Elena Dmitrievna Stassova
(en
russe
:
Елена Дмитриевна Стасова
), nee le
a
Saint-Petersbourg
et morte le
a
Moscou
, est une militante et dirigeante
bolchevique
, secretaire du parti bolchevique et leader d’organisations communistes internationales.
Premiers pas dans l'action revolutionnaire
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]
Elena Stassova est issue d’une celebre famille de l’
intelligentsia
russe, les Stassov. Son grand-pere
Vassili
est un architecte de renom, son oncle,
Vladimir
, un critique
slavophile
celebre, ami de
Moussorgski
, fondateur, en 1859, de la
Societe musicale russe
. Son pere, Dmitri Stassov (1828-1918) est quant a lui un avocat repute du barreau de la capitale, auteur de nombreux essais de droit
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1
]
, et sa tante la feministe
Nadejda Stassova
.
Jusqu'a son adolescence, Elena Stassova suit les lecons d’un precepteur. Elle entre ensuite au lycee ou elle fait preuve de bonnes aptitudes puisqu’elle obtient son certificat de maturite en 1890, a 17 ans, avec une medaille d'or. Diplomee en langue russe et en histoire, elle souhaite suivre des etudes medicales mais suivant en cela la tradition familiale tournee vers la
philanthropie
, elle choisit ensuite l’enseignement. Institutrice dans une ecole de jeunes filles, elle donne des cours le dimanche dans les quartiers ouvriers, activite qui lui fait rencontrer
Nadejda Kroupskaia
en 1893.
Influencee par son pere qui la soutient dans cette voie, elle combat l’
autocratie
et commence peu a peu a s’interesser au
marxisme
. Des 1898, elle devient un membre actif de ≪ l’Union de lutte pour la liberation de la
classe ouvriere
≫, fondee trois ans plus tot par
Lenine
, et embryon du prochain
POSDR
.
Lors de la creation du nouveau parti, elle prend tres rapidement des responsabilites, compte tenu des arrestations nombreuses de membres plus anciens qui deciment l'appareil. Devenue experte dans l’indispensable gestion du secret, elle gere les details materiels, recherchant de locaux pour tenir les reunions, abriter des militants, imprimer les tracts et distribuer les journaux
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2
]
.
Secretaire du Comite, responsable du POSDR dans le nord de l’Empire, elle voyagea dans toute la Russie. Emprisonnee pour avoir diffuse des œuvres hostiles au gouvernement, elle sortit de prison quelques mois plus tard avec l’aide de son pere et son frere, magistrat, qui reussissent a la faire liberer sous caution.
Sans abandonner ses activites revolutionnaires, elle s’exile en
Suisse
en 1905
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]
, puis passe l’annee suivante en
Finlande
pour organiser une contrebande d’armes et de propagande avec la
Suede
. Malade, elle est envoyee en 1907 dans le
Caucase
pour y ameliorer sa sante. Elle represente le POSDR a
Tiflis
et cotoie alors les deux chefs locaux,
Staline
(alias Koba) et
Ordjonikidze
. Elle y prepare la conference de
Prague
de 1912, moment ou, apres la reunification en 1906 entre bolcheviques et mencheviques, les premiers se separent definitivement des seconds.
Arretee en
Georgie
en
, elle est ensuite deportee dans le
gouvernement du Ienissei
, ou les conditions sont relativement severes. Elle reste en
Siberie
jusqu’en 1916, date a laquelle, malade, elle obtient du pouvoir tsariste de venir se soigner a Saint-Petersbourg.
Secretaire du comite central du Parti bolchevique
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C’est dans la capitale que la surprend la
revolution de fevrier
. Membre du comite central, Elena Stassova joue, une fois encore, un role important dans l’organisation materielle du Parti. Elle est chargee des aspects techniques et repond aux innombrables problemes qui se posent avec la legalisation. Elle enregistre ainsi, role cle du secretariat, les bolcheviks qui sortent de clandestinite et met sur pied tout le fonctionnement de la structure. Stassova tient les comptes rendus des reunions du Comite central, gere les comptes financiers du Parti et enfin coordonne l’action des cellules ouvrieres dans les usines et les ateliers
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.
Elena Stassova en discussion avec Lenine lors du Congres du Komintern de 1920.
Du fait de l’importance de ses responsabilites, elle est rapidement cooptee au sein du comite central du Parti. Elle est alors en contact permanent avec Lenine et soutient quand il le faut le projet d’insurrection armee qui donne en
le pouvoir au POSDR.
En 1918, elle entre au presidium de la
Tcheka
de Petrograd. Adjointe de
Sverdlov
dans un secretariat qui prend de plus en plus d'ampleur avec l'arrivee au pouvoir, elle succede a son collegue en mars 1919 apres sa disparition brutale
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]
. Elle met toute son energie a ameliorer l'organisation de l'administration centrale du Parti ? l'Orgburo ? avec des resultats variables, au point de pousser Lenine a creer en
une direction collegiale pour ameliorer l'efficacite de l'appareil. Elle est ainsi remplacee par
Krestinski
associe a deux autres secretaires,
Serebriakov
et
Preobrajenski
, ce dernier se revelant, du fait des circonstances, le plus actif des trois. Avec moins de 100 permanents au debut de 1919, lors de sa creation, le secretariat du Parti en comptera plus de 600 en
.
Le fichier des militants difficilement acheve en 1922, Staline prendra les renes, inaugurant la fonction nouvelle de secretaire general consideree, a tort, de niveau secondaire car technique par les leaders les plus en vue comme
Trotski
,
Zinoviev
ou
Kamenev
.
En 1920, Elena Stassova se rend a
Bakou
pour preparer le premier et unique Congres des peuples de l'Orient, manifestation qui aura un fort retentissement dans tout l’ancien empire tsariste, notamment dans les provinces musulmanes. A cette epoque, elle commence aussi a œuvrer au sein du nouveau
Komintern
, organisme qui va appuyer le developpement du communiste international.
En
, elle est envoyee en
Allemagne
pour le representer mais aussi controler les prises de position du
KPD
. Camouflee sous une fausse identite, elle acquiert la nationalite allemande grace a un mariage blanc et reste dans le pays jusqu’en 1926.
Madeleine Rolland
, Elena Stassova (au milieu) et
Gabrielle Duchene
en aout 1934 au rassemblement mondial des femmes.
Madeleine Rolland
, Elena Stassova et Gabrielle Duchene (a droite) en aout 1934 au rassemblement mondial des femmes.
Presidente du
Secours rouge international
a sa creation en
, elle assure jusqu’en 1937 cette direction qui lui fait connaitre et apprecier
Clara Zetkin
, qui œuvre a ses cotes. Elle en fait, sous couvert de charite, un instrument efficace de propagation du communisme a l'etranger. Derniere action avant sa retraite politique, qui sera parallele a la montee au pouvoir de Staline, Stassova intervient en
a
Amsterdam
au
Congres mondial de lutte contre la guerre imperialiste
, manifestation pacifiste lancee par
Romain Rolland
et
Henri Barbusse
qui sert de tribune aux communistes sovietiques.
Marcelle Leroy
correspond avec elle pour agrandir le nombre de membres de l'antenne belge du
Comite mondial des femmes contre la guerre et le fascisme
(CMF)
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6
]
.
A la fin des
annees 1930
, Stassova est peu a peu mise a l’ecart. Plusieurs sources indiquent que cette relative obscurite lui vaut sans doute d'etre epargnee. Divers temoignages montrent pourtant que Staline avait des griefs contre elle au plus fort des purges. Plus encore, elle fut de 1934 a 1943 membre de la Commission internationale de controle du Komintern, dont tous les participants furent liquides.
Elle reussit a echapper a toute arrestation. Ses prises de position temeraires en pleine ≪
Iejovtchina
≫ temoignent d'un certain courage. Elle defend ainsi publiquement, comme elle l'aurait fait a la tete du SRI, les victimes de la repression, souhaitant organiser pour eux des collectes de vetements et de colis de nourriture. Les employes du
Magazine international de litterature
qu’elle dirige a partir de 1939 et dont elle conservera la direction jusqu'en 1946, terrorises par cette initiative, se garderont bien de suivre cette recommandation.
Elena Stassova est ainsi le seul dirigeant de ce niveau et de cette generation a avoir echappe a la liquidation. Elle fut aussi l'une des tres rares femmes, avec
Alexandra Kollontai
et
Ines Armand
, a occuper des postes de premier plan au sein d'un Parti qui resta tres mesure dans ce domaine.
Mise a la retraite a la fin de la guerre, elle a ensuite, durant les annees 1950 et 1960, publie plusieurs livres de souvenirs, tous consacres a la defense des vieux bolcheviques malmenes sous Staline dont l’un, saluant vigoureusement l’action et la personnalite de
Boukharine
, lui vaut, en 1948, un blame du Comite central. Lors du
XX
e
congres du Parti communiste sovietique
, les revelations de
Khrouchtchev
lui furent si penibles qu'elle quitta la seance en larmes pour ne plus y retourner. Elle condamna ensuite, lors du congres de
, ou un hommage lui fut rendu par le Parti, dans un discours, les exces de la politique stalinienne. Stassova resta toutefois mesuree dans ses propos, d'abord parce qu'elle ne souhaitait pas eloigner les jeunes generations du communisme par exces de critiques et ensuite parce que vieille militante jusqu'au bout, elle estimait que le regime qu'elle avait contribue a installer prouverait finalement qu'il a ete capable d'ameliorer la vie des Sovietiques.
Derniere representante des fondateurs du POSDR, elle mourut a 93 ans, le
, a Moscou. Ses cendres sont placees dans le
mur du Kremlin
.
Creation en 1933 par le
Secours rouge international
lorsqu'elle le presidait, d'une ecole a
Ivanovo
accueillant les enfants de militants emprisonnes du monde entier ? dont de nombreux Allemands lors de son ouverture ? a ete baptisee du nom d'Elena Stassova (
Ivanovo International Boarding School
connue aussi sous le nom d'Interdom). Elle est devenue aujourd'hui un orphelinat.
- ↑
Il existe ainsi de nombreux portraits de la famille Stassov executes par
Ilia Repine
, notamment ceux de Vladimir et de la mere d'Elena, Polixena Stepanovna Stassova, nee Kouznetsova (1839-1918), dernier tableau date de 1879.
- ↑
Dans ses souvenirs publies a la fin de sa vie, Stassova raconte ainsi la premiere livraison, en 1901, de l'
Iskra
, tiree a 8 000 exemplaires, venus d’Allemagne en Russie par des voies detournees. Un des paquets d’imprimes fut envoye a son adresse sous l'apparence de publicite scolaire. Ignorant la teneur de ce colis, elle l'avait examine avant de l’ouvrir puis decouvrit avec surprise qu’il s’agissait des premiers exemplaires du journal de Lenine. Pour les distribuer, se sachant tres surveillee par l’Okhrana, elle les transporta en les melant aux cahiers de ses eleves.
- ↑
Cette annee-la, militante professionnelle, Stassova code et envoie a Lenine trois cents lettres par mois.
- ↑
Alexandra Kollontai
qui est exactement de la meme generation (nee en 1872) decrira avec une certaine admiration l’action de Stassova aux commandes de l'organisation du Parti :
≪
A clear, high brow, a rare precision in, and an exceptional capacity for work, a rare ability to 'spot' the right person for the job. Her tall, statuesque figure could be seen first at the Soviet at the Tavrichesky palace, then at the house of Kshesinskaya, and finally at Smolny. In her hands she holds a notebook, while around her press comrades from the front, workers, Red Guards, women workers, members of the party and of the Soviets, seeking a quick, clear answer or order.
≫
- ↑
Trotski raconte ainsi en 1925 le deces de Sverdlov :
≪ Nous etions a une reunion du Bureau politique quand Sverdlov, qui etait chez lui avec de la fievre commenca a aller plus mal. Elena Stassova, alors secretaire du Comite central, entra pendant la reunion. Elle venait de l'appartement de Sverdlov. Son visage etait meconnaissable. "Jacob Mikhailovitch va mal, tres mal" dit-elle. Un coup d'œil sur elle nous suffit pour comprendre qu'il n'y avait pas d'espoir ≫
- ↑
(en)
Jasmine
Calver
,
Anti-Fascism, Gender, and International Communism: The Comite Mondial des Femmes contre la Guerre et le Fascisme, 1934 ? 1941
, Taylor & Francis,
(
ISBN
978-1-000-77374-3
,
lire en ligne
)