Un
ghulam
(plur.
ghilm?n
ou "ghulams" en francais moderne; terme
persan
signifiant ≪ jeune ≫, ≪ servant ≫ ou ≪
esclave
[
1
]
≫ ) etait un
esclave
militaire
. Le terme de
maml?k
(plur.
mam?l?k
) ou
mamelouk
en francais moderne etait egalement utilise en
arabe
[
2
]
. Ce dernier terme s'imposera progressivement en Europe pour le remplacer completement au
XIII
e
siecle
alors qu'ils prenaient le pouvoir en
Egypte
. En
Perse
, les
ghulams
designaient des esclaves islamises qui faisaient allegeance personnelle au
chah
perse.
Les
conquerants arabes de la Perse
etaient entres tres tot en conflit avec les
nomades
turcophones
qui dominaient l'
Asie centrale depuis le
VI
e
siecle
. Leurs qualites martiales, en tant que cavaliers-archers, etaient vantees par de nombreuses sources musulmanes de l'epoque. A partir du
califat
d'
Al-Mamun
au debut du
IX
e
siecle, les
Abbassides
se mirent a employer des jeunes hommes turcophones, qui avaient ete captures en Asie centrale ou s'etaient vendus comme esclaves
[
2
]
, pour en faire des esclaves militaires : les ghulams. Ils constituerent rapidement l'elite de l'armee en lieu et place des troupes arabes et perses. Beaucoup de ghulams servaient les
Samanides
, des Iraniens ≪ nommes gouverneurs generaux de la
Transoxiane
(
Sogdiane
) en 875, qui y avaient fonde une dynastie et s'etaient etendus vers l'ouest ou ils dominaient sur le
Khorassan
(nord-est de l'
Iran
), avec
Nichapour
,
Tus
,
Mechhed
, et touchaient a la
Caspienne
. ≫ (
J.-P. Roux
, 2003
[
2
]
)
Selon
Nizam al-Mulk
,
grand vizir
du
sultan
seldjoukide
Alp Arslan
, le jeune esclave etait eduque et forme a devenir un soldat d'elite, un chef de guerre ou un fonctionnaire. Ce systeme fonctionna entre le
IX
e
et le
XVI
e
siecle ainsi :
- Les ghulams etaient amenes tres jeunes (vers l'age de 10 ans) des steppes d'Asie centrale ;
- Ces jeunes ghulams suivaient une formation militaire et religieuse pendant des annees ;
- A la fin de leur formation (vers l'age de 18 ans), ils etaient enroles comme cavaliers-archers dans une unite de leur protecteur qui etait un dirigeant politique ou un officier superieur ;
- En principe, ils se montraient d'une grande loyaute envers leur protecteur (sing., ustadh) et envers leurs pairs. Une sorte de famille etendue artificielle avait ainsi ete creee ;
- Cette classe militaire durait une generation. En general, les fils de ghulams ne servaient pas comme ghulams bien qu'ils pouvaient etre enroles dans des unites de qualite inferieure. Les fils de ghulams n'avaient pas les memes qualites que leurs peres ni leur loyaute indefectible. Ce desir de reproduire continuellement cette elite militaire (et parfois politique) necessitait le commerce permanent de ces jeunes esclaves.
Sous les
Sefevides
, qui regnaient en
Perse
et etaient ennemis de l'
Empire ottoman
, les Ghulams etaient des
Chretiens
georgiens
,
armeniens
ou
circassiens
, faits prisonniers par les troupes, et utilises comme garde personnelle du
shah
[
1
]
. Convertis a l'
islam
et sorte d'equivalents aux
qapi-qollari
de l'
Empire ottoman
, ils formaient ainsi un corps d'armee dont la loyaute allait au shah directement, et non envers les differentes tribus
[
1
]
. Ils furent mis en place par le shah
Abbas
I
er
le Grand
(1571-1629) comme contrepoids envers la puissance des soldats
qizilbash
turcophones, qui formaient l'ossature militaire de l'Etat sefevide. Il y avait neanmoins, des la fin du
XIII
e
siecle, des
gholams
en Perse
[
3
]
. Certains d'entre eux etaient
eunuques
[
3
]
.
A cote des Qizilbash et des Perses, les Gholams devinrent progressivement une force militaire et politique importante. Son financement etait assure directement par la couronne, obligeant celle-ci a reamenager les structures politiques et administratives de l'empire afin de recueillir directement des
impots
[
1
]
. Leur montee en puissance est apparente dans la nomination du gholam
Allahverdi Khan
au poste de gouverneur de
Fars
vers 1595. Apres l'execution, sur ordre du shah, de l’emir kizilbash Farhad Khan Qaramanli, ce dernier, nomme commandant-en-chef de l'armee sous le titre de
sard?r-e la?kar
, qui remplacait le traditionnel
am?r-al-omar?
, reserve au chef des forces tribales Qizilbash
[
1
]
, devient le deuxieme homme fort de l'Empire.
A la fin du regne d'Abbas
I
er
, les
gholams
controlent un cinquieme des hauts postes administratifs, et leur influence ne fait que grandir sous les successeurs d'Abbas
[
1
]
. Le
qollar-?q?s?
(commandant des regiments de qollar ou ?ol?ms) et le
tofan???-?q?s?
(commandand du regiment de
mousquetaires
) faisaient partie des six offices imperiaux les plus importants
[
1
]
. Leurs langues sont parlees a la cour, y compris par le sultan lui-meme
[
4
]
.
- ↑
a
b
c
d
e
f
et
g
(en)
R. M. Savory,
≪ ?Abb?s I ≫
, dans
Encyclopædia Iranica
(
lire en ligne
)
.
- ↑
a
b
et
c
Jean-Paul Roux
(directeur de recherche honoraire au
CNRS
, ancien professeur titulaire de la section d'
art islamique
a l'
Ecole du Louvre
), ≪
Le premier empire des steppes qui devint musulman : les Karakhanides
≫
, avril 2003.
- ↑
a
et
b
(en)
Willem Floor,
≪ Barda and Barda-d?r?: iv. From the Mongols to the abolition of slavery ≫
, dans
Encyclopædia Iranica
(
lire en ligne
)
- ↑
(en)
David
Blow
,
Shah Abbas : The Ruthless King Who Became an Iranian Legend
,
I.B. Tauris
,
, 165?166
p.
(
ISBN
978-0-85771-676-7
)
≪ Le georgien, le circassien et l'armenien etait aussi parles [a la cour], car c'etaient les langues maternelles de nombreux Gholams, ainsi que d'une grande partie des femmes du harem. Figueroa entendit Abbas parler le georgien, une langue qu'il a sans doute apprise de ses Gholams georgiens et de ses concubines. ≫