Le Ventre de Paris
est un roman ecrit par
Emile Zola
et publie en 1873, troisieme roman de la serie des
Rougon-Macquart
. L’action se passe essentiellement aux
Halles centrales de Paris
, construites par
Victor Baltard
entre
1854
et
1870
. Zola en fait dans son roman une sorte de monstre, comme le seront plus tard le grand magasin dans
Au Bonheur des Dames
, l’
alambic
dans
l'Assommoir
ou la locomotive dans
la Bete humaine
.
Les membres de la famille des Rougon-Macquart ne jouent pas un role essentiel dans le roman : Lisa Macquart, la sœur de Gervaise (voir
l'Assommoir
), mariee a un nomme Quenu, y est charcutiere ; on voit aussi apparaitre sa fille, Pauline Quenu, qui sera l’heroine de
La Joie de vivre
, et surtout Claude Lantier, son neveu, jeune peintre, futur heros du roman
L'Œuvre
.
Le personnage principal est Florent, le demi-frere de Quenu. Arrete par erreur a la suite du
coup d'Etat du 2 decembre 1851
, il a ete deporte au bagne de
Cayenne
en
Guyane
, dont il a reussi a s’evader. Il arrive a
Paris
en
1858
et obtient une place d’inspecteur au pavillon de la maree, a l’interieur des Halles.
On y rencontre des personnages varies tels que Lisa Macquart, charcutiere, epouse de Quenu (et donc belle-sœur de Florent), ou encore Louise ≪ la belle Normande ≫, poissonniere, fille ainee des Mehudin et rivale de ≪ la belle Lisa ≫.
Zola developpe le theme de la dualite entre les ≪ Gras ≫ et les ≪ Maigres ≫ tout au long du roman. La belle Normande, une Grasse, entend se servir de Florent, un Maigre, pour se venger de Lisa (une Grasse egalement). Apres un vif differend qui a oppose les deux rivales a cause de la fraicheur douteuse d'un de ses poissons, la belle Normande se rapproche ainsi de Florent, par l'intermediaire de Muche, son jeune fils, pour qui il devient une sorte de precepteur. Elle voit meme en lui un mari potentiel, car il est heritier, ainsi que son frere Quenu, le charcutier, de leur oncle Gradelle. Florent n’est cependant pas du tout receptif aux avances de la belle Normande.
Il devient par ailleurs ami avec Claude Lantier, artiste peintre boheme et neveu de ≪ la belle Lisa ≫, des son retour a Paris (au debut du roman).
Florent refuse categoriquement de toucher sa part d’heritage, qu’il laisse comme consignee aux soins de son frere Quenu et de sa femme Lisa, qui le logent et le nourrissent, chez eux a la charcuterie. Considerant qu’il n’a pas de grands besoins pecuniaires, et par une sorte de charite de conscience, il reverse chaque mois discretement tout son salaire a l'inspecteur en titre malade qu'il remplace, Monsieur Verlaque (la femme de celui-ci abusant hypocritement de cette generosite).
Florent se mele egalement de politique, se passionne, participant a des reunions revolutionnaires dans la boutique de Monsieur Lebigre, marchand de vin. Il manigance, idealiste, naif et plein de convictions, en prenant des notes et en essayant de rassembler des partisans pour une action violente contre le regime imperial en place, cherchant la justice et une revanche personnelle envers l’Etat qui l’avait envoye au bagne.
Lisa prend peur, la situation lui deplait et semble degenerer sournoisement, et elle se mefie de plus en plus de ce beau-frere ≪ trop maigre ≫, louche desormais, qu'elle doit supporter chez elle.
La vieille Mademoiselle Saget, quant a elle, participe activement a tous les ragots. Elle fait passer a tort Florent pour un coureur de jupons, puis, parvenant a percer le secret du jeune homme (son evasion du bagne apres des annees de detention, et la defiance de Lisa a son egard), notamment en faisant parler la petite Pauline, fille des Quenu, elle va le rapporter a deux autres femmes des Halles qui, promettant de garder le secret, se chargeront de repandre la nouvelle dans tout le quartier.
Par ailleurs mal vu en raison de son metier d'inspecteur, de sa personnalite trop douce, trop ≪ Maigre ≫, trop incomprise, Florent est denonce collectivement comme conspirateur, notamment par sa belle-sœur Lisa (mais a l’insu de son frere Quenu), et il est arrete par la police.
Condamne a nouveau, il sera deporte, et la vie des Halles retrouvera son train-train quotidien, toutes querelles oubliees, dans un soulagement hypocrite.
Les Halles
, tableau de 1895 de
Leon Lhermitte
.
Le ventre de Paris
est une
metaphore
faisant reference aux
Halles centrales de Paris
par son abondance de denrees : les halles y sont depeintes comme un monde florissant ou rien n'existe a part la nourriture ; la beaute, la richesse et la prosperite riment avec la nourriture. Ainsi, les plus belles femmes, comme Lisa Quenu, sont bien en chair, elles sont bien ≪ grasses ≫ comme la viande de la charcutiere.
Le ventre
traduit egalement une absence totale de cœur. Pour les petits commercants du roman, le physique peut refleter a la fois le passe et l'ame d'une personne. Ainsi, un homme gras, prospere et en bonne sante est un homme honnete, a la conscience tranquille, tandis qu'un maigre est un creve-la-faim qui a probablement commis des actions condamnables, causes de sa decheance. Cela se remarque particulierement avec Florent : les ≪ gras ≫ lui en veulent d'etre si maigre et Lisa, bien que sachant qu'il a ete envoye au bagne par erreur, pense que, comme tout bagnard, il a une part de responsabilite. Il y a ici une absence totale d'
empathie
, nulle pitie ou compassion pour les plus faibles. La majorite des commercants aime l'
Empire
, periode de prosperite ; tout repose sur l'accumulation et l'avidite.
Brueghel ? la cuisine des gras
Le theme de la ≪ serie d'estampes ≫ sur la ≪ bataille des gras et des maigres ≫ est explicitement discute entre Claude et Florent, a mi-roman.
Le sejour qu'effectuent Florent et Claude chez la maraichere Mme Francois a la campagne a
Nanterre
contraste avec ce qui se passe aux Halles de Paris, par les legumes eux-memes decrits dans ce passage du roman :
≪ Une grande paix venait
de cette campagne qu’on ne voyait pas. Entre les quatre haies, le long du potager, le soleil de mai avait comme une pamoison de tiedeur, un silence plein d’un bourdonnement d’insectes, une somnolence d’enfantement heureux. A certains craquements, a certains soupirs legers, il semblait qu’on entendit naitre et pousser les legumes{{..}}. Florent allait et venait, dans l’odeur du thym
que le soleil chauffait. Il etait profondement heureux de la paix et de la proprete de la terre. Depuis pres d’un an, il ne connaissait les legumes que meurtris par les cahots des tombereaux, arraches de la veille, saignants encore. Il se rejouissait, a les trouver la chez eux, tranquilles dans le terreau, bien portants de tous leurs membres ≫
, mais aussi par la personnalite meme de Mme Francois qui vit a la campagne et ne vient aux Halles de Paris que pour vendre ses legumes :
≪ L’apres-midi, Mme Francois et Florent se trouverent seuls au bout du potager, dans un coin du terrain plante de quelques arbres fruitiers. Ils s’etaient assis par terre, ils causaient raisonnablement {{..}}. Jamais une femme ne lui avait parle de la sorte. Elle lui faisait l’effet d’une plante saine et robuste, grandie ainsi que les legumes dans le terreau du potager ; tandis qu’il se souvenait des Lisa, des Normandes, des belles filles des Halles, comme de chairs suspectes, parees a l’etalage. Il respira la quelques heures de bien-etre absolu, delivre des odeurs de nourriture au milieu desquelles il s’affolait, renaissant dans la seve de la campagne. ≫
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