Paradoxe sur le comedien

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Paradoxe sur le comedien
Auteur Denis Diderot
Pays Drapeau de la France France
Genre Essai
Editeur Sautelet
Lieu de parution Paris
Date de parution 1830

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Le Paradoxe sur le comedien est un essai sur le jeu de l'acteur que Denis Diderot redige d'abord sous la forme monologique d'un compte rendu critique en 1769, puis qu'il transforme en dialogue entre un Premier et un Second interlocuteur, entre 1773 et 1777. Ce dialogue n'est diffuse, du vivant de Diderot, que via la tres confidentielle Correspondance litteraire . Il ne sera publie a titre posthume qu'en 1830.

Il s'agit, selon Constantin Stanislavski , d'un des plus importants ouvrages theoriques sur le jeu de l'acteur [ 1 ] .

Quel est le paradoxe ? [ modifier | modifier le code ]

La these de Diderot est un paradoxe : on pourrait croire que le meilleur acteur est celui qui met le plus de lui-meme dans ce qu'il joue, celui qui joue ≪ de sensibilite ≫. En fait c'est tout le contraire : le grand acteur est celui qui joue de sang-froid (au XVIII e  siecle, on ecrit de sens froid, en gardant le sens, la raison, la tete froide).

Une notion clef : le modele ideal [ modifier | modifier le code ]

Ce paradoxe repose sur une notion theorique fondamentale, la notion de modele ideal . Le grand acteur ne joue pas directement son role, il ne cherche pas a s'identifier a son personnage. Il etudie ce personnage, il lit a son sujet, il se l'imagine, il s'en forge un ≪ modele ideal ≫. Ensuite, il n'aura plus, pour jouer, qu'a copier ce modele : sortir de lui-meme, s'aliener, pour entrer dans ce modele qui n'est pas lui (en cela, le sang-froid diderotien se rapproche de la distanciation brechtienne). Plus il joue, plus l'acteur de sang froid perfectionne ce modele, alors que l'acteur qui joue de sensibilite depense sa sensibilite a la premiere representation, puis s'epuise et se lasse.

Deux espaces de representation a priori opposes : le Salon et la Scene [ modifier | modifier le code ]

Pour demontrer ce paradoxe, Diderot oppose deux espaces de representation, le Salon et la Scene [ 2 ] . Le Salon, c'est l'endroit ou l'on cause, ou chacun peut lancer un bon mot, raconter une bonne histoire : une anecdote ne se repete pas ; s'il faut la repeter, elle est refroidie, plus personne ne rit. L'espace du Salon est gouverne par la sensibilite. Au contraire, l'espace de la Scene est fondamentalement un espace ou la meme histoire peut etre repetee indefiniment : plus l'acteur la joue, plus il gagne en experience et ameliore sa performance. D'ailleurs les histoires ne sont pas du tout racontees de la meme maniere au Salon et sur la Scene : sur Scene, tout est agrandi, exagere pour produire l'effet dramatique voulu ; au Salon, l'agrandissement theatral serait ridicule.

Renversement du paradoxe : jouer sur scene comme au salon… [ modifier | modifier le code ]

A ce point de la demonstration, Diderot renverse la perspective : le probleme est que cet agrandissement theatral ne marche plus. On ne veut plus de cette grandiloquence au theatre, elle est passee de mode. Le theatre contemporain (Diderot evoque par exemple Sedaine ) exige qu'on se rapproche au plus pres de la nature, avec le moins possible d'agrandissement. Bref qu'on joue sur la scene comme si l'on etait au salon : c'est ce que Diderot a tente de mettre en œuvre en 1757 dans Le Fils naturel et de theoriser dans les Entretiens publies avec le texte de la piece.

Mais qu'en est-il des lors du sang-froid ? Les dernieres pages du dialogue sont difficiles a comprendre car on a l'impression que les positions respectives des deux interlocuteurs sont renversees… Diderot coupe court et nous laisse a nos interrogations…

Editions [ modifier | modifier le code ]

  • Paris, Sautelet, 1830. Premiere edition (disponible dans GoogleBooks .
  • Paradoxe sur le comedien avec, recueillies et presentees par Marc Blanquet et les opinions de 21 personnalites. Editions Nord - Sud, 13, rue Gregoire-de-Tours , Pars (VIe). 1949.
Editions critiques ou commentees
  • Paradoxe sur le comedien, avec, recueillies et presentees par Marc Blanchet, les opinions de (21 personnalites du theatre et du cinema) , Librairie theatrale, 1958.
  • Denis Diderot, Paradoxe sur le comedien, introduction et notes de Stephane Lojkine , preface de Georges Benrekassa , Paris, Armand Colin , , 234  p. ( ISBN   978-2-200-31311-1 )
  • Denis Diderot, Paradoxe sur le comedien  ; precede de, Observations sur une brochure intitulee : Garrick, ou, Les acteurs anglais  ; enrichi de, Observations sur un ouvrage intitule : Traite du melodrame, ou, Reflexions sur la musique dramatique , par M. Le Chevalier de Chastellux, texte etabli et commente par Jane Marsh Dieckmann, Paris, Hermann, 1996 ( ( ISBN   978-2-70566302-5 ) ).
  • Denis Diderot, Paradoxe sur le comedien , Sabine Chaouche (ed.), Paris, Flammarion , 2000.
  • Denis Diderot , Denis Podalydes et Gabriel Dufay , Paradoxe sur le comedien , Archimbaud - Les Belles Lettres ,
    Editions du Paradoxe sur le comedien precedee d'un entretien entre Denis Podalydes et Gabriel Dufay intitule ≪ L'Acteur et le paradoxe ≫.

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

  1. Andrew S. Curran, Diderot and the Art of Thinking Freely, Other Press, 2019, p. 329
  2. Stephane Lojkine, L'Œil revolte , Paris, Jacqueline Chambon, , 475  p. ( ISBN   978-2-7427-7251-3 , lire en ligne ) , p.  241-255

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • Patrick Tort , L'Origine du Paradoxe sur le comedien. La partition interieure , Paris, Vrin, 1980.