Une
metonymie
est une
figure de style
qui, dans la
langue
ou
son usage
, utilise un mot pour signifier une idee distincte mais qui lui est associee. L'association d'idees sous-entendue est souvent naturelle (partie/tout, contenant/contenu, cause/effet, etc.), parfois symbolique (ex. couronne/royaute) ou encore logique
[
1
]
: l'artiste pour l'œuvre, la ville pour ses habitants, le lieu pour l'institution qui y est installee,
etc.
La metonymie est employee tres frequemment, car elle permet une expression courte, frappante, et souvent creative. Elle fait partie des
tropes
. D'innombrables metonymies sont figees dans les
langues naturelles
, comme
boire un verre
, alors que d'autres sont dues a la creativite des
locuteurs
comme dans le
vers
≪ Paris a froid, Paris a faim ≫
[
2
]
: ici
Paris
ne designe evidemment pas la ville elle-meme, mais bien la majorite de ses habitants.
Du
grec
μετωνυμ?α
/
metonumia
forme de
μετ?
/
meta
, ≪ deplacement ≫ et de
?νομα
/
onoma
, ≪ nom ≫, la
metonumia
(≪ changement de nom ≫) designe des l’
Antiquite
la figure.
La metonymie remplace un mot
A
, par un mot ou une courte expression de meme nature grammaticale
B
.
- A n’est pas explicitement nomme : il est remplace par B dans la phrase.
- La relation entre A et B est sous-entendue ; neanmoins, la formule utilisee devient incoherente si cette relation n'est pas comprise.
- Aucun mot-outil ne signale l’operation.
La metonymie est fondee sur un lien logique entre le terme exprime et le terme qu'il
remplace
. Les sous-sections suivantes presentent les liens logiques les plus frequents. Elles illustrent que les metonymies elaborent un sens complexe, et ne sont pas seulement des sortes de raccourcis linguistiques et referentiels.
- Boire un verre (= le recipient pour le liquide)
- ≪ Rodrigue, as-tu du cœur ≫
(
Pierre Corneille
,
Le Cid
) (= la qualite morale designee par la partie du corps censee en etre le siege)
- Je n'ai plus de batterie (= energie pour faire fonctionner mon telephone)
- La salle a applaudi (= les gens dans la salle)
- De nombreux plats gastronomiques tirent ainsi leur nom de l’ustensile traditionnellement utilise pour les preparer :
tajine
,
paella
,
etc.
Metonymie tres courante ou l’on remplace l’objet par la matiere le composant : un contenant a liquide est un ≪ verre ≫ alors qu’il existe d’autres matieres pour contenir un liquide ; ici on se focalise sur la silice.
Le ≪ papier ≫ d’un journaliste designe l’article, ecrit sur une ≪ feuille de papier ≫. Tout comme dans ≪ neon ≫ pour ≪ tube de neon ≫
[
3
]
. A ne pas confondre avec l'
ellipse
.
- ≪ Contempler un bronze de
Rodin
≫, pour une statue en bronze.
La synecdoque est une metonymie qui consiste a designer le tout par une partie.
- ≪ Cent voiles flottent a l'horizon ≫
. Il s'agit bien de bateaux qui voguent au loin, dont la
voile
est une partie - en l'espece, celle qui se distingue du plus loin.
- Il a trouve un nouveau toit
. Il a en fait trouve un logis designe ici par sa partie la plus protectrice.
- Des
capitales
ou des lieux associes servent a la metonymie, surtout en
politique
ou en
relations internationales
, pour designer le pays :
Washington
, la
Maison-Blanche
,
Moscou
, le
Kremlin
,
l'Elysee
,
Bruxelles
,
Pekin
…
L’
antonomase
designe un individu par l’espece a laquelle il appartient (un homme par sa
nationalite
par exemple), ou bien designe un individu par le nom d’un autre individu appartenant a la meme
espece
ou a la meme classe, en litterature : au meme
type
.
C’est ainsi que des personnages litteraires et romanesques en sont venus a designer des types de la vie de tous les jours : un ≪ harpagon ≫ pour une personne avare, un ≪ gavroche ≫ pour un enfant rebelle, un ≪ tartuffe ≫ pour un religieux hypocrite,
etc.
La minuscule signale d’ailleurs le changement de classe grammaticale : le terme est passe de
patronyme
a celui de substantif (on dit de nos jours : ≪ un tartuffe ≫, sans majuscule).
- ≪ Je ne me lasserai jamais de lire un Zola. ≫
- ≪ Consulter le Larousse. ≫
- La
madeleine
, selon les legendes, aurait porte ce nom en souvenir, ou en l'honneur de
Madeleine Paulmier
, jeune servante au chateau de
Commercy
qui l'aurait fait decouvrir. Le prenom lui-meme est une
antonomase
.
- Un zeppelin pour un dirigeable (du nom de l’inventeur,
F. von Zeppelin
)
Il s'agit la d'une synecdoque particularisante.
- ≪ L’emancipation de la femme ≫ pour ≪ des ≫ femmes.
C'est une sorte de
litote
de politesse
[ref. necessaire]
,
meme si la notion est sujette a divers sens
[pas clair]
.
- ≪ Avoir perdu sa langue ≫ (pour ≪ avoir perdu la parole ≫)
- ≪ D’une plume eloquente ≫ (pour ≪ dans un style eloquent ≫)
- ≪ Boire la mort ≫ (pour ≪ boire un breuvage mortel ≫)
On parle d’
eponymie
lorsque le nom propre donne naissance a un nom
generique
:
Adolphe Sax
donne son nom au ≪ saxophone ≫ et le
Marquis de Sade
au ≪ sadisme ≫.
- Mon pere est une sacree fourchette !
- Alors le premier violon de l’orchestre attaqua son solo.
- ≪ Boire un bourgogne ≫ (avec une minuscule), pour le vin produit dans la region Bourgogne.
La chute d'Icare
. Le titre de ce tableau est metonymique. En effet, il vient d'un detail du tableau ? une jambe, que l'on suppose d'
Icare
, emerge encore de la mer. La lecture du tableau est donnee par cette metonymie : le titre attire l'attention sur le detail et souligne l'eloignement des preoccupations humaines, tres prosaiques, representees a l'avant-plan du tableau, et des grands mysteres philosophiques, symboliques ou religieux.
Les tableaux de
Rene Magritte
presentent souvent des metonymies
[
4
]
. Dans
La Belle Saison
les feuilles sont une metonymie pour les arbres par exemple.
La metonymie permet d'attribuer des sens nouveaux aux mots et d'enrichir le vocabulaire. Designer par le mot
verre
un gobelet en
verre
dans lequel on boit, est bien une metonymie ; le lien logique sous-entendu est l'objet pour la matiere dont il est compose. Il ne s'agit plus ici d'une figure de style, car nous n'avons aucun autre mot en francais pour designer le meme objet ; on parle en ce cas de
catachrese
.
A l’origine du renouvellement de certains
lexemes
, constitues par metonymie, la figure est au fondement de maintes expressions quotidiennes. Lorsque l’on dit :
≪ On boit une bonne bouteille ≫
, on emploie une relation metonymique entre le contenu de celle-ci (le vin) et le contenant (la bouteille). D’un point de vue semantique, l’expression est fausse : on ne boit pas a proprement parler une
bouteille
mais ce qu’elle contient, ce qui revient a designer le contenu, par metonymie, ou relation
partie pour le tout
.
Il peut y avoir egalement double metonymie, signe d’une complexite lexicale certaine. Dans l’expression
≪ C’est une fine lame ≫
, designant un grand champion de la discipline du fleuret, il y a designation de l’agent pour un instrument (le champion est figure par le fleuret), de plus cet instrument est designe par un autre mot proche : la
lame
qui fait reference a l’epee, sport anterieur.
Lorsque la figure se banalise on emploie le terme de
catachrese
, percue comme un
abus de langage
, neanmoins a l’origine de la formation de nouveaux mots comme dans l’expression
≪ On boit un verre ≫
ou l’objet est designe improprement par la matiere dont il est fait.
Une metonymie courante et usee aboutit souvent a un
cliche
:
≪ Deux voiles cinglaient vers le couchant ≫
(ou les
≪ voiles ≫
designent des bateaux).
La metonymie est egalement souvent a l’origine des neologismes populaires et des expressions dites
≪ consacrees ≫
. Ainsi dans l’usage du terme
la
panacee
on designe un medicament ; la metonymie residant dans une relation entre la qualite d’un produit ideal et un nom commun de medicament.
- Metaphore
repose sur un rapport de
ressemblance
entre deux realites, or la metonymie se fonde sur un rapport de voisinage et sur un rapport de relation logique entre ces deux realites. Par exemple, une
≪ bouteille ≫
ne ressemble pas a du
≪ vin ≫
,
≪ Paris ≫
ne ressemble pas a ses
≪ habitants ≫
,
etc.
Cependant, alors que la metaphore opere sur des realites ressemblantes mais neanmoins eloignees l’une de l’autre (d’ou son caractere marquant), la metonymie, elle, met au contraire en jeu des elements habituellement voisins dans la langue (comme dans l’exemple ci-dessus : les habitants sont un element de definition d’une ville par excellence). Ainsi on parle de la metonymie comme d’une
figure du voisinage
car elle s’appuie toujours sur une relation logique et conventionnelle entre les termes substitues (voir ci-dessous le chapitre
metonymie et metaphore
).
Autre difference entre ces deux tropes : leur portee linguistique. La metonymie provient des possibilites de la langue, alors que la metaphore est une figure tres personnelle, reinventee par tous et par chaque auteur au gre de sa subjectivite et de sa creativite. En cela, la metonymie est davantage conditionnee par la syntaxe et par la semantique, elle ne peut intervenir que sur l’
axe syntagmatique
(ou axe des combinaisons des mots).
Si toutes deux operent un
deplacement
(processus qui explique leur etymologie commune), elles ne le font pas sur le meme plan linguistique :
≪ alors que la metaphore met en jeu des termes qui n’appartiennent pas au meme champ semantique, qui donc s’excluent semantiquement l’un l’autre (…), la metonymie, elle, opere sur des termes qui s’attirent, qui offrent entre eux des combinaisons potentielles et qui presentent (…) une coherence semantique
[
5
]
. ≫
La
psychanalyse
releve cette distinction formelle entre ces deux tropes ; en effet pour
Jacques Lacan
et, avant lui, pour
Sigmund Freud
, la metaphore releve de la
condensation
et la metonymie du
deplacement
. Pour Lacan par exemple :
≪ Le
moi
est la metonymie du
desir
≫
[
6
]
.
Ainsi, les relations entre les deux tropes, leur similarite et leur difference a la fois, passionnent les chercheurs. Pour le
Groupe μ
par exemple
≪ metaphore et metonymie apparaissent comme des tropes complexes : la metaphore accouple deux synecdoques complementaires, fonctionnant de facon inverse, et determinant une intersection entre degre donne et degres construits (…) Comme la metaphore, la metonymie est un trope a niveau constant, compensant les adjonctions par des suppressions et vice-versa. Mais alors que la metaphore se fonde sur une intersection, la relation entre les deux termes de la metonymie s’effectue
via
un ensemble les englobant tous les deux
[
7
]
. ≫
A. Henry, pour sa part, releve davantage a quel point elles sont proches :
≪ Pas de metaphore qui ne soit toujours plus ou moins metonymique ; pas de metonymie qui ne soit quelque peu metaphorique [p.74](…). La metaphore est donc fondee sur un double envisagement metonymisant, elle est la synthese d’une double focalisation metonymisante, en court-circuit
[
8
]
. ≫
Pour resoudre cette question theorique, Marc Bonhomme, dans
Linguistique de la metonymie
, propose le terme
cotopie
pour denommer le processus linguistique qui consiste a separer les realites lexicales en autant de parties. Parmi ce processus il existe une possibilite de
≪ violation des relations logico-referentielles incluses dans une cotopie ≫
, et Bonhomme l’affecte a la metonymie, qui ne peut depasser son cadre referentiel, contrairement a la metaphore qui peut explorer d’autres univers semantiques
[
9
]
.
- ↑
≪
Definition : Metonymie n. f.
≫, sur
www.lettres.org
(consulte le
)
.
- ↑
Extrait du poeme
Courage
de
Paul Eluard
.
- ↑
Il s'agit, en fait, d'une double metonymie, car le gaz contenu dans ces tubes n'est pas du
neon
. Celui-ci donnerait a l'eclairage une couleur rouge-orangee et non pas diverses nuances de blanc, selon le
type de tube
.
- ↑
≪
Quelques figures de rhetorique
≫, sur
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(consulte le
)
- ↑
Patrick Bacry,
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, pages 86-87
- ↑
≪
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- ↑
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- ↑
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Termes bases sur le suffixe
-onyme
|
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| Graphique
| Phonique
| Morphosyntaxique
| Semantique
| | | | | | | | | | | | | | | | | | |
Deplacement,
rearrangement
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Remplacement,
substitution
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