Homme de Mungo

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L’Homme de Mungo.

L' Homme de Mungo est le nom donne a un ensemble de fossiles d' hommes modernes decouverts de 1969 a 1974 en Australie , ou ils auraient vecu au debut du Paleolithique superieur , il y a environ 40 000 ans [ 1 ] . Ils ont ete trouves sur les rives du lac Mungo , situe au sud de la Nouvelle-Galles du Sud , dans la zone protegee des lacs Willandra , environ 500 kilometres a l'interieur des terres. On a mis au jour a proximite des fossiles des outils en pierre et des os de wombats de la taille d’un buffle et de kangourous geants.

L'ensemble comprend trois fossiles humains numerotes par ordre de decouverte. Lac Mungo 1 , appele aussi femme de Mungo, a connu la plus ancienne cremation connue a ce jour. Lac Mungo 3 , appele aussi homme de Mungo, est le plus vieux fossile humain decouvert en Australie a ce jour [ 2 ] . Au debut des annees 2000, leur age a fait l'objet d'une polemique, et l'analyse de leur genome mitochondrial en 2001 a alimente une controverse pendant une decennie sur l'origine de l'homme moderne.

Lac Mungo 1 (LM1, la femme de Mungo) [ modifier | modifier le code ]

Le fossile LM1 fut decouvert en 1969 par Jim Bowler et etudie avec Alan Thorne, tous deux doctorants a l' Universite nationale australienne .

L'etat de preservation des os suggere qu'apres sa mort le corps de la femme de Mungo a ete incinere, puis ses os brises, et peut-etre incineres une seconde fois avant d'etre enterres avec les cendres [ 3 ] .

Une premiere datation par le carbone 14 lui avait attribue un age entre 24 700 et 19 030 ans. Un echantillon de charbon retrouve dans un foyer, 15  cm au-dessus de la tombe - peut-etre celui qui a servi a l'incineration -, a ete date a 26 250 ± 1120 AP [ 2 ] . C'est a ce jour la plus ancienne cremation connue, qui implique des rites funeraires complexes dans les societes humaines des cette periode.

Lac Mungo 3 (LM3, l'homme de Mungo) [ modifier | modifier le code ]

Decouverte et age [ modifier | modifier le code ]

Le fossile LM3 fut aussi decouvert par Jim Bowler, en 1974, 500 metres a l'est de LM1. Une comparaison stratigraphique avec les restes deja dates de LM1 conduisit a une premiere datation entre 32 000 et 28 000 ans AP [ 4 ] .

Des datations ulterieures par ESR en 1987, et thermoluminescence en 1999, confirmerent ces resultats [ 5 ] , mais Alan Thorne, l'un des premiers a travailler sur le site avec Jim Bowler, avanca, sur la base de recoupements entre datations de l'email des dents de LM3 et du sol environnant par ESR, uranium-thorium et OSL , un age nettement plus ancien de 62 000 ± 6 000 ans [ 6 ] . Ces resultats furent largement critiques pour des raisons methodologiques, et une serie de 25 nouvelles datations par OSL conclut a un age maximal de 50 000 ans [ 7 ] .

En 2003, Jim Bowler dirigea une equipe issue de plusieurs universites australiennes, de l'organisme de gestion de l'environnement de la Nouvelles-Galles du Sud, du CSIRO (equivalent australien du CNRS), et de groupes aborigenes, en mettant en œuvre quatre methodes de datation differentes. Ils etablirent une datation d'environ 40 000 ans pour LM3, mais aussi pour LM1 [ 8 ] .

Ce sont ces resultats qui sont encore aujourd'hui largement admis, et qui font de LM3 le fossile humain le plus ancien d'Australie, et de LM1 la plus ancienne cremation connue au monde.

Morphologie et disposition [ modifier | modifier le code ]

D'apres les traces d' arthrose sur les lombaires , d' eburnation et l'importante usure des dents, LM3 avait une cinquantaine d'annees lors de sa mort, un age assez avance pour un humain de cette periode. La longueur de ses cotes suggere une taille d'environ 170  cm , sensiblement plus elevee que la moyenne des hommes aborigenes contemporains [ 7 ] .

Le squelette reposait sur le flanc, genoux plies et mains jointes devant l'aine. Il avait ete recouvert d'ocre rouge, ce qui constitue la plus vieille occurrence connue de cette pratique, attestee en Eurasie a une epoque posterieure [ 9 ] .

Controverse sur l'origine de l'homme moderne [ modifier | modifier le code ]

Selon la theorie scientifique dominante concernant l'apparition de l'homme moderne, appelee Origine africaine de l'homme moderne , les non-africains actuels, quelle que soit leur position sur la planete, descendent d'un petit groupe d'hommes sorti d'Afrique il y a entre 100 000 et 70 000 ans. Ce resultat est le fruit de comparaisons a grande echelle du genome d'humains contemporains, et implique que l'Australie, comme le reste de l'Eurasie, a ete atteinte tardivement par Homo sapiens [ 10 ] .

En 2001, le genome mitochondrial (ADNmt) du squelette LM3 fut publie et compare avec d'autres sequences. Les differences avec l'ADN humain moderne de reference de Cambridge, et avec celui d'Aborigenes australiens actuels, furent plus importantes qu'attendu [ 11 ] . Combines avec l'estimation haute de l'age des squelettes soutenue par Alan Thorne a la meme epoque, ces resultats semblaient contredire la theorie de l'origine africaine de l'homme moderne et permettaient de promouvoir la theorie opposee de l' hypothese multiregionale [ 12 ] .

La controverse fut intense pendant plusieurs annees. De nouveaux prelevements d'ADN furent effectues sur LM3 en 2016 par une autre equipe mais s'avererent contamines par de l'ADNmt europeen moderne, ce qui remettait en question la validite de l'echantillon de 2001. La sequence utilisee en 2001 fut alors reexaminee par la nouvelle equipe et s'avera proche de l'ADN des Aborigenes actuels, ce qui n'est pas compatible avec une origine multiregionale de l'homme moderne (qui suppose des differences plus importantes dues a un eloignement dans le temps superieur) [pas clair] [ 13 ] .

Le plus ancien ADN trouve en Australie, dans la region des lacs Willandra, sur le squelette WLH4, ne fut estime qu'a 3 000 ans maximum AP, et appartient a l' haplogroupe S2 , propre aux Aborigenes d'Australie [ 14 ] .

La question de la propriete morale des fossiles [ modifier | modifier le code ]

La decouverte des squelettes de Mungo est contemporaine de l'essor des revendications des Aborigene en Australie et a immediatement ete utilisee pour souligner l'anciennete de leur culture, notamment parce que l'utilisation d'ocre pour inhumer les morts y est toujours en vigueur. Or en 1974 on estimait l'arrivee des premiers Aborigenes en Australie depuis l'Asie a 20 000 ans AP seulement. La decouverte de LM3 impliquait donc une occupation bien plus ancienne. Certains vestiges archeologiques retrouves depuis remonteraient a 60 000 ans AP [ 15 ] .

En 1992, l'annee ou le jugement Mabo annule le principe colonial de terra nullius et restitue aux peuples aborigenes leurs terres traditionnelles, les restes de la femme de Mungo furent rapatries au lac Mungo, dans une piece climatisee accessible aussi bien aux membres des communautes aborigenes locales qu'aux chercheurs [ 16 ] .

Le rapatriement des restes de l'homme de Mungo a pris beaucoup plus de temps, l' Universite nationale australienne qui avait conserve le squelette l'ayant dans un premier temps confie en 2015 au National Museum of Australia avec des excuses pour ne pas avoir demande de permission aux Aborigenes en 1974, puis rendu aux communautes du lac Mungo en , sur un site tenu secret en attendant l'amenagement d'un centre correctement equipe pour lequel les financements n'ont pas encore ete trouves [ 17 ] .

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

  1. (en) J Bowler , Pleistocene salinities and climatic change: Evidence from lakes and lunettes in southeastern Australia [≪ in D Mulvaney & J Golson, Aboriginal Man and Environment in Australia ≫], Australian National University Press, , 47-65  p. ( ISBN   0708104525 et 9780708104521 , OCLC   148703 , lire en ligne )
  2. a et b (en) JM Bowler , R Jones , H Allen et AG Thorne , ≪  Pleistocene human remains from Australia: a living site and human cremation from Lake Mungo, Western New South Wales  ≫ [≪ Restes humains du Pleistocene en Australie : un site de vie et de cremation humaine au lac Mungo, a l'ouest des Nouvelles-Galles du Sud ≫], World Archeology , vol.  2, n o  1,‎ , p.  39?60 ( PMID   16468208 , DOI   10.1080/00438243.1970.9979463 , lire en ligne , consulte le )
  3. (en) P Brown, ≪  Lake Mungo 1 Australia late Pleistocene Homo sapiens cremation  ≫, sur www.peterbrown-palaeoanthropology.net (consulte le )
  4. (en) J Bowler et AG Thorpe , Human remains from Lake Mungo: discovery and excavation of Lake Mungo III [≪ in RL Kirk & AG Thorpe, The origin of the Australians ≫], Australian Institute of Aboriginal Studies, , 127?138  p. ( ISBN   0391006150 , 9780391006157 et 0391006169 , OCLC   2189036 , lire en ligne )
  5. (en) ≪  Thermoluminescence age determinations for the Mungo III human burial, Lake Mungo, Southeastern Australia  ≫, Quaternary Science Reviews , vol.  15, n o  7,‎ , p.  739?749 ( ISSN   0277-3791 , DOI   10.1016/0277-3791(96)00025-X , lire en ligne , consulte le )
  6. (en) ≪  Australia's oldest human remains: age of the Lake Mungo 3 skeleton  ≫, Journal of Human Evolution , vol.  36, n o  6,‎ , p.  591?612 ( ISSN   0047-2484 , DOI   10.1006/jhev.1999.0305 , lire en ligne , consulte le )
  7. a et b (en) P Brown, ≪  Lake Mungo 3 Australia late Pleistocene Homo sapiens skeleton  ≫, sur www.peterbrown-palaeoanthropology.net (consulte le )
  8. ≪  Coup de jeune pour l'homme de Mungo  ≫, Sciences et Avenir ,‎ ( lire en ligne , consulte le )
  9. ≪  L'ocre a la Prehistoire - Utilisations - Hominides  ≫, sur www.hominides.com (consulte le )
  10. ≪  Out of Africa, la theorie est confirmee - Actualites - Hominides  ≫, sur www.hominides.com (consulte le )
  11. (en) Gregory J. Adcock , Elizabeth S. Dennis , Simon Easteal et Gavin A. Huttley , ≪  Mitochondrial DNA sequences in ancient Australians: Implications for modern human origins  ≫, Proceedings of the National Academy of Sciences , vol.  98, n o  2,‎ , p.  537?542 ( ISSN   0027-8424 et 1091-6490 , PMID   11209053 , DOI   10.1073/pnas.98.2.537 , lire en ligne , consulte le )
  12. (en) ≪  Not Out of Africa  ≫, Discover Magazine ,‎ ( lire en ligne , consulte le )
  13. (en) Tim H. Heupink , Sankar Subramanian , Joanne L. Wright et Phillip Endicott , ≪  Ancient mtDNA sequences from the First Australians revisited  ≫, Proceedings of the National Academy of Sciences ,‎ ( ISSN   0027-8424 et 1091-6490 , PMID   27274055 , DOI   10.1073/pnas.1521066113 , lire en ligne , consulte le )
  14. (en) ≪  New DNA technology confirms Aboriginal people as first Australians  ≫, ABC News ,‎ ( lire en ligne , consulte le )
  15. ≪  Prehistoire de l'Australie... il y a 49 000 ans - Hominides  ≫, sur www.hominides.com (consulte le )
  16. ≪  ANTHROPOLOGIE. Les os prehistoriques sont-ils encore sacres ?  ≫, Courrier international ,‎ ( lire en ligne , consulte le )
  17. (en) Miki Perkins , ≪  The long way: fire and smoke for Mungo Man and the ancestors on their road home  ≫, sur The Age , (consulte le )

Bibliographie additionnelle [ modifier | modifier le code ]

  • (en) Andrea Manica , William Amos , Francois Balloux et Tsunehiko Hanihara , ≪  The effect of ancient population bottlenecks on human phenotypic variation  ≫ [≪ Article original etablissant l'origine africaine de l'homme moderne ≫], Nature , vol.  448,‎ , p.  346-349 ( DOI   10.1038/nature05951 , lire en ligne , consulte le )

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]