Grande guerre (Uruguay)

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On appelle la grande guerre ( Guerra Grande en espagnol ) les evenements qui se produisirent dans la region du Rio de la Plata , entre le et le . Il s'agissait a l'origine d'une guerre civile orientale [ 1 ] qui se transforma en conflit regional avec l'intervention de l'Argentine (elle-meme en proie a une guerre civile) et du Bresil. Le conflit prit egalement une dimension internationale lorsque la France, la Grande-Bretagne et des forces etrangeres - notamment la Legion italienne de Giuseppe Garibaldi ? se joignirent aux combats.

La grande guerre opposa les blancos uruguayens diriges par Manuel Oribe (soutenus par les federalistes argentins avec, a leur tete, Juan Manuel de Rosas) aux colorados , conduits dans un premier temps par Fructuoso Rivera et allies aux unitaires argentins, aux Bresiliens et aux Europeens. Elle se conclut par la victoire des colorados.

Aux origines du conflit [ modifier | modifier le code ]

Les premiers desaccords (1830-1836) [ modifier | modifier le code ]

Fructuoso Rivera .
Manuel Oribe .

La Bande orientale devint independante sous le nom de republique orientale de l'Uruguay en 1828. Mais apres plusieurs annees de guerre, le nouvel Etat etait totalement desorganise et la situation ne s'ameliora pas reellement avec l'election en 1830 du premier president constitutionnel du pays, Fructuoso Rivera . En effet, ce dernier ? caudillo sans formation politique ni aptitude pour les questions administratives ? n'avait pas l'etoffe d'un homme d’Etat. Plus a son aise au milieu des gauchos que des Montevideens, il passa l'essentiel de son temps a parcourir la campagne et abandonna la direction des affaires a ses partisans (notamment le clan " Los cinco hermanos "). Une telle conduite deboucha sur le developpement de la corruption, une mauvaise gestion et l'endettement croissant du nouvel Etat. Il affronta egalement plusieurs insurrections organisees par son rival ? depuis la guerre d'independance - Juan Antonio Lavalleja . Mais ce dernier fut vaincu en 1832 et 1834.

L'impopularite de Rivera etait telle au terme de son mandat que la victoire de Lavalleja semblait inevitable a l'election presidentielle de 1835. Pour eviter ce scenario, Rivera decida d'appuyer la candidature de Manuel Oribe , son ministre de la Guerre. Enfin, il recut la charge de Commandant General de la Campagne ; ce qui lui permettait d'echapper, en grande partie, a l'autorite du futur president dans l'interieur du pays.

Le , Oribe devint le second president constitutionnel du pays. Mais les relations avec son predecesseur se degraderent rapidement, en raison de l'amnistie accordee aux partisans de Lavalleja et de la nomination d'une commission chargee de verifier les comptes de la precedente administration. Oribe s'inquietait egalement des contacts de Rivera avec les revolutionnaires bresiliens farrapos (ce qui signifiait des ennuis diplomatiques avec Rio de Janeiro ) et de son soutien aux unitaires argentins refugies a Montevideo (d'ou le risque de tensions avec le gouvernement de Juan Manuel de Rosas). Lorsque la revolution Farrapos eclata dans la region bresilienne du Rio Grande do Sul, le president prit la tete de l'armee et se dirigea vers la frontiere pour assurer la neutralite du pays : Rivera en prit ombrage. Oribe decida egalement de fermer El Moderador , un journal publie par des unitaires portegnes et tres virulent a l'egard de Rosas. Rivera protesta et, en , le president supprima le poste de Commandant General de la Campagne.

Finalement, la rupture definitive intervint avec la publication des conclusions de la commission d'enquete (qui mettait en evidence le gaspillage et la corruption de l'administration precedente) et le retablissement de la charge de Commandant General de la Campagne au profit d'Ignacio Oribe, le frere du president. Face a de telles mesures, jugees inacceptables, Rivera se souleva en .

Une guerre civile debutait, mais il ne s'agissait pas cette fois-ci d'un simple combat entre caudillos. En effet, le conflit s'internationalisa.

Les interventions etrangeres [ modifier | modifier le code ]

L'instabilite politique de l'Uruguay favorisa les interventions etrangeres, notamment de la part des deux grandes puissances de la region - la Confederation argentine et l' empire du Bresil .

Juan Manuel de Rosas .

L'Argentine connaissait, depuis son independance, d'incessantes guerres civiles qui opposaient les federalistes (conservateurs partisans de l'autonomie des provinces) aux unitaires (liberaux favorables a un gouvernement centralise). Ces divisions eurent de profondes repercussions sur le conflit uruguayen : les federalistes soutinrent Lavalleja et Oribe alors que les unitaires appuyerent Rivera. Par ailleurs, la guerre de Cisplatine (1825-1828) entraina une grande instabilite politique qui permit au federaliste Juan Manuel de Rosas de devenir gouverneur de Buenos-Aires et le maitre du pays. Il s'immisca alors dans les affaires uruguayennes pour faire taire les opposants unitaires refugies a Montevideo, s'assurer du soutien de Oribe et mettre en œuvre son projet de restauration de la vice-royaute du Rio de la Plata .

Quant a l'empire du Bresil, il ne pouvait negliger le climat de troubles croissants sur ses frontieres meridionales ou, par ailleurs, il affrontait depuis 1835 la revolution des farrapos (un mouvement separatiste republicain, lie aux Orientaux). D'autre part, ses pretentions historiques le poussaient a s'etendre le plus pres possible du Rio de la Plata, considere comme une frontiere naturelle (la Bande orientale avait d'ailleurs fait partie de l'Empire portugais puis bresilien, entre 1816 et 1828, sous le nom de Province cisplatine et Rio de Janeiro continuait d'occuper les Missions orientales ? un territoire a l'origine espagnol, au nord de l'Uruguay). Enfin, il s'agissait de limiter au maximum l'influence de Rosas sur la Bande orientale et de l'empecher de reconstituer la vice-royaute du Rio de la Plata a son profit : le Bresil s'opposa donc a Oribe, l'allie du gouverneur de Buenos-Aires .

Le Royaume-Uni et la France intervinrent dans le conflit pour des raisons politiques et commerciales.

Londres voulait conserver la position privilegiee qu'elle avait acquise dans la region depuis l'epoque des revolutions hispano-americaines. En effet, elle beneficiait d'un traite economique avantageux avec l'Argentine depuis 1825 et constituait une puissance diplomatique incontournable (elle avait impose a l'Argentine et au Bresil l'independance de la Bande orientale en 1828).

Quant a la France, elle ambitionnait d'etre traitee sur un pied d'egalite avec le Royaume-Uni. Mais il fallut attendre la monarchie de Juillet pour que Paris reconnut officiellement les republiques sud-americaines ; la Restauration s'y etait toujours refusee par solidarite avec les Bourbons d'Espagne. Pour parvenir a ses fins, la France n'hesita pas a organiser le blocus du Rio de la Plata du au . L'entreprise fut justifiee par le refus du gouvernement de Rosas d'exempter les ressortissants francais du service militaire, de leur accorder des reparations pour divers affronts et d’octroyer a la France ? comme au Royaume-Uni ? la clause de la nation la plus favorisee . La France demanda alors a Oribe l'autorisation d'utiliser Montevideo comme base navale ; son refus poussa Paris a soutenir Rivera.

Par ailleurs, le Royaume-Uni et la France reclamaient la libre navigation sur les fleuves Parana et Uruguay . Mais Rosas les considerait comme des fleuves interieurs de la Confederation argentine et, a ce titre, refusait leur acces aux navires etrangers. Pour y penetrer, ces derniers devaient obtenir une autorisation et transiter par les douanes de Buenos Aires, le seul port habilite a commercer avec l'exterieur. Ce desaccord deboucha sur un second blocus du Rio de la Plata , par une escadre franco-britannique entre le et le .

Le debut de la guerre civile uruguayenne (1836-1839) [ modifier | modifier le code ]

Rivera recut l'appui du general unitaire Juan Lavalle , alors que Rosas envoya a Oribe des renforts sous le commandement de Lavalleja (qui revenait ainsi dans sa patrie a la tete de forces argentines). Le , les deux armees s'affronterent lors de la bataille de Carpinteria . Chaque camp utilisa, pour la premiere fois, une couleur distinctive : le blanc pour les partisans de Oribe (d'ou le terme de blancos pour les designer) et le rouge pour ceux de Rivera (les colorados ), donnant ainsi naissance aux premieres formations politiques uruguayennes - les conservateurs du Parti Blanco ou Parti National et les liberaux du Parti Colorado . Finalement, Oribe remporta la bataille et son adversaire se refugia au Bresil ; mais ce ne fut la que le debut d'une longue guerre.

En 1837, Rivera revint et envahit le pays avec l'appui des caudillos riograndenses Bento Manuel Ribeiro et Bento Goncalves da Silva . Cette fois le sort lui fut plus favorable : il defit Oribe a Yucutuja, subit certes un revers lors de la bataille de Yi, mais remporta la victoire decisive de Palmar, le . Enfin, le soutien de la France lui permit de triompher definitivement de son adversaire. En , l'escadre francaise dans le Rio de la Plata ? commandee par le contre-amiral Leblanc - neutralisa une flottille argentine avant de s'emparer de l'ile Martin Garcia , d'ou elle menaca directement Montevideo .

Les Francais maitres des mers, sans flotte et a la tete de troupes affaiblies apres la defaite de Palmar, Oribe se resigna a ceder le pouvoir. Le , il se refugia a Buenos Aires ou Rosas le recut en qualite de president constitutionnel et lui offrit, peu apres, le commandement des armees de la Confederation argentine . Rivera, lui, entra a Montevideo debut novembre et s'empara du pouvoir politique avec le titre de dictateur, en remplacement de Gabriel Antonio Pereira , le president par interim. Le , il devenait le troisieme president constitutionnel de l'Uruguay et declarait la guerre a Rosas des le  : la grande guerre debutait.

Le deroulement de la grande guerre [ modifier | modifier le code ]

L'offensive contre Rosas (1839-1843) [ modifier | modifier le code ]

Entre 1839 et 1843, le conflit se deroula principalement sur le territoire de l'actuelle Argentine.

Rivera s'allia avec Genaro Beron de Astrada - le gouverneur de Corrientes - qui etait alors en conflit avec Rosas (ce dernier s'opposait a la libre circulation sur le fleuve Parana, entravant par la meme le developpement du commerce correntino ). Les unitaires argentins refugies a Montevideo se joignirent egalement a la coalition ≪ anti-rosiste ≫ avec, a leur tete, le general Lavalle.

En depit d'une armee mal preparee et sans l'aide promise par son allie oriental, Beron de Astrada decida de passer a l'action. Mais il fut vaincu, le , a Pago Largo par le gouverneur d’ Entre Rios - le federaliste Pascual Echague ? qui penetra alors en Uruguay accompagne du blanco Lavalleja. Conscient de sa faiblesse, Rivera se replia et attendit des renforts. Apres deux victoires mineures de ses lieutenants sur des colonnes ennemies isolees, il affronta et defit Echague lors de la bataille de Cagancha, le .

Entre-temps, Lavalle debarqua dans la province de Entre Rios ( ). A la tete d'une troupe d'a peine 400 hommes, il vainquit les federalistes a Yerua mais la population refusa de le soutenir. Il se dirigea alors vers Corrientes, ou le gouverneur unitaire Pedro Ferre lui confia le commandement des milices de la province. En , Lavalle organisa une nouvelle expedition en Entre Rios . Vaincu a Sauce Grande le , il feignit de se retirer vers Corrientes puis debarqua a la surprise generale dans la province de Buenos-Aires et marcha sur la capitale. Face a l'hostilite de la population, il se replia sur Santa Fe puis Cordoba , tout en essayant de prendre contact avec le general Gregorio Araoz de Lamadrid qui etait a la tete d'une alliance hostile a Rosas (la ≪ Coalition du Nord ≫).

Le , le traite Arana-Mackau constitua un coup tres dur pour les ≪ anti-rosistes ≫ ; l'accord franco-argentin mettait fin au blocus de Buenos-Aires et a l'appui de la France aux colorados . Un nouveau desastre survint, le , lorsque Oribe ecrasa Lavalle lors de la bataille de Quebracho Herrado. Les victoires federalistes se succederent alors et, le , Oribe infligea un ultime revers a son adversaire au cours du combat de Famailla. A la tete d'une troupe reduite et talonne par ses ennemis, Lavalle se replia sur Salta puis San Salvador de Jujuy avant d'y etre abattu par les federalistes lors d'une escarmouche. Ses partisans recupererent sa depouille et se dirigerent vers la Bolivie , ou ses restes furent finalement deposes dans la cathedrale de Potosi .

Pendant ce temps, une escadre de la Confederation argentine interdisait l'acces de l'estuaire du Rio de la Plata a la flotte orientale, et le general unitaire Jose Maria Paz triomphait de Echague a Caaguazu, le . Echague s'enfuit et se refugia en Entre Rios, ou Justo Jose de Urquiza le remplaca peu de temps apres a la tete de la province. Paz s'autoproclama gouverneur de Entre Rios et organisa une reunion avec Rivera, Pedro Ferre (gouverneur de Corrientes ) et Juan Pablo Lopez (gouverneur de Santa Fe ). En , ils deciderent de poursuivre la guerre contre la Confederation argentine et de creer un nouvel Etat, compose de leurs territoires et Rio Grande do Sul (qui formait a l'epoque la Republique riograndense et dont le principal chef, Bento Goncalves da Silva , avait donne son accord).

Mais le projet de ≪ Grand Uruguay ≫ ne vit jamais le jour. Personne ne reconnaissait vraiment Paz comme le gouverneur de Entre Rios et, en , les dirigeants de l'alliance confierent le commandement supreme a Rivera : exaspere, Paz se retira. Au meme moment, l'amiral argentin Guillermo Brown vainquit la flotte orientale (commandee par Giuseppe Garibaldi) a Martin Garcia , pendant que les adversaires de Rosas etaient activement pourchasses a Buenos Aires par la Mazorca (organisation para-policiere).

Lavalle elimine, Oribe fit route vers la province de Entre Rios tandis que Rivera franchissait le fleuve Uruguay pour l'affronter. Le , a Arroyo Grande, Oribe triompha de son rival qui se replia a marche forcee sur Montevideo. Le , l'avant garde des troupes federalistes campait aux portes de la ville.

Le siege de Montevideo (1843-1851) [ modifier | modifier le code ]

Le Grand Siege de Montevideo marque la seconde etape de la grande guerre. L'episode, appele ≪ le Grand Siege ≫ ( El Sitio Grande ), dura pres de 9 ans ; du au .

A l'approche des troupes de Oribe, les autorites montevideennes preparerent activement la defense de la ville et edifierent des fortifications. Quant aux assiegeants, pourtant en position de force, ils ne menerent aucun assaut serieux et se contenterent d'isoler la ville. La marine argentine , sous les ordres de Guillermo Brown , chercha a bloquer le port pour faire plier les colorados , mais l'Angleterre imposa la levee du blocus. Par la suite, l'armee de Oribe (a peu pres 7 000 hommes, soit 4 000  blancos et 3 000 soldats de la Confederation argentine ) affronta sans resultat les assieges (environ 6 000 combattants, a savoir une majorite d'Europeens organises en legions ? francaise, basque et italienne ?, des unitaires argentins, des affranchis noirs et des Montevideens). En realite, il n'y eut pratiquement pas d'actions militaires d'envergure durant toutes ces annees; ni pour prendre d'assaut la ville, ni pour briser le siege.

Le pays compta alors deux gouvernements rivaux.

Les assieges creerent le gouvernement de la Defense avec, a leur tete, le president Rivera. A la fin de son mandat - le -, des elections ne purent etre organisees et Joaquin Suarez assura la presidence par interim jusqu'a la fin de la guerre. Les circonstances empecherent egalement le renouvellement des Chambres en 1846 : le Pouvoir legislatif fut alors exerce par une Assemblee des notables et un Conseil d’Etat, qui exercerent reellement leur role de controle de l'executif. Les hommes de la Defense, ouverts aux idees venues d'Europe, se voulaient les defenseurs des libertes et de la civilisation face a la tyrannie et la barbarie des caudillos. Ils pretendaient egalement garantir l'independance nationale remise en cause, selon eux, par l'alliance de Oribe avec Rosas.

Oribe organisa dans les faubourgs de Montevideo un gouvernement concurrent ? le Gouvernement du Cerrito , du nom d'une colline sur les hauteurs de la ville ? comme si rien ne s'etait passe depuis son depart force de la presidence en 1838. Se considerant comme le president legal du pays, il retablit la Chambre des deputes et le Senat dissous par Rivera, designa des ministres et deploya une intense activite legislative. Ce gouvernement controla la totalite du pays - a l'exception de la capitale - jusqu'en 1851. Il s'organisait autour de trois zones : la colline du Cerrito (le centre militaire), la Villa Restauracion (le centre politique) qui correspond a l'actuel quartier de la Union, et le port du Buceo (le centre economique) par ou transitaient les marchandises. Les hommes du Cerrito se consideraient comme les defenseurs de la souverainete nationale. Ils rejeterent toute intervention europeenne et s'efforcerent de limiter l'ingerence argentine, malgre la dependance militaire a l'egard du gouvernement de Rosas.


Le siege de Montevideo ne fut pas le seul theatre d'operations militaires. En fait, l'essentiel des combats se deroula loin de la capitale. Apres la defaite de Arroyo Grande, Rivera mena une guerre de harcelement. Mais Oribe parvint avec l'appui de Urquiza a le vaincre lors de la bataille de India Muerta ( ), obligeant son adversaire a se refugier au Bresil. Les jours de Montevideo semblaient alors comptes.

Pourtant, le Bresil ? inquiet de l'influence grandissante de l'Argentine en Uruguay ? se rapprocha de la France et de la Grande-Bretagne. Les puissances europeennes deciderent cependant d'intervenir seules et envoyerent, en , une puissante escadre dans l'estuaire du Rio de la Plata et les fleuves de la Confederation. L'aide europeenne permit au gouvernement de la Defense de resister et de mener des expeditions militaires, notamment celle de la Legion italienne (prise de Colonia del Sacramento , de l'ile Martin Garcia , de Gualeguaychu , de Salto , bataille de San Antonio ).

La position bresilienne permit a Rivera de rentrer a Montevideo en , d'y organiser un soulevement et de reprendre le controle du gouvernement. Il rejoignit ensuite l'armee qui operait a Colonia del Sacramento , puis reussit a occuper Mercedes et Paysandu en . Il essaya alors de s'entendre directement avec Oribe, mais desavoue par son gouvernement et defait par les blancos lors du combat du Cerro de las Animas ( ), il se refugia une nouvelle fois au Bresil.

Enfin, la fermete de Rosas et les changements politiques en Europe (victoire des liberaux en Angleterre, revolution de 1848 et retablissement de la Republique en France) permirent de mettre fin au blocus anglo-francais. La signature des traites Southern-Arana avec l'Angleterre ( ) et Le Predour-Arana avec la France ( ) constituerent de veritables succes pour Rosas. Le gouvernement de la Defense depecha aussitot le general Pacheco y Obes a Paris pour obtenir la poursuite de l'aide francaise, mais sans succes (c'est alors que Alexandre Dumas defendit la cause orientale dans son ouvrage Montevideo ou la Nouvelle Troie ).

La ville paraissait condamnee a une chute certaine. Les colorados chercherent alors de nouvelles alliances, mais cette fois en Amerique : ils se tournerent vers le Bresil et la province argentine de Entre Rios.

La fin de la grande guerre (1851-1852) [ modifier | modifier le code ]

En 1851, la situation evolua radicalement. D'abord, l'empire du Bresil - desireux de limiter l'influence croissante de Rosas en Uruguay - decida de soutenir ouvertement le gouvernement de la Defense en echange de traites avantageux. Ensuite, le gouverneur de Entre Rios - Urquiza - denonca son alliance avec Rosas. Cette rupture s'expliquait par la mefiance grandissante entre les deux hommes, mais aussi pour des raisons economiques : la province de Entre Rios, favorable a la libre navigation sur les fleuves, souffrait de l'obligation qui lui etait faite de transiter par la douane de Buenos Aires pour commercer avec l'exterieur.

Le , un traite d'alliance fut signe a Montevideo entre le gouvernement de la Defense , l'empire du Bresil et la province argentine de Entre Rios afin d'assurer l'independance de l'Uruguay et d'en expulser les forces de Oribe. En juillet, Urquiza et le general Eugenio Garzon (un ancien blanco ) penetrerent en territoire oriental. Debut septembre, le Bresil prenait part a son tour aux operations et depechait un contingent de 13 000 hommes sous le commandement du baron de Caxias, ainsi qu'une flotte pour bloquer les fleuves Uruguay et Parana . Oribe, conscient de l'inutilite de toute resistance, decida de negocier un armistice.

Les belligerants signerent le un traite - ≪ la Paix d'Octobre ≫ - qui mettait fin a la grande guerre. Cet accord prevoyait la reconnaissance de l'autorite du gouvernement de la Defense sur tout le territoire de l'Uruguay, l'organisation d'elections dans les plus brefs delais, la liberte pour Oribe, l'egalite de tous les Orientaux face a la loi (quel que fut leur camp durant la guerre) et la validite juridique des decisions prises par le gouvernement du Cerrito (et donc la reconnaissance de ses dettes par les nouvelles autorites). Enfin, il etait convenu que les deux partis avaient agi en faveur de l'independance du pays en resistant aux puissances etrangeres et, qu'en definitive, la guerre se terminait ≪ sans vaincus, ni vainqueurs ≫.

Le , les gouvernements de l'Uruguay, du Bresil et des provinces argentines de Entre Rios et Corrientes scellerent une nouvelle alliance pour, cette fois, attaquer directement Rosas. Plusieurs colonnes se dirigerent alors vers la province de Entre Rios. De la, l'armee alliee ? qui prit le nom de ≪ Grande Armee≫ ( el Ejercito Grande ) ? franchit le Parana , s'empara sans difficulte de la province de Santa Fe (recevant au passage le renfort de troupes locales) et marcha sur Buenos Aires.

La bataille decisive eut lieu a Caseros , le . El Ejercito Grande , commande par Urquiza et compose d'environ 20 000 Argentins, 4 000 Bresiliens et 2 000 Orientaux, ecrasa Rosas et le forca a abandonner le pouvoir.

Les consequences du conflit [ modifier | modifier le code ]

Les traites du 12 octobre 1851 [ modifier | modifier le code ]

Le Bresil negocia au prix fort son intervention en faveur du gouvernement de la Defense . Il obtint, le , la signature de cinq traites tres avantageux :

  • Traite de limites. Il impliquait le renoncement de l'Uruguay a ses droits historiques sur les Missions orientales (territoire attribue a l'Espagne en 1777, par le traite de San Ildefonso ). La nouvelle frontiere suivait les fleuves Cuareim et Yaguaron , puis la lagune Mirim et la riviere Chuy (qui se jette dans l'Ocean Atlantique). Par ailleurs, le Bresil se voyait accorder un droit exclusif de navigation sur le fleuve Yaguaron et la lagune Mirim , ainsi que l'autorisation de batir des forteresses a l'embouchure des rivieres Cebollati et Tacuari , en plein territoire oriental.
  • Traite d'≪ alliance perpetuelle ≫. Les deux Etats signerent une ≪ alliance perpetuelle ≫ et se promettaient une aide reciproque : le Bresil s'engageait, en cas de menace, a secourir le gouvernement legal de l'Uruguay qui, de son cote, devait soutenir l'empire en cas d'insurrections dans ses provinces frontalieres (en d'autres termes, le Rio Grande do Sul ). Dans les faits, ce traite permettait au Bresil d'intervenir dans les affaires internes de son voisin.
  • Traite de secours. L'empire accordait un pret au gouvernement uruguayen, qui s'engageait a le rembourser avec interets et donnait en garantie les revenus de la douane (les seules veritables recettes de l’Etat). L'Uruguay reconnaissait egalement la dette contractee durant le siege de Montevideo par le gouvernement de la Defense aupres du baron de Maua - un banquier bresilien. Finalement, le gouvernement qui avait hypotheque les rentes de la nation dependait du Bresil et d'un particulier protege par son puissant voisin.
  • Traite d’extradition. Chaque gouvernement devait livrer les criminels et les deserteurs refugies sur son territoire. L'Uruguay, qui avait pourtant aboli l'esclavage, s'engageait egalement a remettre aux autorites bresiliennes les esclaves en fuite.
  • Traite de commerce et de navigation. Le Bresil disposait de la libre navigation sur le fleuve Uruguay et ses affluents, alors que les deux pays s'accordaient reciproquement la clause de la nation la plus favorisee. Par ailleurs, le betail sur pied exporte vers le Bresil et le tasajo (viande sechee et salee) achemine par voie terrestre vers le Rio Grande do Sul etaient exoneres de taxes douanieres. Ces dispositions lesaient les industriels uruguayens de la salaison (les saladeros ) : ils affrontaient desormais une concurrence bresilienne qui pouvait aisement s'approvisionner en betail.

L'Uruguay, un pays exsangue [ modifier | modifier le code ]

A la fin de la grande guerre, le pays etait ravage.

La population uruguayenne diminua fortement, passant de 140 000 habitants (dont pres de 40 000 pour Montevideo) en 1840 a 132 000 habitants (34 000 pour la capitale) a la fin du conflit. De nombreux immigres retournerent vers leur pays d'origine ou tenterent leur chance ailleurs en Amerique. La population, analphabete a 80 %, souffrit d'une pauperisation sans precedent, notamment dans les campagnes.

La guerre provoqua ou facilita l'abandon des proprietes, la fuite des ouvriers ou leur enrolement dans les differentes armees. La paix revenue, le manque de main d’œuvre se fit sentir, notamment dans les exploitations agricoles et les saladeros (usines de salaison de la viande). Enfin, la guerre renforca le caractere nomade des populations rurales. Habituees a la vie militaire, elles se fixerent difficilement, preferant errer d'un camp a un autre, conduire le betail jusqu'au Rio Grande do Sul ou depecer les betes volees pour les revendre aux pulperos (les epiciers de l'epoque).

Les ravages de la guerre entrainerent egalement une chute de la valeur des terres d'environ 30 %, et la possibilite pour les investisseurs etrangers - europeens et surtout bresiliens - d'acquerir les proprietes des Orientaux ruines. Des lors, le poids des etrangers augmenta considerablement : en 1857, les Bresiliens possedaient 30 % du territoire uruguayen.

Dans le domaine economique, la situation etait dramatique. La guerre mit en peril l'elevage bovin : le cheptel, estime a 6 / 7 millions de tetes en 1843, tomba a 2 millions en 1852 - dont un tiers etait retourne a l'etat sauvage. L'elevage ovin, qui avait commence son developpement a la veille de la guerre, enregistra un coup d'arret ; en 1852, il n'y avait pas plus d'un million de tetes. Quant a l'industrie de la salaison, elle etait ruinee. Des 24 etablissements qui fonctionnaient en 1842, il n'en restait plus que 3 ou 4 en 1854. Le manque de matiere premiere etait la principale cause de cette situation, et s'expliquait par les prelevements des differents armees et les razzias bresiliennes (les ≪  californias  ≫ qui s'intensifierent a partir de 1845, quand la guerre civile prit fin dans le Rio Grande do Sul ). Enfin, le traite de commerce avec l'empire du Bresil accentua la crise ; il facilitait l'entree du betail oriental - pourtant en forte diminution - dans le Rio Grande do Sul , privant les industriels uruguayens d'une precieuse ressource et favorisant la concurrence riograndense .

De son cote, l’Etat s'etait fortement endette aupres de certains pays (le Bresil, la France, le Royaume-Uni) et continuait a dependre de l'aide bresilienne pour faire face aux depenses courantes. Toutes ses ressources etaient hypothequees ; des rentes de la douane jusqu'aux proprietes publiques (y compris la Plaza Independencia , la Plaza de Cagancha , l'Hotel de ville - le Cabildo - a Montevideo).


Pour autant, tout n'etait pas negatif. Le conflit favorisa le developpement d'un sentiment national qui se manifesta a travers la mise en place d'une ≪ politique de fusion ≫ (c'est-a-dire le rassemblement des Uruguayens et la volonte de mettre fin aux partis politiques responsables de la guerre civile). Mais les partisans de la fusion s'imaginerent que les vieilles divisions pouvaient s'effacer par decret, alors que les blancos et les colorados sortaient du conflit bien plus determines qu'ils n'y etaient entres.

Notes [ modifier | modifier le code ]

  1. Oriental signifie ici Uruguayen, ou ce qui est uruguayen. Cette expression vient du fait que l'actuelle Uruguay formait la partie la plus orientale de la vice-royaute du Rio de la Plata et portait alors le nom de Bande orientale. Cette derniere fut, ensuite, brievement integree aux Provinces-Unies du Rio de la Plata et rebaptisee Province orientale. Avec l'independance, le nouvel Etat devint la Republique orientale de l'Uruguay (c'est-a-dire la Republique a l'est du fleuve Uruguay).

Source [ modifier | modifier le code ]

Voir aussi [ modifier | modifier le code ]

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • Estela Nari, Les rapports franco-uruguayens pendant la "Guerra Grande" : le conflit vu par les Francais (pourquoi l'Uruguay n'est-il pas devenu francais) , IHEAL, Universite Paris 3, 1998, 644 p. (these de doctorat)

Liens externes [ modifier | modifier le code ]