La
laque
est une
resine
de divers arbustes de la famille des
Anacardiacees
. Celle-ci forme en ≪
sechant
≫ un revetement solide, resistant aux intemperies que l'on nomme egalement la laque (voir aussi
vernis du Japon
et
urushi-e
).
On appelle egalement un
laque
, au masculin cette fois, un objet fait de laque
[
1
]
.
Les realisations entierement en laque ont ete, dans les temps les plus anciens, des le
neolithique en Chine
, utilisees comme objets utilitaires de grand luxe. Ces objets nous sont parvenus en tant que depots funeraires, cette matiere presentant d'exceptionnelles qualites de conservation. Leur tres grande vogue sous la
dynastie Zhou
(
XI
e
siecle
- 481 av. notre ere) a coincide avec la vogue pour les metaux incrustes, produisant toutes deux des effets graphiques et colores similaires. D'autres procedes, comme l'incrustation de
nacre
dans la laque en Asie du Sud-est et dans l'Extreme-Orient, en general, et les assemblages de feutre dans l'art des steppes sont des procedes tout autant similaires et temoignant de tres fortes relations culturelles interregionales. Les laques secs et les bois sculptes laques ont marque l'art de la sculpture dans le Japon medieval. Le Japon a produit, dans cet ensemble culturel extreme-oriental, de tres nombreux laques realises par des createurs aussi celebres, au Japon, que les plus celebres graveurs d'estampes de l'
Ukiyo-e
. En Occident, la laque est pratiquee et elle a ses maitres artisans depuis le
XVII
e
siecle
jusqu'a aujourd'hui.
Dans le monde moderne du
XX
e
siecle
, les peintures a base de
resines
thermodurcissables
(alkydes ou glycerophtaliques) et les peintures
polyurethanes
sont utilisees comme liants dans le domaine des peintures dites ≪ laquees ≫ : ≪ laques alkydes ≫ ou ≪ laques glycerophtaliques ≫ . En dehors de l'aspect brillant et colore, la comparaison de ces produits est impossible avec la laque naturelle,
dans toutes ses proprietes dont la souplesse et surtout la longevite, son tres haut pouvoir d'adherence, son caractere impermeable et imputrescible, sa resistance a l'usage. Toutes qualites que les laques industrielles ne possedent pas.
[ref. necessaire]
En
Chine
, la laque prend ses racines il y a plus de 3 000 ans. Elle apparait au
Japon
sensiblement a la meme epoque, a la premiere moitie du
J?mon archaique
, entre -4000 et -3000
[
3
]
. Sa technique s'est developpee ensuite dans toute l'
Asie du Sud-Est
. Appliquee sur le bois elle le protege en l'impermeabilisant.
Des l'origine on s'en servait, donc, pour proteger et aussi comme colle, par exemple pour faire adherer des inscriptions en or sur des armes de bronze, des la plus haute
antiquite
chinoise. Mais son usage principal semble avoir concerne la protection des cercueils des l'epoque de la
Dynastie Zhou
. La production de laque s'est accrue et democratisee des le
IV
e
siecle
avant notre ere. On produisit ainsi des objets de vaisselle, dont certains exemplaires ayant servi de depots funeraires se sont parfaitement conserves. La laque pouvait s'appliquer sur de fines feuilles de bois, comparables a nos feuilles de
contreplaque
, que les artisans courbaient par la chaleur et en utilisant des moules. En melangeant des pigments a cet enduit on obtenait une riche palette de couleurs : rouge, noir, jaune, blanc, brun et bleu. Sous la
dynastie Han
, du
III
e
siecle
av. J.-C.
au
III
e
siecle apres notre ere, elle fut utilisee pour proteger les armes, les objets menagers et les meubles. Les depots funeraires dans les tombes de
Mawangdui
ont montre la parfaite maitrise des artisans de cette epoque et l'extreme vogue de cette technique deux siecles avant notre ere.
En
Birmanie
, les origines de la laque semblent apparaitre avec les pagodes de
Bagan
au
XII
e
siecle.
Au Japon, comme il vient d'etre dit plus haut, la laque est tres utilisee au J?mon archaique, entre -4000 et -3000 ; les plus vieilles traces archeologique d'utilisation de la laque sont cependant plus anterieures d'environ 3000 ans
[
4
]
. Elle sert, en particulier a recouvrir, pour les impermeabiliser et les preserver, des vases en
terre cuite
. On a pu meme decouvrir des bols a anse et a
bec verseur
, ou
aiguieres
, en bois, d'une extreme finesse (4 mm d'epaisseur) et datant de -2000 a -1000, exceptionnellement preservees dans des zones humides et recouverts de laque noire et rouge
[
5
]
.
Toujours au Japon, la laque seche creuse est utilisee en sculpture au
VIII
e
siecle et abandonnee ensuite. Encore au
VIII
e
siecle, la laque sur bois, bambou,
cuir
ou vanneries, est souvent laissee unie, mais elle peut etre peinte, incrustee de
nacre
, de decoupes metalliques decoree de motifs peints a l'huile
[
6
]
. De nombreux laques, relevant des techniques les plus diverses et les plus complexes ont ete conserves au Japon depuis cette epoque faisant du Japon le conservatoire de techniques oubliees, alors, en Chine. Et les artisans y deploient toute leur creativite pour en enrichir le repertoire jusqu'a aujourd'hui. Comme le laque d'or, dont la vogue est bien documentee depuis le
XVII
e
siecle
[
7
]
. Les trousseaux pour les filles des
shogun
et des seigneurs sont alors constitues en laque, et ces objets, decores de laque d'or n'etaient pas toujours destines a un usage quotidien. Ils constituaient un patrimoine et etaient transmis d'une generation a l'autre, en tant que tresor familial
[
8
]
.
En Europe, dans les annees
1680
, la
dynastie des Dagly de Spa
, en
principaute de Liege
, realisa des imitations fort prisees, appelees le vernis Dagly qui firent une bonne part de la renommee europeenne de la ville d'eau et qui briserent le monopole de la
Hollande
qui resta longtemps la seule importatrice de laques japonaises (le gout pour l'Orient mythique). Puis en
1730
, les freres Martin de
Paris
mettent au point une imitation de laque a base de
copal
, le
vernis Martin
. Ce vernis comporte toutefois un gros defaut : il est fragile a l'eau. A la fin du
XVIII
e
siecle, la reine
Marie-Antoinette
reunit une collection de laques japonais
[
9
]
,
[
10
]
.
Vers le milieu du
XIX
e
siecle, les progres de la
chimie
permettent la mise au point d'un vernis laque de meilleure qualite. Pendant la
Premiere Guerre mondiale
, la laque fut employee pour renforcer la resistance des
helices
d'avion.
Au
XX
e
siecle des vernis laque performants sont mis au point grace a de nouvelles formules et a des vernis durcissant a l'air. On voit apparaitre des laques
nitrocellulosiques
,
glycerophtaliques
ou
polyurethanes
. Ces ≪ laques modernes ≫ furent employees a partir des annees 1930 par des decorateurs du mouvement
Art deco
sur toutes sortes de supports : contreplaque, latte, agglomere ou encore
tole
d'aluminium. D'autres comme
Jean Dunand
sont restes fideles a la laque vegetale.
- Japon
- Naga Shige
, 1599 - 1651
- Kan? Naonobu
, 1607 - 1650
- Kaji Kawa
, Japon, †1682
- Ta Tsuki Yei Suke
,
XIX
e
siecle
- Zechin,
XIX
e
siecle, probablement le
maki-e-shin
(laqueur) le plus prise
- Gonroku Matsuda
,
XX
e
siecle
- Katsutaro Yamazaki
,
XX
e
siecle
- Tomio Yoshino
,
XX
e
siecle
- Europe
- Gerard Dagly
, dynastie des Dagly,
XVII
e
siecle
- Les freres Martin de Paris
,
XVIII
e
siecle
- Eileen Gray
, 1879-1976, (artiste, artiste laqueur, designer, architecte irlandaise installee a Paris
Art deco
,
modernisme
)
- Jean Dunand
, 1877 - 1942 (artiste laqueur de la periode Art deco)
- Gaston Suisse
, 1896 - 1988 (artiste laqueur de la periode Art deco)
- Frederic Halbreich
, ≪ L'art de la laque dans l'art pur ≫ peintre laqueur depuis 1996.
On preleve la
resine
, un peu comme on le fait avec le
latex
sur les
heveas
, par des entailles a la base du tronc sur lequel sont fixes de petits bols en
bambou
. La resine ou le latex (non la seve qui est un fluide nourricier d'autre nature) du laquier
(
Toxicodendron vernicifluum
)
a une tres forte qualite adhesive et un brillant magnifique.
Selon les regions on la recolte sur :
- La resine recoltee doit etre utilisee des qu'elle a ete filtree et purifiee, coloree ou nature. Elle seche en formant un film insoluble et sans pores.
- La laque adhere sur de nombreuses surfaces, bambou, bois, feuilles de palmier, metal, cuir…
- Elle possede de nombreuses qualites comme de rendre impermeables les objets qu'elle recouvre, elle resiste aux insectes et garde en toutes occasions sa flexibilite.
- La laque naturelle s'utilise par application de couches tres minces ; la qualite de la laque est determinee par le nombre de couches ? sept couches pour une belle laque ; les Chinois peuvent passer jusqu'a 18 couches sur les plus beaux objets sculptes. Ces couches tres minces sont sechees puis polies avec un melange de poudre de brique broyee impalpable, de sang de cochon et d'huile
Tsong-Yeou
, avant application de la couche suivante.
- La peinture, apposee en surface, est, elle aussi, preparee avec de la laque dans laquelle est incorpore du
camphre
pour la rendre plus fluide, et des pigments colores mineraux :
cinabre
pour le rouge,
orpiment
pour le jaune,
Tai-Tsi
pierre violette pour le violet, feuilles d'or pour le blanc. La couleur est obtenue en fonction des produits naturels ou chimiques incorpores, de l'oxyde de fer pour le noir, du sulfure naturel de mercure pour le vermillon, du sesquioxyde de fer pour l'ocre rouge, du sulfure d'arsenic pour le jaune, melange de jaune et de noir pour le vert.
- Il est impossible de reparer les cassures quand elles se produisent dans la laque. Une reparation, si bien faite soit-elle, se voit toujours.
Les Chinois distinguent trois grands types de laque du nom des localites ou on les prepare :
- Nien-Tsi
;
- Si-Tsi
: ces deux premieres varietes etant de moins bonne qualite servent souvent a la fabrication de la laque noire nommee
Yang-Tsi
par adjonction de noir d'os de cerf ou de
noir d'ivoire
et d'huile de the rendue
siccative
par l'action de sels d'arsenic ;
- Kouang-Tsi
: cette derniere variete est la plus belle. Sa qualite provient d'une moindre presence d'eau dans la laque. On la dilue dans une huile appelee
Tsong-Yeou
.
En Chine (
dynastie Ming
, et surtout
Qing
) la laque burgautee (incrustee de nacre) fut utilisee pour couvrir de petites pieces de bois ou de porcelaine (technique dite ≪ lo tien ≫). La meme technique d’incrustation (dite ≪ aogai ≫) etait repandue au Japon au cours de l'
epoque d'Edo
. La burgaudine est la nacre du burgau ? nom de plusieurs sortes de coquillages. C’est
Haliotis tuberculata
qui etait utilise en Chine et au Japon. La technique de la laque arriva en Europe des le
XVI
e
siecle et se repandit rapidement. Elle fut pratiquee, par exemple, par
Johann Martin Heinrici
(1711?1786), peintre sur porcelaine a la
manufacture royale de Meissen
a partir de 1742. Sa specialite etait l’incrustation de nacre.
- Tsutsu
, instrument de saupoudrage. Sert a saupoudrer la surface de la laque encore fraiche de poudre d'or, d'argent ou d'un melange de differents metaux. Le tsutsu est une tige creuse de bambou taillee en biseau pointu a une de ses extremites. L'artiste preleve un peu de poudre qu'il vaporise sur la laque poisseuse en soufflant avec sa bouche a l'autre bout du tube.
Le tsutsu est le symbole du laqueur au meme titre que la palette et le pinceau sont le symbole du peintre.
- Hake
, pinceau large et plat.
- Hera
, spatule.
- Fude
, terme general pour designer un pinceau quelle que soit sa forme.
- Outil a polir. Generalement il s'agit de la canine d'un chien montee sur un manche.
- Une lame de rasoir.
- Sachets contenant des pigments, de la poudre d'or, d'argent ou d'alliages de metaux de differentes granulations. Ces dernieres dependent de l'effet recherche. Les pigments sont toujours des pigments
naturels
(par exemple, la poudre de charbon de bois pour le noir).
- Une enceinte close, le
muro
, dans lequel l'objet fraichement laque sera mis a secher a l'abri des poussieres et en atmosphere humide et chaude. Une attention toute particuliere, veritable esclavage pour l'artiste, doit etre apportee a l'entretien de son muro. Des rechauffeurs maintiennent une temperature ideale alors que des bols remplis d'eau assurent une humidite constante. L'artiste doit veiller a ce que les parois de l'enceinte ne ruissellent pas. Pour ce faire, il doit les eponger regulierement. Le temps de sechage varie suivant le type de laque et l'hygrometrie de l'air exterieur. La moyenne est de trois jours. Il est imperatif que le sechage complet soit respecte, faute de quoi, la laque restera collante et impropre a etre poncee et polie.
De gauche a droite : 1 :
kamakura-bori
. 2 :
hiramaki
. 3 :
hiramaki
detail. 4 :
takamaki-e
et
hiramaki
. 5 : Laque de Pekin sculptee.
Il faut distinguer :
- Les laques sculptees. Dans la technique dite
guri
, une ornementation d'arabesques est sculptee en V dans l'epaisseur de la laque qui doit, de ce fait, avoir une epaisseur suffisante. Plus de 20 couches de laque peuvent etre necessaires. Une variante consiste a superposer des couches de laques de couleurs differentes. La sculpture fera apparaitre les differents coloris etages sur la tranche de la coupe.
La technique de la
laque sculptee
(en)
apparue en Chine au
VII
e
siecle (sous les
Tang
), connu son plein essor sous les
Ming
et
Qing
. Ces laques rouges dite de ≪ Pekin ≫ s’obtiennent en appliquant plusieurs dizaines de couches de laque puis en les sculptant. Leur couleur dominante est un rouge vermillon obtenu par une tres fine mouture de
cinabre
; d'ou le nom de ≪ laques de cinabre ≫ qui leur est encore frequemment donnees
[
11
]
.
- Les laques decorees par incorporation de pigments ou de poudre d'or et/ou d'argent :
maki-e
. Parmi ces laques, on retiendra les decors connus sous les vocables de togidashi, hiramaki-e et takamaki-e.
- Decor
togidashi
: les differents decors sont exactement au meme niveau que le fond. Il n'y a aucune surepaisseur. Apres avoir recouvert l'objet d'une couche uniforme (habituellement noire ou or) de laque. Sur ce fond, l'artiste implante le decor qui se trouve ainsi en relief. Il recouvre alors la totalite de l'objet, y compris son decor, de laque de la couleur du fond puis, par
poncage
, il degage le decor qui se trouve ainsi etre exactement au meme niveau que le fond. Cette technique est dite
sumi-e togidashi
lorsqu'elle imite les dessins orientaux peints avec une encre noire (
sumi-e
: peinture a l'encre noire). Elle a ete tres utilisee par Sunsho
[
12
]
- Decor
hiramaki-e
: les differents decors sont en faible relief sur le fond (pas plus que l'epaisseur d'une couche de laque).
- Decor
takamaki-e
: les decors, habituellement en laque d'or, sont en fort relief par rapport au fond. Cet effet est produit par l'incorporation a la laque d'epaississants (par exemple, une quantite plus ou moins importante de poudre de charbon de bois donnera une laque plus ou moins epaisse). Une laque contenant beaucoup d'epaississant aura tendance a moins ≪ s'etaler ≫ qu'une laque qui en contient moins. Les couches de laque ainsi epaissies sont superposees jusqu'a obtenir l'effet souhaite puis recouvertes d'une couche de laque de finition (en general, une couche de laque d'or).
Avant que la derniere couche de laque soit seche, l'artiste (le
maki-e-shi
) peut decider l'incrustation d'elements en nacre (
usugai raden
), ivoire, or, corail, etc. ou meme d'elements que l'artiste a confectionne lui-meme a partir de laque qu'il aura coloree puis sculptee a l'aide du bord tranchant du tsutsu et mise ensuite a secher sur une plaque de verre (c'est un des avantages du tsutsu par rapport a un autre moyen de pulverisation).
La division entre les differents decors n'est pas aussi tranchee. Un meme objet peut incorporer deux, voire trois types de decors.
L'artiste commence par confectionner une ame en bois de l'objet (en general du bambou) qu'il amincit par usure. A ce stade, la piece est bien reguliere et lisse. Elle ne mesure pas plus d'un demi-millimetre d'epaisseur. Il peut alors entreprendre le travail de laquage proprement dit. Il procede par couches superposees en respectant un temps de sechage qui peut atteindre plusieurs jours entre chacune d'elles. Une fois seche, la laque est poncee puis soigneusement polie a l'aide de la dent de chien jusqu'a ce que sa surface soit parfaitement lisse. Le
maki-e-shi
peut alors appliquer la couche de laque suivante qu'il mettra egalement a secher. Un objet peut comporter ainsi jusqu'a vingt couches successives si la laque est destinee a etre sculptee. Le meme minutieux travail de poncage et de polissage est effectue entre chaque couche.
Un minimum de deux couches est necessaire a une laque d'or : une couche de base et la couverture de finition. Pour realiser la couche de base, l'artiste saupoudre, a l'aide du
tsutsu
, la laque encore poisseuse de poudre d'or dont le grain est fonction de l'effet desire. Les particules adherent fortement a la laque au cours du sechage. L'or qui n'a pas adhere est recupere par brossage. Un polissage vigoureux donnera une teinte uniforme. Une couche de laque translucide (
shuai urushi
) est ensuite appliquee en finition. Le poncage et le polissage de cette derniere l'amincissent jusqu'a ce que la couche or du fond transparaisse sous la couche de finition. Les particules d'or sont ainsi emprisonnees dans la laque. Par usure, la dorure parait de plus en plus brillante au fil du temps. Parfois, au lieu de teinter la laque dans sa masse selon une des methodes decrites au paragraphe ≪ fabrication ≫ du present article, le laqueur peut decider de deposer les pigments sur la laque encore poisseuse comme il le ferait pour des particules d'or (poudre de
charbon de bois
pour le noir,
cochenille
pour la couleur rouge fonce, etc.). En melangeant differents pigments, le
maki-e-shi
obtient des nuances de couleurs. Ces couches colorees seront toujours recouvertes d'une couche de laque translucide qui sera poncee puis polie. Lorsque les particules sont extremement fines, il est impossible de les saupoudrer a l'aide du
tsutsu
sous peine de les voir voler et se coller au hasard sur la laque ou s'agglomerer par plaques. Il faut alors les appliquer au pinceau ou a l'aide d'un fil de soie.
- Techniques derivees. Le Japon a egalement vu l’apparition d'une technique particuliere d'utilisation de la laque appliquee a la reparation de ceramiques, le
kintsugi
. Cet art consiste a reparer les objets casses avec la laque
urushi
, ou
vernis du japon
,
puis, une fois secs, a souligner les cicatrices des felures avec la laque fraiche sur laquelle est saupoudree un metal (le plus prise etant l'
or
) en poudre. Les failles apparaissent alors comme recouvertes d'or et conferent a l'objet une originalite et une valeur nouvelle
[
13
]
,
[
14
]
.
Sculptures japonaises en bois laque et laque sec
[
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|
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]
- Le bois sculpte peut etre laque suivant les procedes decrits ci-dessus. De nombreuses sculptures bouddhistes de Chine, du Tibet et du Japon ont survecu grace a ce procede.
- La sculpture en laque seche creuse
[
15
]
peut aussi etre realisee par superposition, sur une ame de terre, de couches de
chanvre
imbibees de laque : le chanvre peut etre tisse (couche inferieure) ou hache afin de produire une pate ce qui permet de realiser des reliefs (couches superieures).
La technique de laque seche est, dans la partie consacree a l'art bouddhique, et de maniere emblematique par la statue d'
Asura
, de l'
epoque de Nara
, un des protecteurs du Bouddha, commande par l'
imperatrice K?my?
pour le temple du
Kofuku-ji
. Une armature en bois est realisee afin d'etre habillee d'argile modelee, pour donner la forme globale de la statue
[
16
]
. On va recouvrir l'ensemble sur toute sa hauteur de couches de chanvre imbibees de laque liquide, avec un temps de sechage intermediaire entre chaque couche. Ceci formera une coque rigide et solide de la meme forme que l'argile modelee.
Une fois toutes ces operations realisees, une ouverture sera pratiquee a l'arriere de la statue pour retirer l'argile, ne conservant que la coque et l'armature en bois. Le chanvre ayant seche, la structure reste stable. L'ouverture est ensuite recousue de fils de chanvre, et l'ensemble de la statue est recouvert d'une derniere couche de laque et d'argile, ce qui va permettre de retravailler le modele final de la statue. Les details, comme les doigts sont constitues d'une armature de fil de fer enveloppee de cordelettes et de tissus de chanvre et mis en forme a l'aide d'un melange de sciure de bois et de laque, le
kosuko
. Une fois l'ensemble durci, ce melange peut servir de couche d'appret pour les couleurs et la dorure. Cette technique permet des statues tres legeres et un grand modele.
De tres rares sculptures realisees avec cette methode ont survecu, pour la plupart de l'epoque de Nara, au Japon, avant 760
[
17
]
.
-
Masque de Gigaku
[
18
]
. Epoque de Nara (710 -794). Japon,
VIII
e
siecle. Bois laque et peint. H : 28,3 cm.
Musee Guimet
, Paris.
-
Buste de roi celeste (japonais :
tenn?
; sankrit :
lokap?la
). Epoque de Nara, fin du
VIII
e
siecle. Laque sec (
dakkatsu-kanshitsu
).
Musee Guimet
, Paris.
-
Ashura
, un des huit protecteurs du Bouddha et de sa Loi, date 734, statue de laque seche creuse (laque, tissus, bois, couleurs), H. 1,49 m.
Kofukuji
,
Nara
.
-
Ashura, detail.
-
Furuna, un des dix disciples de Bouddha. Laque seche creuse, H. 1,40 m environ. Epoque de Nara, 734. Kofukuji, Nara.
- Fundame
: couleur or mat
- Gimpun
: poudre d'argent
- Hirame
: paillette d'or similaires au
nashiji
. Existe en 7 a 8 granulometries comme le
nashiji
, La difference est qu'elles sont deux a trois fois plus epaisses puis aplaties par pression. Leur interet reside dans le fait qu'etant epaisses, elles acceptent un polissage plus intense et sont donc plus brillantes. Les
ohirame
sont de grandes plaques de
hirame
trop importantes pour etre mises en place a l'aide du
tsutsu
. Il faut alors les piquer sur une epingle ou une aiguille en bambou pour les deposer a la surface de la laque humide.
- Kabon urushi
: noir mat obtenu par pulverisation de poudre de
charbon de bois
. Utilise lorsque le noir brillant du
roiro
n'est pas souhaitable.
- Keshifun
: poudre d'or quasiment impalpable tant la granulometrie en est faible. Le
keshifun
et les deux ou trois premieres granulometries de
kimpun
ne sont utilisees que pour les faces interieures des compartiments (
naibu
) ainsi que pour leurs bords (
ikkake
ou
ikake
) et les epaulements (
tachigari
).
- Kimpun
: poudre d'or.
- Kinji
: couleur or brillant. La difference entre ces deux ors reside dans les poudres (
marufun
) qui les composent.
- kirikane
: formes geometriques (le plus souvent des carres ou des triangles) decoupees a la lame de rasoir (jamais aux ciseaux qui courberaient les bords) dans des bandes de metal (
kanagai
) disponibles en trois epaisseurs. Le decor
kirikane
s'applique sur un fond
fundame
.
- Koban
ou
kobampun
: melange de trois parties de poudre d'or et d'une partie de poudre d'argent. L'oxydation de l'argent confere a l'or un aspect verdatre.
- Marufun
: nom generique donne a toutes les poudres metalliques (or, argent ou
koban
). Il existe dix granulometries differentes de
marufun
.
- Nashiji
: paillettes irregulieres d'or (
kin nashiji
), d'argent (
gin nashiji
) ou de
koban
(
koban nashiji
). Existent en 7 ou 8 granulometries differentes. Toujours saupoudrees a l'aide du tsutsu, elles sont tres utilisees pour l'interieur de compartiments. Leur nom vient de leur ressemblance avec la peau de la
poire
nashiji
. les
gyobu nashiji
sont des
nashiji
dont la granulometrie, bien superieure a celle des
nashiji
, interdit l'usage du
tsutsu
. Ils devront etre mis en place un par un a l'aide d'une fine tige en bambou ou une aiguille.
- Sumiko
: couleur noire, mate, obtenue en saupoudrant la laque de
charbon de bois
.
- Roiro urushi
: Le
roiro
est le nom donne a la couleur noire extremement brillante, a fort pouvoir reflechissant. L'
urushi
est le nom donne par les japonais au laque, c'est-a-dire au suc a l'etat brut directement extrait de l'arbre. Le
roiro urushi
est obtenu par reaction chimique entre le laque et des particules de fer. Le melange etait autrefois prepare par l'artiste lui-meme puis filtre plusieurs fois a travers un papier poreux (
yoshino gami
) jusqu'a obtention de la couleur noire desiree.
Actuellement
[Quand ?]
, le
roiro urushi
peut etre achete, pret a l'emploi, aupres de marchands specialises (
urushiya
). Le brillant est obtenu par un polissage minutieux et repete des couches de laque. Le noire, profond change de couleur avec le temps et peut devenir caramel voire rouge.
La technique, plus simple, necessite egalement de travailler dans un local exempt de poussiere. Elle utilise des peintures laques a base de
resines
thermodurcissables
(alkydes ou glycero-phtaliques) et les peintures laques
polyurethanes
a l'aspect brillant, issues de decouvertes faites au debut du
XX
e
siecle
et qui ont trouve des applications en tant que produits industriels utilises dans le monde entier. Les differentes couches peuvent etre passee avec un
pistolet a peinture
et poncees avec les papiers abrasifs a l'eau de granulometrie minimale 800 (puis, eventuellement, 1000 ou superieure) afin d'obtenir une surface parfaitement lisse. En superposant des couches de peinture de couleur differentes, l'abrasion jointe au travail du pistolet a peinture permettent des effets artistiques de degrades subtils. Il est meme possible, par ailleurs, de deposer des fragments de feuille d'or, ou de toute autre matiere similaire, avant la couche de finition incolore afin d'imiter certains laques et leur bel effet decoratif et prestigieux.
- ↑
Dictionnaire
Littre
- ↑
In Emmanuelle Lesbre,
La peinture chinoise
, Hazan 2004, etude,
p.
20-22
.
- ↑
Yoshiya Shinagawa (
dir.
)
et al.
(
pref.
Jean-Paul Demoule
),
J?mon : Naissance de l'art dans le Japon prehistorique
, Paris,
Maison de la culture du Japon a Paris
,
, 192
p.
, 24 cm
(
ISBN
978-2-913278-21-9
)
,
p.
159-161
. La periodisation de l'epoque J?mon peut varier selon les auteurs. Ainsi dans cet ouvrage la periode ≪ J?mon archaique ≫ est situe dans la periode -4000 ? -3000. Ce qui correspond, ailleurs, a la periode recente du J?mon Ancien (Jean-Paul Demoule (dir), 2009, p. 19 et Francine Herail (dir.), 2010, p. 18-19).
- ↑
Laurent
Nespoulous
et Pierre-Francois
Souyri
,
Le Japon : Des chasseurs-cueilleurs a Heian, -36 000 a l'an mille
, Paris, Belin,
coll.
≪ Mondes anciens ≫,
, 538
p.
,
chap.
2 (≪ La longue periode Jomon ≫),
p.
81-83
- ↑
J?mon : Naissance de l'art dans le Japon prehistorique
, op, cit,
p.
165
- ↑
Christine Shimizu :
L'art japonais
, Flammarion, 1997,
p.
104.
- ↑
Christine Shimizu :
L'art japonais
, Flammarion, 1997,
p.
421.
- ↑
Christine Shimizu :
L'art japonais
, Flammarion, 2001,
p.
309.
- ↑
Collection de laques du Japon de la reine Marie-Antoinette conservee au musee du Louvre
, base Atlas du
Louvre
, site louvre.fr
- ↑
Collection de laques du Japon de la reine Marie-Antoinette conservee au musee Guimet
, base Joconde, site culture.gouv.fr
- ↑
Marie-Juliette Ballot,
Les laques d’Extreme-Orient : Chine
, G. Vanoest,
(
lire en ligne
)
- ↑
celebre laqueur japonais
- ↑
Celine Santini,
Kintsugi, l'art de la resilience
, Paris,
Editions First
,
, 248
p.
(
ISBN
978-2-412-03620-4
,
presentation en ligne
)
,
p.
6, 11, 12, 13, 14, 15
≪ Les eclats de l’objet casse sont tout d’abord reunis un a un, puis nettoyes, et recolles avec une laque traditionnelle naturelle issue de l’arbre laquier. L’objet est mis a secher, puis ponce. Ensuite, ses fissures sont soulignees de couches de laque successives et, finalement, saupoudrees d’or, ou de tout autre metal en poudre (argent, bronze, laiton, cuivre…), qui, se melant intimement a la laque encore humide, donne l’illusion d’une coulee de metal. Puis elles sont polies. L’objet peut alors reveler tout son eclat. ≫
- ↑
≪
L'art du Kintsugi, etape par etape
≫, sur
esprit-kintsugi.com
,
(consulte le
)
:
≪ Illuminez : placez la poudre d’or sur un pinceau ou dans un tube d’application et saupoudrez-la delicatement sur la laque encore collante (sans la toucher car elle est encore fraiche). ≫
- ↑
Christine Shimizu, 1988
,
p.
56 et suivantes
- ↑
Christine Shimizu, 1988
,
p.
57
- ↑
Christine Shimizu,
L'art japonais
, Paris,
Flammarion
,
coll.
≪ Tout l'art ≫,
(
1
re
ed.
1997), 448
p.
(
ISBN
2-08-013701-8
)
, edition de 2001 : p. 78, edition de 1997 : p. 95. Le Senju Kannon (au mille bras), du temple Fujiidera (
Fujiidera
,
Osaka
) a ete realise en laque seche creuse, milieu du
VIII
e
siecle :
Image sur la page de
Zero Focus
, visible le
18
e
jour de chaque mois et le 9 aout. Ashura, un des huit protecteurs du Bouddha et de sa Loi, date 734, est presente en coupe dans cet ouvrage, edition de 1997, p. 89. Visible au
Kofukuji
, Nara.
- ↑
Notice du musee
.
- Celine Santini,
Kintsugi, l'art de la resilience
, Paris, Editions First, 2018, 248 p.
- Soame Jenyns et William Watson,
Arts de la Chine : volume 2 : Or, Argent, Bronzes des epoques tardives, Emaux, Laques, Bois
, Fribourg, Office Du Livre,
, 285
p.
(
ISBN
978-2-85109-097-3
)
- Christine
Shimizu
,
URUSHI
: Les laques du Japon
, Fribourg,
Flammarion
,
, 297
p.
, 34 cm.
(
ISBN
2-08-012088-3
)
- Monika Kopplin
(
trad.
de l'allemand, Exposition : Musee national des chateaux de Versailles et de Trianon, 15 octobre 2001-7 janvier 2002 [et] Museum fur Lackkunst, Munster, 27 janvier-7 avril 2002),
Les laques du Japon : collections de Marie-Antoinette
, Paris/Versailles/Munster, Reunion des musees nationaux,
, 240
p.
, 30 cm.
(
ISBN
2-7118-4302-5
)
. Avec un essai de Christian Baulez.
- (en)
Raymond Bushell,
The inro handbook Studies of netsuke, inro, and lacquer
, Weatherhill, 1979 et 2000
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