La verrerie de Pierre Mitchell ressemblait a celle-ci, creee par son fils vers 1756. Gravure de 1837.
Pierre Mitchell
(1687-1740) est un
industriel
bordelais, fondateur de la
verrerie
royale de Bordeaux, qui devient la plus grande productrice de bouteilles en France.
D'abord charpentier de barriques, Mitchell fonde en
1723
la premiere verrerie bordelaise. Il en developpe la production et la commercialisation, et en fait la principale fabrique de bouteilles en France. Il est le createur de plusieurs formes de bouteilles, notamment la caracteristique
bordelaise
qui a encore la meme forme de nos jours.
Il obtient que sa verrerie soit promue
manufacture
royale en
1738
, sous le nom de ≪ Verrerie royale de Bordeaux ≫, avec privilege d'exclusivite. Il en developpe l'industrie et le negoce, se lance par ailleurs dans
l'armement de navires
et le commerce maritime. Il cree aussi le domaine viticole du
Chateau du Tertre
.
Issu d'une ancienne famille anglaise etablie en Irlande, Pierre Mitchell est le fils de Jean Mitchell,
ecuyer
, et d'Elisabeth O'Connel ; il est le petit-fils de Lawrence Mitchell, ecuyer, de filiation noble depuis le
XIV
e
siecle
[
1
]
. Pierre est baptise a
Dublin
le
. Son pere s'engage, lors de la
Glorieuse Revolution
, du cote des
Stuart
; a la suite de la deroute des partisans du roi
Jacques II d'Angleterre
, il fait partie des nombreux
refugies jacobites
a le suivre dans son repli en France.
La verrerie creee par Mitchell se repere de loin avec sa grande cheminee en forme de cone. Gravure de 1830.
Pierre Mitchell se fixe dans le
Bordelais
. Il y est d'abord
charpentier
de
barriques
. La modestie de sa condition se reflete dans son contrat de mariage, ou il reconnait humblement qu'il n'a rien d'autre a proposer que ses competences dans son metier
[
2
]
.
Il fonde ensuite la premiere
verrerie
du Bordelais, d'abord en louant une maison et un terrain a la palu des
Chartrons
, ou il construit son premier fourneau. Cependant, le terrain ne convenant pas et le loyer etant trop eleve
[
3
]
, il demenage a
Eysines
, pres de Lescombes
[
4
]
.
En
1723
, Pierre Mitchell presente au
Conseil d'en haut
le secret dont il dispose pour la fabrication des bouteilles
[
5
]
, fonde notamment sur l'utilisation de la
houille
a la place du bois, ce qui garantit un verre plus resistant et de production moins couteuse en energie
[
6
]
. L'expose de Mitchell convainc les autorites, qui lui accordent le droit de creer son usine de fabrication de verre ≪ a la facon d'Angleterre ≫
[
7
]
. Un tel developpement repond en effet a la volonte
mercantiliste
de l'Etat de rattraper le retard, dans certains secteurs, de l'industrie nationale vis-a-vis des pays concurrents. L'exemple de Mitchell est de ce point de vue exemplaire du role tenu par les migrations jacobites dans la circulation des techniques industrielles en Europe au
XVIII
e
siecle
[
7
]
.
Mitchell fonde alors veritablement son entreprise en s'installant, au
faubourg des Chartrons
, a l'emplacement actuellement occupe par la rue de la Verrerie, l'impasse Mitchell, la place Mitchell, la rue d'Aviau et le cours de Verdun ; a l'epoque, l'endroit est couvert de marais, de vignes et de champs
[
4
]
,
[
8
]
.
Les lettres patentes des
et
reconnaissent sa primaute et lui accordent meme un privilege d'exclusivite. Cependant, lorsqu'en 1726 un concurrent
[
9
]
s'installe a
Bourg
pres de Bordeaux, les demarches de Mitchell pour s'y opposer demeurent vaines. La
chambre de commerce
, consultee par l'intendant, preconise le rejet de la demande de Mitchell :
≪ Le sieur Mitchell n'a qu'a faire des verres et bouteilles superieurs a ceux de la manufacture de Bourg et il la fera tomber d'elle-meme ≫
[
10
]
.
Pierre Mitchell obtient par la suite pour sa verrerie le titre envie de
manufacture
royale par
lettres patentes
du
. Elle devient alors la
≪ Verrerie royale de Bordeaux ≫
.
Mitchell est le premier a produire des bouteilles dans le bordelais.
La
verrerie
de Pierre Mitchell est la premiere verrerie bordelaise, et devient rapidement le principal centre de production de
bouteilles
en France
[
11
]
, meme si les debuts sont difficiles et les incidents nombreux
[
5
]
. Sa reussite est fondee notamment sur l'importation de houille britannique, plus abordable et de meilleure qualite que celle du Massif central, et de
salicor
, une cendre de
varech
importee d'Angleterre ou d'Irlande, qui a la propriete d'abaisser la temperature de fusion du verre, ce qui permet de moins consommer de combustible et donc de reduire les couts de production
[
6
]
.
La construction du grand four de la verrerie Mitchell, en forme de cone, est fortement similaire aux premiers fours anglais de ce type, en
cone-glass
; il en existait un a
Dublin
ou Mitchell habitait avant de s'installer a Bordeaux. Ce grand four en forme de cone est alors visible de loin dans le paysage bordelais
[
12
]
.
En fabrication de
bouteilles
, Pierre Mitchell serait le createur du
Jeroboam
, ainsi nomme par les Bordelais en 1725, et de la
bordelaise
[
13
]
. Le controleur Lemarchant en visite chez Mitchell en 1749 y observe une tres grande variete de formes et de tailles
[
12
]
.
Mitchell entame une large politique de diversification de ses activites. Industriel, negociant, il cree un domaine viticole et devient
armateur
pour le commerce maritime.
Pierre Mitchell se constitue un
≪ domaine viticole de premier ordre ≫
[
14
]
. Il rachete d'abord, en 1724, une partie de la seigneurie d'
Arsac
; ensuite il agrandit progressivement son domaine, par plus de vingt actes notaries, et il y fait construire le
Chateau du Tertre
vers 1736
[
14
]
. Ce vignoble sera un cinquieme grand cru dans la
classification officielle des vins de Bordeaux de 1855
.
Armateur, il achete successivement en janvier et
le
Saint-Pierre
,
galere
de 140 tonneaux et 6 canons, et le
Saint-Francois
, de 60 tonneaux, pour le commerce maritime
[
15
]
.
Pierre Mitchell est mort le
a
Bagneres-de-Bigorre
.
- Pierre Mitchell epouse Jeanne O'Hicky
[
16
]
, et en a trois filles et un fils
[
4
]
:
- Elizabeth Mitchell, qui epouse vers 1745 Armand Saige, directeur de la Chambre de commerce, oncle du futur maire
Francois-Armand de Saige
[
17
]
.
- Anne-Marie Mitchell (1725-1760), qui epouse en 1750 Louis
de Larmandie
, ecuyer, de Bergerac
[
18
]
.
- Marie-Anne Mitchell (morte en 1792), qui epouse en 1750 le chevalier Jean Carton, ou Carton de Grammont, president
tresorier de France
[
19
]
; ils sont les parents du colonel Armand-Julien Carton de Grammont.
- Francois-Patrice Mitchell
(v. 1740-1792), industriel verrier, negociant et armateur, qui succede a son pere ; il epouse en 1774 Peggy Elise Lynch, fille de Thomas Lynch, ecuyer, et de Petronille Drouillard (fille de
Pierre Drouillard
), et sœur du comte
Jean-Baptiste Lynch
, maire de Bordeaux, pair de France, et du depute
Thomas-Michel Lynch
.
Apres la mort du fondateur, la verrerie Mitchell est dirigee par sa veuve, puis a sa majorite par leur fils
Francois-Patrice Mitchell
. Celui-ci cree un deuxieme etablissement vers 1756
[
20
]
et continue l'extension de l'entreprise. Il devient
jurat
de Bordeaux et obtient de
Louis XVI
, en septembre
1777
, des lettres de reconnaissance de leur ancienne
noblesse
, avec le titre de
gentilhomme verrier
et le droit de continuer a diriger son industrie sans
deroger
a la condition de noble.
La verrerie fondee par Pierre Mitchell est transferee en
1819
par les fils de Francois-Patrice, Pierre-Thomas et William, quai de Bacalan. Les fils de Pierre-Thomas etendent l'activite et creent une autre verrerie en 1855
[
4
]
. L'activite se maintient jusqu'aux annees 1930
[
5
]
.
Place Mitchell a Bordeaux.
Le souvenir des Mitchell et de leur verrerie est conserve dans la
toponymie bordelaise
qui leur rend hommage :
- Place Mitchell, a
Bordeaux
[
8
]
.
- Impasse Mitchell, a Bordeaux.
- Rue Mitchell, devenue par corruption la rue Michel
[
4
]
, a Bordeaux.
- Rue de la Verrerie, a Bordeaux.
- ≪ Mitchell ≫
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Pour l'anecdote et la citation : voir
Gallinato 1992
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[PDF]
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- ↑
Voir la notice sur la
≪
Bouteille de Bordeaux sur le site du musee des boissons et de la sommellerie
≫
- ↑
a
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- ↑
Clarke de Dromantin 2005
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- ↑
Ou Jane O'Hickey, egalement orthographie Hickey, Hickie ou Hicki.
(en)
≪ O'Hickey ≫, Edward Mac Lysaght,
Irish families, their names, arms and origins
, Dublin, Allen Figgis, 1972,
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- ↑
(en)
Keith Michael Baker,
Inventing the French Revolution: essays on French political culture in the eighteenth century
, Cambridge University Press, 1990,
p.
130-131
[
lire en ligne
]
.
- ↑
Pierre Meller,
Etat-civil des familles bordelaises avant la Revolution : Mariages
, Bordeaux,
, 359
p.
(
lire en ligne
)
- ↑
Clarke de Dromantin 2005
,
p.
127.
- ↑
Clarke de Dromantin 2005
,
p.
323, 327.