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Hypertexte

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Hyperlien ≪ Wikipedia ≫.

Un hypertexte est un document ou un ensemble de documents informatiques qui permet de passer d'une information a l'autre grace a un systeme de renvois appeles hyperliens , ou liens hypertextes. Ceux-ci prennent la plupart du temps la forme d'un texte souligne en bleu, bien qu'ils puissent egalement etre places sur une photo, une image, un bouton, etc [ 1 ] .

Ce systeme est le fondement meme du World Wide Web  : un reseau constitue d’un ensemble de documents numeriques unis par des liens non sequentiels.

Le terme, cree en 1965 par Ted Nelson , designe, dans les premieres annees, un champ de recherche d'orientation litteraire fonctionnant sur un systeme ferme. En parallele, les grandes industries commencent a definir un langage de balisage standardise ( GML  /  SGML ) afin de gerer leurs documents sur un ordinateur central . C'est cette technologie que retiendra Tim Berners-Lee pour relier les ressources de l' Internet dans le World Wide Web .

Etymologie [ modifier | modifier le code ]

Etymologiquement, le prefixe ≪ hyper ≫ suivi de la base ≪ texte ≫ renvoie au depassement des contraintes de la linearite du texte ecrit. Lorsque les unites d'information ne sont pas uniquement textuelles, mais aussi audiovisuelles , on peut parler de systeme et de documents hypermedias .

Avant que le terme ≪ hypertexte ≫ soit vulgarise par l' informatique , il a ete occasionnellement utilise en litterature. Ainsi le Dictionnaire Flammarion de la Langue Francaise (1998) donne deux sens au mot, le premier etant le neologisme cree par Gerard Genette pour la theorie litteraire  : ≪ texte litteraire derive par rapport a un autre qui lui est anterieur et lui sert de modele ou de source, d'ou des phenomenes de reecriture possibles comme le pastiche ou la parodie  ≫ [ 2 ] . Dans Palimpsestes , Gerard Genette definit l'hypertexte par opposition a l' hypotexte , qui est le texte anterieur auquel un hypertexte est relie, ≪ d'une maniere qui n'est pas celle du commentaire ≫ [ 3 ] . Genette considere qu'il s'agit d'une forme de transtextualite .

Precurseurs [ modifier | modifier le code ]

Si le terme ≪ hypertexte ≫ est assez recent, l'idee qu'il recouvre est toutefois fort ancienne et certains estiment qu'il ≪ etait deja en germe dans divers developpements apparus au cours de l'histoire de l'ecriture ≫ [ 4 ] . Des le XII e  siecle apparaissent des ouvrages dotes d'un index permettant au lecteur de sauter directement a la section qui l'interesse, sans devoir suivre un cheminement lineaire. Des le XV e  siecle, les notes infrapaginales se multiplient dans les ouvrages scientifiques afin de donner, a la personne qui le souhaite, des informations supplementaires, sans rompre le fil du texte principal. Le systeme des renvois sera pousse encore plus loin avec l' Encyclopedie de Diderot et D'Alembert , afin de realiser leur projet d'≪ enchainement des connaissances ≫, prefigurant dans une certaine mesure Wikipedia [ 5 ] .

L'hypertexte a d'ailleurs parfois ete decrit comme ≪ un systeme generalise d’appel de notes ≫ [ 6 ] . Des textes litteraires anterieurs a la litterature numerique , tels que Feu pale de Vladimir Nabokov ou Marelle de Julio Cortazar , sont consideres comme des precurseurs de l'hypertexte, dans ce sens que les renvois internes appellent a une lecture non lineraire. Certains critiques, particulierement dans le milieu anglo-saxon, n'hesitent pas a compter Jorge Luis Borges comme un des precurseurs de l'hypertextualite [ 7 ] . Les livres-jeux (livres dont vous etes le heros), peuvent aussi etre consideres comme des exemples d'hypertextualite non numerique.

Vannevar Bush et le Memex [ modifier | modifier le code ]

Vannevar Bush en 1940.

La premiere description du concept est probablement due a Vannevar Bush . Dans un article de 1945 ou il s'interroge sur les moyens de faciliter le travail des chercheurs dans le domaine scientifique [ 8 ] , il decrit un bureau electromecanique futuriste appele Memex pour ( MEMory EXtender ). Ce bureau contient une unite de memoire dans laquelle il est possible d'emmagasiner sous forme de microfilms des milliers de livres, revues et journaux. La surface du bureau contiendrait des ecrans sur lesquels s'afficheraient les microfilms et un clavier permettant d'acceder a un index de sorte que la consultation de la bibliotheque serait extremement souple et rapide [ 9 ] .

Le Memex est toutefois bien davantage qu'une bibliotheque automatique, car il offre aussi la possibilite a son utilisateur d'ajouter constamment de nouvelles donnees grace a un appareil photo integre, d'associer entre elles des donnees stockees dans la bibliotheque et d'enregistrer toute recherche effectuee. Cela revient a envisager des hyperliens et des cheminements personnalises. Meme si Bush n'utilise pas le terme d'hyperlien ni celui d'hypertexte, il envisage une realite du meme ordre, une machine comme le Memex devant constituer pour son utilisateur ≪ un important supplement intime a sa memoire ≫ [ 10 ] . Grace a ce systeme, predit Bush, ≪ des formes entierement nouvelles d'encyclopedies vont faire leur apparition, deja equipees d'un reseau d'associations au travers de leurs articles [ 8 ] . ≫ Et il conclut : ≪ La technologie peut ainsi ameliorer les facons dont l’homme produit, enregistre et consulte le savoir [ 8 ] . ≫

Cette conception de la lecture savante tend a se repercuter sur la conception du texte, meme si ce dernier n'est pas oriente vers la recherche, ainsi que le note Vandendorpe : ≪ La structure du texte tend des lors a prendre pour modele le cheminement du lecteur [ 11 ] . ≫

L'idee de regrouper une vaste collection de documents sur microfilm etait dans la continuite des recherches documentaires. Le microfilm a ete utilise a des fins de stockage de l'information des 1910, mais seulement sous une forme reduite (Chaumier 1971). A cette date, Paul Otlet avait d'ailleurs envisage de l'utiliser pour creer une Bibliophoto et ≪ un telescope electrique, permettant de lire de chez soi des livres exposes dans la salle teleg des grandes bibliotheques, aux pages demandees d’avance [ 12 ] . ≫ Le specialiste belge de la science bibliographique est ainsi considere comme un des precurseurs d'Internet et son travail constitue selon les historiens ≪ une part importante et negligee de l'histoire des sciences de l'information ≫ [ 13 ] .

Ted Nelson et Xanadu [ modifier | modifier le code ]

Ted Nelson .

Le terme hypertext est invente en 1965 par Ted Nelson  : ≪  Let me introduce the word 'hypertext' to mean a body of written or pictorial material interconnected in such a complex way that it could not conveniently be presented or represented on paper  ≫ [ 14 ] .

Ce dernier appelle hypertexte un reseau constitue par un ensemble de documents numeriques de type litteraire (originaux, citations, annotations) lies entre eux. La principale propriete de l'hypertexte est de ne pas etre sequentiel (ou lineaire), par opposition a un discours ou aux pages d'un livre. Il s'agit aussi pour lui d'un ≪ concept unifie d’idees et de donnees interconnectees, et de la facon dont ces idees et ces donnees peuvent etre editees sur un ecran d’ordinateur ≫ [ 15 ] . Il decrit sa conception en detail dans son ouvrage Computer Lib/Dream machines (1974), qui sera reedite en format hypertexte grace au logiciel Guide en 1987.

Il est aussi le createur du projet Xanadu , systeme hypertexte global, reste a l'etat de prototype, qui devrait idealement servir de depot a la litterature du monde entier et permettre la consultation des documents deposes moyennant un systeme de micropaiements couvrant les droits d'auteur .

Logiciels d'hypertexte [ modifier | modifier le code ]

Systemes autonomes [ modifier | modifier le code ]

HES (1967). Ted Nelson ≪ met au point avec Andries van Dam le logiciel Hypertext Editing System, qui servira aux premieres experiences de creation hypertextuelle, dans une perspective litteraire, a l' universite Brown [ 16 ] . ≫ Par la suite, il servira a organiser la documentation des missions Apollo [ 17 ] .

NLS (1968). Douglas Engelbart [ 18 ] , qui a invente de nombreux outils informatiques toujours en usage aujourd'hui ? edition de texte a l'ecran, souris, fenetres, etc. ? commence a travailler des 1962 sur le projet NLS (oNLine System) , qui sera presente au public en 1968 [ 19 ] . Ce systeme permet a des chercheurs d'enregistrer leurs articles et annotations dans un espace commun et d'y integrer des liens. Tout comme pour HES, ce systeme ne se repand guere en dehors des institutions qui l'ont cree [ 17 ] .

GML (1969). Charles Goldfarb, ≪ responsable chez IBM d'un projet de systeme d'information integre ≫ , cree le GML , un langage de codage de documents textuels fonctionnant a l’aide de balises indiquant la nature des elements.

Aspen Movie Map(1978) est le premier hypermedia . Cree au MIT , il fonctionne sur videodisque et permet a l'usager de circuler virtuellement dans la ville d' Aspen au Colorado [ 17 ] , prefigurant Google Street View .

Hyperties (1983). Cree par Ben Shneiderman de l' universite du Maryland , l'hyperlien dans ce logiciel offre un apercu de l'unite d'information a laquelle il mene. Ce systeme, commercialise en 1987, peut fonctionner sur des machines equipees du systeme d'exploitation DOS [ 17 ] .

Guide (1984) est un systeme hypertexte developpe par la societe britannique OWL (Office Workstations Limited) a partir de 1982 et commercialise en 1984; il sera adapte pour Macintosh en 1987 sous le nom HyperCard [ 17 ] . Le fichier d'aide de Turbo Pascal (version 4 - 1987) est en hypertexte, tout comme le sera, peu apres, celui de Windows .

NoteCards (1985) est un logiciel developpe a Xerox PARC . Son architecture repose sur un ensemble de cartes, chacune constituant un ≪ nœud ≫ (ou unite d'information) auquel peut mener un lien [ 17 ] .

Intermedia (1985) est un autre systeme cree a l' universite Brown . Plus puissant que NoteCards, il permet des liens non seulement a des cartes, mais aussi a des ≪ ancres ≫, c'est-a-dire a des endroits d'une meme page identifies a l'aide d'une balise speciale. Ce procede est aussi present dans le HTML .

SGML (1986). Developpe a partir du GML , le SGML est adopte comme norme ISO en 1986 [ 20 ] .

HyperCard (1987) est une application mise au point par Bill Atkinson pour Apple , a partir du logiciel Guide. HyperCard est l'un des premiers systemes hypertexte disponible pour le grand public. Il etait incorpore dans chaque Mac OS de l'epoque. Un document hypertexte est compose de cartes. Chaque carte, correspondant a une page-ecran , est creee a l'aide d'outils de traitement de texte et de dessin. Les liens entre les cartes sont indiques par des boutons. Ce logiciel integre permet trois fonctions : circuler parmi les cartes, editer ces cartes et enfin programmer des liens plus complexes au moyen d'un langage appele HyperTalk . Il a servi de plateforme pour organiser et faire tourner les pages du jeu Myst [ 21 ] .

Hypertextes sur CD-ROM [ modifier | modifier le code ]

En 1984, la standardisation des protocoles numeriques pour CD-ROM permet aux editeurs de voir dans celui-ci un support ideal pour des applications en hypertexte. Devant l’interet suscite, Microsoft organise une conference sur le sujet, dont les actes sont reunis sous le titre CD ROM : the New Papyrus (1986) [ 22 ] . De grandes encyclopedies commencent a exploiter les possibilites offertes par l'hypertexte et le multimedia : Compton's Multimedia Encyclopedia (1989), The New Grolier Multimedia Encyclopedia (1992), Encarta (1993), Britannica (1994), Encyclopædia Universalis (1995), etc.

Hypertexte en reseau [ modifier | modifier le code ]

Tim Berners-Lee .

HTML (1992) [ modifier | modifier le code ]

Lorsque Tim Berners-Lee commence a concevoir le World Wide Web en 1989, il cherche un langage hypertexte adapte et contacte notamment Ian Ritchie de la societe proprietaire de Guide afin de developper une interface visuelle pour le Web, mais en vain [ 23 ] . Avec Robert Cailliau , il met au point entre 1990 et 1992 le HTML ? version simplifiee du SGML  ? qui servira a relier entre elles les ressources de l'hypertexte universel qu'est le Web. Une ressource peut etre non seulement un document textuel, audiovisuel ou interactif , mais aussi une boite de courrier electronique , un forum de discussion Usenet ou une base de donnees. Les hyperliens du Web sont contenus dans des documents balises en langage HTML ( HyperText Markup Language ), presentes sous la forme de pages Web . Les liens vers les ressources les plus diverses peuvent etre etablis grace a une notation standardisee appelee Uniform Resource Locator (URL) ou Uniform Resource Identifier (URI).

Contrairement au modele tres elabore entrevu par Ted Nelson pour Xanadu , le Web utilise des concepts hypertextuels simples et faciles a mettre en œuvre : les hyperliens sont unidirectionnels, ils se ≪ cassent ≫ lorsque la ressource liee est deplacee ou supprimee, il n'y a pas d'apercu de la ressource liee, les droits d'auteur ne sont pas geres et il n'y a pas de systeme d' annotation ni de gestion de versions .

Wiki (1995) [ modifier | modifier le code ]

≪ L’hypertexte connait un autre developpement majeur avec la mise au point du wiki par Ward Cunningham en 1995. Ce systeme, qui reprend et developpe une idee de logiciel collaboratif mise de l’avant en 1970 avec le systeme NLS de Doug Engelbart , utilise des balises simplifiees et permet a plusieurs usagers de creer, modifier et illustrer des pages web ≫ .

Avec le wiki, ≪ le lecteur ne se limite plus a choisir ce qu’il va lire en le selectionnant parmi un eventail d’hyperliens : il devient lui-meme auteur et participe a la creation de contenus ≫ [ 24 ] . Il est a la base de Wikipedia et d'une partie du Web 2.0 .

Impacts de l'hypertexte [ modifier | modifier le code ]

Effets sur la lecture [ modifier | modifier le code ]

L’hypertexte marque une rupture dans le processus de lecture au sens ou le lecteur n’est pas tenu de lire l’integralite du document hypertextuel (et ne le fait pas en general) tandis que la lecture d’un livre se fait generalement du debut a la fin. De plus, la navigation au moyen d'hyperliens cree facilement un effet de desorientation, souvent signale par les auteurs dans les debuts de l'hypertexte [ 25 ] . Ce phenomene etait encore plus fort dans les premiers temps du Web, ou les usages n'etaient pas etablis ni du cote des lecteurs ni de celui des auteurs. Ainsi, en 1996, le New York Times expliquait aux utilisateurs comment circuler dans l'hypertexte du Web : ≪ Ci-apres se trouvent des liens vers les sites web externes mentionnes dans l'article. Ces sites ne font pas partie du New York Times sur le web, et le Times n'a aucun controle sur leur contenu ou leur disponibilite. Quand vous aurez fini de visiter n'importe lequel de ces sites, vous pourrez revenir a cette page en cliquant sur le bouton ou l'icone ≪ en arriere ≫ de votre navigateur, jusqu'a ce que cette page reapparaisse ≫ [ 26 ] . Bien que des effets de tabularite soient presents dans les textes imprimes, l'hypertexte s'eloigne souvent grandement de la linearite du texte papier, heritee des contraintes temporelles de la parole, offrant la possibilite au lecteur d'acceder a des donnees visuelles dans l'ordre qu'il choisit [ 27 ] .

Par ailleurs, comme le signale Christian Vandendorpe , dans son essai Du Papyrus a l’hypertexte , l'abondance des donnees disponibles, jointe a une sollicitation constante de l'attention, entraine une ≪ dynamique de lecture […] caracterisee par un sentiment d’urgence, de discontinuite et de choix a effectuer constamment ≫ [ 28 ] .

Journalisme [ modifier | modifier le code ]

Selon Alexandra Saemmer, on peut distinguer trois grands types d'usage de l’hypertexte dans les medias :

  • l’hypertexte informationnel : sert a informer et non a justifier ou a convaincre le lecteur ;
  • l’hypertexte argumentatif : permet de justifier, de defendre une idee ;
  • l’hypertexte ≪ figure de manipulation ≫ : en ne presentant pas de lien logique entre deux articles (un texte source et un texte lie), celui-ci cherche a dejouer, a seduire ou a manipuler le lecteur.

L’hypertexte permet au lecteur de se renseigner sur le contexte d’un article. Grace a cet outil, le journaliste peut citer ses sources pour se justifier ou pour, au contraire, prendre de la distance par rapport a ce qu’il ecrit. L’auteur peut egalement inciter le lecteur a lire un autre document en rapport avec son article ; il s’agit alors d’ ≪ usages anticipes ≫ (Davallon et Jeanneret, 2004 [ 29 ] ). En effet, en mettant en avant un autre article ou une video grace a un lien hypertexte, l’auteur montre qu’il a deja consulte ce lien : il incite, prevoit et donc anticipe le fait que le lecteur va pouvoir egalement le consulter.

Des sites de journalisme participatif ont egalement vu le jour, invitant tous les lecteurs a participer a la redaction, tels le site OhmyNews au Japon et en Coree du Sud , dont le slogan est ≪ Chaque citoyen est un journaliste ≫. Le citoyen connecte et interactif devient ainsi un netizen . Cette plateforme comptait 70 000 contributeurs en 2011 [ 30 ] . De meme, Wikinews fait appel aux contributeurs benevoles pour offrir un suivi de l'actualite dans les differentes parties du monde.

Litterature hypertextuelle [ modifier | modifier le code ]

Dans les annees 1960, diverses tentatives de briser la linearite inherente au roman traditionnel sont apparues. Nabokov a propose dans Feu pale (1961) une structure labyrinthique qui obligeait le lecteur a faire des allers et retours entre les diverses sections du livre. Marc Saporta (1962) a publie Composition n o  1 , un livre en pages detachees non paginees, que le lecteur etait invite a battre comme des cartes [ 31 ] . Meme rejet de la linearite dans Marelle (1963), de Julio Cortazar , et meme recherche de combinaisons infinie dans ≪  Cent mille milliards de poemes  ≫, de Raymond Queneau (1967). Dans les annees 1980, le succes des collections du genre Un livre dont vous etes le heros a egalement prepare le public a decouvrir un nouveau rapport a la lecture [ 32 ] .

L’hypertexte suscite donc l’interet des ecrivains qui y voient un moyen de liberer la litterature des contraintes imposees par le support papier, donnant le jour a des poesies hypertextuelles, et surtout a des experiences susceptibles de deboucher sur un nouveau genre litteraire : l'hypertexte de fiction [ 31 ] . Ce dernier prend son essor aux Etats-Unis ou il se developpe peu a peu, notamment a Brown , ou sont crees divers logiciels d'hypertexte.

La premiere grande fiction sur hypertexte [ 33 ] est afternoon, a story (1987), de Michael Joyce (ecrivain)   (en) , qui comprend 539 nœuds (unites d'information) et 950 liens . afternoon a ete ecrit sur le logiciel de systeme ferme ≪ Storyspace ≫ [ 34 ] concu par Marc Bernstein, qui a par la suite cree Eastgate Systems   (en) , principal editeur d'hypertextes litteraires aux Etats-Unis. Cet ouvrage a suscite l'interet de l'ecrivain et critique Robert Coover a un point tel que ce dernier a decide de donner un seminaire de creation hypertextuelle a Brown durant deux semestres, experience qu'il relate dans un article intitule ≪ The End of Books ≫ en 1992. Selon lui, ≪ La nouveaute la plus radicale de l'hypertexte est le systeme de liens multidirectionnels et souvent labyrinthiques que nous sommes invites ou obliges de creer ≫ [ 35 ] . Selon une critique :

≪ L'experience de lecture d' afternoon est fragmentee, labyrinthique. Les themes explores par l’auteur sont nombreux et le lecteur qui evolue dans le recit est rapidement confronte au sentiment d’avoir affaire a une œuvre immense, voire ecrasante. L’accident de voiture [au debut du recit] est en fin de compte un simple declencheur, un pretexte pour explorer les meandres du souvenir et de la memoire d’un homme l’espace d’un apres-midi. Car si le lecteur a le sentiment de bel et bien assister a un point tournant dans la vie du narrateur, l’issue reelle de ce processus demeure obscure et l’exercice semble pour ainsi dire destine a ne jamais avoir de fin [ 36 ] . ≫

En raison du rejet de la linearite et d'une navigation opaque, cette hyperfiction, a l'instar de beaucoup d'autres, presente de serieuses difficultes pour le lecteur, qui n'a guere d'indices sur l'ordre dans lequel les fragments devraient s'enchainer. Comme le note Jean Clement :

≪ La premiere victime de l'abandon de la narration traditionnelle est l'intrigue elle-meme. Apres avoir lu un hypertexte de fiction, le lecteur a, certes, une idee de ce dont il est question, mais il est incapable d'en raconter l'histoire. D'abord parce qu'il n'en a lu que des bribes. Ensuite, parce qu'il les a lues dans un ordre parfois illogique. Enfin parce qu'il y a plusieurs histoires ou que, peut-etre, il n'y en a pas [ 31 ] . ≫

En 2015, Jean-Pierre Balpe , qui a lui-meme cree plusieurs romans hypertextuels interactifs et des generateurs de poemes, est critique sur les premieres tentatives d'hyperfiction : ≪ Ces recits, dans leur ensemble, se contentaient alors de proposer une multinlinearite qui, au fond des choses, ne change rien aux positions respectives de l'auteur et du lecteur : l'auteur concoit un certain nombre de parcours qu'il ouvre a la lecture et ne laisse a son lecteur que la possibilite de suivre quelques-uns d'entre eux ou, s'il le desire, en revenant au depart, tous les uns apres les autres ≫ [ 37 ] . Selon Balpe, il faut plutot exploiter la ≪ cooperativite lectorielle ≫ dans de vastes hypertextes sous forme de blogues interrelies, ou une matrice de depart est constamment transformee par le jeu des hyperliens ou par des processus de generation automatique, dans un processus d'expansion indefinie [ 37 ] .

Des milliers d'œuvres ont vu le jour depuis l'arrivee du Web [ 38 ] . En 2010, une experience d'ecriture en reseau a laquelle ont participe l'ecrivain Neal Stephenson , ainsi que des cineastes, des artistes visuels et des developpeurs de jeux video, a donne a certains observateurs la conviction que l'hyperfiction avait finalement trouve sa formule avec une saga intitulee The Mongoliad   (en) [ 39 ] . En 2012, toutefois, le site a ete ferme et renvoyait alors le lecteur a une serie d'une vingtaine de livres.

Apres avoir lu un roman de Paul La Farge a la fois sous forme classique et en mode hypertexte, une critique concluait ainsi : ≪ Je ne peux pas vous recommander la lecture de Luminous Airplanes en ligne. La navigation a travers des hyperliens detruit la dynamique du recit […] La critique la plus genereuse que l'on puisse faire de la version web est qu'elle se lit comme une premiere ebauche d'un tres bon roman ≫ [ 40 ] .

Davallon et Jeanneret invitent a degager le concept d'hypertexte des constructions theoriques qui s'y sont attachees :

≪ Finalement la verite du media [hypertexte] ne parait pas resider dans la realite des ecrits qu'il abrite (toujours definis comme decevants) mais dans les vertus supposees de sa structure (ineluctablement vouee a devenir prodigieuse). La valorisation de la potentialite triomphe dans les recits d'invention de l'hypertexte. C'est pourquoi on y retrouve invariablement Vannevar Bush , qui ne l'a pourtant ni imagine ni nomme [ 41 ] . ≫

D'autres etudes reevaluent la nouveaute relative de l'hyperfiction, en ≪ comparant les recits interactifs numeriques aux non-numeriques, tels que les jeux de role, le theatre experimental ou les livres dont vous etes le heros ≫ [ 42 ] .

Communication hypertextuelle [ modifier | modifier le code ]

Pierre Levy, chercheur en science de l'information et de la communication, illustre avec la metaphore de l’hypertexte [ 43 ] , une theorie hermeneutique de la communication. Elle met en avant la qualite du message, son sens et ses significations plutot que la quantite en opposition a la theorie mathematique de la communication de Shannon. Dans cette theorie, Levy ne s’attache donc ni au recepteur, ni a l’emetteur, ni au message mais bien aux liens qui les unissent dans un systeme appele hypertexte, en constante reconstruction.

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

  1. Lien hypertexte : definition, traduction , sur Le Journal du Net .
  2. Aurelie Cauvin, 2. Hypertexte : informatique et/ou litterature ? , memoire de maitrise, 2001.
  3. Gerard Genette, Palimpsestes : la litterature au second degre , Paris, Seuil , , 574  p. ( ISBN   978-2-02-018905-7 ) , p.  13
  4. Vandendorpe 2015 , p.  30.
  5. Encyclopedisme et savoir. Du papier au numerique. Institut national de recherche pedagogique, Cellule de veille scientifique et technologique, avril 2006.
  6. Vandendorpe 1999 , p.  168.
  7. Chaos Theory, Hypertext, and Reading Borges and Moulthrop
  8. a b et c Vannevar Bush, As We May Think , The Atlantic Monthly , juillet 1945.
  9. Voir image ici .
  10. Bush (1945) : ≪  It is an enlarged intimate supplement to his memory.  ≫
  11. Vandendorpe 2015 , p.  32.
  12. Otlet 1934 , p.  238 (243.54, e).
  13. Rayward 1975 . Vision of Xanadu .
  14. Balpe 2015 .
  15. Clement 1995 .
  16. Vandendorpe 2015 , p.  33.
  17. a b c d e et f Nielsen 1995 .
  18. Voir Doug Engelbart Institute .
  19. Description de l'oNLine System de Douglas Engelbart
  20. Vandendorpe 2015 , p.  34.
  21. The Myth of Myst in HyperCard .
  22. Vandendorpe 2015 , p.  34-35.
  23. (en) Ian Ritchie, The day I turned down Tim Berners-Lee , TED Talk.
  24. Vandendorpe 2015 , p.  37.
  25. Voir notamment Stepno 1988 .
  26. [PDF] Liens Hypertextes et Journalisme : Une Archeologie des Discours Meta-journalistiques
  27. Christian Vandendorpe, Du papyrus a l'hypertexte : essai sur les mutations du texte et de la lecture , Paris, Editions La Decouverte , , 271  p. ( ISBN   2-7071-3135-0 et 978-2-7071-3135-5 , OCLC   779683461 )
  28. Vandendorpe 1999 , p.  11.
  29. Usages anticipes , sur le site persee.fr
  30. Le Devoir , Le triomphe du journalisme citoyen , 30 mai 2011.
  31. a b et c Clement 1994 .
  32. Vandendorpe 1999 , p.  108-110.
  33. Jean Clement, ≪  afternoon, a Story du narratif au poetique dans l'œuvre hypertextuelle  ≫, sur Paris 8
  34. Story Space
  35. Coover 1992 .
  36. Joelle Gauthier, afternoon, a story , Laboratoire NT2, 2009. Quelques copies d'ecran sont disponibles sur ce site.
  37. a et b Balpe 2015 , p.  100.
  38. En octobre 2016, le site NT2 repertoriait 2043 œuvres dans lesquelles la navigation est a choix multiples.
  39. True hypertext narrative… Finally
  40. K. Schulz, A Novel of Flying Machines, Apocalyptics and the San Francisco Internet Boom , The New York Times , 7 octobre 2011.
  41. Davallon & Jeanneret 2004 , p.  49.
  42. Hurel 2014 .
  43. Pierre Levy. L'hypertexte, instrument et metaphore de la communication. In: Reseaux , volume 9, n°46-47, 1991. La communication : une interrogation philosophique. p. 59-68

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

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  • Christian Vandendorpe , Du papyrus a l'hypertexte : Essai sur les mutations du texte et de la lecture , Paris, La Decouverte , coll.  ≪ Sciences et societe ≫, , 271  p. ( ISBN   978-2-7071-3135-5 , lire en ligne )

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