En
linguistique
, l’
homophonie
est une variete d’
homonymie
designant le rapport entre deux
mots
differents possedant la meme prononciation ?
cf.
phonetique
. L’homophonie se distingue en cela de l’
homographie
, qui elle, designe le rapport entre deux mots de sens differents possedant la meme
orthographe
. L’homophonie est tres frequente en francais (car elle peut se produire avec quasiment tous les mots, meme les plus courants) et est la source de fautes d’
orthographe
tres frequentes :
- par exemple en francais, ≪ ferment ≫ (conjugaison de ≪ fermer ≫ a la troisieme personne du pluriel du present de l’indicatif) et le nom masculin ≪ ferment ≫ (homophone du participe present ≪ fermant ≫) sont homographes mais pas homophones, tandis que les mots ≪ mer ≫, ≪ mere ≫, et ≪ maire ≫ sont homophones mais pas homographes, ou encore ≪ hetre ≫ et ≪ etre ≫ ;
- le cas le plus courant en francais de prononciations identiques se produit avec les accords au feminin ou au pluriel de nombreux mots, car ces accords, meme s’ils se differencient orthographiquement, ne se differencient pas toujours phonetiquement. C’est egalement tres frequent dans les formes conjuguees du meme verbe (notamment avec tous les verbes reguliers du premier ou second groupe). Mais, dans tous ces cas, ce sont des formes du meme mot, pas des mots differents.
Deux mots differents qui sont a la fois homophones et homographes sont des
homonymes
vrais :
- par exemple en francais, ≪ suis ≫ designe deux homonymes vrais car il peut etre la forme conjuguee des verbes ≪ etre ≫ et ≪ suivre ≫ a la premiere personne du present de l’indicatif (mais aussi a la deuxieme pour le second). Par ailleurs, ces homonymes vrais sont tout autant homophones de la forme verbale ≪ suit ≫ (issus du meme ≪ suivre ≫, a la troisieme personne du present de l’indicatif), ainsi que du nom commun feminin ≪
suie
≫, avec lequel ils n’entretiennent du reste aucune parente etymologique, comme c’est deja le cas entre ≪ etre ≫ et ≪ suivre ≫.
On parle parfois aussi d’
homophonie
entre deux ou plusieurs mots (ou expressions) quand ces mots (ou expressions) ont des prononciations normalement differentes
phonetiquement
mais suffisamment proches (
paronymes
) pour etre parfois confondues
phonologiquement
suivant les accents regionaux, ou quand ils sont prononces dans une autre langue qui ne fait pas de difference claire entre plusieurs phonemes, ou quand la prononciation de la graphie est incertaine dans cette langue. Mais on devrait plutot parler dans ce cas de
paraphonie.
- C’est le cas souvent de certains noms propres etrangers tels que les paronymes
Holland
,
Hollande
,
Aland
et
Oland
en francais, qui sont souvent paraphones, et dont l’orthographe peut varier en raison de lettres normalement inconnues en orthographe purement francaise, selon differents modeles de
francisation
, ce qui conduit alors a des prononciations tres differentes sans qu’on puisse savoir quel nom est reellement prononce.
- D’autres cas de paraphonie en francais se produisent par exemple avec les noms masculins ≪ mat ≫ et ≪ mas ≫ (la prononciation de ce dernier varie suivant les locuteurs, certains faisant la difference en prononcant le ‘s’ final et d’autres pas, ou en prononcant le second avec un ‘a’ anterieur).
- Un cas de paraphonie liee a l’evolution de la phonetique de la langue francaise se produit entre les verbes conjugues paronymes ≪ chantais ≫ et ≪ chantai ≫ (ce dernier etait normalement prononce comme les homophones ≪ chante ≫ et ≪ chanter ≫, pour indiquer ici l’indicatif passe simple a la premiere personne du singulier, mais est maintenant le plus souvent confondu comme avec les homophones ≪ chantais ≫, ≪ chantait ≫ et ≪ chantaient ≫, qui indiquent l’indicatif imparfait et dont le premier est aussi conjugue avec la premiere personne du singulier). Ce cas produit alors une confusion facile des temps et est la cause de fautes d’orthographe assez courantes.
- Le meme cas de paraphonie se reproduit en francais entre le conditionnel present et l’indicatif futur, par exemple avec les paronymes ≪ chanterais ≫ (ou ses homophones vrais ≪ chanterait ≫ et ≪ chanteraient ≫ tous prononces comme ≪ chantre ≫) et ≪ chanterai ≫ (normalement prononce comme ≪ chantre ≫), et produit la meme confusion des temps.
- En outre, la distinction phonetique entre le ‘a’ anterieur et le ‘a’ posterieur tend a disparaitre phonetiquement en francais courant au profit de la voyelle anterieure, transformant une paronymie en homophonie (par exemple entre l’adjectif ≪ las ≫ normalement prononce posterieur, mais souvent prononce comme les ≪ la ≫ et ≪ la ≫, deux homophones vrais toujours prononces anterieurs), ce qui peut produire des ambiguites de comprehension (par exemple ≪ je suis las ≫, posterieur, indique ma fatigue mais si on le prononce anterieur, on confond la phrase avec ≪ je suis la ≫ qui indique ma presence en un lieu).
- Par ailleurs, on remarque egalement une tendance a l’ouverture generalisee des ‘o’ fermes lorsqu’ils se trouvent entraves en syllabe finale. Ainsi de ≪ zone ≫, ≪ cone ≫, ≪ axiome ≫, ≪ tome ≫, ≪ cosmos ≫, mais aussi de ≪ faute, ≪ chaume ≫, ≪ royaume ≫, ≪ heaume ≫,
etc.
, dont le [o] s’ouvre en [?] dans la langue populaire. Des couples paraphoniques tels que ≪ sotte ≫/≪ saute ≫, ≪ cotte ≫/≪ cote ≫, ≪ roc ≫/≪ rauque ≫, ≪ pomme ≫/≪ paume ≫, ≪ homme ≫/≪ heaume ≫, ≪ bosse ≫/≪ Beauce ≫, ≪ Paul ≫/≪ Paule ≫,
etc.
, glissent donc tous vers l’homophonie. Le registre soutenu conserve neanmoins clairement ces differences.
- Enfin, notons la confusion de plus en plus frequente entre les sons vocaliques nasaux [??] et [œ?] qui tendent dans la prononciation parisienne a se fondre en un son unique [æ?], beaucoup plus ouvert. Celle-ci produit alors des couples d’homophones tel que ≪ brin ≫/≪ brun ≫. La distinction des deux sons continue cependant d’etre attestee dans de nombreuses regions et villes francaises, comme a Toulouse, par exemple.
En litterature francophone, trois ecrivains developpent ce procede a partir de la fin du
XIX
e
siecle :
Raymond Roussel
,
Alphonse Allais
, et
Jean-Pierre Brisset
et en font un principe de construction fictionnelle, reposant parfois sur un dispositif theorique. Allais compose entre autres des distiques homophoniques ou
poemes holorimes
et truffe ses nouvelles et ses articles de jeux de mot. Roussel revelera son procede avec
Comment j'ai ecrit certains de mes livres
(1934). Brisset, dans son ouvrage
La Grande Nouvelle
(1900), postule serieusement une loi linguistique, etonnante pour l'epoque : l’
homophonie
entre mots ou idees prouverait un rapport entre eux. Il ecrit :
≪ Toutes les idees que l’on peut exprimer avec un meme son, ou une suite de sons semblables, ont une meme origine et presentent entre elles un rapport certain, plus ou moins evident, de choses existant de tout temps ou ayant existe autrefois d’une maniere continue ou accidentelle. ≫
Il reussissait a concevoir par ce procede que l’Homme descend de la grenouille
[
1
]
.
Marcel Duchamp
affirme que la vision du spectacle en 1912 tire du roman
Impressions d'Afrique
de Roussel a ete determinante pour la composition des notes preparatoire du
Grand Verre
, sans parler de l'impact qu'ont eu les trois auteurs cites plus haut sur
Andre Breton
et le groupe surrealiste.
Depuis les annees 1960, et sans compter les travaux du psychanalyste
Jacques Lacan
et l'essai de
Michel Foucault
sur Roussel, les membres de l’
Oulipo
ont fait de l’homophonie un principe de construction fictionnelle, soit un jeu poetique soit encore un deplacement dans un autre univers semantique.
En litterature anglo-saxonne, on trouve par exemple chez
Edward Lear
,
Lewis Carroll
et
James Joyce
, des pratiques homophoniques. Par ailleurs, le parler
cockney
repose en grande-partie sur ce type d'associations. L'humour fonde sur l'absurde (ou le
nonsense
) dans la langue est tres prise en Angleterre depuis de longues annees.
L'homophonie designe une musique collective a une voix, chantee a l'
unisson
. Le mot est synonyme de
monodie
et s'oppose a la
polyphonie
et a l'
harmonie
. Le
chant gregorien
est par exemple une musique homophone.
Dans la
musique polyphonique
, par abus, on traite d'homophonie un morceau ou l'emission des syllabes se fait dans un meme
rythme
, commun a l’ensemble vocal, le chœur ou les instruments : il s'agit plus precisement d'
homorythmie
[
2
]
.
Plusieurs systemes de codage des mots ont ete imagines pour permettre la detection automatique d'homophonies. Ils reposent sur un systeme de regles et sont adaptes aux possibilites de traitement bureautiques (par exemple le
codage octal
dans le cas de l'algorithme
Soundex
de Russell).
- ↑
La Grande Nouvelle
, notice de l'editeur Fayard.
- ↑
Peter Gammond et
Denis Arnold
(
dir.
) (
trad.
de l'anglais par Marie-Stella Paris, Adaptation francaise par
Alain Paris
),
Dictionnaire encyclopedique de la musique : Universite d'Oxford
[≪
The New Oxford Companion to Music
≫],
t.
II :
A a K
, Paris,
Editions Robert Laffont
,
coll.
≪ Bouquins ≫,
(
1
re
ed.
1988
), 1171
p.
(
ISBN
2-221-05654-X
,
OCLC
19339606
,
BNF
36632390
)
,
p.
1006
.
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