Un
marche
est l'
institution sociale
abstraite ou se rencontrent l'
offre et la demande
de
biens
ou de
services
. Le marche est ainsi le lieu, physique ou virtuel, ou les echanges commerciaux ont lieu.
Dans son
acception
la plus ancienne, un marche est une
institution
qui accueille un commerce localise precisement dans l'espace et le temps mais de
dimension
variable, par exemple les
marches traditionnels
, les
marches aux puces
et
Lloyd's of London
. Cette institution est dite aussi ≪ place
de
marche ≫ (d'ou la notion d'emplacement) meme si les parties contractantes ne sont pas physiquement reunies au meme endroit. Sous l'effet de la
transformation numerique
, les places de marche incluent desormais aussi certaines formes de
commerce en ligne
, c'est-a-dire les places de marche dematerialisees ou plateformes de commerce electronique, comme une multitude de
places de marche accessibles par l'internet
. Etant donne ces formes dematerialisees, cette acception du marche est maintenant mieux caracterisee par l'existence d'une autorite organisatrice dediee, generalement dotee de la
personnalite juridique
, plutot que par l'emplacement geographique comme autrefois.
Le marche est une institution sociale, qui assure la possibilite d'une rencontre entre des offreurs (qui detiennent un bien ou un service) et des demandeurs (qui souhaitent acheter un bien ou un service). A ce titre, le marche est la condition de la possibilite du commerce
[
1
]
.
Paul Samuelson
et
William D. Nordhaus
definissent le marche comme
≪ un mecanisme par lequel des acheteurs et des vendeurs interagissent pour determiner le prix et la quantite d'un bien ou d'un service ≫
[
2
]
.
En tant qu'institution sociale, le marche peut aussi se definir fonctionnellement et minimalement comme un processus de coordination entre plusieurs
fournisseurs
/
vendeurs
et plusieurs
clients
/
acheteurs
. Ces derniers sont mutuellement independants. La rencontre aboutit a et inclut l'
echange volontaire
de biens ou services
substituables
, sous la forme de
transactions
, sans limites particulieres d'espace ni de temps
[
3
]
.
Le marche est une abstraction. Il ne s'agit pas necessairement d'un marche physique, avec des etals. Le concept permet de resumer la rencontre entre des offreurs et des demandeurs aboutissant a des achats. Pour
Roger Guesnerie
[
4
]
, le terme generique de marche est une
abstraction
qui recouvre des
≪ abstractions intermediaires qu'on appelle les marches ≫
. Il existe des marches de
biens et services
,
marches financiers
,
marches monetaires
,
marches du travail
, et meme ? a la suite du
protocole de Ky?to
? un marche du ≪ droit de polluer ≫ qui se developpe dans le cadre de la
bourse du carbone
.
Ainsi,
Augustin Cournot
ecrit
≪ on sait que les economistes entendent par marche, non pas un lieu determine ou se consomment les achats et les ventes, mais tout un territoire dont les parties sont unies par des rapports de libre commerce, en sorte que les prix s'y nivellent avec facilite et promptitude ≫
[
5
]
.
Pour Philippe Aurier
[
6
]
(1990), qui s'interesse dans le cadre de sa these a l'
analyse de la structure des marches
dans le contexte de la concurrence entre marques,
≪ un marche est constitue par un ensemble de produits ou de marques entretenant une forme particuliere de relation ; Pour definir un marche, il est donc necessaire :
- de definir la nature de la relation: pour l'etude de la "realite du consommateur", cette relation s'analyse en termes de substituabilite. Pour l'etude de la "realite de marche", cette relation s'analyse en termes de concurrence et d'influence respective des actions marketing des marques les unes sur les autres.
- de definir l'objet de la relation, ce qui revient a preciser le degre de generalite du marche defini. L'objet de la relation peut etre la satisfaction d'un besoin du consommateur, deux marques sont substituables parce qu'elles se proposent de satisfaire le meme besoin du consommateur. L'objet de la relation peut etre defini en termes de puissance et de "relations conflictuelles entre marques" (correspondant a une volonte de prise de part de marche), il s'agit alors de concurrence (voir tableau suivant) ≫
[
7
]
.
Dans une acception qui correspond a une categorie de commerce plus diffuse dans l'espace et le temps, un marche designe aussi un
segment commercial
correspondant a des categories particulieres de biens ou services, d'acheteurs, d'aire geographique, ou de forme institutionnelle, par exemple le ≪ marche des
deux-roues
≫, le ≪ marche de l'argent ≫, le ≪marche de
la menagere de moins de cinquante ans
≫, le ≪ marche
italien
≫, les ≪
marches internationaux
≫. Cette acception du marche est purement
analytique
et ne s'accompagne pas d'une autorite organisatrice dediee. Le ≪ marche ≫ designe alors les echanges commerciaux de facon
generique
, sans limites d'espace, de temps, de categories d'objets ou d'acteurs, ni de forme institutionnelle, par exemple dans l'
economie de marche
. Par
metaphore
, un marche peut aussi designer une categorie d'echanges sociaux non commerciaux, comme le ≪ marche des idees ≫.
Par
metonymie
, un marche peut aussi designer la demande individuelle qui donne lieu a une transaction ou bien la transaction elle-meme, comme dans l'expression ≪
faire un marche
≫. Cette acception peut etre technique dans le cadre d'un
appel d'offres
lance a un ensemble de vendeurs, comme un
marche public
dans le cas ou l'acheteur serait une
administration publique
.
Outre d'eventuelles autorites organisatrices, la plupart des marches modernes sont formellement
gouvernes
par de multiples
regimes juridiques
et
autorites de tutelle
, plus ou moins specialises par segment commercial, par exemple la
Repression des fraudes en France
, les
autorites de la concurrence
, les
SAFER
pour le marche
foncier
rural
en France, etc. Le commerce peut etre regi en plus par des
traites
, des
organismes
et des associations internationaux ou des
organisations supranationales
.
Deux conditions importantes au bon fonctionnement d'un marche sont la
liberte commerciale
et la participation de plusieurs vendeurs et plusieurs acheteurs :
Dans les societes primitives les biens etaient mis en commun puis redistribues. Les echanges de biens et de services se faisaient egalement dans le cadre d'alliances durables ou combines a des liens sociaux ou couples a une certaine reciprocite
[
8
]
.
L'activite marchande s'est developpee il y a plus de mille ans entre les cites mesopotamiennes. Elle etait administree par les pouvoirs en place qui remuneraient les commercants. Le commerce proprement dit est ne mille ans plus tard a partir des cites pheniciennes
[
9
]
.
Les marches locaux ont ete crees au Moyen Age par les princes
[
10
]
. Ils ont frequemment ete mis en place par la violence pour permettre aux seigneurs de convertir en especes les prelevements en nature effectues sur les paysans. Le seigneur determinait les lieux du marche, les dates ou il avait lieu, voire les prix. Ces marches etaient reglementes dans l'interet du seigneur et des populations
[
11
]
. Ils servaient a subvenir aux besoins de la localite et a fournir des produits de la campagne et des ustensiles de la vie de tous les jours. Cet echange marchand etait d'ordinaire un metier secondaire pour les paysans ou les personnes occupees a une industrie domestique
[
12
]
.
Le commerce proprement dit s'est developpe lors du Moyen Age a partir du commerce exterieur
[
13
]
. Ce commerce avait lieu dans les foires et les ports. Il etait sans influence sur les marches locaux et sur l'organisation interieure de l'economie
[
14
]
. Avant le Moyen Age,
≪ le commerce exterieur (relevait) plus de l'aventure, de l'exploration, de la chasse, de la piraterie et de la guerre que du troc ≫
[
15
]
.
Max Weber
considere que le marche releve de la modernite, et insiste sur la
rationalite
introduite par le marche dans la societe moderne, qu'il oppose a la rationalite plus partielle des communautes anciennes :
≪ La
sociation
par l'echange sur le marche en tant qu'archetype de toute activite sociale rationnelle, s'oppose maintenant a toutes formes de communaute dont nous avions parle jusqu'a present, lesquelles n'impliquent qu'une rationalisation partielle de leur activite communautaire ≫
[
16
]
.
L'economie a etudie les mecanismes d'ajustement qui president les marches. Le marche etablit l'equilibre entre l'offre et la demande par l'intermediaire des prix. Cet equilibre est obtenu grace aux retroactions negatives. Si les prix montent, la demande diminue. S'ils baissent, elle augmente.
Leon Walras
introduit la
notion
du
commissaire-priseur
en notant
≪ les marches les mieux organises sous le rapport de la
concurrence
sont ceux ou les ventes et les achats se font a la criee, par l'intermediaire d'agents tels qu'agents de change, courtiers de commerce, crieurs, qui les centralisent, de telle sorte qu'aucun echange n'ait lieu sans que les conditions en soient annoncees et connues et sans que les vendeurs puissent aller au rabais et les acheteurs a l'enchere ≫
[
17
]
.
Pour
Alfred Marshall
, l'ajustement sur le marche se fait avant tout par la
quantite
alors que pour Leon Walras, l'ajustement se fait par les
prix
[
18
]
.
Chez
Adam Smith
au contraire les prix ne sont pas donnes avant l'echange mais en resultent
≪ l'interet individuel ne resorbe et ne regle les ecarts des prix de marche que dans la mesure ou un premier ecart le constitue comme reagissant plutot qu'agissant ≫
[
19
]
.
Pour
Roger Guesnerie
[
20
]
pour qu'il y ait marche, au moins deux institutions sont necessaires. Selon Xavier de la Vega et les regulationnistes les institutions sont l'ensemble des regles formelles (lois, constitutions, reglements) et informelles (conventions, routines, normes sociales) qui encadrent les interactions
[
21
]
. Ces regles sont :
- Des
regles de droit
necessaires pour
garantir
les
echanges
.
Hernando de Soto
dans
Le Mystere du capital
insiste sur l'importance d'un systeme de droits de propriete clairement garanti par l'
Etat
. Selon lui, la generalisation et la standardisation des titres de propriete permet une plus grande confiance dans les relations entre acteurs economiques (et donc un marche plus fluide) qui entraine la creation d'un systeme complexe de mutualisation du risque (et donc un marche plus souple, moins soumis aux a-coups) pour
in fine
aboutir a une economie plus prospere.
- La
monnaie
Les
regulationnistes
font remarquer que, vu l'asymetrie d'information entre acheteurs et vendeurs, des dispositifs institutionnels sont necessaires pour fixer un prix. Par exemple : lois, agences de notation, lieux d'echange, marches au cadran, cotations electroniques, reputation. Au Moyen Age, les artisans se regroupaient dans des
guildes
afin de garantir la qualite des produits qu'ils offrent. De meme, l'agregation des offres et des demandes n'est pas spontanee. Au Moyen Age, les lieux, les dates des marches et les conditions de transparence etaient fixees par les seigneurs. Pour les regulationnistes, le marche est une construction sociale et non le resultat d'un etat de nature spontanement engendre
[
22
]
.
Depuis les travaux de
Ronald Coase
et de leur approfondissement par
Oliver Williamson
, les economistes distinguent deux modes de coordination des activites economiques : un mode decentralise, ou les individus sont libres : le marche ; un mode centralise ou les etres humains sont soumis a une hierarchie : la firme.
Le marche engendre des
couts de transaction
(recherche d'information, incertitude, opportunisme des agents, etc.) et la firme des couts d'organisation (appareil bureaucratique, difficulte de gerer des ensembles complexes, etc.). Si les couts de transaction sont inferieurs aux couts d'organisation, il est interessant de recourir au marche et pour les entreprises d'eventuellement adopter une
strategie d'externalisation
. Dans le cas contraire, il est interessant de recourir a la firme et eventuellement pour les societes d'adopter une strategie d'
integration verticale
ou d'
integration horizontale
.
Les travaux de
sociologie economique
sur les marches montrent que les marches sont des
constructions sociales
. Par exemple, l'etude de
Marie-France Garia-Parpet
sur le marche aux fraises en
Sologne
montre que le marche n'est pas ≪ naturel ≫ mais socialement construit et met en avant le role des economistes eux-memes dans la construction de ce marche parfait
[
23
]
,
[
24
]
.
Karl Polanyi
, dans son ouvrage
La Grande Transformation
, distingue la
societe de marche
de l'
economie de marche
. L'economie de marche se forme lorsque des biens strategiques qui n'avaient pas vocation a etre des marchandises sont traites comme telles. Il s'agit du travail, de la terre et de la monnaie. Ces biens n'avaient pas pour objet d'etre vendus. Ce n'etaient pas des marchandises. L'economie de marche devient une societe de marche lorsque le marche impose ses lois aux institutions et a la societe. Polanyi parle alors d'une societe encastree dans son economie alors que l'economie devrait etre encastree dans la societe
[
25
]
.
La relation entre l'Etat et le marche, et la frontiere entre l'activite des deux, est l'une des grandes questions de l'economie contemporaine
[
26
]
. Certains auteurs insistent sur le role de l'Etat, tandis que d'autres voient le marche comme une alternative plus ou moins partielle a l'Etat.
Charles Lindhom
, dans
The Market system
, remarque que
≪ si le systeme de marche est une danse, c'est l'Etat qui fournit la piste et l'orchestre ≫
: la puissance publique fournit les bases sur lesquelles le marche peut se deployer
[
27
]
.
Samuelson et Nordhaus ecrivent que
≪ l'essentiel de notre vie economique se deroule sans intervention de l'Etat ; c'est la vraie merveille de notre societe ≫
[
28
]
. Toutefois des
defaillances du marche
liees aux
externalites
aux
monopoles
, etc. peuvent justifier une intervention publique.
Le marche n'est pas independant de la societe. Le laissez faire n'a rien de naturel. Les marches ne sont pas auto-institues
[
29
]
. Les marches libres n'auraient pas existe si on avait laisse les choses a elle-meme
[
30
]
. La societe delimite la place du marche. Des choix existent malgre la pretention de certains a imposer un modele comme seul possible et seul efficace
[
31
]
. Le marche comme mecanisme est utilise plus ou moins intensivement dans une societe donnee
[
32
]
.
Karl Polanyi
estime qu'il y aurait a ce niveau un terrain de recherche que les sciences sociales devraient approfondir. Il faudrait pour cela coupler l'histoire economique et l'anthropologie sociale
[
33
]
. Il souligne que la fin de la societe de marche ne signifie pas du tout l'absence de marche. Le marche cesserait seulement d'etre un organe d'autoregulation economique
[
34
]
.
≪ le systeme politique qui permet a chacun de participer a la vie publique, qui reconnait chaque individualite et qui a finalement pour but d'aider chaque individu a etre acteur de sa vie ≫
[
1
]
. En effet, selon cet auteur, le marche suppose l'egalite des individus et s'oppose aux societes aristocratiques ou l'essentiel est le statut des personnes. Par ailleurs, le marche est un
≪ ferment de liberation ≫
comme le montre, pour Laurence Fontaine, le cas des femmes commercantes de
Nouakchott
[
1
]
. Enfin, le marche tend a pousser les individus a developper leur savoir et savoir-faire, leur
capabilite
pour reprendre un terme d'
Amartya Sen
[
35
]
. Toutefois, le marche peut etre aussi un lieu de tricherie et de violences, l'important alors c'est le systeme de lois qui les encadre
[
36
]
.
Selon Aglietta et Reberioux
[
37
]
le marche s'accommode de n'importe quel regime politique. Les decouvertes les plus recentes concernant les dates de naissance du marche etablissent que le marche n'est pas la matrice de la democratie
[
38
]
.
Polanyi estime que le fascisme est la consequence directe des dysfonctionnements d'une societe de marche
[
39
]
.
Le marche libre n'est lie a aucune norme ethique
[
40
]
. Il se justifie par son efficacite. A ce titre Hayek estime que le marche n'a pas a faire l'objet d'un jugement de justice
[
41
]
.
Pour
Jean Gadrey
, le marche libre conduit a un appauvrissement des relations sociales d'entraide et de proximite
[
42
]
. Ce que confirme Polanyi en citant un anthropologue specialiste d'une tribu africaine :
≪ [dans cette tribu] la misere est impossible. Il n'est pas question que quelqu'un, s'il a besoin d'etre aide, ne le soit pas ≫
. Sous le regime du marche les gens peuvent mourir de faim
[
43
]
. Jean Gadrey estime que les regles du jeu de l'economie marchande doivent etre etablies politiquement en prenant en compte le contenu social
[
44
]
.
Pour Boltanski et Thevenot cites par
Olivier Favereau
[
45
]
, le marche devrait s'inspirer de criteres de justice plutot que se contenter d'etre un mode de coordination.
L'economiste
Alvin Roth
a theorise la notion de
repugnance
pour designer la
reticence
des
agents economiques
vis-a-vis de l'instauration de certains marches comme le marche d'
organes
[
46
]
,
[
47
]
.
Une defaillance de marche est une situation de dysfonctionnement du marche. Les caracteristiques du marche optimal ne sont pas remplies, ce qui l'empeche de fonctionner. Certaines defaillances sont dues a la nature du marche elle-meme, et necessite alors l'intervention de la puissance publique
[
48
]
.
Bulles speculatives et mimetisme sur les marches
[
modifier
|
modifier le code
]
Certains auteurs soulignent que les acteurs sur les marches ont tendance a l'imitation et au
mimetisme
ce qui peut provoquer des
bulles speculatives
[
49
]
.
John Maynard Keynes
compare ainsi, dans la
Theorie generale de l'emploi, de l'interet et de la monnaie
(1936), les marches a des
concours de beaute
, quoique la comparaison vaille surtout pour les marches boursiers
[
50
]
.
Andre Orlean
releve que, sur un marche, les retroactions peuvent etre positives, notamment en cas de mimetisme
[
51
]
. La montee des prix de l'immobilier
[
52
]
ou d'actions en Bourse
[
53
]
accroit les achats des operateurs qui achetent pour revendre a plus ou moins court terme et tirer profit de cette hausse. Le marche est alors destabilisateur.
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- Ressource relative a la recherche
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Notices dans des dictionnaires ou encyclopedies generalistes
: