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Histoire diplomatique

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L‘ Histoire diplomatique , ou histoire des relations internationales , est une discipline historique visant a etudier les relations entre les Etats .

Historiographie de l'histoire diplomatique [ modifier | modifier le code ]

A la recherche de l'histoire diplomatique [ modifier | modifier le code ]

Dans l’introduction de Paix et guerre entre les nations , Raymond Aron notait : ≪ La guerre n'appartient pas au domaine des arts et des sciences mais a celui de l'existence sociale. (…) Des lors, nous comprenons tout a la fois pourquoi les relations internationales offrent un centre d'interet a une discipline particuliere et pourquoi elles echappent a toute delimitation precise. ≫ S’interroger sur les difficultes et les evolutions de l’histoire diplomatique des annees 1930 a nos jours, ne serait-ce pas alors se retrouver dans la meme situation qu’un Montaigne abordant l’homme, ce ≪ subject merveilleusement vain, divers et ondoyant ≫ sur lequel il serait ≪ malaise d'y fonder jugement constant et uniforme ≫ ( Essais , I, 1) ?

Le nom meme de la discipline prete a discussion : l’histoire diplomatique ne se reduit pas a l’histoire des diplomates et des ambassades ; et l’histoire des relations internationales elargit encore le champ des connaissances a etablir. Il faut bien comprendre en tout premier lieu que ces distinctions ne sont pas quelque autre manifestation de l’arbitraire des signes, mais d’une evolution meme de la pensee historiographique. Pierre Renouvin, en 1934, dans l’introduction de son livre sur La crise europeenne et la Premiere Guerre mondiale , exprimait ainsi le vœu de depasser ≪ l’Histoire diplomatique ≫ pour aller vers ≪ l’Histoire des relations internationales ≫. La premiere ne faisait que traiter des ≪ relations entre gouvernements ≫, entre Etats, entre les princes et leurs Talleyrand respectifs ; cette histoire d’en-haut, des chancelleries invisibles au peuple, ne prenait pas en compte l’influence de ≪ l’histoire des rapports entre les peuples ≫, et avec elle des ≪ forces profondes ≫ (on y reviendra) ; cette nouvelle perspective devient alors le veritable ≪ centre d’interet ≫ de la discipline. Quelques annees seulement apres la creation de la revue de l’Ecole des Annales, en 1929, par Marc Bloch et Lucien Febvre, l’histoire diplomatique s’engouffrait elle aussi dans la revolution copernicienne qui s’annoncait ? meme si, comme on le verra, les relations entre les Annales et l’ecole renouvienne, n’etaient, a bien des egards, que la continuation de la rivalite universitaire par d’autres moyens. En resume, pour definir le sujet meme, il est necessaire de s’y plonger deja.

L’histoire diplomatique, ou l’histoire des relations internationales apres la revolution renouvienne, n’est donc pas dans un vase clos, ni concernant l’etendue de son champ d’etudes meme, ni pour ceux qui entendent l’etudier (nous verrons notamment que les geographes pourront seconder les historiens). Elle provoque, subit ou profite des evolutions de l’historiographie generale, elle-meme potentiellement influencee par divers contextes politiques ou socio-economiques.

Le fondateur (Renouvin) et le disciple (Duroselle) [ modifier | modifier le code ]

Si de l’historiographie des relations internationales il ne fallait retenir qu’un nom, ce serait celui de Pierre Renouvin ; et si l’on pouvait en retenir un second, ce serait celui de Jean-Baptiste Duroselle. Les deux hommes ont considerablement marque leur champ d’etudes ; mais ils ne l’ont assurement pas invente. L’ecole francaise de l’histoire diplomatique doit beaucoup a la figure d’ Albert Sorel (1842-1906), professeur a l’Ecole libre des Sciences politiques, et qui a cotoye l’etranger autant que le Quai d’Orsay. Positiviste, Sorel, marque par la Debacle, est un tenant du realisme : l’interet national est la veritable piece maitresse du jeu diplomatique international. Mais sa vision ne restait encore que trop formellement diplomatique : c’est l’histoire d’en-haut, des grands hommes et de leurs cabinets, de leurs ambassades et reseaux qui font et defont les alliances europeennes. ≪ Horizon trop restreint ≫ pour Pierre Renouvin . En 1931, le tout jeune maitre de conferences d’histoire moderne et contemporaine en Sorbonne, dans un article de la Revue historique intitule ≪ La publication des documents diplomatiques francais, 1871-1914 ≫, annonce le bouleversement a venir. Pour lui, les seules etudes des sources diplomatiques, si elles sont profitables, ne doivent pas etre la seule approche de l’historien diplomatique : c’est la premiere difficulte, celle des sources ; il est necessaire que l’historien ne soit pas prisonnier des sources qu’il "deniche" dans les archives des ambassades, et il faut qu'il elargisse son champ d’etudes.

Ou donc aller puiser de nouvelles sources d’etudes ? Dans ce meme article, Pierre Renouvin precise sa pensee : ≪ Depeches, notes, telegrammes nous permettent d’apercevoir des actes ; il est plus rare qu’ils permettent d’entrevoir les intentions des hommes d’Etat, plus rare encore qu’ils portent le reflet des forces qui agitent le monde ≫. Ces ≪ forces profondes ≫ vont etre l’ajout fondateur de Pierre Renouvin . Il faut leur donner beaucoup plus d’importance desormais - les historiens diplomatiques traditionnels ne les ignoraient pas completement, mais avaient une certaine tendance a les negliger. Ces ≪ forces ≫ sont a la fois materielles (les facteurs geographiques, les forces sociales et economiques, la demographie) et morales ou spirituelles (les ≪ mentalites ≫ collectives), comme Pierre Renouvin le precise dans un autre ouvrage d’une importance cruciale publie en 1934, soit La crise europeenne et la Premiere Guerre mondiale . C’est l’objet meme des etudes qui est ici modifie. ≪ Dans cette perspective, les rapports entre gouvernements cessent d’etre le centre d’interet ; ce qui importe, c’est l’histoire des rapports entre les peuples ≫. L’histoire diplomatique a trouve son Copernic.

Mais, comme il le reconnait d’ailleurs lui-meme, Pierre Renouvin n’est pas le grand penseur ex nihilo de cette revolution. En 1929, Lucien Febvre et Marc Bloch ont deja fonde la revue de l’Ecole des Annales et ont eux aussi contribue a mettre en exergue l’histoire du peuple plutot que des grands, l’histoire de ces grandes forces sociales plutot que les simples ≪ agitations de surface ≫ (Renouvin citant Braudel) du contingent et de l’evenementiel (comprenons, les tetes couronnees passant sans modifier le long cours de l’histoire). Cependant, comme on le verra plus amplement dans notre deuxieme partie, cette filiation originelle n’empechera pas une relation difficile entre l’ecole renouvienne et les Annales. Dans sa meilleure prise en compte des passions et de la psychologie, Pierre Renouvin a ete egalement influence par les travaux de l’Italien Federico Chabod, a qui ≪ l’histoire des mentalites ≫ doit beaucoup. Le social-economique n’est pas le maitre-mot absolu des relations internationales ; l’irrationnel des passions, des psychologies collectives et des idees (politiques, nationales) dans l’opinion publique occupe egalement une place non negligeable. Mais de meme que l’historien diplomatique traditionnel etait prisonnier de ses sources, de meme le nouvel historien des relations internationales se retrouve devant une penible carence : comme le releve Pierre Renouvin, par quelles sources veritablement mesurer la force de ces mentalites collectives ? Les prefets dans leurs rapports ne sont pas bons metaphysiciens. L’asperite des sources vient donc contrarier l’historien dans son renouveau. Lucien Febvre meprisait l’histoire diplomatique traditionnelle ; Federico Chabod tenait en respect les conditions economiques et sociales a la faveur des mentalites ; Pierre Renouvin s’attache au contraire a concilier ses trois approches. Les Annales oublient que le grand homme d’Etat peut lui aussi modifier les grandes forces economiques et sociales par des decisions fortes. Entre ce trio, precise-t-il, l’historien des relations internationales doit choisir de ne pas choisir ; c’est justement au carrefour de ces trois voies que les fruits seront les plus juteux. Il n’empeche que meme s’ils lui dedicacent leur essai d’historiographie, Penser la Grande Guerre , Antoine Prost et Jay Winter critiquent severement Pierre Renouvin. Celui-la meme qui perdit un bras au Chemin des Dames refuse d’accorder grande valeur au temoignage des poilus, tenants pourtant de ≪ l’histoire d’en-bas ≫. Faut-il trouver ici un mecanisme d’auto-defense critique de l’historien, ecrivant sur des faits trop recents pour ne pas se sentir tente par la culpabilite mortelle du parti-pris ? Pierre Renouvin, enrole par le gouvernement francais dans la Bibliotheque-Musee de la Guerre, puis plus ou moins encourage a demontrer la responsabilite allemande dans la conflagration europeenne, car la question des responsabilites primait alors (etude decisive dans son changement d’approche sur la discipline), s’etait pourtant montre beaucoup plus distant et critique que les politiques d’alors l’auraient souhaite. Mais a force de prendre trop de recul sur son temps, Pierre Renouvin n’en avait-il pas pris trop aussi sur les gens ? Meme s’il a remis ≪ les peuples ≫ au centre de l’histoire diplomatique, Pierre Renouvin garde donc encore quelque mal a se rapprocher de la masse anonyme des ≪ individus ≫, pour Antoine Prost et Jay Winter. En 1964, la parution de l’ Introduction a l’histoire des relations internationales est le parachevement de cette revolution renouvienne. Peut-etre en reaction au triomphalisme social-economique du moment (on y reviendra par ailleurs), Pierre Renouvin, dans l’introduction generale au livre, remet a l’honneur les relations interetatiques : ≪ L’etude des relations internationales s’attache surtout a analyser et a expliquer les relations entre les communautes politiques organisees dans le cadre d’un territoire, c’est-a-dire entre les Etats. Certes, elle doit tenir compte des rapports etablis entre les peuples et entre les individus qui composent ces peuples (…). Mais elle constate que ces relations peuvent rarement etre dissociees de celles qui sont etablies entre les Etats ≫. Les relations interetatiques sont bien le ≪ centre des relations internationales ≫. On pourrait etre tente de voir dans ce recentrement l’influence d’un ouvrage majeur publie en 1962, deux annees auparavant donc, par Raymond Aron. Paix et guerres entre nation s etait une immense fresque theorique des relations interetatiques. Le penseur liberal consacrait alors l’Etat comme horizon indepassable de l’histoire diplomatique. Sa tentative de theorisation generale a travers les epoques, tout aussi enrichissante fut-elle, n’aboutissait pas neanmoins a une ≪ delimitation precise ≫ theorique universelle et objective (on peut ici se referer a la citation figurant en debut de devoir). Mais Raymond Aron n’aneantit pas l’influence des peuples : celle-ci est devenue un point de non-retour, au moins depuis la revolution renouvienne, de l’histoire diplomatique. ≪ Les historiens n'ont jamais isole le recit des evenements qui touchent aux relations entre Etats, isolement qui aurait ete effectivement impossible tant les peripeties des campagnes militaires et des combinaisons diplomatiques se rattachent, de multiples manieres, aux vicissitudes des destins nationaux, aux rivalites des familles royales ou des classes sociales. La science des relations internationales ne peut pas plus que l’histoire diplomatique meconnaitre les liens multiples entre ce qui se passe sur la scene diplomatique et ce qui se passe sur les scenes nationales. ≫ Cependant les critiques se sont concentrees sur une accusation de negligence des conditions economiques au profit d’un horizon trop diplomatico-strategique.


Co-auteur avec Pierre Renouvin de l ’Introduction a l’histoire des relations internationales , Jean-Baptiste Duroselle ecrit plus precisement la deuxieme partie de l’ouvrage, consacree a ≪ L’homme d’Etat ≫. Ancien assistant de Pierre Renouvin a la Sorbonne, il passe notamment sept annees en Allemagne, dans la region de la Sarre. Il renouvelle l’histoire diplomatique traditionnelle en tenant compte des travaux de la science politique americaine autour du processus de decision. Il s’agit alors de voir comment la decision (c’est-a-dire le decideur, l’homme d’Etat) est influencee par ces ≪ forces profondes ≫, sur un plan individuel (quelle est sa place et son opinion sur la societe ?) comme sur un plan collectif (quelles sont alors les grandes idees dominant l’opinion publique ?).

Cette etude de la dialectique entre l’action des forces profondes sur l’Etat et l’action de l’Etat sur ces forces profondes, est precedee d’une etude de la personnalite de l’homme d’Etat. Le dernier chapitre est consacre au processus de decision. Jean-Baptiste Duroselle elargit ainsi le champ d’etudes de l’histoire des relations internationales en tenant compte de la bureaucratie diplomatique et de son role dans les rouages de la prise de decision : l’histoire des administrations regagne des lors en interet.

La place de Pierre Renouvin dans le renouvellement considerable de l’histoire diplomatique, entre-temps devenue l’histoire des relations internationales au champ d’etudes elargi, est absolument fondamentale dans l’historiographie du XX e  siecle. En accordant une place insigne aux ≪ forces profondes ≫, sociales et economiques autant que passionnelles et mentales, Pierre Renouvin , pivot cardinal, reconnaissait donc en partie l’influence decisive de cette autre revolution copernicienne qui touchait elle l’historiographie tout entiere : celle amorcee par les Annales. Neanmoins, cet apparentement indeniable cache de nombreux desaccords ; a la faveur d’un cadre historiographique conciliant dans les annees 1960, la place du social-economique tend a se renforcer, permettant de mieux comprendre les critiques adressees par les Annales (et notamment par Fernand Braudel) a l’ecole renouvienne.

Le paradigme marxiste [ modifier | modifier le code ]

Dans un contexte historiographique domine par le paradigme marxiste du primat du socio-economique en guise d’explication de la marche de l’histoire, l’histoire des relations internationales ne manque pas non plus d’etre influencee par ces nouveaux paradigmes. La question du developpement des colonies dans le declenchement des guerres internationales devient prioritaire jusque dans les annees 1970, alors que Pierre Renouvin , on l’a vu, attachait aussi de l’importance a l’histoire diplomatique traditionnelle et au mouvement des passions et des mentalites. Mais le grand sujet devient alors le ≪ dernier stade du capitalisme ≫ selon Lenine, soit la formation des imperialismes (coloniaux ou non), et notamment dans leur role dans le declenchement de la conflagration d’ . On peut notamment citer le livre de Raymond Poidevin , Les relations economiques et financieres entre la France et l’Allemagne de 1898 a 1914, paru chez Colin en 1969, ou celui de Rene Girault, Emprunts russes et investissements francais en Russie, 1887-1914, paru chez Colin en 1973 (l’alliance militaire est-elle la fille de l’alliance economique ?). Mais il ne faudrait pas en conclure que ces historiens en arrivent a un simplisme ideologique au nom du drapeau rouge : leurs conclusions sont beaucoup plus nuancees et relativisent le role de l’economie dans le cours de l’histoire. Les milieux d’affaires etaient aussi tenus par des mecanismes de solidarite entre eux ; la guerre n’est pas bonne pour les affaires (≪ Pas de paix, pas d’Empire ≫ prophetisait deja James de Rothschild en 1851 ; et le grand bourgeois Caillaux avait l’audace d’etre un partisan de l’impot sur le revenu et de la paix). Quoi qu’il en soit, le social prime pour expliquer le politique, et l’economique prime pour expliquer le social.

L’ecole renouvienne se heurte plus largement de front dans ces annees avec l’ecole des Annales alors incarnee par la grande figure de Fernand Braudel . Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle restaient attaches a l’histoire evenementielle et au processus de decision des dirigeants. Peche coupable pour l’historien de la Mediterranee plus que de celui de Philippe II ; Pierre Renouvin reproche quant a lui quelque simplification de l’histoire par le primat des forces latentes socio-economiques. Par-dela cette rivalite de fond, il y a enfin une rivalite universitaire : Renouvin incarne le dome de la Sorbonne, l’ancienne faculte de theologie du XIII e  siecle, et Braudel la toute jeune mais novatrice EHESS. Quelle est la part d’artificialite dans le debat de fond cree par cette rivalite universitaire ? Quels en sont les buts de guerre ? Les relations diplomatiques entre la Sorbonne et l’EHESS attendent encore leur Renouvin.

Les annees 1960 et 1970 sont egalement marquees par la repercussion en France d’un grand debat international opposant trois ecoles ayant pour but de donner un cadre general d’explication aux relations internationales : le realisme, le constructivisme et l’idealisme. Le realisme n’est pas une creation du XX e  siecle (en temoigne Albert Sorel), mais il reprend quelque peu de la vigueur a ce moment. L’idee maitresse (il faut ici mentionner le role de Hans Morgenthau, auteur de Politics among Nations, en 1948) est que, par-dela les grandes idees, c’est avant tout l’interet national de chaque Etat qui prime. C’est la politique de Bismarck et du rapport de forces qui se gaussent allegrement d’organisations impuissantes comme la Societe des Nations ou l’Organisation des Nations unies. A cet egard on peut citer le livre du politologue americain Kenneth N.Waltz, Theory of International Politics , paru en 1979, tenant de l’ecole neo-realiste. Lorsqu’ils replacent l’Etat au ≪ centre des relations internationales ≫ en 1964, Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle sont aussi influences par cette ecole realiste etrangere. Dans son livre de 1962, Raymond Aron , tout en reaffirmant le role moteur de Etats, relativise l’hypothese realiste : les Etats peuvent aussi faire la guerre au nom de grandes idees.

Les constructivistes sont plus nuances : la realite est a construire et ne nait pas de schemas predefinis. Les lois economiques jouent le role de frein aux velleites des Etats ; les imaginaires et les mentalites peuvent fausser la perception reelle de l’autre ; la part d’irrationalite dans les relations internationales n’est pas negligeable. Robert Jervis, dans Perception and Misperception in International Politics , paru aux Princeton University Press en 1976, se fait le theoricien de ces idees. On peut dire que cette ecole confirme a la fois les Annales dans leur approche socio-economique et Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle dans la prise en compte des mentalites. Dans son etude sur les emprunts russes, Rene Girault est egalement marque par cette approche ≪ perceptionniste ≫.

Quant a l’idealisme, l’ecole kantienne ou wilsonienne, qui n’a pas abdique son ≪ projet de paix perpetuelle ≫, elle est tenue par un certain optimisme militant. Conformement a l’idee kantienne, l’universalisation du concept de ≪ republique ≫ et de la democratie devrait amener a la paix generale. Comme l’ecrit Michael Doyle dans Philosophy and Public Affairs , ≪ les democraties ne se font pas la guerre ≫.

Malgre la vivacite des oppositions en France, l’etude des relations internationales peu a peu sera reconnue institutionnellement. En 1973, une premiere chaire d’histoire des relations internationales est creee a l’universite de Paris-X Nanterre. L’annee suivante, l’annee de la mort de Pierre Renouvin par ailleurs, la revue franco-suisse Relations Internationales est fondee par Jean-Baptiste Duroselle et Jacques Freymond. Quelques annees plus tard, porte par une ambition legitime et son talent indeniable, en 1981, Jean-Baptiste Duroselle s’aventure a ecrire Tout Empire perira . Sous ce titre d’une envoutante attirance prophetique se cache le sous-titre Vision theorique des relations internationales . L’ambition, pour reprendre les avertissements de Raymond Aron, est risquee. Jean-Baptiste Duroselle analyse ainsi d’amples fonds d’archives, a propos du role des acteurs, des forces materielles et spirituelles… Il s’agit bien d’une approche empirique qu’il revendique et qu’il assume. Jean-Baptiste Duroselle se remet de plus dans le giron de l’histoire evenementielle : il annonce des l’introduction que ≪ l’histoire ne traite que des evenements ≫. Son analyse est egalement ≪ evolutive ≫ (il se base sur la succession d’evenements concrets) et ≪ methodique ≫ puisqu’il entend egalement degager des analogies (la quatrieme partie de l’ouvrage est ainsi consacree a la longue duree). De fait, il est lui aussi conduit a remettre en exergue les individualites propres a chaque acteur ; la difficulte d’une theorisation generale redevient l’horizon indepassable des relations internationales. L’historien diplomatique n’ira-t-il donc pas au-dela des etudes singulieres ? Raymond Aron s’etait refugie vers le champ de la ≪ sociologie ≫ ; Jean-Baptiste Duroselle en reste a des ≪ regularites ≫ - intellectuellement fecondes, il va de soi. On en reste a cette impasse formulee des 1964 dans l’Introduction aux relations internationales : l’histoire des relations internationales n’est pas une science exacte ; les ≪ influences diverses ≫ qui les gouvernent ne sont pas des lois mathematiques, mais ≪ se contrarient ou s’associent selon des modalites sans cesse differentes dans le temps et dans l’espace ≫.

L’affaiblissement de l’historiographie marxiste, due notamment a ces etudes socio-economiques qui etaient censees venir la confirmer, mais plus globalement au declin general observable du primat du socio-economique observable des les annees 1980, conduit a une reorientation de l’histoire des relations internationales qui se fait beaucoup plus pregnant dans les annees 1990. Des reorientations, en phase avec l’evolution de l’historiographie generale, mettent en valeur le role de la culture et du transnational ? ce sont la des changements majeurs mais guere uniques dans une periode de reflexion intellectuelle foisonnante qu’il s’agit d’etudier plus en detail.

Depuis les annees 80 : entre renouvellements et prolongements [ modifier | modifier le code ]

Depuis la fin des annees 1980, l’historiographie des relations internationales est marquee par deux tournants majeurs : le tournant culturel et le tournant transnational. Neanmoins, cela ne veut pas dire bien entendu que les recents travaux se placent en rupture par rapport a l’ecole renouvienne. Ainsi, le domaine des ≪ forces profondes ≫ cheres a Pierre Renouvin a ete prolonge par des travaux feconds de non-historiens, soit des geographes. Il ne faut pas oublier a cet instant que parmi les ≪ forces profondes ≫, Pierre Renouvin degageait les ≪ facteurs geographiques ≫ et les ≪ courants demographiques ≫ ; des lors, que des geographes comme Michel Foucher ( Fronts et frontieres , Fayard, 1991) et Jacques Levy ( Le tournant geographique. Penser l’espace pour lire le monde , Belin, 1998) s’emparent de cette question peut nous apparaitre tout a fait naturel. Il s’agit notamment de repenser le role des relations interetatiques internationales, a l’aune du phenomene de mondialisation qui tendrait a les diminuer. On peut encore citer le Dictionnaire de geopolitique d’Yves Lacoste, paru chez Flammarion en 1993.

La geopolitique envisage ainsi l’espace comme le lieu par excellence du rapport de force. Dans son etude, elle ne manque pas d’associer l’analyse des enjeux actuels (en cela, elle s’eloigne de l’histoire) alliee a l’enquete sur les causes anciennes des tensions (en cela, elle s’en rapproche). Elle propose enfin des conceptualisations historiquement fondees de grands enjeux de l’histoire des relations internationales : l’Etat, la frontiere… Yves Lacoste est notamment a l’origine de la revue Herodote , ce qui n’avait pas manque d’echauder une partie de la communaute historienne ainsi depossedee de son porte-enseignes. Les travaux d’Yves Lacoste ont subi d’autres critiques venant de la part de geographes (Claude Raffestin ou Roger Brunet) lui reprochant une approche non-scientifique et partisane (quant a l’etude des representations) ou trop descriptive et empirique ? n’etaient-ce pas la pourtant, en une certaine maniere, les methodes employees par Pierre Renouvin , Raymond Aron et Jean-Baptiste Duroselle  ?

Le champ des ≪ forces profondes ≫ et plus exactement ≪ materielles ≫ a ete egalement elargi par l’etude plus poussee du role non pas des grandes economies dites imperialistes, mais des entreprises. Eric Bussiere ( La France, la Belgique et l’organisation economique de l’Europe , 1918-1935, CHEFF, 1992) ou Laurence Badel ( Un milieu liberal et europeen, Le grand commerce francais , 1925-1948, CHEFF, 1999) ont ainsi mis en valeur les relations entre entreprises (on voit ici que les relations internationales ne s’arretent pas qu’aux relations interetatiques) sont creatrices de liens de sociabilite par-dela possiblement des logiques seulement nationales. Ces etudes ont ete menees alors que le socio-economique etait en net declin dans l’historiographie francaise ; le role de Rene Girault dans cette reactivation est ainsi a souligner. De fait les analyses les plus recentes sont souvent stimulantes, comme celle de Laurence Badel ( L’Etat a la conquete des marches exterieurs au XX e  siecle. Aux sources de la diplomatie economique de la France , memoire d’habilitation, sous la direction de Robert Frank, Universite de Paris I, ) mettant en exergue l’autonomie des relations economiques par rapport aux Etats, et la portee et le poids de la diplomatie des affaires dans les relations internationales. Ces ≪ forces profondes ≫ etaient enfin ≪ spirituelles ≫, et les travaux recents les ont encore prolongees. On peut par exemple citer le travail collectif dirige par Robert Franck, ≪ Images et imaginaires dans les relations internationales depuis 1938 ≫ ( Cahiers de l’Institut d’Histoire du Temps Present , numero 28, 1999). La encore, il est necessaire d’invoquer l’influence toujours presente de Rene Girault, qui deja, dans son approche constructiviste, privilegiait l’etude des perceptions et des mentalites.

En sus de cette prolongation fructueuse des ≪ forces profondes ≫ de Pierre Renouvin , l’historiographie recente a egalement pris deux tournants, dont le premier est le tournant culturel. Les rapports entre culture et relations internationales ont ete plus amplement etudiees, alors que dans l’historiographie generale, l’etude des guerres etait notamment marquee par le concept de ≪ culture de guerre ≫ (avec en tetes de proue, de hauts responsables de l’Historial de Peronne comme Stephane Audoin-Rouszeau) ; ce concept de culture de guerre accordait egalement une large place aux mentalites : les renouvellements de l’historiographie des relations internationales se repondent. Si la these d’Albert Salon sur L’Action culturelle de la France dans le monde en 1981 peut remplir le role de precurseur, ses travaux ont ete prolonges par l’irruption dans le champ de l’histoire des relations internationales d’etudes plus specifiques, portant par exemple sur le role du sport dans les relations internationales (la revue Relations Internationales publie un numero special a l’ete 1984 nomme ≪ Sport et relations internationales ≫, coordonne par Pierre Milza ).

Cependant le tournant le plus marquant de l’historiographie recente est le tournant transnational. Nous en avons deja vu une facette, avec les travaux sur le relationnel transetatique des entreprises (et donc par ce biais des firmes transnationales). Un autre aspect est l’etude plus poussee des migrations et leur role et leur influence dans les relations economiques, politiques et ideologiques entre les peuples (on peut notamment citer l’ouvrage de Janine Ponty, Polonais meconnus : histoire des travailleurs immigres en France dans l’entre-deux-guerres , Publications de la Sorbonne, 1990.)

Mais dans le contexte d’une integration europeenne plus poussee (le traite de Maastricht est signe le ), les travaux se dirigent de plus en plus vers l’etude de la communaute europeenne. La encore, le role de Rene Girault doit etre souligne dans la constitution d’un reseau europeen d’historiens, forme en 1989. Rene Girault tient ainsi naturellement une large place dans ce tournant transnational et europeen (citons ainsi l’ouvrage sous sa direction, Identites et conscience europeennes au XX e  siecle , Hachette, 1994 ; on voit dans le titre de cet ouvrage la voie perceptionniste qui a toujours ete la sienne). En 2002, le recent laboratoire du CNRS d’histoire des relations internationales accueille egalement une unite mixte de recherche ≪ Identites, relations internationales et civilisations de l’Europe ≫. Dans le contexte d’une perte de souverainete des Etats-Nations et d’une mondialisation croissante, le role des associations internationales et autres Organisations Non-Gouvernementales est de plus en plus mis en valeur. De meme que les entreprises, ces associations ou organisations peuvent creer des liens de solidarite diplomatiques depassant le simple cadre des relations interetatiques. Une multiplication des travaux autour des associations internationales, du passe mais aussi du present, se manifeste ainsi. On peut citer : Le reve d’un ordre mondial de la SDN a l’ONU de Pierre Gerbet (Imprimerie nationale, 1996) ou encore les travaux de Christian Birebent ( Les mouvements de soutien a la Societe des Nations en France et au Royaume-Uni (1918-1925) , Montrouge, 2002).

Ce renouvellement indeniable ne signifie pas pour autant que l’histoire diplomatique traditionnelle, jadis au zenith, ait desormais a se satisfaire du nadir, ravalee au rang de curieux anachronisme dans la communaute scientifique de ces dernieres annees. Maurice Vaisse est notamment l’auteur de syntheses eclairantes redonnant leur lustre d’antan au duo militaro-strategique : citons ainsi Diplomatie et outil militaire 1871-1969 , Imprimerie nationale, 1987 (co-ecrit avec Jean Doise) ; et Maurice Vaisse (dir.), La France et l’atome , Bruylant, 1995. La vieille notion de l’equilibre des puissances et de l’ordre europeen, dont l’apogee datait semble-t-il du Congres de Vienne en 1815, a ete prolongee et reactualisee par Jean Berenger et Georges-Henri Soutou (un nom incontournable dans ce renouvellement comme nous le verrons) dans L’Ordre europeen du XVI e au XX e siecle (PUPS, 1998). Dans cet ouvrage, les deux auteurs profitent notamment du renouvellement de l’histoire moderne des relations internationales menees notamment par ce meme Jean Berenger . Le temps est ainsi devolu a la reactualisation ou a la nouvelle parution de grandes syntheses : en 2001 parait notamment La Guerre Froide (ou la Guerre de Cinquante Ans) de Georges-Henri Soutou qui affirme une chronologie originale (1943-1990) pour mieux mettre en lumiere le role fondamental de la Seconde Guerre mondiale dans le declenchement de la rivalite americano-sovietique, et qui n’hesite pas a prendre parti malgre le caractere universitaire de l’ouvrage (≪ c’est que ce conflit n’a jamais vise a aneantir l’adversaire, mais a le contraindre a changer ≫ ecrit l’auteur). De fait l’historiographie classique reste vivace et tend meme a se renouveler sous l’effet naturel du changement de generations.

En effet, de meme que la mort des contemporains du premier conflit mondial avait fait deplacer les enjeux de la recherche des responsabilites a la recherche des causes du conflit, de meme la morbidite de la domination de l’historiographie marxiste fait se deplacer la recherche des ≪ causes ≫ de la guerre a ses ≪ buts ≫ (passage de la causalite a la finalite). L’ouvrage de Georges-Henri Soutou paru en 1989 chez Fayard, L’or et le sang. Les buts de guerre economiques de la Premiere Guerre mondiale , occupe a cet egard une place centrale. En mettant en valeur le poids complexe d’influences diverses (economiques pour la plupart), et malgre une exhaustivite materielle impossible a atteindre meme apres une fouille minutieuse et ambitieuse des archives administratives dans plusieurs pays europeens, l’auteur, en un peu moins de mille pages, retrace ainsi la logique economique qui a prevalu parmi les grands acteurs historiques. L’economie capitaliste n’est donc plus cette pente fatale mentant tout droit a la conflagration generale ; elle peut aussi servir comme outil diplomatique (de meme que l’outil militaire) pour satisfaire les ambitions d’un Etat. C’est donc en dernier lieu le theme si ≪ durosellien ≫ de la prise de decision qui a ete plus amplement explore. De ce point de vue, ces renouvellements ont permis un enrichissement de la ≪ vieille ≫ histoire diplomatique et militaire traditionnelle. Cette vision depoussieree de l’importance des rapports diplomatico-strategiques dans les relations internationales a ete ainsi developpee par le meme Georges-Henri Soutou ( L’Alliance incertaine. Les rapports politico-strategiques franco-allemands 1954-1996 , Fayard, 1996).

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