Un
manoir
est avant tout le siege d'un
domaine
d'origine
seigneuriale
[
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]
. C'est un terme utilise majoritairement dans le nord de la France. C'est la residence ou la
demeure
d'un
noble
, son
logis seigneurial
. La
maison forte
(manoir fortifie) n'est ni plus ni moins qu'un manoir qui arbore des elements defensifs (fosse, plate-forme ou talus) a la difference de la ≪ maison manoriale ≫ (manoir non fortifie)
[
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]
.
Le
batiment
est parfois designe aussi par le terme ≪ gentilhommiere ≫, l'habitation d'un ≪
gentilhomme
≫, c'est-a-dire d'un noble de naissance.
Il occupe un niveau intermediaire entre le
chateau
et la
ferme
[
2
]
. Avec son allure de
petit chateau
implante sur un
fief
ou un domaine, c'est donc bien souvent, dans un village ou un
hameau
, la
batisse
la plus vaste, la plus belle et la mieux equipee, puisqu’y habitait en general un
noble
. Ce dernier ne disposait generalement pas d'autres residences, contrairement a des seigneurs plus fortunes qui pouvaient, par exemple, detenir un
hotel particulier
dans la ville proche, plus confortable en hiver.
La distinction entre un manoir et un chateau n'est pas toujours claire et telle gentilhommiere sera tour a tour appelee manoir ou chateau. Jusqu'a la
Revolution francaise
, le manoir ? qui a designe d'abord la taxe imposee aux
manants
, puis le lieu du paiement d'icelle
[ref. necessaire]
? peut etre defini comme une demeure seigneuriale attachee a une
exploitation agricole
geree directement par le seigneur, c'est-a-dire par un membre de cette petite
noblesse
rurale qui ne frequentait pas la cour et n'exercait pas de fonctions honorifiques, militaires ou administratives.
En francais contemporain, c'est la plus ou moins grande magnificence de la demeure qui tend a faire le partage entre manoir et chateau.
Le terme est mentionne par le chroniqueur normand
Wace
sous la forme
maneir
en 1155 au sens de ≪ demeure, habitation
[
3
]
≫, puis de nouveau chez le meme ecrivain dans une autre de ses œuvres, vers 1160-1174, au sens de ≪ propriete, domaine ≫
[
4
]
.
Cependant, des le
XVII
e
siecle, son emploi ne se limite plus guere qu'a la poesie
[
5
]
et prend un sens burlesque des le milieu du meme siecle. Ce n'est qu'au
XIX
e
siecle qu'il est atteste au sens moderne de ≪ logis d'importance, petit chateau ≫.
Le mot manoir est a l'origine l'infinitif substantive de l'ancien francais
manoir
≪ demeurer, habiter ≫
[
6
]
, issu du gallo-roman
manere
, ≪ habiter ≫, du latin
manere
, ≪ demeurer un certain temps ≫
[
7
]
.
La construction de ces batiments remonte souvent au
XV
e
ou
XVI
e
siecle, c'est-a-dire le siecle qui a suivi la fin de la
guerre de Cent Ans
, temoignant d'une prosperite retrouvee par une population qui reste cependant toujours en proie a la crainte de troubles.
Un manoir etait generalement constitue d'un
corps de logis
et de dependances dont certaines pouvaient former une ou deux
ailes
, entoures de champs, de fermes, de paturages et de bois. Ce n'etait pas un edifice a vocation militaire, donc pas un
chateau fort
, puisqu'il etait interdit au
vassal
maitre des lieux de l'equiper de tours a vocation militaire et d'un
donjon
. En revanche, ils possedent en general une tour (ou tourelle) hors œuvre (c'est-a-dire accolee a la maison) abritant un escalier a vis qui permettait de circuler entre les niveaux de la maison, et dont la partie superieure, plus haute que celle-ci, etait souvent occupee par un
pigeonnier
? la detention de pigeons etant a l'epoque un privilege seigneurial, le nombre de niches etant determine par la taille du domaine agricole (souvent deux couples de pigeons par hectare).
Par extension, le terme de ≪ manoir ≫ a pu designer toute demeure de maitre ou d'agrement, de quelque importance entouree de terres cultivees, de toute facon bien remarquable parmi toutes les autres habitations, ≪
masures
≫ ou ≪
chaumieres
≫ occupees par le petit peuple, les manants, plus tard appeles ≪ manouvriers ≫.
Plus rarement encore, des documents anciens, dans certaines regions, font etat de ≪ manoir non amase ≫, designant une terre sans maison (≪ mas, masure ou maisiere ≫), parce que detruite depuis parfois un temps indetermine.
Le
domaine
du manoir etait largement autosuffisant et faisait commerce de certains surplus avec d'autres manoirs afin d'acheter le cas echeant quelques produits rares. Au gre du developpement des
marches
dans les villes du
Moyen Age
, les manoirs commencerent a se specialiser dans certaines productions : fabrication de fromage, elevage de porcs, viticulture, culture des cereales ou des legumes, etc.
Le ≪
maitre
≫ occupait le manoir avec sa famille, quelques domestiques et serviteurs. Aussi la fonction residentielle des chateaux prend-elle desormais le pas sur leur fonction defensive.
La population du domaine etait composee essentiellement de paysans (c'est-a-dire de roturiers). Les terres etaient initialement peuplees principalement de serfs qui passaient une grande partie de leur temps a travailler la terre du
seigneur
en echange de sa protection. Les
serfs
possedaient ou exploitaient pour leur subsistance juste quelques bandes de terre dans des champs du manoir. Si le serf n'etait pas un esclave, il n'etait pas pour autant libre. Il ne pouvait se marier, changer de metier ou quitter le manoir sans la permission de son seigneur, mais il avait cependant quelques droits. Son statut etait
hereditaire
et donc transmis a sa
descendance
. Sa terre ne pouvait lui etre ravie dans la mesure ou il remplissait ses obligations vis-a-vis de son seigneur. Si la relation entre seigneur et vassal peut sembler
a priori
comparable a celle de serf et seigneur, le Moyen Age faisait une distinction nette entre un contrat honorable visant a fournir au seigneur un service militaire et le simple travail fourni par le serf.
La fin du Moyen Age voit les guerres feodales disparaitre et le pouvoir royal se renforcer, garant d'une certaine stabilite politique. La technique agricole a fini par transformer la vie des serfs medievaux. Les rendements agricoles se sont accrus au fil du temps, ce qui a permis de faire commerce des surplus ainsi degages. De la, les
serfs
ont obtenu progressivement les moyens de racheter leur liberte. Pourtant, meme si a l'aube du
XIX
e
siecle, juste avant la
Revolution
, l'
Europe occidentale
ne comptait que peu de serfs, la masse des ruraux, parfois encore confrontee a la famine, vivait localement dans un etat d'extreme dependance economique, sociale et ≪ politique ≫ vis-a-vis des puissants du manoir (le
servage
a perdure en
Allemagne
jusqu'a la seconde moitie du
XIX
e
siecle et est une des causes de l'emigration de la population pouvant racheter son droit de quitter une terre).
- ↑
Emmanuel Litoux et Gael Carre,
Manoirs medievaux : Maisons habitees, maisons fortifiees (
XII
e
???
XV
e
siecles)
, Paris, Rempart,
coll.
≪ Patrimoine vivant ≫,
, 158
p.
(
ISBN
978-2-904365-47-8
)
,
p.
12
.
- ↑
a
et
b
Litoux et Carre 2008
.
- ↑
Brut
, 6902 ds T.-L.
- ↑
Rou
, ed. A. J. Holden,
III
, 2165, t. I, p. 241.
- ↑
Rotrou, Herc. mour., IV, 2 ds Littre.
- ↑
Vers 880,
Eulalie
, 9 ds T.-L.
- ↑
Informations
lexicographiques
et
etymologiques
de ≪ manoir ≫ dans le
Tresor de la langue francaise informatise
, sur le site du
Centre national de ressources textuelles et lexicales
.
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