federations sportives de tutelle autorisaient l'inscription sous pseudonyme (
assumed name
en anglais) afin d'eviter les tracas qui auraient pu surgir dans les familles aristocratiques considerant qu'un de leurs membre pratiquait une activite socialement peu recommandable. D'autres raisons ont egalement contribue a cette coutume, notamment en rallye automobile (equipages mixtes pouvant faire soupconner une liaison extra-conjugale). Toutefois avec l'acceptabilite sociale et la mediatisation du sport automobile cette coutume est peu a peu tombee en desuetude, d'autant que les identites reelles des competiteurs sous pseudonyme etaient un ≪
secret de polichinelle
≫ dans le petit microcosme des sports mecaniques.
Exemples les plus connus :
Pierre Levegh
(alias Pierre Bouillin),
Marie Claude Beaumont
(alias Marie Claude Charmasson), Georges Philippe (alias
Philippe de Rothschild
),
Raph
(alias Comte Raphael Bethenod de Las Casas),
Geo Ham
(mecanicien, copilote mais aussi illustrateur automobile et styliste talentueux) alias Georges Hamel,
Biche
(coequipiere du champion de rallyes
Jean Claude Andruet
; alias Michele Espinosi-Petit, apparentee a la famille Grammont, industriels specialises dans le radio-television).
Pagnibon
(Alias Pierre Boncompagni).
Le tennisman
Jean Borotra
a parfois joue sous le pseudonyme (quelque peu transparent) ≪ Ortabor ≫ dans un contexte bien particulier : etudiant a l'
Ecole polytechnique
dans une promotion speciale reservee aux etudiants ayant connu la
Premiere Guerre mondiale
, il participe a ses premiers tournois majeurs dont les dates coincident avec ses examens partiels ; il envoie son ami tennisman
Louis Leprince-Ringuet
passer l'examen a sa place tandis qu'il se consacre au sport
[
20
]
.
En
droit
, l'usage d'un pseudonyme est couramment admis, il se constitue du nom de l'interesse suivi du prefixe ≪ dit ≫ avant le pseudonyme choisi. La mention du pseudonyme sur la carte d'identite en
France
est une tolerance de l'administration, qui n'est pas systematiquement accordee
[
21
]
. Il est egalement possible d'ouvrir un compte bancaire sous son pseudonyme, mais cette possibilite reste toutefois a la libre appreciation suivant les differentes administrations
[
22
]
. Pour obtenir la mention sur les papiers d'identite, il faudra obtenir un acte de notoriete confirmant votre pseudonyme choisi, realise en etude notariale ou delivre par le
juge
du
Tribunal d'Instance
du lieu de residence a la suite du depot aupres de celui-ci d’une requete a cette fin prouvant l'usage ≪ constant et ininterrompu et denue de toute equivoque ≫ de ce pseudonyme.
L'usage du pseudonyme est meme parfois expressement autorise, comme en
droit d'auteur
: le
code de la propriete intellectuelle
organise les droits de l'
auteur
qui publie sous pseudonyme
[
23
]
.
Certaines professions ne peuvent pas exercer sous couverture d'un pseudonyme comme les medecins, les dentistes et les sages-femmes, sous peine de 4 500
€
d'amende. Et concernant les architectes, ils peuvent exercer sous pseudonyme, a la seule condition qu'ils soient inscrits au tableau de l'ordre des architectes sous ce pseudonyme et aient en leur possession un acte de notoriete.
L'appreciation du pseudonyme est laissee a l'administration prefectorale ou communale et un pseudonyme n'est pas transmissible a sa descendance ni a son conjoint.
En
France
, on peut mentionner le pseudonyme d'une personne a la suite de l'identite reelle de l'interessee en le faisant preceder du terme
latin
≪
alias
≫, qui signifie ≪ autrement ≫, ≪ par ailleurs ≫. Exemple pour
Boris Vian
, auteur ayant ecrit egalement sous le nom de plume de Vernon Sullivan : ≪ Boris Vian,
alias
Vernon Sullivan ≫.
Il est toutefois preferable d'utiliser le participe ≪ dit ≫ suivi du pseudonyme. Exemple : ≪ Roman Kacew,
dit
Romain Gary ≫.
Sous l'influence de l'
anglais
, ≪
aka
≫ (ou a.k.a.),
acronyme
de ≪
also known as
≫ (litteralement ≪ connu aussi sous le nom de ≫), est parfois utilise, surtout par des musiciens contemporains.
On a aussi la possibilite d'introduire le pseudonyme par l'expression ≪ i.e. ≫ (abreviation latine de
id est
, equivalent de ≪ c'est-a-dire ≫) et du nom reel, comme dans certains systemes
bibliographiques
, tel celui de la
British Library
: ≪ Ajar, Emile, (i.e. Gary, Romain) ≫.
- ↑
Quand il est utilise par plusieurs personnes, on parle de
pseudonyme collectif
(cas soit des co-auteurs d'une meme œuvre, soit de la succession d'auteurs dans une meme serie).
- ↑
Paveau M.-A., 26 aout 2012, Linguistique et numerique 4. Les ecritures de Protee : identites pseudonymes, La pensee du discours [carnet de recherche],
http://penseedudiscours.hypotheses.org/?p=10057
- ↑
≪
NOM nom masculin
≫, sur
dictionnaire-academie.fr
(consulte le
)
.
- ↑
Pierre Petifils,
Nerval
Julliard, 1986, coll. Biographie,
p.
21-22
(
ISBN
2-2600-0484-9
)
- ↑
Francois (orthographie ≪ Francoys ≫ dans la plupart des premieres editions) Rabelais publia ses premieres œuvres de fiction sous son pseudonyme anagrammatique Alcofrybas (ou Alcofribas) Nasier ; il est possible aussi qu'il ait utilise son autre pseudonyme, egalement anagrammatique, pour certains de ses opuscules astrologiques, celui de Serafino Calbarsi (ou Calbarsy) ; c'est ce que semblent dire Madeleine Lazard (dans
Rabelais
, Hachette Litteratures, coll. Pluriel, 1993,
p.
104) et Raymond Lebegue ("Les anagrammes de Villon a Malherbe",
Comptes-rendus des seances de l'Academie des Inscriptions et Belles-Lettres
,
113
e
annee, N. 2, 1969,
p.
243-250
).
- ↑
Andre Maurois
,
Promethee ou la vie de Balzac
, Hachette, 1965
p.
66-110
. Deux ans apres la mort de son pere, l'ecrivain rajoute une particule a son nom lors de la publication de
L'Auberge rouge
,
1831
, qu'il signe ≪ de ≫ Balzac : Anne-Marie Meininger,
Introduction a L'Auberge rouge
. La Pleiade, 1980, t. XI,
p.
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Sur les autres projets Wikimedia :
- Maurice Laugaa,
La pensee du pseudonyme
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ISBN
978-2-13-039307-8
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Termes bases sur le suffixe
-onyme
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