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Gabrielle Roy

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Gabrielle Roy
Description de cette image, également commentée ci-après
Gabrielle Roy, vers 1945.
Nom de naissance Marie Rose Emma Gabrielle Roy [ 1 ]
Naissance
Saint-Boniface , Canada
Deces (a 74 ans)
Quebec , Canada
Activite principale
Distinctions
Auteur
Langue d’ecriture Francais
Genres

Œuvres principales

Signature de Gabrielle Roy

Gabrielle Roy , nee le a Saint-Boniface ( Manitoba ) et morte le a Quebec , est une romanciere canadienne-francaise . Institutrice de formation reconvertie en journaliste , rien ne la predestinait a devenir l'une des plus importantes figures de la litterature canadienne . En 1945, elle connait un succes fulgurant apres la publication de Bonheur d'occasion , un roman qui brosse le portrait saisissant des classes populaires montrealaises durant la Seconde Guerre mondiale . Inspire par les reportages de Gabrielle Roy dans le quartier ouvrier de Saint-Henri , ce roman est considere comme le premier roman urbain de la litterature quebecoise , qu'il contribue a faire rayonner internationalement par le biais d'une quinzaine de traductions.

Constituee d'une trentaine de romans et de recueils de contes et de nouvelles , acclamee par la critique et cherie du grand public, l'œuvre de Gabrielle Roy est a la fois romanesque, intime et autobiographique . Sensible aux enjeux de la condition humaine et de l'identite, inspiree par la destinee des Franco-Manitobains, mais intimement liee au Quebec , cette œuvre est aujourd'hui un monument incontournable de la litterature canadienne d'expression francaise .

Biographie [ modifier | modifier le code ]

Maison d'enfance de Gabrielle Roy, sur la rue Deschambault a Saint-Boniface ( 1910 ).

Enfance et formation [ modifier | modifier le code ]

Des origines quebecoises [ modifier | modifier le code ]

Marie Rose Emma Gabrielle Roy est nee le 22 mars 1909 a Saint-Boniface ( Winnipeg ), au Manitoba . Elle est issue d'une famille quebecoise qui a immigre dans l' Ouest canadien au courant du XIX e siecle. Son pere, Leon Roy, est un agent de colonisation ayant quitte la rive sud du fleuve Saint-Laurent , en face de Quebec , pour s'exiler en Nouvelle-Angleterre avant d'atterrir au Manitoba [ 2 ] . Sa mere, Melina Landry, s'expatrie en 1881 avec ses parents cultivateurs , attires dans l' Ouest canadien lors de la ≪ Ruee vers l'Or blond ≫ (le ble ) [ 2 ] .

Gabrielle Roy est la benjamine d'une famille de onze enfants. Elle grandit dans un foyer ou le pere est souvent absent, physiquement et psychologiquement [ 3 ] . La jeune Gabrielle est beaucoup plus proche de sa mere, avec qui elle entretient une relation fusionnelle durant ses annees d' enfance [ 3 ] . Les Roy vivent parmi d'autres familles canadiennes-francaises catholiques dans un contexte politique ou la discrimination a l'egard de la minorite francophone du Manitoba s'accentue [ 4 ] . Gabrielle est toutefois tenue a l'ecart de ces enjeux, baignant dans une innocence et une ≪ impression de securite ≫ [ 5 ]  :

≪ Ce que je me rappelle le mieux des premieres annees de ma vie a Saint-Boniface, [...] cette securite que donne a la vie un passe entretenu par des recits, des souvenirs, par un ordre social et moral eprouve. Je me rappelle: on entendait presque toujours dans un coin ou l'autre de la ville tinter la cloche d'un couvent ou d'une chapelle. [...] Toujours, par les trottoirs de notre ville, il me semble que l'on voyait passer des enfants menes deux par deux a la promenade par des religieuses dont on entendait les chapelets cliqueter. Au-dessus de la riviere Rouge aux eaux brunatres et lourdes s'envolait l'appel des cloches de la cathedrale, cependant que les mouettes [...] volaient presque parmi les tombes du cimetiere qui s'avancaient tout pres des berges. [...] J'aimais bien [...] qu'elles viennent jusqu'au milieu d'un continent nous environner d'un sentiment du large, d'une espece d'angoisse des iles. Car nous etions bien comme dans une ile, nous de Saint-Boniface, assez seuls dans l'ocean de la plaine et de toutes parts entoures d'inconnu. ≫

Gabrielle Roy (au centre, en bas) entouree de sa famille, 1911 .

En 1915, a l'age de six ans, Gabrielle Roy commence son education a l'academie Saint-Joseph, une ecole de filles tenue par les Sœurs des Saints Noms de Jesus et de Marie [ 6 ] . Ses premieres annees d'etude sont ardues. Accablee par des problemes de sante, au point ou son pere la surnomme ≪ Petite Misere ≫, elle n'aime pas particulierement etudier et doit souvent s'absenter de l'ecole [ 6 ] . De plus, a partir de 1916, la loi Thornton fait de l' anglais l'unique langue d'enseignement du Manitoba, interdisant de ce fait aux franco-manitobains l'acces a une education francophone [ 6 ] . Malgre l'imposition d'un nouveau programme, les sœurs de l'academie Saint-Joseph reussissent, clandestinement, a maintenir l'enseignement du francais [ 7 ] .

Pour des raisons que son biographe, Francois Ricard , ne s'explique pas tout a fait, Gabrielle Roy devient une eleve modele a partir de la septieme annee (1923-1924), multipliant les bonnes notes et finissant systematiquement premiere de classe [ 6 ] . Apres avoir fait ses etudes primaires et secondaires a l'academie Saint-Joseph, elle decide de se consacrer a l'enseignement. En septembre 1928, quelques mois avant la mort de son pere, elle s’inscrit a l' Ecole normale superieure de Winnipeg pour une formation d’une duree d’un an. Apres ses etudes, elle enseigne dans les ecoles rurales de Marchand et de Cardinal et a l' Ecole Provencher a Saint-Boniface [ 8 ] , ou elle enseigne en anglais a une classe de premiere annee. Elle occupera ce poste pendant sept ans.

Institutrice et comedienne [ modifier | modifier le code ]

A Provencher, en pleine Grande Depression , Gabrielle Roy jouit d'une situation confortable, logeant chez sa mere et beneficiant d'un salaire d'environ 100  $ par mois [ 6 ] . Il s'agit la d'un grand privilege, notamment parce que l'Institut Provencher est la seule ecole francophone de Saint-Boniface a embaucher des institutrices laiques [ 9 ] . A cette epoque, Gabrielle Roy profite des distractions mondaines qu'offre la ville et s'initie au theatre et a l'ecriture. Elle decouvre alors de grands auteurs, surtout anglophones : Edgar Allan Poe , Lewis Caroll , Agatha Christie , Ernest Hemingway , Steinbeck ou encore Edgar Wallace [ 10 ] . C'est aussi a cette epoque que Roy publie ses premiers textes, en anglais et en francais, dans des periodiques locaux et nationaux. L'ecriture n'est toutefois pas sa priorite, alors que sa passion pour l'art dramatique occupe l'essentiel de son temps. Gabrielle Roy est alors une jeune comedienne cultivant l'ambition de faire du theatre sa vocation.

C'est ainsi qu'elle rejoint le Cercle Moliere, une troupe amateur que dirigent Arthur et Pauline Boutal [ 6 ] . Ces derniers lui confient des roles dans trois de leurs productions annuelles entre 1933 et 1936. Ces opportunites menent Gabrielle Roy jusqu'a Ottawa , ou elle monte sur scene a l'occasion du Festival national d'art dramatique de 1934 et 1936. Les comediens du Cercle Moliere y remportent des prix et Gabrielle Roy se distingue lors de deux pieces en anglais avec le Winnipeg Little Theatre . Ces succes la motivent a redoubler d'effort pour faire de l'art dramatique une carriere [ 6 ] . C'est dans cette perspective que Gabrielle Roy se tourne bientot vers de nouveaux horizons et decide de rejoindre l'Europe afin de poursuivre sa formation en art dramatique. Plus tard, elle expliquera cette necessite de l'exil dans une lettre a l'ecrivain Rex Desmarchais [ 11 ]  :

≪ L'enseignement et le theatre, en particulier, nous ouvraient des horizons sur la culture et tout specialement sur la litterature. Par contre, nous nous rendions clairement compte que les pauvres milieux culturels qui existaient dans l'Ouest canadien etaient absolument insuffisants pour nous permettre le plein developpement de nos facultes, de nos possibilites intellectuelles, litteraires, artistiques. Nous soupirions ardemment vers les eaux vives et abondantes qui jaillissaient aux sources memes, en Europe, en France. Un voyage, un sejour de l'autre cote de l'Atlantique, c'etait pour nous plus qu'un reve: une hantise! ≫

En 1937, pour se donner les moyens de ses ambitions, elle s'engage comme institutrice a la Petite-Poule-d'Eau, une region sauvage a quelques centaines de kilometres au nord de Winnipeg [ 6 ] . A l'automne de la meme annee, a l'age de 28 ans, Gabrielle Roy s'embarque pour le Vieux Continent. Elle laisse derriere elle une mere malade et eprouvee par des difficultes financieres: cette decision sera source de remords et de conflits familiaux toute sa vie [ 6 ] .

L'exil et la gloire [ modifier | modifier le code ]

Portrait photo de Gabrielle Roy.
Portrait photo de Gabrielle Roy.
Gabrielle Roy, en 1929 .

L'aventure europeenne [ modifier | modifier le code ]

Gabrielle Roy s'exile pour un sejour de deux ans en Europe, ou elle compte etudier l’art dramatique [ 6 ] . Elle passe d’abord quelque temps a Paris afin de parfaire sa formation de comedienne aupres de Charles Dullin, directeur du Theatre l’Atelier (aussi connu sous le nom d’≪ Ecole nouvelle du comedien ≫) [ 12 ] . Elle est accueillie par une autre eleve et s’installe dans un appartement assez cossu du XIII e arrondissement [ 12 ] . Mais Roy ne se devouera finalement que tres peu a l’etude de l’art dramatique, preferant assister aux representations theatrales parisiennes plutot que d’y prendre part. A peine presentee a Charles Dullin, la jeune comedienne disparait. C’est que Paris ne lui convient pas, comme le resume Francois Ricard [ 13 ]  :

≪ Certes, elle admire les beautes de la ville et la parcourt en touriste emerveillee, mais rien ne la retient ici. Rien ni personne. Paris a beau etre, en ces annees du Front populaire, au sommet de sa vitalite et de son rayonnement, il a beau rassembler les artistes et les ecrivains les plus en vue, vibrer de debats et de manifestations de toutes sortes, constituer en somme le centre intellectuel de l’univers, comme l’a raconte H. R. Lottman, elle s’y sent etrangere, seule et, ainsi qu’elle le dira plus tard, ≪ trop effrayee par la ville ≫ pour pouvoir en profiter et tenter de s’y integrer. Elle decide de repartir presque aussitot. Son premier sejour a Paris, dont elle a tant reve, aura dure moins de deux mois. ≫

Gabrielle Roy quitte donc Paris pour s’installer a Londres , ou elle retrouve des amis manitobains. La capitale britannique se veut beaucoup moins depaysante pour Roy, qui maitrise parfaitement l'anglais et y retrouve certains codes culturels lui rappelant le Manitoba. Inscrite a la prestigieuse Guidhall School of Music and Drama , elle parcourt la campagne anglaise et  profite des activites culturelles qu’offre la ville, visitant notamment les musees. Loin de son pays, la Manitobaine jouit d’une independance nouvelle qui finit par se conjuguer a deux lorsqu’elle rencontre Stephen Davidovich, canadien d’origine ukrainienne luttant pour extirper son pays d'origine de l’influence sovietique [ 6 ] . Cette relation s’avere toutefois ephemere car Davidovich, nationaliste convaincu, ne partage pas les ideaux sociaux-democrates et liberaux de Roy (de par le contexte de l'epoque et son opposition a l'URSS, il est allie des nazis) et s’absente souvent pour participer a des operations [ 6 ] .

C’est a Londres que Gabrielle Roy se consacre une bonne fois pour toutes a l’ecriture, resignee a l’idee qu’elle n’a pas ce qu’il faut pour se devouer a l’art de la scene. A l’ete 1938, chez son amie Esther Perfect, a Upshire (en banlieue de Londres), Gabrielle Roy prete allegeance a la plume et fait du francais l’unique langue de son œuvre. Dans son autobiographie, La Detresse et l'Enchantement , elle lie cette decision a un profond attachement a ses origines: ≪ [...] les mots qui me venaient aux levres, au bout de ma plume, etaient de ma lignee, de ma solidarite ancestrale. Ils me remontaient a l'ame comme une eau pure qui trouve son chemin entre des epaisseurs de roc et d'obscurs ecueils. ≫ [ 14 ] Gabrielle se sent chez elle a Upshire, replongee dans ses souvenirs d'enfance, emerveillee par la beaute du paysage et choyee par la bienveillance de ses hotes [ 15 ] . Pour Francois Ricard, ce passage dans le comte d'Essex est un veritable element declencheur dans la vie de Gabrielle Roy [ 16 ]  :

≪ C'est dans l'atmosphere idyllique de la maison d'Upshire [...] que Gabrielle decouvre enfin sa vocation d'ecrire et decide qu'elle y consacrera desormais sa vie. Ce moment marque donc un tournant pour elle. D'ailleurs, la conscience d'ecrivain de Gabrielle Roy gardera toujours le souvenir, sinon la nostalgie, de cette epoque ideale, comme si elle y voyait une representation exemplaire de ce qu'est l'ecriture: un abri contre le monde, et de ce que l'ecriture demande: le silence des passions, une disponibilite totale et l'oubli de toute preoccupation materielle, conditions que seule la presence aupres de soi d'une figure bienveillante et tutelaire [Esther], peut rendre possibles. ≫

Elle ecrit surtout des nouvelles et autres courts textes, dont certains aboutissent dans les journaux de Saint-Boniface [ 6 ] . Trois de ses articles sont publies dans un magazine parisien, Je suis partout , ce qui contribue a la convaincre que son avenir se trouve dans l’ecriture [ 6 ] .  Gabrielle Roy se voit toutefois contrainte a quitter l’Europe car les tambours de guerre resonnent au loin. Avant de rentrer au pays, elle fait un passage de quelques mois dans le sud de la France, ou elle est marquee par la beaute des paysages. Elle passe egalement quelque temps dans les Pyrenees-Orientales , croisant la route de refugies republicains qui fuient les charniers de la guerre civile espagnole [ 6 ] . En avril 1939, elle embarque finalement pour le Canada [ 6 ] .

Bonheur d'occasion , la consecration [ modifier | modifier le code ]

De retour au pays, Gabrielle Roy decide de ne pas rentrer au Manitoba et ce, malgre l’insistance de sa mere, qui la presse de retrouver son poste d’enseignante a Provencher [ 6 ] . Cultivant d’autres ambitions, elle s'installe a Montreal, loin de sa famille, dans l'espoir de se tailler une place au sein des cercles litteraires. Deja a l’epoque, Montreal est une metropole vibrante dont le milieu culturel est en pleine ebullition, notamment grace au developpement de la presse et de l’edition. Gabrielle Roy frequente les cercles artistiques, decrochant des roles a la radio et publiant quelques textes dans des periodiques montrealais [ 6 ] . C’est toutefois comme journaliste qu'elle prend son envol. D’abord pigiste, elle finit par obtenir une chronique dans la page feminine de l’hebdomadaire Le Jour . Elle publie egalement des nouvelles dans la Revue Moderne , dont le directeur, Henri Girard, la prend sous son aile [ 6 ] .

Malgre cette bienveillance qui assure a Gabrielle Roy de se tailler une petite place dans les milieux litteraires, c’est en tant que reporter qu’elle devient connue du grand public. Elle se fait un nom dans le Bulletin des Agriculteurs , notamment grace a des series de reportages qui s’etendent sur plusieurs numeros et captent l’attention des lecteurs. Entre 1941 et 1945, les reportages de Gabrielle Roy brossent un portrait saisissant de Montreal (≪ Tout Montreal ≫, 1941), couvrent l’exil de colons madelinots en Abitibi (≪ Ici l’Abitibi ≫, 1941-1942) ou dressent un tableau des caracteristiques socio-economiques de diverses regions du Quebec (≪ Horizons du Quebec ≫, 1944-1945) [ 6 ] .

Gabrielle Roy, vers 1935 .

Le Bulletin des agriculteurs permet a Roy de vivre un peu plus confortablement et, surtout, de disposer du temps libre necessaire a l’ecriture d’un roman. C’est un projet qu'elle cultive depuis un moment deja et qu’elle a amorce en 1941 ou 1942 [ 6 ] . Ce roman, dont elle termine une premiere version durant l’ete 1943, en Gaspesie, marquera a jamais le paysage litteraire quebecois : c’est Bonheur d’occasion [ 6 ] .  Inspire par les reportages de Gabrielle Roy sur le quartier ouvrier de Saint-Henri durant la Seconde Guerre mondiale, Bonheur d’occasion brosse le portrait saisissant des classes populaires de la metropole, aux prises avec la pauvrete et le chomage. Publie en juin 1945, le premier roman de Gabrielle Roy connait un succes fulgurant aupres du public en plus d’etre encense par la critique, qui salue son realisme et la qualite de la plume de Roy [ 6 ] .

Ce succes transcende rapidement les frontieres quebecoises et canadiennes. Bonheur d’occasion est publie a New York en 1947 sous le titre The Tin Flute [ 6 ] . Choisi comme le ≪ livre du mois ≫ de mai par la Literary Guild, il est tire a 700 000 exemplaires. Un studio hollywoodien en acquiert meme les droits cinematographiques, mais n’ira pas au bout du projet (un producteur canadien s’en chargera en 1983) [ 6 ] . Considere comme le premier roman urbain de la litterature quebecoise, il remporte de nombreux prix a l’international, notamment le prestigieux Prix Femina en 1947. Publie par les Editions Flammarion en France, Bonheur d’occasion sera traduit dans une dizaine de langues etrangeres [ 6 ] .  

Du jour au lendemain, cet etonnant succes fait de Gabrielle Roy une auteure reconnue. Son quotidien est alors bouleverse, alors qu’elle accede a la celebrite et a l’argent, poursuivie par les journalistes et admiree par des milliers de lecteurs [ 6 ] . Bien qu’elle se rejouisse de s’etre taille une place dans le monde litteraire, Gabrielle Roy a beaucoup de difficulte a s’accommoder a cette soudaine agitation. Elle decide de s’en eloigner et quitte Montreal pour le Manitoba en mai 1947 [ 6 ] . Aupres de ses sœurs, elle retrouve un peu d’apaisement. C’est egalement durant cette periode qu’elle rencontre Marcel Carbotte, un jeune medecin manitobain dont elle s’eprend rapidement [ 6 ] . Trois mois plus tard, Gabrielle Roy et Marcel Carbotte se marient et partent s’etablir en France, ou Roy trouve un peu de tranquillite loin du brouhaha mediatique engendre par Bonheur d’occasion [ 17 ] . Le couple fait d’abord escale a Montreal, ou Gabrielle Roy est recue par la Societe royale du Canada afin d’y etre intronisee [ 6 ] .

L'ecriture et la fuite [ modifier | modifier le code ]

Portrait photo de Gabrielle Roy.
Portrait photo de Gabrielle Roy.
Gabrielle Roy, en 1946 .

Le couple arrive a Paris a l’automne 1947. Un an plus tard, Roy et Carbotte emmenagent dans une luxueuse pension bourgeoise de Saint-Germain-en-Laye . Ils profitent des mondanites parisiennes en compagnie d’amis, notamment la journaliste Judith Jasmin , et Gabrielle Roy entame la redaction de son second roman. La tache n’est pas evidente. Elle tente d’abord d’ecrire une œuvre au style similaire a Bonheur d’occasion [ 6 ] . Elle change finalement d’idee, inspiree par une excursion a Chartres , region dont les paysages lui rappellent le Manitoba [ 6 ] . Ce decor verra naitre trois histoires qui formeront La Petite Poule d’Eau , le second ouvrage de Gabrielle Roy, publie en 1950 a Montreal. Loin de connaitre le succes de Bonheur d’occasion , ce deuxieme roman recoit un accueil plutot froid de la critique montrealaise [ 6 ] . Les cercles litteraires torontois le recoivent quant a eux avec beaucoup plus d’enthousiasme, estimant que La Petite Poule d’Eau offre un portrait magistral de la culture canadienne [ 6 ] .

Gabrielle Roy et son mari rentrent a Montreal le 15 septembre 1950. Ils s’etablissent a LaSalle , au bord du fleuve Saint-Laurent [ 6 ] . La romanciere y passe toutefois peu de temps, s’echappant frequemment vers des lieux plus tranquilles, notamment en Gaspesie , pour poursuivre son œuvre [ 6 ] . En 1952, lorsque Marcel Carbotte se voit offrir un poste a l’ hopital du Saint-Sacrement de Quebec , le couple s’installe dans la capitale nationale. Leur appartement de la Grande Allee, dans un immeuble ancien appele Chateau Saint-Louis, constituera le domicile principal de Gabrielle Roy jusqu’a ses derniers jours [ 6 ] .

Pour Francois Ricard : ≪ Lorsqu’elle s’etablit a Quebec, Gabrielle Roy a beau n’avoir que 43 ans, on peut dire que l’essentiel de ce qui constituera sa biographie est termine, dans la mesure ou aucun evenement majeur ne viendra desormais en modifier le cours de maniere un peu eclatante ou significative ≫ [ 6 ] . L'heure est a l'ecriture et a la sobriete. Roy n'aime pas particulierement la ville, profitant de chaque occasion pour fuir vers l'Est ou un chalet que le couple acquiert a Petite-Riviere-Saint-Francois , dans la region de Charlevoix [ 18 ] .

C'est la que Roy passe chaque ete jusqu'a sa mort et ou elle redige presque tous ses romans. L'un d'entre eux, Alexandre Chenevert , lui vaut en 1954 un important succes critique. Sa sante etant fragile, particulierement durant les longs mois d'hiver qui mettent a rude epreuve ses capacites pulmonaires, elle s'exile frequemment pour ecrire, notamment en Arizona , en Louisiane , en Floride ou encore en France. Elle ajoute alors une dizaine de romans a son œuvre, ayant pour point commun d'accorder une place substantielle a ses souvenirs d'enfance et a ses racines [ 19 ] . C'est notamment le cas dans Rue Deschambault (1955), dont le personnage principal, une franco-manitobaine prenommee Christine, est en quelque sorte l'alter-ego de Gabrielle Roy. La romanciere ne s'interdit toutefois pas des escapades vers d'autres horizons. La riviere sans repos brosse le portrait saisissant des Inuits de l' Ungava , cherchant leurs reperes identitaires entre tradition et modernite [ 20 ] .

Les dernieres annees de sa vie sont marquees par le deces de ses sœurs Anna (1964) et Bernadette (1970). Ces deuils la fragiliseront, tant physiquement que psychologiquement, et font en sorte qu'elle renoue avec sa foi catholique, abandonnee durant son aventure europeenne. En 1967, elle recoit le titre de Compagnon de l' Ordre du Canada . L'annee suivante, elle recoit un doctorat honorifique de l' Universite Laval . Se sachant en declin, elle entame en 1976 la redaction de son autobiographie, La Detresse et l'Enchantement [ 21 ] . En 1979, elle recoit le Prix de litterature de jeunesse du Conseil des Arts du Canada pour le conte Courte-Queue , traduit en anglais sous le titre de Cliptail .

Deces [ modifier | modifier le code ]

Le 13 juillet 1983, Gabrielle Roy est emportee par une crise cardiaque a l'Hotel-Dieu de Quebec. Son testament partage ses biens entre son mari et des organismes d'aide a l'enfance. Elle fut incineree et ses cendres reposent au parc commemoratif la Souvenance, a Sainte-Foy [ 6 ] .

Une œuvre majeure [ modifier | modifier le code ]

L’œuvre de Gabrielle Roy est une œuvre phare a la fois pour la litterature quebecoise et canadienne: elle est consideree comme une ≪ piece maitresse de chacun des deux corpus "nationaux" ≫ [ 22 ] . Reconnue et celebree par les institutions du Quebec comme du Canada, la Bonifacienne a suscite l'interet a la fois des critiques francophones et anglophones et ce, des la publication de Bonheur d'occasion ( The Tin Flute ) en juin 1945 [ 22 ] . Cet interet fut reciproque et Gabrielle Roy a toujours accorde une grande importance aux versions anglaises de ses romans. Elle les considerait comme de ≪ seconds originaux ≫ et s'impliquait meme personnellement dans le processus de traduction [ 23 ] .

Publie par les prestigieuses maisons d'edition Reynal & Hitchcock ( New-York ) et Flammarion ( Paris ), Bonheur d'occasion , best-seller, fait meme de la Franco-Manitobaine une ecrivaine tres en vue a l'etranger [ 24 ] . Ce succes international dure une dizaine d'annees, jusqu'au milieu des annees 1950 [ 25 ] . Par la suite, l’œuvre de Gabrielle Roy se cantonne a un univers beaucoup plus canadien [ 25 ] . Rares sont les auteurs canadiens beneficiant d'un tel prestige d' ≪ un ocean a l'autre ≫, comme le souligne son biographe Francois Ricard [ 23 ]  :

≪ Meme si la romanciere se definit elle-meme comme un ecrivain a vocation ≪ universelle ≫ et veut ecrire ≪ pour tous les hommes ≫, c'est avant tout, sinon uniquement, au Canada que se trouve son public reel. Cela dit, a l'interieur du contexte canadien, l'≪ universalite ≫ de son œuvre ne fait pas de doute, puisqu'elle est lue, admiree, etudiee autant dans le milieu anglophone que francophone, autant a Toronto et Winnipeg qu'a Montreal, ce qui est alors le cas d'un tres petit nombre d'auteurs du Quebec et du Canada anglais. En ce sens, on peut dire que Gabrielle Roy est probablement, jusqu'a ce jour, le seul ecrivain veritablement ≪ canadien ≫ au sens federal de ce terme, c'est-a-dire le seul dont l’œuvre transcende vraiment la barriere linguistique et qui est considere egalement par les deux communautes - ou par les deux institutions litteraires - comme un de leurs membres a part entiere. ≫

Cela s'explique a la fois par l'identite de Gabrielle Roy, Franco-Manitobaine bilingue et Quebecoise d'adoption, et par une œuvre autobiographique intimement liee au territoire et aux realites canadiennes. Ainsi, on retrouve la campagne quebecoise dans ses reportages au Bulletin des agriculteurs, les grandes plaines du Manitoba dans La Petite Poule d'Eau , La Route d'Altamont , Un jardin au bout du monde , et Ces enfants de ma vie , ou encore l'ennui de son enfance a Saint-Boniface dans Rue Deschambault [ 26 ] . Pour Gabrielle Roy, les grands espaces naturels de sa contree donnent l'occasion de fuir l'alienation de la vie urbaine. Soucieuse du sort des marginaux, elle-meme issue de la minorite franco-manitobaine, elle ecrit aussi sur les autochtones coinces entre tradition et modernite dans La riviere sans repos . Dans l'ouvrage collectif ≪ Gabrielle Roy et l'art du roman ≫ , Francois Ricard souleve egalement l'importance de ≪ decontextualiser ≫ l’œuvre de l'ecrivaine afin d'en reveler l'universalisme, notamment en ce qui a trait a sa forme romanesque [ 27 ]  :

≪ Femme, feministe, elle l'a ete, certes; et Franco-Manitobaine; et federaliste; et amie des immigrants; et indignee par la misere et l'injustice; et desireuse de voir s'etablir sur la ≪ Terre des hommes ≫ le regne de la fraternite et de la solidarite [...] Oui, elle a ete tout cela; oui, ces valeurs lui tenaient a cœur, et elle les a defendues du mieux qu'elle a pu. Mais la n'est pas l'essentiel de ce a quoi elle s'est consacree. Ce qui reste d'elle, ce qui n'appartient qu'a elle, et ce en quoi, par consequent, son œuvre est a la fois unique et universelle, c'est sa pratique exclusive et singuliere du roman, c'est la foi entiere qu'elle a mise dans le roman comme art, comme pensee, sinon comme morale, bref, comme sa seule patrie, non pas a l'exclusion mais du moins au-dessus de toutes les autres. ≫

Un rapport ambigu avec le Quebec [ modifier | modifier le code ]

L'ideal des origines [ modifier | modifier le code ]

Pour Gabrielle Roy, le Quebec ne fut jamais bien loin. Ce fut d'abord la terre des ancetres. Une contree mythifiee par les recits de ses parents, empreints de reves et de nostalgie [ 28 ] . Sa mere, Melina Roy, ne cesse de se rememorer les collines des Laurentides et la longue traversee des Prairies canadiennes en chariot [ 28 ] . Ces souvenirs ressasses s'ancreront durablement dans l'imaginaire de Gabrielle Roy, pour qui le Quebec sera toujours synonyme de pays des origines [ 28 ] . Pour Ismene Toussaint, specialiste de la litterature de l'Ouest du Canada, les Franco-Manitobains de Saint-Boniface, fideles a leurs traditions et au catholicisme, vivent dans ≪ une sorte de Quebec recree a l'echelle du Manitoba ≫ [ 28 ] :

≪ Le regret du Quebec se traduit, chez ces exiles, par un veritable culte voue a la mere patrie. Le temps, l'eloignement et l'imagination aidant, cette derniere se transforme pour eux en une sorte de paradis perdu, d'Eldorado disparu, de pays du bonheur inaccessible. Dans les romans de Gabrielle Roy, nombreux sont les pionniers a s'eteindre dans le chagrin de n'avoir jamais revu leur terre originelle. Il n'est donc pas surprenant que dans un tel contexte, la future romanciere considere, elle aussi, le Quebec comme son pays; non seulement elle le designera souvent dans son oeuvre par les termes ≪maison≫, ≪ foyer ≫, ≪ nid ≫, mais elle confiera qu'il lui a toujours inspire ≪ un sentiment de securite totale ≫. A travers l'immense admiration qu'elle voue a ses grands-parents Landry, ces eternels ≪ chercheurs d'horizon ≫ - tels qu'elle les qualifie -, le Quebec prend dans son esprit une dimension quasi mythique. ≫

Gabrielle Roy grandit en cultivant le fantasme d'un retour au Quebec. Elle finira par le materialiser apres son voyage en Europe, en 1939, lorsqu'elle se lance avec enthousiasme a la conquete de Montreal et du monde litteraire. La bouillonnante metropole sera a la fois synonyme de cheminement identitaire et de decouverte, alors que la jeune journaliste se mele aux artistes d'avant-garde, a l'intelligentsia liberale ou encore aux militants socialistes [ 29 ] . C'est toutefois aupres des masses populaires, a qui elle consacre une bonne partie de ses reportages, qu'elle se sent le mieux [ 29 ] . Bouleversee par le joual et la culture du terroir, elle apprecie l'authenticite et la simplicite des hommes et des femmes ordinaires, dont elle part a la rencontre des cotes du Saint-Laurent jusqu'au fin fond de la peninsule Gaspesienne [ 29 ] .

Gabrielle Roy n'est toutefois pas nee Quebecoise: elle l'est devenue. C'est a travers l'ecriture qu'elle s'ancre veritablement au Quebec. Son peuple, a qui elle se mele en tant que journaliste, fera d'elle l'≪ enfant cherie ≫ du Quebec apres le succes retentissant de Bonheur d'occasion [ 30 ] . Ismene Toussaint affirme que ce roman phare de la litterature canadienne consacre Gabrielle Roy en tant que ≪ Quebecoise ≫ et ≪ revelera a ses lecteurs leur dignite, leur nationalite, leur ame ≫ [ 30 ] .

Nostalgie, amertume et deception [ modifier | modifier le code ]

La lune de miel suivant la publication de Bonheur d'occasion ne suffirait toutefois pas a resumer les rapports qu'entretenait Gabrielle Roy avec le Quebec. En effet, bien qu'elle ait considere ce pays comme le sien depuis sa tendre enfance, il provoque en elle des sentiments contradictoires. D'une part, elle realise assez rapidement que ses proches sont en quelque sorte des apatrides ayant ete forces de quitter la terre de leurs ancetres pour fuir la misere [ 31 ] . Cette prise de conscience la confronte a une crise identitaire qui l'habitera jusqu'a la fin de sa vie: elle est condamnee au statut d'etrangere partout ou elle va. C'est d'ailleurs ce qu'elle constate lorsqu'elle voyage pour la premiere fois dans l'Est, au debut de sa vingtaine. Les cousins de sa mere manifestent alors a son egard une curiosite condescendante, la percevant comme une ≪ petite Franco-Manitobaine qui parle encore le francais ≫ [ 32 ] .

Videos externes
Discours de Gabrielle Roy sur la vie d’apres-guerre dans le quartier Saint-Henri , Societe Radio-Canada , 1947 , 1 minute 42 secondes.
Lecture d'un passage du roman Rue Deschambault par Gabrielle Roy , Societe Radio-Canada , 1957 , 2 minutes 6 secondes.
Entrevue de Gabrielle Roy a l'emission Premier Plan , entrevue conduite par la journaliste Judith Jasmin , Societe Radio-Canada , 1961 , 28 minutes.

Pour Ismene Toussaint, il n'est pas sur que Gabrielle Roy soit venue s'etablir au Quebec animee d'une ≪ solidarite avec son peuple enfin retrouve ≫. S'appuyant sur La detresse et l'enchantement , l'autobiographie de Roy, elle suggere meme que l'ecrivaine ≪ gardera toujours secretement rancune a la ≪ province mere ≫ et a ses enfants de leur accueil mitige [ 33 ]  ≫. Bien qu'elle fut a l'origine du premier romain urbain de la litterature quebecoise, Toussaint rappelle que Gabrielle Roy a aussi beaucoup de difficulte a apprivoiser les villes du Quebec [ 33 ]  :

≪ Tout comme ses personnages, la pionniere du roman urbain appartient a cette generation situee a la croisee du monde rural et du monde industriel qui supporte tres mal l'arrachement du terroir. Dans ses lettres a sa sœur Bernadette, elle utilise des adjectifs disproportionnes pour depeindre Montreal: ≪ frenetique, surpeuplee, enorme, trepidante, hysterique ≫. Son roman Bonheur d'occasion est particulierement revelateur de l'etouffement qu'elle eprouve dans cette ville. Plus encore, dans Alexandre Chenevert , Montreal parait a la fois comme le meurtrier et la prison du personnage principal. Quant a Quebec, cette vieille capitale lui fait l'effet d'une ≪ veritable forteresse ≫, d'un ≪ cachot  ≫, comme elle s'en plaint a ses visiteurs. ≫

En fait, Ismene Toussaint estime que Gabrielle Roy est une eternelle nostalgique du Manitoba, a la fois rongee par un ≪ mal du pays ≫ et le regret d'avoir abandonne sa mere et le reste de sa famille. Le Quebec aurait pour elle l'effet d'un miroir la renvoyant constamment a sa terre natale [ 34 ]  :

≪ Si Gabrielle a decouvert ici ses racines quebecoises, elle y a surtout brutalement redecouvert ses racines manitobaines [...] Le Quebec, meme s'il a adopte Gabrielle Roy, ne cesse de la renvoyer a sa condition d' ≪ etrangere ≫, d'exilee, de ≪ survenante ≫, si j'ose dire - ce qui provoque en elle de grands bouleversements. Dans le quartier marginal de Saint-Henri, ce sont, toutes proportions gardees, Saint-Boniface, sa famille et ses compatriotes qu'elle retrouve; dans les Laurentides, le passe de ses aieux; chez ses hotes, le foyer de la rue Deschambault; et dans la nature quebecoise, certains paysages manitobains. ≫

Toussaint considere que Gabrielle Roy a developpe un mecanisme de defense pour contrer ses questionnements identitaires: la fuite. Physiquement, d'abord, puisque la romanciere est incapable de demeurer au meme endroit et pretexte une ≪ extreme fatigue ≫ pour se soustraire a ses obligations [ 35 ] . Figurativement, ensuite, lorsqu'elle cree de ≪ petits Quebec ≫ idealises dans chacune de ses œuvres [ 36 ]  :

≪ [...] un Quebec miroir d'elle-meme ( Bonheur d'occasion est autant un portrait qu'un reportage realiste); un Quebec de l'age d'or, incarne par l'Ungava de La riviere sans repos ou un Quebec du XIXe siecle, inspire par l'histoire de ses ancetres; un Quebec paradis, dans Alexandre Chenevert et Cet ete qui chantait , ou les etres humains, la nature et les animaux parlent un langage universel. En somme, un Quebec irreel qui ne peut ni la decevoir ni lui faire de mal; un Quebec de papier qui se confond totalement avec son œuvre; peut-etre ce Quebec ideal qui, bien des annees auparavant, ≪ appelait ≫ la petite Gabrielle, depuis la lucarne de son grenier, rue Deschambault. ≫

Gabrielle Roy et le nationalisme quebecois [ modifier | modifier le code ]

Sur le plan ideologique, bien que sensible a la destinee de l'Amerique francaise et profondement attachee a sa culture francophone, Gabrielle Roy voit d'un tres mauvais œil la montee du nationalisme quebecois au courant des annees 1960. Sympathique aux reformes de la Revolution tranquille en matiere de modernisation de l'Etat ou encore d'affirmation des droits de la femme, elle assimile le nationalisme a un courant retrograde synonyme de repli sur soi et de haine [ 37 ] . Dans sa correspondance se confondent les termes nationalisme , independantisme , anarchisme et felquisme [ 38 ] . Roy assimile souvent l'opposition au Canada a une forme de fanatisme et meme de racisme [ 38 ] . Elle s'oppose farouchement a Rene Levesque et a son projet de souverainete-association [ 39 ] .

Publiquement, elle reste toutefois discrete a ce sujet, invoquant la ≪ liberte ≫ que l'ecrivain se doit de maintenir face aux ≪ ideologies ephemeres ≫ [ 40 ] . Sa seule sortie publique ouvertement partisane fait suite au fameux ≪  Vive le Quebec libre !  ≫ du general de Gaulle , a l'ete 1967. Dans une lettre envoyee au Soleil et au Devoir , peut-etre animee d'une peur d'etre rejetee par sa province d'adoption, avance Francois Ricard, l'ecrivaine Franco-Manitobaine livre un plaidoyer sans equivoque en faveur du Canada:

≪ Je proteste contre la lecon que le General de Gaulle pretend donner a notre pays. Je ne peux y voir que mepris pour les nobles efforts entrepris au Canada en vue du veritable progres qui ne reside nulle part s'il ne reside d'abord dans une volonte d'entente et de respect mutuel. [...]

Comme ecrivain canadien-francais je n'ai jamais eu a souffrir de manque de liberte, quand j'ai voulu la prendre, ni au Quebec ni ailleurs au Canada. Le fait que nee au Manitoba et ayant passe la mes premieres annees j'y ai appris le francais assez pour etre plus tard reconnue comme ecrivain de langue francaise meme en France le prouve suffisamment, a ce qu'il me semble. [...]

De tout mon espoir en l'avenir humain, de toutes mes forces, j'engage mes compatriotes qui se considerent non pas comme des Francais du Canada mais des Canadiens francais, a manifester en faveur de la vraie liberte au Quebec.

Car elle risque fort de nous etre otee si nous la laissons petit a petit, par inertie, aux mains des extremistes ou des chimeriques attardes en des reves nostalgiques du passe plutot que les yeux ouverts sur les realites de notre condition humaine sur ce continent. La grandeur consiste non pas a defaire mais a parfaire nos liens. ≫

Pour Toussaint, qui s'appuie sur les travaux de l'ecrivain Paul-Emile Roy , cette attitude a l'egard du nationalisme quebecois peut s'expliquer par un complexe d'inferiorite vis-a-vis des Canadiens anglais qu'elle aurait developpe dans le contexte minoritaire des Franco-Manitobains (sans pour autant renier ses origines) [ 41 ] . Toussaint y percoit egalement une ≪ lassitude a l'egard des revendications nationalistes ≫ exacerbee par le ≪ temperament utopiste ≫ de Gabrielle Roy, qui aura reve toute sa vie a une humanite ≪ plus harmonieuse et plus fraternelle ≫, sans doute nostalgique des communautes agricoles que son pere aidait a implanter dans l'Ouest [ 42 ] .  

Prix et distinctions [ modifier | modifier le code ]

Hommages [ modifier | modifier le code ]

Plaque commemorative de Gabrielle Roy au Parc du Bonheur-d'Occasion.

Canada [ modifier | modifier le code ]

  • En 1989, la Commission de la toponymie du Manitoba a valide l'appellation Gabrielle Roy pour l'ile sur laquelle elle vecut dans les annees 1930, situee au milieu de la riviere de la Poule d'Eau . Elle a immortalise cet endroit avec son roman eponyme La Petite Poule d'Eau publie en 1950, qui relate sa vie, durant l' entre-deux-guerres , comme institutrice dans ce lieu perdu des grandes prairies canadiennes [ 45 ] .
  • Plusieurs ecoles francophones du Canada portent son nom dont l' ecole Gabrielle-Roy   (en) a Surrey , en Colombie-Britannique [ 46 ] , l'ecole primaire Gabrielle-Roy a Ottawa et l'ecole primaire Gabrielle-Roy a Edmonton.
  • Une citation de Gabrielle Roy, tiree de son roman La Montagne secrete , est inscrite en tres petits caracteres sur les billets de 20  $ canadiens produits entre 2004 [ 47 ] et 2012 [ 48 ]  : ≪ Nous connaitrions-nous seulement un peu nous-memes, sans les arts? ≫ . La citation est egalement presente dans sa traduction anglaise [ 49 ] , [ 50 ] .
  • En 2009, sa maison natale a Saint-Boniface a ete designee lieu historique national du Canada [ 51 ] .
  • En decembre 2021, une serie tournee entierement au Manitoba est sortie a son honneur sur Ici Tou.tv. Extra. Lea-Kim Lafrance et Romane Denis l'incarne a plusieurs ages de sa vie [ 52 ] . Cette serie s'intitule: Le monde de Gabrielle Roy [ 53 ] .

Quebec [ modifier | modifier le code ]

La premiere Bibliotheque Gabrielle-Roy , a Quebec telle que vue entre 1983 et 2019.

Œuvres [ modifier | modifier le code ]

Romans [ modifier | modifier le code ]

Recueil de nouvelles ou recits [ modifier | modifier le code ]

  • La Riviere sans repos (court roman precede de trois nouvelles esquimaudes), .
  • Cet ete qui chantait (recits), .
  • Un jardin au bout du monde (nouvelles), .

Nouvelles [ modifier | modifier le code ]

  • Ely ! Ely ! Ely ! , .
  • De quoi t'ennuies-tu, Eveline ? , .

Recueil d'essais, d'articles et d'ecrits divers [ modifier | modifier le code ]

  • Fragiles lumieres de la terre , .

Litterature d'enfance et de jeunesse [ modifier | modifier le code ]

  • Ma vache Bossie , .
  • Courte-Queue , ? Illustrations et mise en page de Francois Olivier.

Œuvres posthumes [ modifier | modifier le code ]

  • La Detresse et l'Enchantement (autobiographie), .
  • L'Espagnole et la Pekinoise ( ill.  Jean-Yves Ahern) (ouvrage de litterature jeunesse), .
  • Ma chere petite sœur. Lettres a Bernadette 1943-1970 , .
  • Le temps qui m'a manque (autobiographie), .
  • Contes pour enfants , ? inclus : Ma vache Bossie  ; Courte-Queue  ; L'Espagnole et la Pekinoise et L'Empereur des bois .
  • Le Pays de Bonheur d'occasion et autres ecrits autobiographiques epars et inedits , .
  • Mon cher grand fou… Lettres a Marcel Carbotte 1947-1979 , .
  • Ma petite rue qui m'a menee autour du monde , .
  • Femmes de lettres. Lettres de Gabrielle Roy a ses amies 1945-1978 , .
  • Rencontre et entretiens avec Gabrielle Roy 1947-1979 , .
  • Heureux les nomades et autres reportages , .
  • Cet ete qui chantait, suivi de deux contes pour enfants , .

Notes et references [ modifier | modifier le code ]

  1. (en) ≪  Births  ≫, sur Manitoba Vital Statistics Agency (consulte le ) ? Note. Il faut ecrire ≪ Roy ≫ et ≪ Gabrielle ≫ ou l'on demande le nom et le prenom puis cliquer sur la recherche.
  2. a et b Toussaint 2006 , p.  18.
  3. a et b Ricard 1996 , p.  45.
  4. Ricard 1996 , p.  50.
  5. Ricard 1996 , p.  51.
  6. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak al et am Francois Ricard, ≪  Gabrielle Roy (1909-1983)  ≫, sur le site de la Fondation Lionel-Groulx , (consulte le )
  7. Ricard 1996 , p.  79.
  8. ≪  Gabrielle Roy  ≫ (sa carriere enseignante), sur le site du Musee canadien de l'Histoire (consulte le )
  9. Ricard 1996 , p.  132.
  10. Ricard 1996 , p.  139.
  11. Ricard 1996 , p.  169.
  12. a et b Ricard 1996 , p.  181.
  13. Ricard 1996 , p.  182.
  14. Ricard 1996 , p.  192.
  15. Ricard 1996 , p.  189.
  16. Ricard 1996 , p.  190.
  17. Voir Gabrielle Roy, ≪  Quatre lettres inedites de Gabrielle Roy [a Marcel Carbotte]  ≫, Etudes francaises , vol.  33, n o  3,‎ , p.  85-92 ( lire en ligne ) ), et Sophie Marcotte, ≪  ‘‘Mon cher grand fou...’’ : dialogue et/ou monologue amoureux dans les lettres de Gabrielle Roy a Marcel Carbotte (1947-1950)  ≫, Etudes francaises , vol.  33, n o  3,‎ , p.  93-102 ( lire en ligne ) .
  18. Ricard 1996 , p.  246.
  19. Ricard 1996 , p.  322.
  20. Ricard 1996 , p.  398.
  21. Ricard 1996 , p.  465.
  22. a et b Noubani , p.  2.
  23. a et b Ricard 1996 , p.  494.
  24. Noubani , p.  3.
  25. a et b Noubani , p.  4.
  26. Noubani , p.  6.
  27. Ricard 1996 , p.  16.
  28. a b c et d Toussaint 2006 , p.  33.
  29. a b et c Toussaint 2006 , p.  36.
  30. a et b Toussaint 2006 , p.  37.
  31. Toussaint 2006 , p.  38.
  32. Toussaint 2006 , p.  39.
  33. a et b Toussaint 2006 , p.  40.
  34. Toussaint 2006 , p.  41.
  35. Toussaint 2006 , p.  43.
  36. Toussaint 2006 , p.  45.
  37. Ricard 1996 , p.  432.
  38. a et b Toussaint 2006 , p.  54.
  39. Toussaint 2006 , p.  59.
  40. Toussaint 2006 , p.  57.
  41. Toussaint 2006 , p.  62.
  42. Toussaint 2006 , p.  68.
  43. ≪  Obtention du prix Femina par Gabrielle Roy pour le roman ≪Bonheur d'occasion≫  ≫, sur bilan.usherbrooke.ca (consulte le )
  44. ≪  Liste des recipiendaires du prix Athanase-David  ≫, sur Prixduquebec.gouv.qc.ca (consulte le )
  45. ≪  Inauguration de l'ile Gabrielle Roy dans la riviere de la Poule d'Eau  ≫, Cahiers franco-canadiens de l'Ouest , vol.  2, n o  1,‎ , p.  91-95 ( lire en ligne )
  46. Jennifer Magher, ≪  L’Ecole Gabrielle-Roy fete ses 25 ans a Surrey  ≫, sur Radio-Canada , (consulte le )
  47. ≪  Un billet de 20 $ a l'epreuve de la contrefacon  ≫ , sur ici.radio-canada.ca , Radio-Canada, (version du sur Internet Archive ) .
  48. ≪  La Banque du Canada emet la coupure de 20 dollars en polymere  ≫, sur banqueducanada.ca , Banque du Canada , (consulte le ) . [source insuffisante]
  49. ≪  archive Gabrielle Roy, la centenaire  ≫ , sur Radio-Canada , (archive sur Internet Archive ) .
  50. L'Œuvre artistique dans les billets de banque canadiens , Banque du Canada, , 128  p. ( ISBN   0-660-63246-2 , lire en ligne ) .
  51. ≪  Lieu historique national du Canada de la Maison-Gabrielle-Roy  ≫, Annuaire des designations patrimoniales federales , sur Parcs Canada (consulte le ) .
  52. Denis Saint-Amand et Lea Tilkens , ≪  Barbouillages et interpolations. Les affiches publicitaires detournees de L’internationale hallucinex (1970)  ≫, Langage et societe , vol.  N° 174, n o  3,‎ , p.  95?114 ( ISSN   0181-4095 , DOI   10.3917/ls.174.0097 )
  53. ≪  Gabrielle Roy en retrospective  ≫, sur Le Devoir (consulte le )
  54. Gouvernement du Quebec , ≪  Le Jardin au Bout du Monde  ≫, sur Commission de toponymie du Quebec , (consulte le ) .

Annexes [ modifier | modifier le code ]

Bibliographie [ modifier | modifier le code ]

  • Francois Ricard, Gabrielle Roy, une vie , Montreal, Boreal, , 680  p. ( ISBN   9782764600139 , OCLC   35940894 ) .
  • Ismene Toussaint, Gabrielle Roy et le nationalisme quebecois , Montreal, Lanctot Editeur, , 92  p. ( ISBN   2894853467 , OCLC   180689197 ) .
  • Tina Noubani, Le Canada dans l’œuvre de Gabrielle Roy (memoire de M.A. (Langue francaise et litterature)), Universite McGill,
  • Angelica Werneck, Memoires et desirs : Marguerite Duras , Gabrielle Roy , l'Harmattan,
  • Cecilia W. Francis, Gabrielle Roy, autobiographe : subjectivite, passions et discours , Presses de l'Universite Laval,
  • Estelle Dansereau, ≪  Construction de lecture. L'inscription du narrataire dans les recits fictifs de Maillet et de Gabrielle Roy  ≫, Francophonies d'Amerique , n o  9,‎ , p.  117-131 .
  • Andree Ferretti , ≪  La Petite Poule d’Eau : Heureux les cœurs purs  ≫, Nuit blanche , magazine litteraire , n o  132 ≪ Dossier Gabrielle Roy ≫,‎ , p.  47-49
  • Jean Morency et James de Finney, ≪  La Representation de l'espace dans les œuvres de Gabrielle Roy et d' Antonine Maillet  ≫, Francophonies d'Amerique , Universite Mount Allison , n o  8,‎ , p.  5-22 .
  • ≪  Le Survenant et Bonheur d’occasion  : rencontre de deux mondes  ≫, Etudes francaises , vol.  33, n o  3,‎ , p.  145 ( lire en ligne ) . ? Numero prepare par Pierre Nepveu et Francois Ricard
  • Albert Le Grand, ≪ Gabrielle Roy ou l’etre partage ≫, Etudes francaises , vol.  1, n o  2, juin 1965, p.   39-65 ( lire en ligne ).
  • Carol J. Harvey, Le cycle manitobain de Gabrielle Roy , Saint-Boniface, Ed des Plaines,
  • Gabrielle Roy et Georges Bugnet , ≪  Paysages litteraires de l'Ouest canadien  ≫, LitteRealite , Universite York , vol.  6, n o  2,‎ , p.  53 ? 67 ( DOI   10.25071/0843-4182.26800 )
  • ≪  Gabrielle Roy et l’espace eclate  ≫, Cahiers franco-canadiens de l'Ouest , vol.  6, n o  2,‎ , p.  201 - 221 ( lire en ligne )
  • ≪ Gabrielle Roy, traductrice ≫ , dans Gabrielle Roy traduite , Quebec, Claude La Charite, Tatiana Arcand. Nota Bene, , p.  195-214
  • Adrien Rannaud, ≪  Desirs d’amour, magazine et culture moyenne chez Gabrielle Roy. Autour de trois nouvelles sentimentales publiees dans La Revue moderne en 1940  ≫, Etudes francaises , vol.  58, n o  1,‎ , p.  77-94 ( lire en ligne )

Articles connexes [ modifier | modifier le code ]

Liens externes [ modifier | modifier le code ]