Jean Andre Valletaux
, aussi appele sieur de la Plante, dit ≪ La Cote ≫, ne le
a
Hiersac
[
1
]
(
Charente
) et mort le
a Quintanilla-del-Valle (
Espagne
), est un
general et homme politique francais de la Revolution et de l’Empire
, tue au combat pendant la
guerre d'independance espagnole
.
Ne dans une famille d'un pere agriculteur, Andre Valletaux, sieur de la Plante, et de Marie Valletaux, Jean Andre Valletaux entre au service comme simple soldat dans le
regiment d'Aunis
(
31
e
regiment d'infanterie de ligne
) le
, dans lequel un de ses freres sert deja en qualite d’officier. Il devient caporal le
, sergent le
, sergent-major le
et enfin adjudant-sous-officier le
, en pleine
Revolution
.
Sous l'ordre du ministre de la Guerre, il est choisi pour remplir les fonctions d'adjudant-sous-officier dans la
Garde constitutionnelle du Roi
Louis XVI
[
2
]
. Il sert dans ce dernier corps lorsque, le
, le peuple, echauffe par les
Jacobins
, force l'entree du
palais des Tuileries
, fait irruption dans les appartements et contraint le roi a se coiffer du bonnet rouge. L'adjudant Valletaux, qui n'est pas de service, vient au palais et se presente dans l'appartement du roi au moment ou la reine
Marie-Antoinette
, tenant le dauphin dans ses bras, y entre par une autre porte. Il protege la souveraine en s'interposant face aux revolutionnaires. Une personne de la
Cour
lui fait l’observation que ses expressions sont deplacees en presence de
Leurs
Majestes
, la reine, qui a entendu l'interlocuteur, se hate d'intervenir en disant: ≪Ah! Laissez-le dire; plut a Dieu que tous les Francais lui ressemblassent!≫. Le lendemain, la reine lui fait donner un logement au
Garde-Meuble
.
Bien que la Garde constitutionnelle du Roi ait ete licenciee peu de temps apres, il ne quitte cependant pas
Paris
, quoique sans emploi. Dans la journee du
, il se rend encore au
palais des Tuileries
et rejoint les serviteurs qui entourent le
Monarque
pendant que l’on massacre les
Gardes suisses
dans les cours du chateau. Quelques personnes donnent au roi le conseil de prendre une resolution energique, mais
Louis XVI
veut eviter une effusion de sang. Tout a coup une deputation de l'
Assemblee legislative
, qui a traverse le jardin, arrive aux Tuileries, se presente au roi et l'engage a se refugier avec sa famille au sein de l'Assemblee. C'est alors, parmi les assistants, un sauve-qui-peut general. L'adjudant Valletaux descend, avec quelques autres personnes, dans les cuisines donnant sur le jardin des Tuileries, esperant y trouver une issue. Mais tout est ferme et il faut perdre quelques minutes pour enfoncer une porte. Pendant ce temps, les Jacobins, armes de piques, envahissent le jardin. Valletaux parvient neanmoins a se faire jour, accompagne de deux grenadiers et il se dirige du cote de l'Assemblee legislative, ou il a l'intention de chercher un refuge. Ses deux camarades sont massacres au moment ou ils mettent, tous les trois, le pied sur le seuil de la porte de la salle des representants. Valletaux reussit a se sauver et parvient a se refugier dans sa chambre.
Pendant la nuit qui suit cette journee, les assassins, courant de porte en porte, recherchent dans leurs logements les anciens gardes du roi dont ils ont decide l‘
immolation
. Plusieurs de ces militaires sont arretes, puis conduits a la
prison de l'Abbaye
, ou ils sont egorges avec les Suisses dans les journees de septembre. L'adjudant Valletaux, lorsqu'il entend les pas des egorgeurs se rapprocher du local qu'il habite, se revet a la hate de son ancien uniforme du regiment d'Aunis, qu'il a heureusement conserve parmi ses effets, et affirme aux emeutiers qui penetrent chez lui qu'il appartient au
31
e
regiment d'infanterie
, ce qui le sauve.
Quelques jours apres, des officiers du
4
e
bataillon de volontaires de la Charente
, qui viennent d'arriver du camp de
Soissons
a
Paris
et demandent a Valletaux s'il lui convient d'etre leur chef. Il accepte la proposition et se rend au camp, ou il est elu chef de bataillon et prend le commandement.
Le 9 pluviose
an II
(
), il est nomme chef de la
demi-brigade des Lombards
et recoit les epaulettes de
general de brigade
le 23 Vendemiaire
an III
(
meme annee). Ces deux grades sont les resultats de sa participation aux trois premieres campagnes a l'
armee du Nord
, des
Cotes-de-Brest
et des
Cotes-de-l'Ocean
. Il a egalement ete blesse au
siege de Bois-le-Duc
par un boulet.
Le
1
er
pluviose an III (
), il passe a l'armee des cotes de Brest, sous les ordres de
Hoche
. Il commande la colonne du centre lors de l'attaque et la prise du fort Penthievre, le 2 thermidor suivant (
) ou il recoit un sabre d'honneur. Il est ecrit a ce propos dans les
Victoires et Conquetes
, page 221, tome IV : ≪ La colonne du general Valletaux arrive la premiere au pied du retranchement des Royalistes et commence aussitot l'attaque. Les Chouans qui gardaient les avant-postes sont surpris et egorges. L'alarme se repand sur la ligne et autour du fort. Les canonniers emigres sont a leurs pieces et font feu sur les Republicains, qui n'ont point d'artillerie a opposer a celle de leurs ennemis. L'humidite a d'ailleurs rendu leurs fusils inutiles ; la baionnette seule leur reste pour combattre. Mais comment atteindre un ennemi retranche dans des ouvrages d'un difficile acces ? Le general Valletaux donne l'exemple, et s'elance sur les retranchements. Il est repousse, ainsi que tous ceux qui l'ont suivi. La colonne du
general Humbert
s'avance avec une egale intrepidite sur les points qui lui ont ete designes : mais, doublement foudroyes par l'artillerie des emigres et par les chaloupes anglaises qui se sont rapprochees de la cote, les Republicains sont ebranles, oublient leur audace accoutumee et retrogradent. Le vigilant
Hoche
accourt pour remedier au desordre. Lui-meme se porte en avant avec quelques braves; mais il reconnait l'impossibilite de franchir les obstacles qui lui sont opposes. Le general
Botta
est blesse mortellement d'un coup de
biscaien
. Son escorte epouvantee fuit en desordre. Tout semblait perdu. Le general Hoche, fremissant de rage et croyant avoir donne dans un piege, se disposait a ordonner la retraite, lorsqu’un bruit sourd et confus se fait entendre tout a coup. Les soldats s'ecrient : ≪ Ce sont les notres qui ont penetre dans le fort ! ≫ Hoche et les conventionnels
Blad
et
Tallien
, qui avaient suivi ce general jusque sous le feu des batteries, elevent leurs regards sur le fort, alors eclaire par les premiers rayons du soleil. Quelle est leur surprise ! l'etendard tricolore a remplace le drapeau blanc. Le cri de Victoire ! vole aussitot de bouche en bouche. Il est repete par les Republicains, qui paraissent en cet instant sur les remparts du fort. ≫ C'etait Valletaux qui venait de s'en emparer...
Nomme au commandement du departement des
Cotes-du-Nord
apres l'affaire de
Quiberon
, il contribue a la pacification du pays. Un arrete du Directoire du
1
er
vendemiaire
an V
(
) ayant supprime l'etat-major de l'armee des cotes de l'Ocean, il demeure quelque temps sans emploi.
Bernadotte
, general en chef de l'
armee de l'Ouest
, le remet provisoirement en activite le 27 thermidor
An VIII
(
), position dans laquelle il reste jusqu'au 10 frimaire
an IX
(
).
Elu membre du Corps legislatif le 7 ventose
an X
(
), il siege dans cette assemblee jusqu'en 1809. Le 4 frimaire
an XII
(
) le Premier Consul
Bonaparte
le fait membre de la
Legion d'honneur
, et le 25 prairial suivant (
) il lui remet les insignes d’officier de l'Ordre.
En quittant le Corps legislatif en 1809, il demande a rentrer au service actif, et le
il obtient d'etre employe a l'armee de reserve d'Allemagne et est nomme gouverneur de la ville de
Bois-le-Duc
. Il passe ensuite, le
, a l'armee du Nord et prend le commandement d'une brigade dirigee sur
Anvers
, qui est attaquee par les
Anglais
. Il contribue a repousser les tentatives de l'ennemi et le
, apres la cessation des hostilites, il retourne dans ses foyers.
Le
il est appele a l'
armee d’Espagne
pour commander la
3
e
brigade de la division du
general Bonet
, formant l'arriere-garde du corps du duc d'Istrie, le
marechal Bessieres
qui opere dans les
Asturies
. Le general Bonet, seconde par les officiers de sa division, defait successivement les partis ennemis. Son quartier-general est place a
Oviedo
. Ses troupes occupent
Grado
et tout le pays entre
Santander
et
Leon
et peuvent se porter en
Galice
, si la circonstance l‘exige.
Juan Diaz Porlier
(dit le
≪
Marquesito
≫
) a reuni a
Potes
un parti qui prend chaque jour de nouvelles forces. Se repliant devant le general
Serras
, que le general
Kellermann
a envoye pour dissiper ses troupes, le Marquesito, dans le courant de septembre, s'est jete dans les Asturies esperant attaquer avec succes le general Bonet dans
Oviedo
. Le 14 de ce mois, les avant-postes francais decouvrent le chef espagnol, qui s'est avance a quatre lieues de la ville a la tete de trois mille hommes. Bonet marche contre lui, l'attaque, lui tue quatre mille hommes, detruit presque entierement sa cavalerie, lui fait plus de trois cents prisonniers, et disperse le reste.
Le
, Portier, deja battu par le general Bonet, se presente tout a coup devant
Gijon
, port de la cote des
Asturies
, au moment ou une escadre anglaise et espagnole s'approche du port et debarque deux mille cinq cents hommes de troupes, et force le colonel Cretin a se replier a une lieue de la ville ; mais le lendemain le colonel a recu des renforts suffisants, marche sur Gijon et force l'ennemi a se rembarquer precipitamment en laissant plusieurs centaines de tues et de blesses sur la plage.
Deux jours apres, le 20 du meme mois, un corps de cinq a six mille
Galiciens
vient attaquer sa brigade a
Fresno
et a
Grado
mais cette nouvelle tentative des Espagnols n'a pas plus de succes que celle tentee trois jours auparavant sur Gijon. Le
, un corps de 5 000 Galiciens se porte devant l'avant-garde du corps d'armee francais qui occupe le
Royaume de Leon
. Cette avant-garde est postee pres d'Oviedo. Il a 1 500 hommes ; il marche en direction de l'ennemi et le rencontre au village de Fresno ; une fusillade s'engage. Les Galiciens, superieurs en nombre, dirigent leurs efforts sur le centre francais ; ils gagnent du terrain et manœuvrent pour entourer nos deux ailes, apres les avoir isolees l'une de l'autre. Apres avoir recu des renforts, il en profite pour tourner la gauche des Espagnols, manœuvre qui les oblige a se reporter en arriere. Le centre francais peut alors rentrer en ligne et reprendre ses positions. L'ennemi, enfonce a son tour, se retire en desordre. Les Espagnols sont encore battus et chasses au-dela de la Narcea, apres avoir perdu beaucoup de monde.
Le
au matin, un corps de 6 000 hommes de l'armee de Galice se porte sur l'avant-garde du general Bonet, commandee par le general Valletaux et postee en avant d'Oviedo, mais est repousse une nouvelle fois. Les reconnaissances francaises trouvent l'ennemi a cheval sur les routes de
Miranda
et de
Belmonte
. Il forme son centre de huit compagnies, sous le commandement du chef de bataillon Andreossy et se place lui-meme a Fresno avec un bataillon du
118
e
regiment. Les Espagnols se presentent et couronnent tous les mamelons de la montagne. La fusillade s'engage. L'ennemi le centre des Francais, qu'il espere enfoncer ; il a reussi a gagner un espace de terrain assez etendu et manœuvre pour entourer les deux ailes francaises, des qu'il les a isolees l'une de l'autre, lorsque le chef de bataillon Lenouand arrive sur la position avec quelques renforts. Il profite de cet evenement pour detacher deux compagnies du
118
e
, chargees de tourner la gauche de l'ennemi. Ce mouvement reussit et force l'ennemi a se porter en arriere. Le centre peut alors rentrer en ligne et reprend aussitot ses positions. Les Espagnols, enfonces a leur tour, sont obliges de se retirer en desordre et les Francais les poursuivent jusque dans Belmonte et Miranda.
Le Marquesito, refoule dans les montagnes, ne tarde pas a y reunir de nouvelles forces, et, vers la fin du mois de
, il en redescend avec une bande de 3 a 4 000 hommes. Battu, il court se refugier dans les montagnes de Meres, ou, selon leur coutume, ses guerillas se dispersent.
Le
suivant, le general Bonet, informe que Porlier reunissait son monde pour se porter vers les frontieres de Galice, ordonne une forte reconnaissance sur la
Navia
. Le general Valletaux, charge de cette operation, marche dans la direction indiquee ; mais ses recherches sont vaines et il revient a Tineo sans avoir pu rencontrer l'ennemi. Cependant, ayant appris, peu apres, qu’un detachement considerable occupe vers Cangas de Tineo la forte position de Puelo, il se porte a la rencontre de l'ennemi.
Le 18, au matin, la colonne francaise, forte de 1 500 hommes, attaque la montagne escarpee de Puelo, defendue par 6 000 guerillas. Le capitaine Pellerin, a la tete d’une compagnie de grenadiers, enleve a la baionnette un rocher sur lequel l'ennemi appuie sa defense, pendant qu’une compagnie de voltigeurs penetre dans le village adosse au rocher. Les Espagnols, surpris par cette double attaque, lachent pied, abandonnant leurs morts, leurs blesses et une centaine de prisonniers. Le duc d'Istrie, commandant l'armee du Nord en Espagne, ayant appris qu'un rassemblement de Galiciens se forme dans la vallee du Vierzo, detache le corps du general de division Bonet sur Leon pour assurer les communications entre cette ville et les Asturies. L'avant-garde espagnole se presenta sur Benavides ; mais elle est attaquee et repoussee par le general Valletaux, qui se porte a sa rencontre avec trois bataillons et soixante chasseurs. Les tirailleurs francais poursuivent les fuyards jusqu'a Quintanilla del Valle, ou l'armee ennemie, forte de 7 000 combattants, a pris position. Valletaux veut se retirer avec ses hommes mais, engage trop en avant, il se resout a attaquer les Espagnols.
Les Francais marchent sur l'ennemi, le repoussent et le contraignent a prendre une nouvelle position au-dela du village qu'ils viennent d'enlever. Pour assurer ce succes, il envoie le
119
e
regiment d'infanterie prendre poste a droite au-dela du village, et place le
122
e
en face des colonnes ennemies qui se forment sur les routes de Fontoria et de Quintana-Dejor, tandis que le chef de bataillon Durel tient en respect sur la gauche un detachement de troupes venu d'Astorga et qui s'efforce de le tourner. Le combat ne tarde pas a s’engager de nouveau, mais les soldats francais restent maitres du champ de bataille apres avoir inflige des pertes de six cents hommes a leurs adversaires. Les colonnes ennemies se retirent au-dela d'Astorga. Cette journee vit toutefois pour les Francais la mort du general Valletaux, tue dans l'action lors d'une attaque espagnole.
L'Empereur ignore encore la mort du general Valletaux lorsqu'il le nomme commandant de la Legion d'honneur par decret du
1811
[
3
]
. Il est eleve au grade de
general de division
a titre posthume.
Il a epouse, en 1802, Marie-Therese Rouxel de Maisonneuve, fille d'un negociant armateur au Legue (port de Saint-Brieuc). De ce mariage nait une seule fille, Marie-Therese, qui a epouse, en 1826, Francois Le Pomellec (1793-1853), armateur et maire de Saint-Brieuc, chevalier de la Legion d'honneur, membre du Conseil general du departement des Cotes-du-Nord et president de la Societe d'agriculture.
En 1796, Valletaux achete le
chateau de Bienassis
, bien national depuis la
Revolution
, revendu moins de cent ans plus tard, en 1880, par ses descendants, la famille Le Pomellec, a l'amiral Jules de Kerjegu.
Le nom du general avait ete omis sur les tables gravees sous les voutes de l'arc de triomphe de l'Etoile jusqu'a l'intervention du marechal
Soult
, qui permet de graver le nom de Valletaux a la fin de la nombreuse liste des militaires francais. Le general Valletaux est fait commandeur de la Legion d'honneur a titre posthume, dignite
post mortem
accordee par l'Empereur en personne l'elevant de fait au grade militaire de
general de division
.
Inhume pres de la riviere d'
Orbigo
(Espagne), il est ecrit cette epitaphe sur sa tombe :
"
Ci-git un general couronne par la gloire
et qui dans les combats ne fut jamais vaincu.
Passant, de Valletaux respecte la memoire
il mourut en heros comme il avait vecu
."
[
4
]
Lors de sa derniere bataille, Valletaux, qui etait a 150 contre 4 000, dit a ses hommes :
"Soldats ! Vous n'avez qu'une ressource, c'est de mourir en braves gens, en passant sur le corps de ces bandits. Allons, tambours, la charge, en avant la baionnette !", et il vainquit en tombant au champ d'honneur...
- ↑
Registre paroissial catholique de Hiersac (1737-1792), 3 E 173/1
, Archives departementales de la Charente, 205
p.
(
lire en ligne
)
,
p.
56
- ↑
A. Botrel, ≪
Le general Valleteau (1757-1811)
≫,
Annales de Bretagne. Tome 30, numero 1
,
,
p.
64-71
(
lire en ligne
)
- ↑
Base de donnees Leonore, ≪
Dossier legionnaire de Jean Andre Valletaux. N° de Notice : L2666077
≫, sur
Archives nationales
(consulte le
)
- ↑
Francois-Marie-Guillaume Habasque,
Notions historiques, geographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral du departement des Cotes-du-Nord : tome troisieme
, Guingamp, B. Jollivet (Imprimeur-libraire),
, 474
p.
(
lire en ligne
)
,
p.
111
- Biographie extraite du
Dictionnaire des parlementaires francais de 1789 a 1889
d'Adolphe Robert et Gaston Cougny, consultable sur le
site de l’Assemblee nationale