Un
four a bois
est un four utilisant, comme combustible, le bois et dans lequel les cendres vegetales peuvent egalement, dans certains cas, etre utilisees a des fins de
glacure
.
Les fours a bois ont ete les premiers fours utilises pour la cuisson des
ceramiques
. C'est a eux que l'on doit la production en Chine et au Japon des tres beaux
celadons
et autres ceramiques de valeur.
Bien qu'ils puissent atteindre des temperatures suffisantes pour produire de la
porcelaine
, ils exigent cependant une grande maitrise dans le choix du bois de chauffe, la preparation, la conduite et la surveillance de la cuisson.
Il existe plusieurs types de fours a bois pour la ceramique. Ces fours ont connu de multiples variantes et evolutions, guidees par plusieurs imperatifs :
- Atteindre des temperatures plus elevees pour vitrifier les
porcelaines
, environ
1 350
°C
, ou creer de nouveaux effets de
glacures
.
- Augmenter leur capacite, les fours chinois pouvant cuire simultanement plusieurs milliers de pieces afin de repondre a l'engouement pour leurs productions.
- Reduire les temps de cuisson afin d'economiser le combustible et d'accelerer la fourniture des pieces.
- Mieux controler les cuissons reductrices necessitees par la production des
gres
et de certains emaux.
- Actuellement il existe des recherches pour que ces fours a bois emettent moins de particules fines et soient moins energivore tout en offrant des resultats similaires.
Les fours a bois peuvent etre :
- a flamme directe
, type Anagama, dans lesquels les flammes traversent l'empilage des pieces a cuire avant de s'echapper par une cheminee ;
- a flamme renversee
, les flammes etant guidees vers la voute et rabattues pour une cuisson plus homogene. Ce modele fut mis au point a la
Manufacture nationale de Sevres
;
- a chaleur radiante
, le contact direct avec les flammes etant remplace par une circulation de la chaleur dans des canalisations (fours de moufle, fours a tubulures).
Les fours les plus primitifs sont de type
four semi-enterre
avec un foyer et une chambre de cuisson separes par une sole portee par un pilier central. Ils sont couverts d'un dome en argile ou en brique crue a l’interieur d’une enveloppe de pierres. Les voutes de ces fours incorporent frequemment des fragments de poteries issus de precedentes cuissons. Ces fours depassent rarement
800
°C
.
Les
fours couches
, dans lesquels le tirage est horizontal ou oblique, exploitent la pente d'une colline, et vraisemblablement, a l'origine, la presence de grottes. Ces fours, tres repandus en Asie du fait de la topographie, comportent une chambre (Anagama) ou une succession de chambres ascendantes (
four dragon
ou Noborigama). On les trouve en exploitation en Chine des le
XVII
e
siecle
av. J.-C.
Ils apparaissent en France en
Puisaye
au
XVI
e
siecle et a
Malicorne-sur-Sarthe
au
XIX
e
siecle.
Dans les
fours verticaux
, le foyer est situe en partie basse, sous un ou plusieurs etages de pieces a cuire. Cette disposition permet d'exploiter rationnellement les diverses temperatures en fonction des pieces a cuire. La partie basse est reservee a la cuisson d'emaillage, les chambres superieures a la
cuisson de degourdi
[
1
]
et au rechauffage des
casettes
[
2
]
.
Du fait des contraintes techniques inherentes a la construction de ce type de four, il faudra attendre 1797, a Berlin, et 1810, a Sevres, pour le voir apparaitre.
- Le four dragon
type Noborigama
[
3
]
(chinois :?? ; pinyin : longyao). Ces fours couches a chambres ascendantes furent utilises des l'epoque
Shang
dans la province du
Zhejiang
, et devinrent des lors tres populaires dans le sud de la Chine. Il s'agit de fours construits sur une pente de 8 a 20 degres, de tres grande taille, puisqu'ils avaient souvent de 30 a 80 metres de longueur, et de grande capacite. Ces fours
longyao
etaient chauffes au bois, et pouvaient atteindre des temperatures depassant
1 200
°C
[
4
]
.
- Le four Anagama
. Sa chambre unique et sa haute cheminee assurent un excellent tirage. Il permet des cuissons plus rapides et une moindre consommation de combustible. Introduit durant le
XVI
e
siecle (Dynastie Ming).
- Le
four vertical type
Sevres
. Six grands fours a bois seront construits en 1877 sous la direction d'
Ambroise Milet
. Ces fours sont aujourd'hui classes
monuments historiques
.
- Le bois utilise pour chauffer ces fours est exclusivement du bois de
bouleau
. Sa combustion forte et rapide est uniforme, sa flamme est longue et il degage peu de cendres. Ce bois est le seul capable de porter le four aux temperatures recherchees (petit feu vers 800 °C, grand feu vers 1300 °C). Ce four possede quatre foyers pour bien repartir la chaleur.
- Une cuisson necessite 25 steres de bois qui seront brules en une journee et demie avec une technique precise de montee en temperature. Le four met ensuite entre quinze et vingt jours pour se refroidir.
- Le
four a moufle
comporte une double enveloppe. La chaleur circule entre les deux parois externes, evitant le contact direct des flammes et des cendres avec les pieces a cuire. Les
casettes
utilisees lors de l'enfournement des pieces delicates representent un modele simplifie de moufle. Le moufle peut prendre egalement la forme d'une chambre interne en materiau refractaire dans laquelle sont placees les pieces a cuire
[
5
]
.
- Le
four a recuperation de chaleur
permet de recycler la chaleur evacuee par la cheminee pour prechauffer l'air primaire avant que celui-ci n'entre dans l'alandier et alimente le feu en oxygene. Ce type de four permet d'economiser beaucoup de bois en evitant l'entree d'air froid. Les fours traditionnels types Sevres ont donne naissance au four Phoenix a recuperation, mais d'autres fours plus evolues comme le four Feller permettent de cuire un metre cube de ceramique avec un metre cube (1 stere) de bois.
Les fours a bois ont la particularite de projeter des cendres sur les pieces en cours de cuisson. Ces cendres, chargees en oxydes metalliques, modifient la couleur de l'email a la surface des ceramiques.
Les premieres poteries en porcelaine ont ete fabriquees dans des fours a bois. Pour preserver leur blancheur, il a fallu proteger les ceramiques contre les depots de cendres par un systeme de
casettes
. Ce procede sera utilise jusqu'a l'introduction des
fours de moufle
dans lesquels la flamme passe dans des conduits qui la separent des pieces a cuire.
Les pieces contemporaines dites ≪ brutes ≫ utilisent l'effet des braises sur le materiau ceramique. Cet effet attaque les surfaces du materiau et donne un rendu tres chaotique recherche par les amateurs.
La conduite de la cuisson d'un four a bois est tres delicate et requiert une certaine experience. Elle peut durer de quelques heures a quelques jours voire quelques semaines. Elle se deroule en plusieurs phases:
- Le
bassinage
: il consiste a faire s'evaporer l'eau presente dans les ceramiques. Les ceramiques recelent generalement une ≪ eau de faconnage ≫. Meme une ceramique seche contient encore de l'eau en raison de l'humidite de l'air. Le bassinage s'arrete quand le four atteint environ
100
°C
dans tout son volume.
- Le
petit feu
: il s'agit de monter de
100
°C
a
1 000
°C
. Durant cette periode delicate, jusqu'a
300
°C
notamment, des explosions de pieces peuvent survenir si l'on monte trop vite en temperature. Ces explosions viennent de l'eau encore presente dans les pieces (eau dite ≪ chimique ≫ ou ≪ de composition ≫).
- Le
grand feu
: de
1 000
a
1 250
°C
-
1 280
°C
(cuisson de gres) ou
1 350
°C
(cuisson de porcelaine), il s'agit de donner au tesson sa solidite finale
[
6
]
et de permettre aux emaux de fondre.
La succession des atmospheres oxydantes et reductrices
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A chaque fois que le cuiseur met du bois dans l'
alandier
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7
]
, le bois se consume en consommant beaucoup d'oxygene. Pendant le petit et surtout le grand feu, l'air est en quantite insuffisante pour apporter tout l'oxygene requis par la cuisson. Cela cree une atmosphere reductrice qui change la nature et l'apparence de la terre et des emaux. Entre deux charges de bois, une atmosphere neutre ou oxydante peut parfois apparaitre si le cuiseur ne recharge pas aussitot. Cela cree un cycle d'oxydation et de reduction particulier que l'on ne peut pas trouver naturellement dans un four electrique.
Ce cycle provoque des changements sur les pieces et donne un caractere tout a fait specifique aux pieces cuites au bois, qui vient s'ajouter aux effets de l'email de cendre.
Durant le
petit feu
, c'est principalement la terre et certains emaux (comme le rouge de cuivre appele ≪ sang de bœuf ≫) qui sont affectes par ces cycles de reduction.
Durant le
grand feu
, ce sont les emaux qui sont principalement affectes par les reductions, la terre etant deja ≪ fermee ≫ donc moins sensible a la reduction.
Pour produire des temperatures de
1 200
°C
et plus, seul du bois sec de trois ans au moins permet de monter correctement en temperature. Tous les bois ne sont pas adaptes a la cuisson, on preferera :
Le bois doit etre refendu, la cuisson avec de grosses buches etant utilisee uniquement pour le bassinage. Parfois on utilise meme des buches de bois vert ou pas completement sec afin de ne pas avoir une montee de temperature trop brusque pendant le bassinage et un feu lent et continu. En fin de cuisson, l'utilisation de boisseaux ou ≪ bourres ≫, qui sont de fines branches attachees entre elles en bottes, permet une production rapide de temperature. En effet, les derniers
100
°C
ou
200
°C
sont les plus difficiles a atteindre.
La temperature dans un four a bois etait traditionnellement suivie grace a des cones pyrometriques qui se penchent et s'affaissent a une temperature donnee. Il existe les cones Orton et les cones Seger. Ils sont numerotes et fondent chacun a un niveau de temperature.
On utilise aujourd'hui un pyrometre et une sonde a thermocouple qui donnent une lecture permanente et plus precise de la temperature.
Une autre maniere est la methode visuelle: la couleur du four commence par un rouge profond a
650
°C
et finit par un blanc brillant semblable a celui du soleil a
1 280
°C
et
1 300
°C
.
Dans la cuisson au bois, la periode la plus delicate pour le controle de la temperature est souvent le bassinage. Si la temperature augmente trop rapidement, l'eau contenue dans les pieces (eau de faconnage utilisee pour realiser la piece ou bien eau chimique qui lie certaines molecules dans l'argile en train d'etre cuite) peut subitement se transformer en vapeur alors qu'elle est enfermee dans le tesson en train de cuire. La vapeur d'eau a l'etat gazeux exerce alors une pression interne qui fait exploser la piece. Les pieces qui l'entourent sont souvent egalement detruites.
Afin d'eviter ces incidents, le conducteur de cuisson realise, en debut de cuisson, une montee en temperature tres progressive. Une feuille de papier journal est placee dans le four. Celle-ci s'enflammera spontanement a partir de
177
°C
. Une autre methode consiste a placer un miroir au-dessus de la cheminee pour voir si de la vapeur d'eau se condense sur sa surface. Dans ce cas, de l'eau est toujours en train de s'evacuer des pieces, et la temperature ne peut pas etre trop augmentee.
- ↑
Pre-cuisson de la pate entre 800 et 1 000 °C pour faciliter l'emaillage.
- ↑
Caissons en terre cuite refractaire dans lesquels on place les pieces a cuire lors de l'enfournement pour les proteger de la flamme directe.
- ↑
≪
Outils [Collection Grandidier de ceramiques chinoises]
≫, sur
guimet-grandidier.fr
(consulte le
)
- ↑
He Li,
La Ceramique chinoise
, 1998, page 337.
- ↑
≪
Les anciens fours Royal Boch
≫, sur
tchorski.morkitu.org
(consulte le
)
- ↑
Le tesson est dit ≪ ferme ≫, c'est-a-dire non poreux.
- ↑
Foyer d'un four de ceramiste.
- La Ceramique chinoise
, He Li,
Thames & Hudson
, 2006
(
ISBN
2-87811-270-9
)
- Vocabulaire technique de la Ceramique
, ouvrage collectif, Editions du patrimoine, 2001,
(
ISBN
2-85822-657-1
)
- ≪ Les fours ≫, Dossiers d'
Argile
n° 5, Banon, 1990. Bel ouvrage collectif sur les fours a bois, dirige par
Camille Virot
- Architecture de feu, quelques fours de La Borne
, editions ARgiles, Camille Virot
(
ISBN
2-909758-15-X
)
- Pottery kilns - Fours de potiers
, Andreas Heege, ≪ Topferofen - Die Erforschung fruhmittelalterlicher bis neuzeitlicher Topferofen (6.-20. Jh.) in Belgien, den Niederlanden, Deutschland, Osterreich und der Schweiz ≫.
Basler Hefte zur Archaologie
4. Basel 2007 (2008)